Article body

La politique commerciale est un domaine d’étude complexe qui se situe à l’interstice de la politique nationale et de la politique internationale. Il existe un riche corpus théorique en analyse de politique commerciale. En effet, toute une littérature vise à expliquer quels sont les facteurs qui influencent les choix de politique commerciale que font les gouvernements. Depuis plus d’une quinzaine d’années, des réflexions de synthèse portant sur l’évolution des théories en analyse de politique commerciale ont été produites[1]. Elles ne sont pas très nombreuses comparativement à ce qui s’est écrit dans d’autres sous-champs. De plus, peu d’articles ont été écrits en langue française sur le sujet. Ce texte a pour but de pallier au manque d’éclairage dans la littérature spécialisée francophone sur les différentes approches théoriques en analyse de politique commerciale. Il fait le point sur les différents outils analytiques, offre une réflexion sur le niveau d’intégration des variables explicatives dans le domaine et cherche à brosser un portrait d’ensemble de l’état des sources d’explications de la politique commerciale s’offrant à l’analyste. Ce texte propose également une réflexion critique sur le corpus théorique. L’auteur constate que la littérature spécialisée tend davantage vers la multiplication des approches théoriques plutôt que vers l’intégration des principales variables explicatives. Nous suggérons qu’il est peut-être plus utile que les chercheurs produisent des études de cas détaillées puisant dans les multiples variables identifiées dans la littérature que vers la production d’approches théoriques alternatives. En somme, il nous semble qu’il est utile de traiter les déterminants responsables d’une décision de politique commerciale de façon intégrée et de mettre à contribution les principaux niveaux analytiques afin d’expliquer une orientation de politique.

Après avoir présenté des éléments de définition de la politique commerciale, nous nous pencherons sur les diverses approches théoriques développées en analyse de politique commerciale et dans les domaines connexes qui ont influencé ce champ analytique. Par la suite, nous analyserons les acquis de ce vaste corpus théorique comportant de multiples variables et de nombreux facteurs explicatifs.

I – La politique commerciale : éléments de définitions

La politique commerciale est d’abord et avant tout perçue, dans la littérature spécialisée, comme une composante de la politique extérieure économique d’un pays. À ce titre, elle sert les intérêts économiques fondamentaux identifiés par l’État. Robert A. Pastor, dans un ouvrage incontournable, définit ainsi la politique extérieure économique :

La politique extérieure économique est l’usage de la politique afin d’établir des règles pour les transactions économiques entre un État et ses citoyens et les citoyens d’autres États. Il s’agit également de l’ensemble des actions gouvernementales dont l’objectif est d’influencer l’environnement économique international[2].

La politique commerciale est comprise selon cette définition comme une composante fonctionnelle de la politique étrangère économique. Les politiques d’aide, monétaire, agricole et industrielle comptent au nombre des autres composantes fonctionnelles. Plus spécifiquement, la politique commerciale a été définie par Benjamin J. Cohen comme : « la somme des gestes posés par l’État dans le but d’influencer l’étendue, la composition et la direction de ses importations et exportations de biens et services[3] ». La politique commerciale englobe donc l’ensemble des activités de l’État visant à influer sur les rapports commerciaux d’un pays avec l’extérieur. Ces activités sont nombreuses puisque l’État dispose de diverses mesures pour tenter de maximiser les bénéfices provenant des échanges commerciaux. Les moyens employés peuvent être distingués en fonction de leur finalité. Certains visent à modifier les importations tandis que d’autres agissent au niveau des exportations. L’État peut promouvoir les importations à l’aide de législations visant la réduction, l’élimination ou l’harmonisation de ses barrières tarifaires et non tarifaires. À l’inverse, il peut restreindre les importations par le moyen de barrières tarifaires, de barrières non tarifaires, de restrictions quantitatives, d’accords de restrictions volontaires des exportations ainsi que par la voie de quotas de multiples natures. L’État peut à la fois recourir à des normes diverses, telles des normes environnementales, de sécurité et de santé. Enfin, un État peut chercher à stimuler les importations en procédant à des négociations avec ses partenaires commerciaux dans le but de réduire ou d’éliminer les barrières tarifaires, les barrières non tarifaires et les multiples mesures de protection érigées par les autres pays. La très grande majorité des écrits dans le domaine de l’analyse de la politique commerciale cherchent à expliquer l’adoption des nombreuses mesures qui constituent les instruments de politique commerciale. Cela s’inscrit dans la problématique plus large, en économie politique internationale, qu’est l’explication du degré de libéralisme et de protectionnisme qu’adoptent les pays. Cette clarification conceptuelle nous permet d’aborder maintenant le contenu des approches théoriques en matière d’analyse de politique commerciale.

II – Les approches théoriques

Il est admis que trois sources de variables interviennent sur la politique commerciale : le contexte socioéconomique national, l’environnement international et l’État compris comme ses diverses composantes en action. Des nombreux écrits théoriques qui gravitent autour de l’étude de la politique commerciale émergent trois grands niveaux d’analyse qui se concentrent sur ces variables. Ils s’articulent autour des notions de niveau sociétal, de niveau systémique et de niveau étatique[4]. Des écoles opposées se sont ainsi développées en fonction de ces facteurs d’explications. Les démarches théoriques sont nombreuses et diversifiées. Le tableau suivant regroupe les approches en fonction des sources de variables et du niveau d’analyse.

Tableau

Tableau synthétique des principales approches théoriques en analyse de politique commerciale

Tableau synthétique des principales approches théoriques en analyse de politique commerciale

-> See the list of tables

Nous nous pencherons maintenant sur chacunes des théories contenues dans le tableau en commençant par le niveau sociétal.

A — Le niveau sociétal

Le niveau d’analyse sociétal considère les déterminants internes de la politique étrangère. Dans cette littérature, les déterminants retenus sont nombreux : les groupes d’intérêt, les médias, l’opinion publique, et, de façon générale, la structure de la société[5]. En analyse de politique commerciale, il existe une longue tradition d’étude des pressions sociétales provenant des différentes industries[6]. Diverses explications sociétales ont été développées par les chercheurs oeuvrant en analyse de la politique extérieure économique[7].

La plupart des travaux adoptant des variables sociétales à titre explicatif centrent leurs analyses sur les demandes protectionnistes des diverses industries. Dans cette perspective, la modification du rapport de force entre les divers groupes de pression est perçue comme responsable de la modification de politique et d’orientation de l’État. Selon cette conception, les groupes organisés jouent un rôle de premier plan et se disputent le pouvoir politico-économique[8]. Les diverses coalitions constituées par les groupes chercheront à faire valoir leur position. De plus, le degré de protectionnisme ou d’ouverture sera déterminé par les exigences de ces groupes. La théorie des groupes d’intérêt conçoit que les décideurs, par besoin d’appuis et par souci de réélection, n’auront d’autre choix que d’acquiescer aux demandes de protection. Les coalitions formées entre les divers types de groupes, manufacturiers, syndicaux et groupes de consommateurs, se dissipent et se constituent en fonction des similarités de vues émergeant quant aux domaines en cause. L’analyse réalisée en fonction de cette approche théorique[9] se situe ainsi essentiellement au niveau de l’identification des groupes et de leurs revendications[10].

Des auteurs se sont penchés sur les conditions dans lesquelles les groupes de pression gagnent de l’importance et réussissent à transmettre efficacement leurs exigences. Par exemple, Pincus[11] soutient que plus une industrie est concentrée géographiquement, plus son activité lobbyiste sera importante et efficace. Par ailleurs, Caves[12] démontre, en fonction de la prémisse que les politiciens cherchent à maximiser leur base électorale, que plus une industrie sera importante en termes de vote, plus elle obtiendra une réponse favorable à ses demandes de protection. Il découle de cette approche que les industries intensives en main-d’oeuvre obtiennent davantage de protection que les industries intensives en capital.

D’autre part, la théorie des désavantages comparatifs offre une explication sociétale visant à identifier les facteurs amenant les entreprises à exiger la protection de l’État. En fonction de cette explication formulée par Ray[13], il est attendu que les demandes protectionnistes des industries auprès de l’État seront proportionnelles aux dommages que leur infligera la compétition internationale dans des secteurs donnés. Ainsi, les firmes tentent de maximiser leurs profits lorsqu’elles sont en situation de désavantage comparatif en exigeant de l’État l’instauration de barrières tarifaires.

Dans une optique similaire, des chercheurs se sont attachés à démontrer pourquoi certaines entreprises favorisent une démarche libre-échangiste et d’autres demandent protection[14]. Helen Milner[15] propose une explication selon laquelle les firmes largement impliquées dans l’exportation et l’importation ainsi que dans le commerce intra-firmes cherchent à éviter toute augmentation des barrières tarifaires. Ces barrières entravent leurs activités économiques devenues dépendantes du libre-commerce. Bien que cette position prévaut chez les firmes exportatrices depuis le début du siècle, c’est avec le phénomène de l’internationalisation des firmes et l’augmentation de l’interdépendance depuis la Seconde Guerre mondiale qu’elle a pris une ampleur significative. Selon cette explication, le protectionnisme des États-Unis demeure relativement faible car ces firmes n’exercent pas de pressions sur l’État pour obtenir protection. Cette explication est séduisante par sa simplicité et sa capacité d’expliquer la dissemblance du degré de protectionnisme des États-Unis dans les années vingt, caractérisée par de très forts tarifs, et dans la décennie soixante-dix, marquée par une importante diminution des barrières commerciales.

Bien que des distinctions analytiques existent entre les différents théoriciens de la démarche sociétale, il demeure qu’en matière de politique commerciale les préférences des groupes, leurs coalitions et leurs activités sont retenues comme déterminantes du comportement de l’État[16]. Ces approches retenant les grandes firmes importatrices et exportatrices à titre de variable explicative, sont particulièrement éclairantes en ce qui concerne la compréhension du niveau de protectionnisme accordé par l’État en réponse à l’agglomération des exigences formulées par les multiples groupes d’intérêt issus des diverses industries[17].

B — Le niveau systémique

Cette seconde perspective étudie la structure du système international afin d’y déceler la source d’explication de l’action de l’État. De cette façon, le type et le nombre d’États, la nature des problèmes, la dynamique des relations interétatiques, le niveau de connaissances ainsi que les ressources dont disposent les États sont les facteurs inhérents au système international qui vont déterminer le comportement de politique commerciale.

Les décideurs, selon cette approche, répondent aux diverses contraintes et occasions qui proviennent de la structure internationale. Cette démarche théorique est largement inspirée des écrits néo-réalistes[18]. Le pouvoir et les capacités relatives de l’État sont ici les notions-clés expliquant le type de politique étrangère. Cette approche a connu un développement important dans le domaine de la politique extérieure économique[19]. Dans cette perspective, il est admis que la structure internationale du pouvoir influence significativement le comportement de politique commerciale.

La théorie de la stabilité hégémonique offre, dans cette optique, l’explication la plus répandue. Cette théorie établit une corrélation entre un système économique international relativement ouvert et la présence d’une puissance économique dominante. Selon ce raisonnement, il y a concentration du pouvoir économique et politique au sein d’un seul État. Dans cette optique, la perte de pouvoir hégémonique des États-Unis entraînerait une augmentation du protectionnisme[20]. Plusieurs interprétations de cette théorie ont été développées. Pour Kindleberger, l’absence d’une puissance hégémonique entraînerait l’émergence du protectionnisme[21]. De même, pour Gilpin, le déclin du pouvoir de la puissance hégémonique amène l’érosion des règles libérales du commerce[22]. La distribution de la puissance dans le système est la variable explicative du degré de protectionnisme. Cette théorie a pour prémisse que la position d’un État dans le système économique international façonne sa politique économique. Selon ce raisonnement, un État ayant le statut d’une puissance hégémonique manifestera une préférence pour un régime libéral. Cette puissance entraînera les autres États dans son sillage. En somme, l’État hégémonique procédera par la voie de la coercition (par l’imposition de mesures tarifaires, par exemple) ou générera des biens collectifs nécessaires au maintien du système[23].

La théorie des régimes offre une explication systémique de la politique commerciale des États. Cette approche apporte un éclairage significatif sur la façon dont les États orientent leur comportement commercial en fonction de la préservation de l’ordre économique international. Selon cette approche, il existe dans le système international, en dépit de l’anarchie qui y prévaut, des régimes comportant des normes, des règles et des procédures de prises de décisions[24]. Ces régimes, tels que le système commercial international, définissent le comportement de l’État dans un domaine d’activité donné[25]. Les études réalisées dans cette perspective perçoivent les régimes essentiellement comme des éléments de contraintes sur les États favorisant la coopération internationale. Notons qu’il existe deux interprétations concurrentes du rôle des régimes. La plus répandue considère les régimes à titre de variable intermédiaire tandis que le pouvoir des États est considéré comme variable indépendante expliquant le comportement de politique étrangère. Cette interprétation néo-réaliste est la plus significative en ce qui concerne l’étude de la politique commerciale[26]. La seconde interprétation est basée sur le paradigme libéral. Elle traite des régimes à titre de variable dépendante[27]. Cette interprétation s’oriente davantage vers l’étude de la coopération entre les États[28].

En offrant un cadre juridictionnel sur l’activité étatique, les régimes ont pour effet de contraindre et de façonner l’activité des acteurs sociaux. Dans cette optique, Stephanie Ann Lenway[29] démontre comment les règles du régime international du commerce ont façonné le comportement et les décisions de politique commerciale des États-Unis. En fonction de cette explication, l’étude montre comment les règles et les normes du régime international du commerce se sont enchâssées au coeur du processus de la politique commerciale américaine. Cette auteure développe l’idée, à l’aide de trois études de cas sectorielles (les textiles, l’automobile et les télécommunications) que l’adhésion des États-Unis aux normes du gatt, c’est-à-dire la notion de non-discrimination, le multilatéralisme, la réciprocité et l’engagement envers la libéralisation progressive du commerce, a pour effet de restreindre la capacité des groupes d’intérêt à influencer le processus de politique commerciale des États-Unis. Selon Lenway, il ne faut pas chercher à expliquer la relative ouverture commerciale américaine, qui prévaut depuis la Seconde Guerre mondiale, par des variables sociétales telles que l’impuissance des groupes de pression à défendre leurs causes protectionnistes devant l’État, mais plutôt par les changements dans le cadre institutionnel au sein duquel se déroulent les négociations commerciales, c’est-à-dire le régime international du commerce soit le gatt/omc[30].

Il se trouve une autre approche visant à offrir une modélisation des déterminants externes des politiques économiques et tout particulièrement commerciales. La théorie conçue par David Lake[31], qui porte le nom de « Theory of International Economic Structures », a pour fondement la proposition suivante :

L’intérêt commercial national, les choix politiques et en définitive les stratégies commerciales de chacun des pays sont fondamentalement formés et influencés par les contraintes et les occasions qui prévalent dans l’ordre économique international. Le protectionnisme et le libre-échange ne sont donc pas simplement le résultat de pressions sociétales mais plutôt la réponse réfléchie d’États maximisateurs aux changements de structures économiques internationales[32].

Cette théorie a pour objectif de combler les lacunes que comporte la démarche sociétale, qui a longtemps constitué l’explication dominante dans la littérature. Ainsi, pour Lake, les choix politiques que posent les pays ne sont pas les seules résultantes des pressions des groupes sociaux. Les stratégies et les choix opérés constituent plutôt des réponses d’acteurs rationnels qui cherchent à maximiser leurs bénéfices tout en composant avec diverses structures internationales. Selon cette approche théorique, la nature de la politique commerciale d’un pays est modelée par les choix et les contraintes qu’impose l’ordre économique international à un État. En outre, en fonction de l’atteinte de ses objectifs, l’État ajustera sa politique pour composer avec les contraintes du système économique international dans lequel il s’inscrit. Dans cette perspective, les facteurs façonnant la politique commerciale d’un pays se retrouvent dans le changement de position de ce pays sur la scène économique internationale par rapport aux autres acteurs économiques. Selon cette perspective, la nature du système international du commerce aura des répercussions profondes sur les décisions de politique commerciale. Cette approche théorique analyse rigoureusement la structure économique internationale et démontre comment des variations systémiques significatives conduisent à des politiques commerciales différentes. Soulignons toutefois que cette étude révèle à la fois les limites de l’analyse systémique. En effet, l’auteur rencontre, dans son étude de la politique tarifaire américaine pour la période 1887-1939, les limites du potentiel explicatif des variables structurelles. À ce sujet, David Lake écrit :

Dans le cadre de notre quête de développement d’une théorie systémique du comportement des États-nations, la façon dont les contraintes et occasions systémiques sont transmises en décisions de politiques est centrale. Autrement dit, il n’est plus possible de faire abstraction de la politique domestique[33].

Ainsi, cet auteur reconnaît que l’étude du processus par lequel l’État élabore une politique est nécessaire à la compréhension de l’adoption d’une décision relative à la politique commerciale[34]. Les théoriciens systémistes ont besoin de recourir régulièrement à des variables sociétales pour expliquer les politiques extérieures économiques des États. En effet, des États ayant une position similaire dans le système économique international ont un comportement différent[35].

Ce constat témoigne d’un besoin de conceptualiser le rôle de l’État et suggère que l’unique variable systémique est peu porteuse d’une explication satisfaisante des politiques commerciales. En dépit des ambitions de l’école systémique, les variables structurelles identifiées gagnent peut-être à être essentiellement retenues comme variables contextuelles[36].

C — Le niveau étatique

Les démarches étatiques sont réapparues au centre de la réflexion théorique lorsque des auteurs ont appelé à un retour à l’État comme déterminant de la politique[37]. Dans cette perspective, l’État est considéré comme poursuivant ses objectifs propres. Il est autonome et doit être étudié dans une perspective globale, c’est-à-dire comme une configuration d’organisations qui façonnent l’expression de la politique pour tous les groupes évoluant dans la société[38]. Les démarches théoriques utilisées en analyse de politique commerciale ayant l’État comme niveau d’analyse sont fort nombreuses. Elles sont, pour l’essentiel, le fruit d’une application de démarches développées dans des sous-champs connexes à l’étude de la politique extérieure économique, c’est-à-dire l’analyse de la politique étrangère et l’analyse de politique publique.

En analyse de politique étrangère, des chercheurs ont tenté d’expliquer les subtilités et les nuances caractérisant la politique étrangère, qui, jusqu’alors, avaient échappé aux démarches construites sur le modèle de l’acteur rationnel. En effet, face au constat de l’incapacité de l’approche traditionnelle d’expliquer les décisions de politique étrangère, il s’est développé une approche alternative opérant une ouverture de la boîte noire[39]. Cette approche tend à expliquer les différentes manifestations de la politique étrangère tout en se libérant du déterminisme des approches réalistes et systémiques[40]. Sans pour autant négliger le rôle des déterminants externes, cette approche vise à quitter la seule dimension macroscopique de l’étude du phénomène de la politique étrangère. Les auteurs qui adoptent cette démarche postulent que les variations dans le comportement de politique étrangère peuvent être expliquées au niveau de l’État, plutôt qu’au niveau du système international et du contexte national dans lesquels il s’inscrit. En analyse de politique étrangère, deux grands modèles ont été développés dans cette perspective : le modèle bureaucratique et le modèle psychologique auquel s’attache le modèle décisionnel. Seule l’approche bureaucratique a fait l’objet d’applications en matière de politique commerciale.

Les auteurs qui s’inscrivent dans l’approche bureaucratique visent à expliquer la décision de politique étrangère par l’analyse du processus bureaucratique. Ce dernier est caractérisé par une lutte entre des intérêts divergents[41]. Cette démarche s’oppose à l’approche rationnelle selon laquelle l’État ne forme qu’un acteur unitaire agissant en fonction de la maximisation de ses intérêts. Dans cette perspective, l’État est composé de nombreux acteurs. Or, cette perspective a pour prémisse que dans un monde où les problèmes sont nombreux, les acteurs bureaucratiques se concentrent en fonction de leurs objectifs sur les problèmes qui leur apparaissent les plus importants. Cette approche postule que les objectifs des acteurs ainsi que les choix qu’ils posent quant aux problèmes à solutionner entrent en contradiction. Les objectifs de politique étrangère ne sont pas définis en fonction d’une stratégie déterminée. Ils sont plutôt le résultat de la position de ces acteurs, de leurs limites et de leurs informations[42]. Ce postulat renvoie en fait aux différents degrés de rationalité des individus qui forment l’appareil bureaucratique[43]. En effet, tous les individus ne disposent pas de l’information nécessaire à une action rationnelle posée en fonction de leurs intérêts[44].

Cette démarche implique pour l’analyste de la politique étrangère, comme de la politique commerciale, une étude approfondie de l’appareil bureaucratique et de ses acteurs. Bien que l’individu soit l’acteur au centre de ce processus, la dynamique des groupes et des institutions est également considérée comme acteur. Le processus de formulation de politique étrangère est le résultat des négociations entre ces acteurs. Ces négociations se déroulent en fonction de nombreux paramètres dont la hiérarchie des acteurs, leur position et leurs intérêts. La décision de politique étrangère qui émane de ce processus complexe n’est pas un choix reflétant une solution optimale à un problème international, mais plutôt le résultat d’une compétition intensive (un processus de bargaining et de compromis) entre les décideurs et les différentes composantes de l’appareil bureaucratique. La relation entre ces composantes est considérée comme un jeu de pouvoir. De nombreuses variables sont considérées, telles que la position des acteurs et leurs perceptions des phénomènes, les différents objectifs et intérêts des acteurs, la contrainte temporelle qui pèse sur ceux-ci, le rythme inhérent aux problèmes et les canaux de communications entre les acteurs.

Il est une autre démarche analytique qui, bien que retenant l’organisme étatique comme variable explicative, adopte une perspective davantage macroscopique. L’approche de « l’État comme acteur » (state-centric) conçoit l’État comme un acteur uniforme poursuivant des objectifs associés à l’intérêt national. Cette démarche s’oppose au paradigme bureaucratique qui est considéré comme surévaluant l’autonomie des visées des organismes bureaucratiques. En outre, les tenants de la démarche étatique reprochent à l’analyse bureaucratique sa mésestimation des objectifs étatiques pris dans leur totalité et en relation avec les attentes sociétales[45]. L’approche étatique centre l’analyse sur le maintien de l’ordre dans un contexte de contrainte interne et externe sur l’appareil étatique. Cette démarche est issue de sa conception de la politique. La politique y est comprise sous l’angle des règles et du contrôle étatique et non comme un phénomène d’allocation et de distribution de ressources. L’État dans cette perspective doit être compris comme un acteur de plein droit. Il est ainsi analysé à titre de variable indépendante ou intermédiaire. Précisons que cette façon de concevoir l’État s’inscrit en opposition à l’approche systémique et sociétale. Selon cette démarche, l’État ne peut être analysé comme un simple miroir des caractéristiques et des exigences de la société. L’État n’est pas non plus façonné par les contraintes structurelles. De par son objet d’analyse, ce courant transcende les divers champs de la discipline[46].

En matière de politique économique, des auteurs, tel Stephen Krasner[47], ont démontré que les dirigeants peuvent poursuivre des politiques autonomes qui sont le fruit de leurs objectifs idéologiques et non des préférences des différents groupes sociaux. Or, ces objectifs se situent au-dessus de la mêlée des différents groupes de pression tentant d’influencer la politique économique dans des domaines particuliers. Ainsi, Krasner soutient que les décideurs américains sont animés par une conception propre de l’intérêt national. Contrairement à l’approche sociétale, qui considère que l’État ne peut poursuivre des objectifs qui ne sauraient être le résultat d’exigences et de besoins sociaux, la prémisse première de cette démarche veut qu’il y ait une distinction profonde entre l’État et la société[48]. L’État est donc autonome et les objectifs qu’il poursuit sont distincts de la somme des exigences sociétales. Les objectifs de l’État correspondent à l’intérêt national. La quête de l’intérêt national se manifeste par la recherche d’intérêts matériels ou par l’application d’objectifs idéologiques issus de croyances concernant la façon dont la société devrait fonctionner. Ainsi, cette démarche a pour prémisse que l’État tente d’appliquer l’intérêt national à l’encontre de la résistance des acteurs sociétaux et internationaux. Les acteurs étatiques tâchent ainsi de vaincre l’opposition qu’ils rencontrent.

Il est impératif, en fonction de cette approche, de définir l’intérêt national dans un secteur donné afin d’évaluer le comportement de l’État en relation à celui-ci[49]. Ensuite, il est nécessaire d’évaluer la capacité de l’État de mettre en oeuvre les objectifs associés à l’intérêt national. Or, l’application des politiques étatiques peut engendrer des conflits avec des groupes sociaux dont les intérêts particuliers sont menacés par la mise en oeuvre de l’intérêt national. Dans cette situation, les contraintes des acteurs sociaux freinent la mise en application des politiques étatiques. Une caractéristique centrale de la capacité de l’État concerne sa force interne. Cette force est définie comme l’habileté des décideurs à modifier le comportement des groupes sociaux oeuvrant au sein de la société. Cette habileté varie en fonction des domaines de politiques dans lesquels l’État intervient, et conséquemment, en fonction du cercle des décideurs impliqués. L’État pourra davantage appliquer ses objectifs s’il est apte à présenter une vision d’ensemble cohérente d’une question lui permettant d’orienter l’agenda et de transformer une opposition potentielle en un acteur favorable[50]. Selon cette conception, l’État peut, bien que modestement, modeler la société qu’il tente de gérer.

D’autres travaux adoptent une démarche similaire et démontrent que les États agissent différemment en fonction de l’économie politique internationale. Dans son étude comparative des politiques économiques des pays les plus industrialisés (G-6), Peter Katzenstein postule que c’est la relation entre l’État et la société qui détermine la politique étrangère économique dans des périodes historiques données[51]. Cette démarche postule que la relation entre l’appareil étatique et la structure sociétale d’un pays détermine le comportement d’un État. Pour cet auteur, c’est la structure des coalitions existant au sein de la société qui exerce des pressions protectionnistes sur l’État. Le système international détermine le contexte dans la mesure où les pressions sociétales sont faibles en période d’abondance et insistantes en période de déclin. L’explication du degré d’ouverture de la politique commerciale dans une telle approche réside dans la relation entre l’État et la société[52]. La société, dans cette perspective, est considérée comme une contrainte s’exerçant sur l’État. Katzenstein, pour les besoins de la démarche comparative, a développé une typologie de la relation entre l’État et la société. Les États sont ainsi définis en fonction d’un continuum d’États-forts et d’États-faibles. Selon la typologie développée par Katzenstein, un État fort, c’est-à-dire indépendant par rapport à la société, résistera davantage aux pressions qu’un État faible – donc perméable aux exigences sociétales – dans les mêmes circonstances[53]. Cette approche comparative postule que la dimension étatique et sociétale joue un rôle de premier plan dans la nature de la politique commerciale. Toutefois, cette démarche vise essentiellement à expliquer la diversité des comportements gouvernementaux que l’on rencontre en matière commerciale. Dans le cas américain, l’approche étatique démontre qu’un des déterminants de la capacité de l’État à réaliser ses objectifs est l’arène décisionnelle au sein de laquelle s’opère une décision[54]. La capacité étatique sera plus forte dans les secteurs pour lesquels l’autorisation du Congrès n’est pas requise. En effet, lorsque les ressources législatives dans un domaine donné relèvent du Congrès, l’Exécutif se verra dans l’obligation de faire des compromis.

L’approche néo-institutionnelle offre une autre démarche s’intéressant plus directement aux institutions comme facteur déterminant de la finalité des politiques. La volonté de développer une perspective théorique néo-institutionnelle en analyse de politique extérieure économique, et plus particulièrement en politique commerciale, est initialement le fruit des travaux d’un groupe de chercheurs spécialisés en analyse de politique économique qui ont préparé une collection d’articles parus en 1988[55]. Le but visé par cette opération était de réfléchir sur la place que devraient occuper les institutions comme facteur explicatif de la décision en matière de politique extérieure économique. Pour l’essentiel, les travaux réalisés dans le domaine de l’analyse de la politique extérieure économique adoptant une perspective institutionnelle[56] construite sur les assises de l’approche de « l’État comme acteur » (state-centric) s’inscrivent dans l’institutionnalisme historique[57]. Ce courant, dont les applications sont répandues dans plusieurs sous-champs de la science politique, a pour postulat central que les institutions sont autonomes et disposent de règles qui leur sont propres. Ce postulat s’oppose ainsi aux travaux centrés sur les déterminants sociaux qui considèrent l’appareil étatique comme une boîte noire agissant tel un réceptacle aux pressions provenant de l’environnement social[58]. La notion centrale de cette approche veut que les institutions doivent être traitées comme un facteur déterminant et non plus comme une simple structure. Les institutions comportent, selon cette approche, des règles et des normes qui façonnent l’orientation que prendra une politique. Ainsi, l’institution n’est plus l’élément neutre dans lequel se déroule une relation de pouvoir entre des acteurs, comme le conçoit le modèle bureaucratique, mais plutôt un élément de socialisation orientant le type de finalité qui sera favorisée par les acteurs en présence[59].

Les analyses de politique commerciale, inspirées des travaux néo-institutionnels, visent à combler les lacunes que comportent les démarches adoptant les niveaux d’analyses sociétaux et systémiques. À ce sujet, Judith Goldstein maintient qu’une étude de la politique commerciale qui ne considère pas les variables institutionnelles ne saurait être satisfaisante[60]. Selon cette perspective, les institutions façonnent le déroulement des exigences qui sont exercées sur l’État dans un domaine donné. Elles canalisent et génèrent des pressions sociétales. Cette démarche considère que les institutions naissent, de façon recherchée ou fortuite, de la stratégie politique et des conflits. Dans cette mesure, le contexte de la création du cadre institutionnel est une dimension primordiale à la compréhension même des institutions[61]. La littérature suggère que les structures institutionnelles conditionnent le déroulement décisionnel, et à terme, la formulation des politiques[62].

En somme, les travaux théoriques dans une perspective étatique sont diversifiés et ils identifient plusieurs variables influençant la formulation de la politique commerciale. Les approches que nous avons présentées ont pour bénéfice de regarder du côté de l’activité étatique et faire une place à la dimension stratégique que comporte la politique commerciale. Il est utile de retenir des travaux étatistes que les dirigeants peuvent poursuivre des politiques motivées par leurs objectifs idéologiques propres et non par la somme des préférences des multiples groupes sociaux et corporatifs. Il semble néanmoins que l’analyste doive demeurer particulièrement attentif à la relation s’opérant entre les pressions sociétales et les décisions concernant l’orientation de la politique commerciale émanant de l’État.

III – Une diversité d’explications

Comme nous l’avons vu, d’importants efforts collectifs de définition des outils théoriques en analyse de politique commerciale ont été réalisés. Il résulte de ces efforts une diversité d’explications et non une approche définitive capable d’expliquer l’ensemble du phénomène de la décision en politique commerciale[63]. Or, cet état de choses s’apparente à ce que l’on rencontre dans d’autres sous-champs analytiques. Par exemple, à l’instar des efforts de théorisation réalisés en analyse de politique étrangère, les trois niveaux analytiques ont trop fréquemment été présentés de façon mutuellement exclusive ; ceci, malgré que certains auteurs, tel Robert Putnam[64], aient proposé des approches intégrant plus d’un facteur explicatif[65]. Les travaux théoriques en analyse de politique commerciale ont connu un foisonnement important depuis le milieu de la décennie soixante-dix, mais il demeure qu’ils n’ont pas permis la formulation d’approches-synthèses globales semblables à ce qui a été réalisé en analyse de politique étrangère[66]. On ne retrouve pas de modèles théoriques sophistiqués et opérationnalisables intégrant dans un seul cadre analytique des variables issues des sphères systémiques, sociétales et des diverses dimensions étatiques et institutionnelles. À ce sujet, il est éclairant de rappeler que les travaux de politique étrangère, de par leur quête d’explications généralisantes, se sont butés au dilemme persistant en matière de théorisation en relations internationales : il s’agit du problème de la généralisation versus l’opérationnalisation. En effet, dans le cadre d’approches théoriques englobantes, tel que ce qui a été proposé en analyse de politique étrangère, seules quelques variables peuvent être opérationnalisées et apporter une explication satisfaisante du phénomène à l’étude. Il appert que l’opérationnalisation passe par une réduction de l’objet d’étude, donc par des théories à portée plus limitée. Or, le recours à une approche plus opérationnalisable et partielle conduit à l’obtention de résultats dont la signification peut être difficilement pondérée par rapport à l’ensemble du phénomène que l’on cherche à expliquer. Il en résulte ainsi une perte de la capacité de généralisation. Ce dilemme persistant a été bien cerné par Morton Kaplan, véritable pionnier en matière de démarche scientifique en politique étrangère :

Si nous voulons appliquer nos modèles à des cas concrets, nous devons choisir uniquement les facteurs qui auraient possiblement une incidence dans les circonstances particulières que nous souhaitons comprendre et expliquer. Dans le cadre de cette entreprise, nous constatons que plus notre analyse s’enrichit de détails importants plus nous faisons face à une perte de généralisation et à une imprécision grandissante quant au rôle de chacun des facteurs identifiés dans l’explication de l’ensemble de l’évènement ou situation sous observation. Ceci est le risque que nous devons accepter lorsque nous travaillons avec des événements historiques[67].

Il nous semble que cette observation demeure tout aussi pertinente maintenant que lorsqu’elle a été rédigée. La réflexion générale portant sur le rôle des approches théoriques concerne indistinctement ces deux champs d’études qui comportent des similitudes importantes. Ceci dit, il est vrai que ces deux champs ont connu une évolution fort différente et ont été façonnés par des courants épistémiques relativement distincts[68]. Néanmoins, on constate dans les deux champs d’études une multiplication des approches et l’identification de niveaux d’analyse et de variables semblables. De plus, comme nous l’avons vu dans ce texte, des emprunts ont été opérés à même le corpus théorique de l’analyse de la politique étrangère. Finalement, à l’instar de ce qui a été réalisé en analyse de politique étrangère, les travaux ont évolué dans plusieurs directions en fonction de visions conflictuelles du phénomène de la politique commerciale. Par le fait même, ils ont considérablement compliqué l’objet d’étude et en fait, dans une certaine mesure, brouillé les pistes. Cette cacophonie aura cependant montré l’importance de facteurs multiples sur la politique commerciale. À partir d’un tel raisonnement, il nous semble qu’il soit constructif de considérer cette multitude de facteurs explicatifs conflictuels comme autant de facettes nécessitant l’attention de l’analyste cherchant à faire la lumière sur une décision de politique commerciale.

En somme, il importe de traiter les déterminants responsables d’une décision de politique commerciale de façon intégrée et complémentaire et de mettre à contribution les trois niveaux analytiques afin d’expliquer une orientation de politique. La recension que nous avons effectuée dans ce texte a également montré que les approches systémiques et étatiques ont été chacune, selon leurs spécificités, développées en opposition au paradigme sociétal. Les nombreuses critiques formulées à l’endroit de la démarche sociétale sont certainement légitimes. Il fait peu de doute néanmoins, que l’analyse des facteurs sociétaux, tels que la composition des coalitions corporatives et la considération de leurs positions concernant la libéralisation des échanges internationaux, demeure nécessaire à la compréhension d’une orientation de politique commerciale[69]. Il semble qu’il faille regarder également du côté de l’activité étatique et faire une place à la dimension stratégique que comporte nécessairement toute politique commerciale. Pour cette raison, il est éclairant de considérer l’État comme un acteur autonome, capable d’orienter la destinée de la politique commerciale. De plus, il est également éclairant de retenir que les efforts théoriques portant sur les déterminants systémiques de la politique commerciale rencontrent des difficultés à expliquer la décision de politique sans recourir à des facteurs propres à la structure étatique. Cette situation fait obstacle aux théoriciens cherchant à faire de l’approche systémique l’explication définitive. Au-delà de l’évidente nécessité de situer la politique étudiée dans son contexte systémique et historique, l’attention portée par les chercheurs aux facteurs contextuels est motivée par l’idée que les pressions sociétales ne sont pas étrangères aux contextes économique et politique environnants.

Une explication satisfaisante, reposant sur les connaissances issues de l’accumulation des travaux théoriques dans ce champ analytique, est à la portée d’analyses de cas détaillées mettant à contribution des éléments issus de ces diverses approches théoriques[70]. Cette façon de faire semble plus porteuse d’explication que l’adoption d’une approche théorique se limitant au rôle d’une unique source explicative. Nous rejoignons en cette matière la position de Patricia Dillon, John Odell et Thomas Willet. Ces auteurs, bien que considérant qu’il soit utile de chercher à atteindre la formulation d’une approche théorique globale, ont conclu une réflexion sur l’état des travaux en matière d’analyse de politique commerciale par le constat que l’analyste gagnerait à s’attacher à produire une étude détaillée qui soit éclairée par la considération des principales sources d’explications identifiées dans la discipline[71]. En définitive, l’agencement des variables explicatives se trouvera influencé par la nature de l’étude de la politique commerciale envisagée.

Conclusion

Comme nous l’avons vu, la littérature dans ce champ analytique est, dans une grande proportion, américaine et elle se consacre assez souvent à l’étude de la politique commerciale des États-Unis. Les approches théoriques ainsi développées sont généralement conceptualisées pour expliquer la politique américaine. On compte toutefois de nombreuses applications à plusieurs pays que nous n’avons pas abordées directement ici puisque nous nous concentrions uniquement sur les principaux écrits théoriques. De plus, nous n’avons pu inclure toutes les contributions dans le champ de l’analyse de la politique commerciale faute d’espace. Enfin, nous avons délibérément exclu de la réflexion les théories du commerce international en science économique. Ces dernières visent à expliquer la dynamique du commerce davantage que la décision de politique commerciale. Il va sans dire que les enseignements des théories du commerce international ont une influence significative sur le comportement des décideurs de politique commerciale. L’évolution des marchés ont également une incidence significative sur les décisions de politique commerciale. En cela la politique commerciale se distingue nettement de la politique étrangère[72]. Il ne faut pas oublier que l’économie politique internationale se situe à l’interstice de la science politique et de la science économique[73]. Plusieurs des approches recensées sont employées tant dans le cadre de recherche en science économique qu’en science politique. Certaines des recensions théoriques auxquelles nous avons fait référence tentent d’ailleurs de faire le pont entre les deux disciplines. En fait, la politique commerciale est un domaine complexe qui subit l’influence d’un nombre croissant de variables et qui requiert, pour être appréhendée, une démarche multidisciplinaire[74] comme le montre bien la littérature spécialisée dans ce domaine.