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Un nombre croissant d’entités fédérées, interpellées dans leurs champs de compétences par les courants mondiaux, sont de plus en plus présentes sur la scène internationale. Leurs façons de s’investir varient. Certaines comme la Belgique favorisent des arrangements formels. D’autres optent pour des compromis imposés par leur constitution comme aux États-Unis et au Mexique. D’autres encore comme l’Australie s’en remettent aux règles juridiques. Au Canada, le Québec est sans contredit la province ayant développé la plus grande expertise internationale, bien que d’autres provinces aient également emboîté le pas dans cette direction[1]. L’action internationale du Québec pour sa part s’est développée en trois phases : la mise en place (1965-1985), la consolidation (1985-2002) et une nouvelle orientation qui ouvre l’action internationale du Québec sur une dimension de politique étrangère (2002-…)[2]. Ces phases ont été jalonnées par des énoncés de politique appelés livres blancs dans la tradition parlementaire.

Les trois énoncés qui font l’objet de cet article ont été produits sur une période de seize années. Le premier, Le Québec dans le monde. Le défi de l’interdépendance, a été publié à la fin de 1985, par le ministère des Relations internationales. Le deuxième, Le Québec et l’interdépendance. Le monde comme horizon, a été rédigé par le ministère des Affaires internationales en 1991. Le troisième s’intitule Le Québec dans un ensemble international en mutation. Plan stratégique 2001-2004. Publié par le ministère des Relations internationales au premier trimestre de 2001, ce document comporte suffisamment d’énoncés de politique pour être logé à la même enseigne que les deux autres et s’inscrire dans le même corpus, de même que ces derniers ne sont pas sans comporter des volets touchant à la gestion, l’administration et la planification stratégique de leur mise en oeuvre. Mais, au-delà des exigences purement statutaires qui auraient été satisfaites par la présentation d’un écrit assez succinct, le document de 2001 préparé par le ministère et entériné par le gouvernement constitue tout autant un énoncé de politique qu’une planification administrative. Seulement trois pages sur 71 touchent à la gestion et à l’administration. Par ailleurs, si l’on compare le Plan stratégique 2005-2007[3] au Plan stratégique 2001-2004, on se rend compte de cette différence marquée. Concrètement, le Plan stratégique 2001-2004 inclus dans le corpus de cette note de recherche, reprend une facture et une structure qui sont beaucoup plus près de celles épousées par les deux autres documents, les livres blancs désignés comme tels[4].

À l’effet de repérer des éléments discursifs et des actes de langage correspondant aux phases de l’action internationale du Québec, les documents ont été examinés sous l’angle du lexique employé, c’est-à-dire en faisant appel à des techniques de lexicométrie. L’approche a permis de constater que la dimension lexicale comporte des indices de changement dans le discours des divers gouvernements qui se sont succédé au pouvoir. Ce faisant, des éléments de continuité ont également été repérés. Ont ainsi été mis en évidence des coefficients de variation dans l’emploi de certains vocables-clés qui sont autant de comportements langagiers trahissant les préoccupations idéologiques des auteurs des textes. Les premiers résultats de l’investigation présentés ici ajoutent un angle d’interprétation sur la façon dont les gouvernements d’États fédérés façonnent, ne serait-ce que modestement, la réalité de la politique internationale.

I – Description liminaire du corpus

A — Premier document : Le Québec comme une partie du monde, 1985[5]

En 1985, le Parti québécois avait été au pouvoir depuis neuf ans. Bernard Landry, alors ministre des Relations internationales, dépose un énoncé de politique où sont consignés les principes qui fondent la relation du Québec au monde et les espaces dans lesquels ces principes devront s’appliquer. Inspiré des consultations publiques tenues l’année précédente[6], l’énoncé est une réponse à un besoin d’affirmation et d’une reconnaissance légitime de la part d’acteurs étrangers de la place du Québec sur la scène internationale. Les possibilités et les contraintes que rencontre un État fédéré sont dès lors explicitées et formellement couchées sur le papier. Le gouvernement de Pierre-Marc Johnson[7] fut donc le premier à définir clairement les fondements de la politique et ses principes directeurs « fondés sur les valeurs propres à notre société, à la fois fruits de son histoire et de sa culture ».

Dans une présentation matérielle sobre (ni notes en bas de page, ni graphiques, ni annexes), l’énoncé résume les fondements de la politique en évoquant les « acquis » constitutionnels. Un de ces fondements est la « doctrine Gérin-Lajoie » formulée en 1965 et qui stipule que le Québec peut intervenir sur la scène internationale dans des champs qui sont reconnus comme de sa compétence par la Constitution canadienne. Cette doctrine a été invoquée depuis par tous les gouvernements du Québec, peu importe leur allégeance. L’autre, moins explicite, est un principe identitaire voulant que la représentation que se fait un peuple de lui-même se construit par des renvois de l’image qu’il projette sur les autres peuples. Ces deux principes d’affirmation d’un peuple devant le monde extérieur et d’identité face à lui-même sont résumés ainsi : « Le Gouvernement propose donc, en matière internationale : « Que soit reconnue la situation spécifique du Québec en tout ce qui touche à ses compétences et à son identité, notamment dans le cadre de la Francophonie[8]. » Près du quart du document est consacré à l’établissement de ces principes et à l’affirmation d’une position idéologique sans équivoque sur la nécessité de cohérence des actions de l’État dans le but « d’éviter la dispersion de l’État sur la scène internationale », de promouvoir une « éthique de développement » dans le respect des droits de la personne, quitte, s’il le faut, à « contribuer à infléchir la politique étrangère du Canada ». Car le gouvernement central élaborant « une politique de compromis entre les intérêts parfois divergents des entités de la fédération », il est important que le gouvernement « veille à ce que les intérêts du Québec soient pris en compte dans l’élaboration et la mise en oeuvre de ces compromis ». Les rôles respectifs des deux entités demeurent toutefois distincts : « En tenant compte des orientations principales de la politique étrangère du Canada, le gouvernement du Québec doit poursuivre en matière de relations internationales des objectifs qu’exigent les intérêts du peuple québécois, en complémentarité avec ceux qu’assume le gouvernement canadien pour l’ensemble de la Fédération. »

Une fois établis les fondements et le cadre de la politique, l’énoncé de 1985 traite des aspects suivants des relations internationales :

  • les secteurs d’intervention : l’économie, la science et la technologie, la culture, autres politiques sectorielles telles que l’immigration, l’environnement et l’énergie ;

  • les champs d’intervention : les pays industrialisés, les pays en développement, la Francophonie, le Nord et les organismes internationaux ;

  • et les régions géographiques d’intervention : les États-Unis, la France, l’Europe, l’Asie, l’Afrique et le Moyen-Orient, l’Amérique latine et la région caraïbe.

C’est surtout par la culture et l’éducation (avec la France et la Francophonie notamment) que le Québec a affirmé ses assises[9]. Fait à retenir, l’économie est toutefois présente dans les trois modes d’intervention, mais surtout dans la partie sur les secteurs où les relations économiques internationales font une bonne place aux échanges avec les États-Unis.

Avec le changement de gouvernement en novembre 1985, cette formulation de politiques du Parti québécois ne sera pas officiellement mise en oeuvre. Néanmoins, il en est resté des éléments de continuité, notamment la volonté du gouvernement de Robert Bourrassa de centraliser l’action internationale du Québec par une loi annonçant la création du ministère des Affaires internationales[10].

B — Second document : L’énoncé de 1991[11]

Conformément à cette loi de 1988, le ministre des Affaires internationales dut concevoir une politique de relations internationales et la rendre publique. La chose fut faite en 1991 sous la forme d’un autre livre blanc. L’énoncé, reprend en substance les thèmes et les éléments de celui de 1985. À quelques détails près, l’ordre des domaines d’intervention, au nombre de sept, reste le même : 1) l’économie, 2) la science et la technologie, 3) la culture, les communications et la langue, 4) les ressources humaines, 5) les affaires sociales et l’environnement, 6) le rayonnement à l’étranger et enfin, 7) les relations intergouvernementales et institutionnelles. Les régions géographiques, désignées comme des « partenaires étrangers » auxquels sont associés dans la troisième partie du document « les partenaires québécois », sont partagées en fonction de ce que les affaires sont bilatérales : États-Unis, France, Europe, Asie et Océanie, Amérique latine et Antilles, Afrique et Moyen-Orient ; et multilatérales : la Francophonie et les organisations internationales.

L’énoncé de 1991 est le produit d’un gouvernement d’allégeance libérale et fédéraliste. Il survient alors que la période de consolidation de la politique internationale du Québec est bien amorcée. Ces caractéristiques ont assurément marqué le contenu du document. Le pragmatisme est une priorité incontournable et l’idéologie économique libérale préside à une définition de tous les enjeux. Au niveau domestique, le principe s’accommode du statu quo constitutionnel. Au niveau externe, il favorise une adaptation sine qua non à des conditions qui, aux yeux de l’auteur de l’énoncé, sont imposées par le phénomène désigné par le terme « mondialisation ». Cette mondialisation entraînerait comme conséquence inévitable la transnationalisation des rapports entre les États. On constate sans surprise qu’un positionnement idéologique légèrement différent distingue à maints égards l’énoncé de 1991 de celui de 1985. Mais nous y trouverons aussi des recoupements qui permettent de percevoir une certaine continuité dans la description et la prescription de l’action internationale du Québec.

C — Troisième document : Le Plan stratégique 2001-2004[12]

Le troisième document est une déclaration requise par la récente Loi sur l’administration publique du Québec[13]. Le ministère y est d’abord présenté, avec sa mission, sa clientèle et ses capacités d’intervenir dans l’espace international. Suit un rapport sur les réalisations pour la période de 1999-2001. Les contextes international et canadien tels qu’ils se présentent en 2001 sont par la suite décrits comme les réalités que le ministère doit prendre en compte. Dans un quatrième chapitre sont analysés les intérêts, les enjeux et les orientations possibles de la politique internationale du Québec. Enfin, le dernier chapitre constitue le plan stratégique proprement dit, c’est-à-dire les orientations, les objectifs et les points sur lesquels le Québec entend agir sur la scène internationale. Il compte intervenir en vertu de quatre fonctions : fonction politique, fonction d’affaires publiques, fonction d’intégration et fonction de gestion en regard de ses capacités organisationnelles.

Au-delà de la présentation formelle typique des documents administratifs gouvernementaux, se profilent des thématiques que l’on retrouve dans les livres blancs telles que des mises au point contextuelles, des objectifs à moyen terme (trois années dans ce cas-ci) ainsi que des capacités organisationnelles et des volontés politiques de les atteindre. Déposé par la ministre Louise Beaudoin, le texte révèle sa double nature politico-administrative par la signature de la sous-ministre, Martine Tremblay. Dans l’avant-propos, cette dernière prend soin de spécifier que le document est le produit de consultations internes au ministère et qu’il est rédigé à l’intention de trois types de lecteurs : un lecteur infra-étatique, en ce qu’il intéresse l’administration gouvernementale ; un lecteur civil, en ce qu’il accompagne une déclaration de service aux citoyens[14], enfin, un lecteur international puisque le document sera « lu par des spécialistes des affaires internationales et des diplomates étrangers[15] ». Des annexes l’accompagnent dont l’organigramme du ministère des Relations internationales (mri), signe de l’importance accordée à la structuration organisationnelle, la liste des délégations québécoises à l’étranger et l’organigramme de l’Organisation internationale de la Francophonie.

II – Fondement théorique

A — État des connaissances et méthode

L’examen que nous proposons est dans le prolongement d’une recherche effectuée au Centre québécois des relations internationales (cqri) et qui fait appel à des techniques d’analyse de discours. Au cours des années 1990, le cqri s’est penché sur un corpus de discours politiques (au sens usuel de proclamations oratoires) et de communiqués de presse produits au cours des trois décennies précédentes[16]. Le relevé des fréquences lexicales, aussi appelées « lexicométries » a permis de déceler les intentions des orateurs et leurs positions en matière de relations internationales, les secteurs à investir en priorité et les régions du monde à privilégier. Un pas important dans la compréhension du « comportement international » du Québec venait d’être franchi.

Quelques années plus tard, ce fut au tour des deux livres blancs de 1985 et de 1991 de faire l’objet d’une analyse de contenu par lexicométries[17]. Au-delà d’indications sur la fréquence des vocables employés, ces données ont permis de mieux définir les « univers » auxquels les textes font référence. Partant d’une technique psychanalytique mise de l’avant par Baldwin[18], un nombre remarquablement élevé d’occurrences du nom d’un pays, par exemple, serait l’indicateur du comportement des auteurs en raison de l’importance qu’ils accordent à ces partenaires étrangers. De telles occurrences furent autant d’indices pouvant témoigner des continuités et des ruptures entre les deux documents et qui ont caractérisé l’évolution des politiques internationales du gouvernement au moment où le Parti libéral était au pouvoir à Québec. Répondant à la suggestion de Bélanger, nous avons mené plus loin ce type d’exploration de la dimension lexicale des livres blancs en allant au-delà de la seule forme substantive des vocables comme l’avait fait le groupe du cqri et en considérant tous les dérivés d’un même lemme ou racine étymologique[19]. Cet article est un compte rendu de cette exploration à laquelle s’est ajoutée la prise en compte du troisième document du corpus. Il sera démontré qu’une quantification des fréquences lexicales permet d’établir qu’il existe une corrélation entre les éléments lexicaux et le comportement politique des auteurs. Procédons d’abord à un survol théorique du concept de discours et de l’approche lexicométrique.

B — Discours, actes de langage et lexicologie

Parmi les nombreuses définitions auxquelles s’est prêté le terme « discours », retenons celle d’Austin et Searle qui ont montré que toute énonciation, tout fait de langage ou toute parole, « constitue un acte (promettre, suggérer, affirmer, interroger…) qui vise à modifier une situation[20] ». Un des principes qui fondent l’approche par les actes de langage (ou speech acts ) consiste en ce que « tous les éléments possèdent intrinsèquement une valeur d’acte, et même d’assertion, qui ne se contentent pas de faire savoir à A ce que L pense de X, mais visent ce faisant à influer d’une manière ou d’une autre sur la manière de voir de A[21] ». Maingueneau fait valoir que « à un niveau supérieur, ces actes élémentaires s’intègrent eux-mêmes dans des discours d’un genre déterminé (un tract, une consultation médicale, un journal télévisé…) qui vise à produire une modification sur des destinataires[22] ». Le genre du livre blanc, comme toute déclaration de politique, débat législatif, expression textuelle des opinions de la société civile, etc., répond à cette fonction, et contribue ainsi à modifier des comportements, des façons de voir, des aspects de ce que collectivement nous considérons comme le réel. Nous sommes ici au coeur d’un des mécanismes de la politique étrangère que Bélanger « considère comme un mode d’énonciation spécifique de la réalité internationale qui produit des effets de construction identitaires […] un lieu stratégique d’articulation de différents systèmes d’identification collective[23] ».

Parmi les diverses approches développées en vue d’analyser l’aspect discursif des « macro-actes de langage[24] » que sont les documents du corpus, la lexicologie a démontré son utilité. Elle permet de décoder dans la fréquence des vocables employés ou dans leurs associations avec leur environnement immédiat (aussi appelé le co-texte) des indices révélant le comportement des auteurs[25]. Il y a un gain d’objectivation à fonder les analyses des textes sur les lexicométries obtenues ainsi que l’a démontré Alfred Baldwin dans son étude sur les structures de personnalité[26]. Ce dernier valorise trois éléments textuels : la fréquence, la pertinence (insight) et la contiguïté (la proximité dans le co-texte) de certains mots-clés à partir desquels l’observateur désire établir les structures de la personnalité des auteurs[27]. Dans le cas des trois documents de notre corpus, c’est la structure de la personnalité de l’État[28] vis-à-vis de sa politique internationale que nous tenterons de mettre en évidence.

C — Lexicométries

Les fréquences lexicales dont il sera question proviennent de deux sources. Celles sur les deux premiers énoncés sont tirées du rapport d’analyse de Bélanger[29]. L’auteur dans sa constitution d’univers lexicaux prend surtout en compte les substantifs, tels que « francophonie » ou des noms de pays : « États-Unis », « France ». En utilisant les fréquences présentées en annexes 1 et 2 de l’étude[30], nous avons pu examiner d’autres vocables dérivés de lemmes (ou racines) et dont la fréquence est un indice de préoccupation quant aux actions internationales que le Québec entend poser.

En ce qui concerne le Plan stratégique 2001-2004, nous avons eu recours à une autre source de données. Après normalisation et uniformisation, le texte fut traité par le logiciel Système d’analyse de texte par ordinateur (sato[31]). Les formes lexicales (ou lexèmes) ont été automatiquement répertoriées et classées selon divers ordonnancements (par fréquences, par ordre alphabétique, etc.). Il s’est agi enfin de « questionner » le logiciel afin d’en compiler les fréquences et de constater les variables entre les trois énoncés de politique. Le tableau 1 présente le résultat des fréquences répertoriées dans les trois énoncés de politique.

Tableau 1

Fréquences comparées de lemmes-clés à résonance idéologique

Fréquences comparées de lemmes-clés à résonance idéologique

Note [32]

Note [33]

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D — Choix lexical, idéologies et comportements

L’examen de quelques fréquences lexicales révèle comment et dans quelle proportion le choix lexical fait par les auteurs des textes du corpus reflète le processus de consolidation de la politique internationale du Québec. Les vocables employés contribuent à faire passer soit à l’avant-plan, soit au second plan certains enjeux et orientations présents dans chacun des documents du corpus. Les deux premiers se distinguent d’abord de façon très nette. La prise en compte du troisième, Plan stratégique de 2001-2004, tout en prolongeant la diachronie du phénomène observé, ajoute des points de repère nouveaux sur l’impact des actes de langage considérés. Une sorte de fléchissement qui peut être interprété comme un juste milieu pragmatique semble caractériser la position de ses auteurs.

Vu les limites imposées à cette recherche, une sélection de lemmes-clés a dû être effectuée. Ceux examinés correspondent essentiellement aux thèmes qui ont caractérisé la politique internationale du Québec en tant qu’État fédéré au cours de la période visée et qui, tout en attirant l’attention des observateurs[34], apparaissent comme les plus à même de refléter la « personnalité » et le « comportement » des gouvernements qui les ont produits : la transnationalisation comme fruit de l’internationalisation; la volonté d’agir, tant sur la scène nationale (à l’interne) que sur la scène internationale (à l’externe), et son pendant l’adaptation; la coordination des interventions; le rôle de l’État et du gouvernement québécois; les acquis sur lesquels s’appuient les politiques; la culture et l’immigration comme secteurs vitaux pour le Québec ; la solidarité et/ou le partenariat dans un univers d’interrelations ; enfin l’économie comme force d’articulation du paradigme mondialisé. Ce choix correspond en grande partie aux thèmes fondateurs de la politique internationale du Québec tels qu’ils ont été formulés dans l’énoncé de 1985, soit « les valeurs partagées par la société québécoise, les cadres institutionnels, la dynamique des relations internationales, l’économie des moyens et l’efficacité[35] ».

III – Analyse

A — Transnationalisation

On a constaté dans les relevés lexicaux effectués en 1996 le repli du Québec vis-à-vis du Canada dans l’énoncé de 1991 ainsi qu’un virage marqué depuis des préoccupations internationales vers des priorités transnationales[36]. Or, si l’on en croit la lexicométrie, cette transnationalisation dans le comportement de l’État connaîtrait un maintien en 2001. De 3 qu’il était en 1985 (0,0001), le lemme s’est manifesté 12 fois en en 1991 (0,0003) et 4 fois en 2001 (0,0002). L’énoncé de 1991, se démarque donc sensiblement des deux autres en nombre absolu d’occurrences, mais très peu en termes de fréquence relative. Le léger démarquage peut donc être perçu comme un élément de continuité d’un livre blanc à l’autre quant à cette orientation de politique particulière. Elle dénote à la fois une volonté d’agir et la reconnaissance d’une réalité internationale à laquelle il est nécessaire de s’adapter. Quoi qu’il en soit, le nombre comparé des lemmes correspond à la lecture que faisait Bélanger des deux premiers documents. Il en déduisait que la transnationalisation représentait une des tendances importantes des rapports du Québec avec les entités étrangères. Il semblerait toutefois que le plan de 2001 ramène le thème à une position plus modeste dans les préoccupations du ministère des Relations internationales.

B — Agir sur la scène internationale

Une analyse de discours dans les énoncés de 1985 et de 1991 a permis d’avancer qu’une attitude d’affirmation de l’État s’est modifiée au cours de la période. Surtout en regard du statu quo institutionnel où il agit. On constate une passivité et une acceptation en 1991 qui contrastent avec la détermination de 1985. À titre d’exemple, la fréquence totale des lemmes du verbe « adapter » est de 27 en 1985, et de 63 en 1991. Ils apparaîtront 15 fois en 2001, un recul considérable donc même en comparaison avec 1985. En revanche, la fréquence des lemmes du verbe « agir » est de 23 en 1985, de 32 en 1991 et de 26 en 2001. Les coefficients de proportionnalité indiquent un fléchissement en 1991 (de 0,0011 à 0,0009) suivi d’une légère remontée en 2001 (0,0011), des degrés de variation qui indiquent une continuité dans les comportements.

C — Agir sur la scène nationale

L’attitude des gouvernements à l’externe se vérifie également à l’interne. Le cadre institutionnel proposé en 1991 se distingue de celui proposé en 1985 en raison d’un certain nombre de points. Le cadre institutionnel est probablement l’aspect qui différencie le plus les énoncés, et donc l’idéologie de l’équipe politique au pouvoir. On remarque en effet l’évacuation hors du discours de 1991 de la possibilité de modifier le cadre institutionnel, c’est-à-dire la nature et la structure de l’appareil de l’État fédéré du Québec à l’intérieur de la fédération canadienne. Par conséquent, le processus de l’action internationale n’est plus perçu comme moyen de donner souffle à cet objectif d’affirmation lié à un nouveau statut constitutionnel pour le Québec. Il n’y a donc pas lieu, en 1991, de remettre en question les clauses pouvant donner au Québec plus de pouvoir sur la scène internationale, comme cela était suggéré en 1985. Le cadre existant suffit. La réapparition en 2001 d’une mise en garde en ce qui concerne le cadre constitutionnel est remarquable, quoique plus discrète qu’en 1985. On y lit que dans le contexte des négociations commerciales multilatérales, « le gouvernement du Québec doit être très vigilant pour être en mesure de préserver sa capacité d’agir et de maintenir sa marge de manoeuvre, en particulier dans ces secteurs sensibles sur le plan identitaire[37] ». La conclusion de cette entrée en matière en ce qui concerne « le plan politique » est éloquente d’une part sur le positionnement du gouvernement à cet égard et des effets de consolidation engendrés par la législation : « Du reste, la Loi sur le ministère des Relations internationales, fait obligation à la ministre de veiller au respect de la compétence constitutionnelles du Québec[38]. » Ce retour de la préoccupation constitutionnelle en 2001 expliquerait-il le repli de l’économie tel que le dévoile la lexicométrie ? Les signes de la volonté québécoise de prendre en main ses destinées internationales, d’agir à l’externe, sont révélateurs d’une maturité propice à la mise en place d’une véritable politique étrangère.

D — Cohésion

Les volontés d’agir tant à l’interne qu’à l’externe se reflètent dans la reconnaissance de la nécessité d’une plus grande cohésion dans les actions internationales. Cette reconnaissance s’observe dans des propositions de mettre sur pied des dispositifs visant à coordonner et à centraliser, soit au ministère des Affaires internationales (mai), soit au ministère des Relations internationales (mri), l’ensemble des activités à caractère international de tous les ministères et organismes. Or on observe, du moins dans la fréquence des dérivés de cohésion et de coordonner, des variations qui sont l’indice d’une constante entre les textes de 1985 et de 2001, alors que celui de 1991 indique un intérêt moins grand à cet égard. Totalisant les deux dérivés des deux lemmes-clés, nous obtenons 25 fréquences en 1985 (0,0012), huit en 1991 (0,0002) et 24 en 2001 (0,0011). Or, les mesures exigeant cohérence et coordination, celles concernant la structuration et l’institutionnalisation, ainsi que celles liées à l’organisation de l’appareil administratif d’État, visent des mises en oeuvre qui ont sans doute le plus grand impact sur la consolidation d’ensemble de la position du Québec.

E — Le rôle de l’État

Le rôle de l’État est un des thèmes où transparaît le plus le positionnement idéologique et le comportement des auteurs des livres blancs. À cet égard, le cinquième objectif ciblé en 1991 (« Développer une stratégie axée sur la recherche de l’effet multiplicateur ») est révélateur de ce rôle que le gouvernement entend jouer sur la scène internationale. Ce que l’on percevait en filigrane tout au long de l’introduction et du chapitre se définit clairement à la toute fin : « Le rôle du gouvernement […] signifie que dans le domaine de l’économie, de la science ou de la culture, par exemple, on s’attachera principalement, autour des priorités et des objectifs communs, à identifier et à appuyer l’entreprise, le produit et le client[39] ». Il n’est dès lors pas étonnant qu’en conformité avec « l’évolution des réalités intergouvernementales et institutionnelles » le rôle premier des gouvernements consiste à « gérer l’interdépendance[40] ». Or, selon les fréquences des vocables connotant à la libéralisation, sous-entendu « des marchés » et donc favorable à un désengagement de l’État, on remarque une nette montée de 4 en 1985 à 13 en 1991, pour les voir retomber à une seule en 2001. Les vocables du lemme « mondialisation » suivent sensiblement la même courbe soit : nul (0) en 1985, 44 en 1991, et 14 en 2001. En rapport avec le rôle que l’État doit ou devrait jouer sur la scène internationale, les vocables à connotation d’affirmation ou d’action (activité) ou d’adaptation (passivité) tels que démontrés plus haut corroborent la tendance observée. Le rôle de l’État, co-extensible aux champs d’intervention sur lesquels les trois documents s’entendent à quelques exceptions près, est plus ou moins précisé en ce qui concerne l’économie. L’intervention active en 1985 devient une intervention d’accompagnement en 1991, pour devenir une activité plus sereine en 2001.

F — La réalité économique

L’omniprésence du thème économique dans les trois textes tient du paradigme. Les fréquences se retrouvent parmi les plus élevées : 206 en 1985, 243 en 1991 et 66 en 2001. Toutefois, selon les coefficients obtenus (0,0095, 0,0069, 0,0029), leur séquence présente un fléchissement qui peut paraître équivoque à la lumière de ce que l’on sait sur l’importance accordée à cet enjeu par les gouvernements favorables à un désengagement de l’État dans les affaires publiques. Nous rencontrons sans doute ici une des limites de la méthode lexicométrique, limite qui nous renverrait à des recoupements et des mises en co-texte plus élaborés. Dans cet ordre d’idées, on ne saurait observer la manière dont sont traitées les questions d’économie, sans les relier aux facteurs qui lui sont connexes tels que la mondialisation, la libéralisation des marchés, le rôle de l’État, tel que mentionnés plus haut. Il en va de même des activités où sont mises en oeuvre les formulations à caractère économique. Ainsi, on remarque la présence importante de « commerce » en 1985 avec un coefficient de 0,0062, par rapport à 0,0058 en 1991, dans un document en apparence beaucoup plus enclin à valoriser ce concept. En 2001, la présence de « commerce » est, comme pour la plupart des autres lemmes-clés sélectionnés, fort modéré : 0,0011. Par contre, c’est en examinant les fréquences du lemme « entreprise » qu’un contre-balancement s’effectue : 86 avec un coefficient de 0,0040 en 1985, 265 avec un coefficient de 0,0075 en 1991 et 25 avec un coefficient modéré de 0,0011 en 2001. On serait en présence, non pas d’une baisse dans l’intérêt envers l’économie comme champ de l’action internationale, mais d’un déplacement depuis une intervention favorisant l’intérêt général dans le sens où l’entend le gouvernement antérieur, vers une intervention favorisant les intérêts particuliers. Ce qui concorde avec la transnationalisation qui se fait non pas tant grâce à des rapports entre les institutions étatiques mais entre les entreprises auxquelles est dévolue la mission de pourvoir à la prospérité collective. En revanche, si l’on regroupe les fréquences des lemmes « économie », « commerce » et « entreprise » nous obtenons :

  • en 1985 : 426 avec un coefficient de 0,0197 ;

  • en 1991 : 712 avec un coefficient de 0,0202 ;

  • en 2001 : 117 avec un coefficient de 0,0051.

Le Plan stratégique 2001-2004 offrirait donc les indices d’une baisse de préoccupation considérable envers des thèmes de nature économique, alors qu’on remarque une constante à cet égard entre les deux premiers livres blancs du corpus.

G — Culture et immigration

Objets distingués dans les trois documents, la culture et l’immigration n’ont pas droit à un traitement égal. Considérons la culture. Les fréquences successives sont : 167 en 1985 (0,0077), 271 en 1991 (0,0077) et 83 en 2001 (0,0037). Quant à l’immigration, la fréquence des vocables est successivement de 27 en 1985 (0,0012), de 46 en 1991 (0,0013) et de huit en 2001 (0,0004). Une mise au point s’impose si l’on veut faire une lecture nuancée de ces valeurs. Les termes « culture » et « immigration » n’ont pas les mêmes acceptions en 1985, en 1991 et en 2001.

Le pragmatisme économique est partout présent dans le document signé par le ministre Ciaccia en 1991. Cela se reflète aussi à l’égard de ces deux thèmes. Ainsi, alors que la culture est considérée comme un tout au sens anthropologique en 1985, elle se résume, en 1991, aux produits exportables et diffusables. Par exemple, en 1985, l’un des critères à l’investissement dans les activités culturelles comme l’édition et le cinéma consistait en ce que ces secteurs « doivent démontrer hors de tout doute que leur impact n’affectera pas l’épanouissement de la culture québécoise prise dans son sens le plus large[41] ». En revanche, la « culture », en 1991, est prise dans le sens restreint de produits culturels de divertissement[42]. En ce qui concerne le Plan stratégique 2001-2004, le « plan socioculturel », relativement succinct, s’insère parmi « Les intérêts, les enjeux et les orientations du Québec sur le plan international[43] ». La position du mri sur la culture des « peuples » (sic[44]) dans un contexte mondialisé est exprimée par une citation :

D’une part, il y a le désir normal d’un peuple de s’engager dans la mondialisation et de partager la prospérité du monde ambiant ; de l’autre, il y a le besoin de ce même peuple de préserver une partie essentielle de sa personnalité, à savoir sa spécificité culturelle, son âme, son rapport unique au monde[45].

Quant aux immigrants et réfugiés de 1985, ils deviennent en 1991 des apports importants en termes de main-d’oeuvre. Le sujet est abordé en effet dans le chapitre quatre intitulé Ressources humaines conjointement à la formation technique et aux échanges de jeunes[46]. Avec seulement huit occurrences y ayant trait dans le Plan stratégique 2001-2004, l’immigration ne semble plus préoccuper autant le ministère des Relations internationales en 2001 que les ministères responsables qui l’ont précédé (voir tab. 1 : 27 occurrences dans le livre blanc de 1985 et 46 dans le livre blanc de 1991). Curieusement, ce manque d’intérêt semble à contre-courant des inquiétudes partagées par plusieurs au sujet de la crise démographique qui pointe à l’horizon au Québec.

H — Solidarité ou partenariat

Deux autres vocables comportent des résonances idéologiques fortes, ceux de solidarité et de partenariat. Selon le tableau 1, les fréquences de vocables dérivés du lemme « solidarité » sont de 12 en 1985 (0,0006) et de 5 en 1991 (0,0001). Elles seront au nombre de 12 à nouveau en 2001 (0,0005). Les fréquences des vocables dérivés du lemme « partenaire » sont respectivement au nombre de 56 en 1985 (0,0026) et de 177 en 1991 (0,0050), alors qu’elles seront de 41 en 2001 (0,0018). Or, la solidarité, entendue comme l’entraide et la collaboration au sein des groupes en vue d’atteindre des objectifs communs, est davantage le fait de l’idéologie péquiste, alors que le partenariat, entendu comme une participation de l’entreprise privée aux affaires et aux services publics, relèverait davantage du credo libéral.

I — Administration/gestion

La lexicométrie serait dès lors porteuse d’indices sur deux credos économiques, qui se traduiraient par des formulations différentes de politiques internationales. On constaterait même à cet égard une variation à la baisse dans le document de 2001, ainsi que l’indique la fréquence des vocables à caractère économique. Or, on ne saurait manquer de considérer que ce dernier document, porte en bonne partie sur l’aspect administratif de la politique internationale, c’est-à-dire sur la dimension infra-étatique de son action. De même que dans l’énoncé de 1991, le lexème « économie » est distribué dans la plupart des champs d’intervention (santé, agriculture, tourisme, transport, recherche culture, etc.), ainsi en 2001, le fonctionnement administratif est-il présent dans l’ensemble du texte. Si sur cet aspect, il y a changement de l’un à l’autre des trois énoncés, il va dans le sens d’une plus grande préoccupation pour l’organisation interne du mri et pour sa gestion. Les dérivés combinés des vocables connotant à « administration » et à « gestion » sont au nombre de 24 en 1985, de 43 en 1991 et de 58 en 2001, avec les coefficients respectifs de : 0,0011, 0,0012 et 0,0025. Cette proportion peut paraître raisonnable dans un document qui est le fruit d’une législation dont la finalité est une saine administration des affaires publiques. Il n’en demeure pas moins qu’elle dénote également un souci d’encadrement dans l’aval des politiques en matière internationale, dans leur application, souci d’encadrement que le document de 1985 avait plutôt manifesté dans l’amont des principes, des doctrines et des fondements.

J — Politique étrangère

Comme nous l’avons vu, l’occurrence des vocables est un indice du comportement ou des préoccupations des auteurs. Toutefois, la participation du contexte et du co-texte entre pour beaucoup dans la construction du sens des énoncés. En tenir compte permettrait, au-delà des fréquences lexicales, de nuancer l’analyse. Considérer une expression comme « politique étrangère » où deux vocables sont associés constitue une mise en co-texte. D’une part, on ne peut inférer de la seule présence forte des dérivés de chacune des composantes de la dyade dans les trois énoncés (« étranger » : 158, 361, 150 ; et « politique » : 146, 148, 83) des préoccupations des auteurs envers le concept ou le projet spécifique de « politique étrangère du Québec », tel que distingué par Michaud et Ramet[47]. Cette présence ne peut être « lue » comme un indicateur valable. D’autre part, aucune donnée n’est disponible sur la fréquence de l’expression « politique étrangère » dans les deux premiers textes. Par contre, on sait que dans le document de 2001 où le vocable « politique » est présent 63 fois, et le vocable « étrangère » 20 fois, l’expression « politique étrangère » est présente 11 fois. Une telle fréquence trahit la volonté du Québec de se doter de moyens favorisant la mise sur pied d’une véritable politique étrangère, c’est-à-dire d’une politique qui, loin d’être seulement réactive aux contraintes externes, serait proactive, pragmatique et de plus en plus en accord avec les volontés spécifiques du Québec de s’impliquer sur la scène internationale.

Conclusion

Nous avons vu comment des livres blancs rédigés par les ministères d’un État fédéré, autonome dans ses champs de compétences mais non souverain, peuvent, à l’instar de textes appartenant à d’autres genres, comporter dans leur dimension lexicale des micro-actes de langage qui sont autant d’indices quantifiables sur les préoccupations des auteurs qui les produisent. Ainsi les fréquences des vocables employés dans le corpus à l’étude dénotent des volontés d’agir sur la scène internationale plus ou moins affirmées et dans des secteurs de plus en plus ciblés. La mesure des variations d’un document à l’autre a permis de constater quelques fléchissements, mais surtout des continuités quant à ce comportement tout au long de la période de consolidation au cours de laquelle les documents ont été produits.

La nécessité de prendre en compte le contexte international contemporain et la préoccupation envers l’économie, la plus marquée parmi l’ensemble des fréquences lexicales du corpus, sont des signes de pragmatisme et de maturité, conditions essentielles au développement d’une véritable politique étrangère au Québec. De la même manière, une priorité accordée aux structures organisationnelles et à la coordination des actions remplacent avantageusement en 2001 les revendications émises dans l’énoncé de 1985, revendications sans doute justifiées étant donné l’époque, mais qui dénotaient incertitude, inconfort et impuissance. Comme le rappelle le plan stratégique, « la mondialisation, les changements géopolitiques de la dernière décennie et les transformations du système international définissent le contenu dans lequel devrait se dérouler l’action internationale du gouvernement du Québec pendant la période 2001-2004[48] ». La description de ce contexte rappelle davantage celle du livre blanc de 1991 que celle de 1985. Il semblerait que cette acceptation de l’impossibilité d’échapper au phénomène global est finalement consacrée au sein du parti au pouvoir, de tous les partis au pouvoir, peu importe leur allégeance. Cette constante est toutefois modulée : « D’abord comprise comme un processus économique, [la mondialisation] est maintenant vue comme un phénomène beaucoup plus complexe ayant des retombées sur les systèmes politiques et sociaux de même que sur la culture et l’identité des peuples[49]. » Ce passage condense à lui seul la nouvelle position du gouvernement qui, tout en n’abandonnant pas les thèmes de la culture et de l’identité qui ont été depuis l’origine les domaines de prédilection de l’action internationale des gouvernements québécois, fait preuve de lucidité en admettant une interdépendance dont on reconnaissait la venue en 1985, mais qui se serait manifestée sous une forme inattendue. Le texte conclut que « la mondialisation se traduit, entre autres et avec le concours des pouvoirs publics, par la libéralisation du commerce et de l’investissement[50] ».

Les formulations de ces politiques au fil des seize années perçues comme une période de consolidation sont étayées de récurrences qui sont autant de facteurs quantifiables qui leur donnent forme et réalité. L’examen de ce mécanisme discursif dans un corpus restreint permet d’entrevoir le potentiel qu’il comporte de mettre en lumière sous un autre angle le comportement international des gouvernements. Il est bien certain que d’autres artifices de langage participent à cette construction. Des analyses plus poussées dans ce sens s’imposent donc.