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Ce qu’il est convenu d’appeler la zone économique exclusive (zee), connue aussi comme la zone de pêche ou la zone des 200 milles marins, représente approximativement 40 % de toutes les surfaces émergées de la planète, exception faite de l’Antarctique, et comprend 90 % des espèces halieutiques commercialement exploitées. C’est donc dire l’importance que lui accordent les États côtiers, puisque la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer leur reconnaît une juridiction exclusive dans cette zone, non seulement en matière de pêche mais aussi en ce qui concerne la recherche scientifique, la protection de l’environnement marin, la production d’énergie à partir des courants, des marées et des vents, la construction d’îles artificielles, la recherche scientifique.
L’ouvrage, dirigé par Franckx et Gautier, regroupe la plupart des communications présentées lors d’un colloque international tenu à Bruxelles en 2000 et organisé conjointement par les départements de droit international de la Vrije Universiteit Brussel et de l’Université Catholique de Louvain, sous le parrainage de la société belge de droit international. Il était en effet approprié, dix-huit ans après l’adoption de cet important instrument juridique, de réunir universitaires, juges, conseillers juridiques et fonctionnaires, invités à partager le fruit de leurs réflexions et leurs préoccupations, notamment à cause de la surexploitation des ressources halieutiques, la fréquence des marées noires, le piètre état de bien des navires et la piraterie maritime.
Les chapitres 1 et 3, signés respectivement par Eddy Somers et David Anderson, sont consacrés à l’exercice de la juridiction de l’État côtier en matière de pêche dans sa zone économique. Somers, qui examine spécifiquement celle de la Belgique, ne manque pas de faire une critique du travail du législateur national, qui, tout en mettant à la disposition des autorités la base légale pour la protection des intérêts de la Belgique, a manqué pourtant une belle occasion de présenter un texte clair et transparent. Anderson élargit l’objet du débat en présentant la question quant à l’ensemble de la mer du Nord à la lumière de la jurisprudence, notamment les affaires La Bretagne et Saiga.
Les chapitres 2 et 9, rédigés respectivement par Éric Franckx et Pierre Klein, portent sur la juridiction de l’État en matière de protection de l’environnement marin. Le premier, qui procède à l’analyse de la pratique des États, estime que la Convention offre un compromis acceptable de nature à concilier les droits de l’État côtier et ceux de l’État du pavillon, en matière de pollution causée par les navires. Pierre Klein examine plutôt l’action des organisations non gouvernementales, notamment celle de Greenpeace, plus particulièrement encore la procédure intentée devant la High Court en 1999 relative à une décision du secrétaire d’État au Commerce et à l’Industrie déterminant les zones qui pourraient faire l’objet d’émission de permis d’exploitation des hydrocarbures.
Dans le chapitre 3, Tullio Treves considère, lui aussi, que le règlement pacifique des différends portant sur l’interprétation et l’application de la Convention (devant la Cour internationale de justice, le Tribunal du droit de la mer ou un tribunal d’arbitrage) constitue un compromis entre les droits exclusifs reconnus à l’État côtier dans sa zone exclusive –ci-haut mentionnés – et ceux qui appartiennent aux autres États (liberté de navigation et de survol, pose de câbles et de pipe-lines sous-marins, quotas de pêche consentis aux États enclavés ou dits géographiquement désavantagés). Notons par ailleurs que l’auteur n’accorde que quelques lignes à l’importante question de la délimitation maritime de ces zones de 200 milles; mentionnons aussi qu’aucune des contributions n’aborde principalement cette question, qui fait pourtant l’objet de la majorité des affaires portées devant les tribunaux internationaux en matière de différend maritime – la première de ces affaires concernant d’ailleurs la délimitation du plateau continental en mer du Nord entre la rfa, les Pays-Bas et le Danemark. S’agissant de règlement pacifique des différends, Philippe Gautier pose le problème de ce que les juristes appellent, dans leur jargon, le forum shopping (le choix de la juridiction internationale), l’auteur étant d’avis que la partie demanderesse est rarement libre dans l’exercice de ce choix, puisque l’arbitrage s’imposera dans la plupart des cas.
Les États, ordinairement jaloux de leur souveraineté nationale, ne sont pas les seuls intéressés à l’application de la Convention sur le droit de la mer. D’ailleurs, le colloque a fait une large place aux organisations internationales, dont, bien sûr, l’Union européenne, qui détient une compétence partagée avec les États membres, notamment en matière de transport maritime et d’environnement dans la zee, mais aussi une compétence législative exclusive, dans certains domaines, par exemple la conservation des stocks de poissons. C’est ainsi que Claire Bury et Jörn Sack scrutent, au chapitre 5, la législation communautaire s’appliquant à l’ensemble de la zone de l’Union, de même que les activités de l’Union sur la scène internationale (participation dans les organisations régionales et conclusion d’accords bilatéraux avec divers États intéressés à la pratique de la pêche).
Annick de Marffy montre, au chapitre 4, l’importance et les rôles respectifs que jouent les organisations internationales dans la mise en application du régime de la zee. Ainsi, l’auteure distingue-t-elle les activités de l’unesco pour la protection du patrimoine sous-marin, le mandat du Comité des pêches de la fao dans la lutte à la surexploitation des espèces, les objectifs poursuivis par l’omi (Organisation maritime internationale) pour contrer la piraterie maritime et la pollution par les navires, enfin, les responsabilités confiées, au sein même de l’onu, à la Division des affaires maritimes et du droit de la mer, de même que celles relevant du pnue (chargé de catalyser les activités des autres organes voués à la préservation du milieu marin). L’auteure, qui ne nie pas l’importance de l’approche sectorielle, estime cependant que les intérêts des États seront mieux servis si ces derniers consentent à gérer leurs affaires maritimes d’une façon globale et concertée. En cela, sa plaidoirie est fort convaincante. Cette question de la préservation du milieu marin, Tim De Bondt la pose également au chapitre 8, en examinant la question de la responsabilité engagée lors d’un accident subi par un navire. Au-delà du problème strictement juridique, l’auteur dénonce le laisser-aller de certaines sociétés et l’incapacité de la communauté internationale à combattre la prolifération des catastrophes environnementales.
On regrettera la brièveté de l’introduction et de la conclusion, qui font, à elles deux, à peine trois pages, tandis que près de la moitié (plus de 100 pages) de tout l’ouvrage est consacrée à cinq annexes peu utiles : texte intégral de la Loi concernant la zone économique exclusive de la Belgique, et la version anglaise de ce document ; texte intégral de la Loi visant la protection du milieu marin, et sa version anglaise, enfin un index très détaillé mais mal conçu.
Comme cela est le cas de la plupart des colloques portant sur des sujets très pointus, l’ouvrage regroupe des contributions d’éminents spécialistes. Aussi s’adresse-t-il exclusivement à ces spécialistes, en l’occurrence ceux du droit international de la mer.