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Les études sur les questions de sécurité en Asie Pacifique prennent de plus en plus d’importance. Longtemps contraint à un rôle marginal en raison de facteurs constitutionnels et externes, le Japon est désormais appelé à jouer un plus grand rôle dans les processus de paix tant de la région de l’Asie Pacifique que du système international. Mais il existe d’importantes lacunes sur le rôle et la fonction du Japon dans le domaine de la sécurité. Reconnu comme superpuissance économique globale et puissance politique régionale, le Japon demeure largement sous-évalué en tant qu’acteur dans le domaine de la sécurité. Le volume de Hugues offre une analyse originale de la politique de sécurité du Japon fondée sur trois approches différentes : conceptuelle, historique et politique.
L’auteur débute son texte en présentant un cadre d’analyse pour évaluer l’agenda de sécurité du Japon. Hugues avance un concept de sécurité qui inclut trois catégories d’acteurs (États, organisations et individus) opérant sous trois dimensions (militaire, économique et environnementale). Cette approche lui permet d’identifier une typologie de menaces pour chaque dimension, leur impact mutuel, leurs liens avec les différents acteurs et les différentes politiques pour résoudre les problèmes de sécurité.
L’auteur trace ensuite un portrait de l’évolution de l’agenda de sécurité de l’Asie de l’Est. À son avis, cette évolution s’effectue en fonction des processus de décolonisation, bipolarisation et globalisation et est concomitante à l’histoire de l’économie politique de la région, depuis la Seconde Guerre mondiale. L’effet cumulatif de ces trois processus a formé les caractéristiques des États et des organisations, créé les conditions d’insécurité en termes militaire, économique et environnemental et déterminé un éventail de réponses aux problèmes de sécurité.
Troisièmement, l’auteur examine la conception japonaise de sécurité sous la dimension militaire, économique et environnementale. En terme militaire, il démontre que toute la politique de sécurité du Japon est fondée sur une augmentation de ses capacités militaires indépendantes, le renforcement de l’alliance avec les États-Unis et le refus d’intégrer des cadres de sécurité multilatéraux. En terme économique, Hugues soutient que le Japon met l’accent sur l’importance de son poids économique pour appuyer sa puissance militaire comme solution à des problèmes de sécurité. L’auteur démontre que le Japon a continuellement investi dans des efforts de construction d’États par différents programmes de développement économique dans la région de l’Asie Pacifique, dans le but de réduire l’isolement de certains régimes politiques et d’amenuiser les disparités économiques tant nationales que régionales. L’objectif des gouvernements japonais consiste à s’attaquer aux principales causes de l’insécurité de la région. En terme environnemental, Hugues illustre que le Japon a régulièrement pris l’initiative d’articuler et de modeler des réponses aux problèmes de désastres naturels, d’épidémies et de pollution.
La fin de la guerre froide et les événements du 11 septembre 2001 ont entraîné une mutation de la notion d’ennemi désigné, une nouvelle typologie de menaces et une multitude de crises possibles. Désormais, il est impossible de concevoir et de faire respecter un système de sécurité qui recouvre la communauté internationale. Non seulement la notion de sécurité doit être redéfinie, mais plus particulièrement, elle force une extension des figures de perturbateurs, une atténuation de la notion militaire de la sécurité et une nouvelle connotation en termes d’exclusion, de fracture sociale et de problèmes environnementaux.
Le volume de Hugues vient donc alimenter les débats à la fois sur les politiques de sécurité et sur le rôle du Japon en Asie de l’Est. Ce livre apporte une contribution originale au concept de sécurité, en ajoutant à la dimension militaire, celles économique et environnementale. À cet égard, le premier chapitre est certes le plus intéressant. Le volume offre également une analyse approfondie de la problématique de sécurité du Japon et de l’ensemble de l’Asie de l’Est. On saura gré à l’auteur de démontrer que les orientations diplomatiques du Japon en termes de sécurité demeurent parfois problématiques en raison de la tendance de ce dernier à adopter une définition arbitraire de la sécurité humaine.
Le volume de Hugues est bien écrit et solidement appuyé par une bibliographie exhaustive. La principale critique réside dans la faiblesse de quelques interprétations qui sont marquées d’une certaine indigence en termes d’analyse, en raison de l’absence de données chiffrées. Sans remettre en cause certaines des conclusions de l’auteur, l’utilisation de cartes, graphiques ou tableaux aurait permis de mesurer et de comparer la contribution du Japon au processus de sécurité. En outre, il serait possible de mieux apprécier les différentes conséquences d’une modification de l’agenda de sécurité du Japon. Cet apport plus détaillé aurait fourni une meilleure évaluation de la trajectoire et de l’impact des politiques de sécurité du Japon. Ceci est d’autant plus important que la tendance qui se dessine présentement dans les politiques nippones indique un accroissement de la dimension militaire de la sécurité, au détriment de la dimension économique. Une telle approche pourrait signaler une érosion d’une notion «japonaise» de la sécurité qui a fortement contribué à l’agenda de sécurité en Asie de l’Est et qui a permis au Japon de jouer un rôle significatif, distinct et effectif pour la sécurité de l’Asie de l’Est.