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Caleb Carr, bien connu dans le monde anglo-saxon pour ses textes politiques, reconnu pour ses collaborations dans le New York Times et Foreign Affairs, a sorti un essai intitulé Les leçons de la terreur. Pour comprendre les racines du terrorisme. Cet ouvrage laisse envisager la mise en évidence de pistes interprétatives, chez les Nord-américains, des événements du 11 septembre 2001. Le lecteur s’attend alors à découvrir chez ce spécialiste de l’histoire de la guerre des éléments éclairants pour répondre à la question implicite, exposée dans le prologue, c’est-à-dire « Comment avons-nous pu en arriver là ? ». Pourtant, à sa lecture, l’auteur fuit rapidement le sujet. En remontant aux origines de la guerre, depuis les Romains en passant par les hordes moyenâgeuses, l’auteur nous entraîne loin de ce qu’on pouvait attendre. En essayant de trouver dans l’histoire l’essence universelle des conflits armés, il ne parvient pas à situer le terrorisme dans une continuité clairement discernable. À notre grand désagrément, cet essai ne nous livre pas les clés de compréhension escomptées. On ne trouve finalement qu’un recueil de conflits militaires, plus ou moins chronologique, sans éclairage particulier sur la période contemporaine. Quand l’auteur en vient à évoquer la « guerre » à mener contre le terrorisme, il ne fait pas appel à la confirmation de conflits dissymétriques entre acteurs inégaux. Seul semble importer que les États-Unis sont les porteurs des « valeurs occidentales », et ces derniers en tant que principale mais surtout en tant que « seule véritable puissance militaire de la planète » se doivent de conduire la lutte contre ses réfractaires, par la force des armes. Or, cet État est rongé par ses contradictions, un service de renseignement obsolète et trop indépendant, une politique étrangère trop hasardeuse, des intérêts divergents… Guidé par un souci louable de trouver des explications aux évolutions contemporaines, critique vis-à-vis de son Administration, l’auteur devenu prosélyte à la fin de l’ouvrage, défend l’idée d’une guerre limitée contre le terrorisme, excluant les populations civiles. De son côté, le lecteur est, quant à lui, définitivement déçu par l’analyse, qui souffre trop des amalgames, de ces va-et-vient historiques, somme toute, confus. Au bout du compte, cet essai pâtit d’une définition du terrorisme trop imprécise pour répondre à la question qu’il se pose en préambule. Surtout, il lui manque une mise en situation du terrorisme actuel, non pas à travers l’histoire de la guerre mais simplement à travers l’histoire du terrorisme contemporain. Néanmoins, Les leçons de la terreur ont le mérite de nous éclairer sur ce qui se dit ou ce qui se pense chez certaines élites nord-américaines : en cela, c’est déjà intéressant.