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Les événements tragiques du 11 septembre 2001 ont mis en évidence l’importance de gérer les problèmes de la sécurité intérieure. Bien sûr, la construction de l’Europe ne concerne pas que des questions économiques, et l’un des objectifs poursuivis par De Lobkowicz est précisément de montrer que pour réaliser cette construction, la libre circulation par l’abolition des frontières intérieures de l’Union ne pouvait être assurée que dans la mesure où étaient adoptées des dispositions communes en matière de coopération judiciaire, policière et douanière, aux fins de lutter contre de nouvelles formes de crime organisé et de terrorisme. Le lecteur aura tôt fait de constater que si l’objectif poursuivi par l’auteur est atteint, la tâche entreprise par l’Europe est d’une incroyable complexité et soulève de très sérieuses difficultés d’application.
L’ouvrage, divisé en deux parties, montre, dans la première, la genèse de la sécurité intérieure en Europe. Il y est expliqué comment la nécessité d’une telle coopération, procédant par étapes, s’est imposée progressivement, alors que, tout au contraire, les grands objectifs des réalisations précédentes de l’Union (politique agricole commune, monnaie et marché uniques) avaient été préalablement définis dans des textes juridiques fondateurs.
Ainsi, cette coopération imposée par les nécessités (chapitre 1) permet de mettre en oeuvre ce que l’auteur appelle les compléments d’une communauté économique, et l’on assiste alors à la création du groupe trevi en 1976 (coopération policière) de même qu’au début de la coopération judiciaire, puis à la signature de l’accord de Schengen, en 1985, lequel vise à l’allègement, voire à la suppression du contrôle des personnes aux frontières intérieures de la Communauté. On y examine aussi la Convention de Dublin de 1990 relative aux demandes d’asile, puis le Conseil européen de Luxembourg de 1991 où sont étudiées les questions concernant l’immigration et la mise en place d’Europol.
Cette coopération demeure toutefois limitée, mais elle sera institutionnalisée partiellement dans un cadre juridique, notamment par la signature, en 1992, du fameux traité de Maastricht que l’auteur examine au chapitre 2, tout en expliquant que cette solution institutionnelle permet de conserver un cadre unique avec la coexistence de constructions juridiques différentes, grâce à l’architecture dite « en piliers » Dans le premier, où la méthode de décision est communautaire, l’Union européenne regroupe les trois Communautés (cee, ceca et Euratom) ; dans le second pilier (politique étrangère et de sécurité commune), de même que dans le troisième (justice et affaires intérieures), les décisions sont tenues à l’unanimité.
Dans le troisième et dernier chapitre de la première partie, l’auteur révèle les enjeux de la sécurité intérieure en montrant que la coopération européenne soulève deux questions de taille. D’abord, cette coopération doit-elle être réduite à la circulation des personnes, ou bien peut-elle considérer la sécurité intérieure dans ses nouvelles dimensions, par exemple la criminalité organisée ? Quant aux acteurs, et c’est la deuxième question, ceux-ci peuvent-ils être des membres qui représentent la société civile, ou ces acteurs doivent-ils se limiter aux États ?
Après avoir retracé, dans la première partie de l’ouvrage, les étapes de la coopération et de son institutionnalisation dans les traités, l’auteur explique, dans la seconde partie, comment la réalisation d’un espace de liberté, de sécurité et de justice, notamment dans les traités d’Amsterdam et de Nice, répond à une obligation de résultat et se trouve marquée par la realpolitik. Or, poursuit l’auteur dans le premier chapitre de cette seconde partie, « l’effet conjugué du réalisme politique et du raffinement juridique en fait une construction si complexe qu’elle affecte la lisibilité de l’ensemble » (p. 106). Voilà le lecteur averti ! Au-delà ou malgré le jargon, De Lobkowicz demeure convaincant, quand il s’agit de montrer, dans ce premier chapitre, que le traité d’Amsterdam a créé, beaucoup mieux que celui de Maastricht, une dynamique administrative par les adaptations consenties dans les structures institutionnelles de l’Union des États membres.
Quant au second et dernier chapitre de la seconde partie, l’auteur décortique ce qu’il est convenu d’appeler le plan d’action de Vienne de décembre 1998, par lequel plusieurs principes sont exposés : la subsidiarité, la solidarité, l’efficacité opérationnelle et le réalisme. En octobre 1999, le Conseil européen de Tampere fournira au plan d’action de Vienne une nouvelle impulsion politique.
L’Europe et la sécurité intérieure, paru simultanément dans le périodique Notes et études documentaires (nos 5144-5145), s’adresse d’abord aux juristes et aux politologues. Son auteur, formé en doit communautaire et en sciences politiques, oeuvre depuis plus de vingt ans à la Commission européenne, notamment comme chef de l’unité Relations inter-institutionnelles et stratégie de communication à la direction générale de l’Élargissement. Il est évident que Wenceslas de Lobkowicz maîtrise admirablement son sujet, mais comme il écrit pour les spécialistes, les lecteurs non initiés risquent d’être vite rebutés malgré leur intérêt pour la question.