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Conflict Escalation and Decision Making est une étude exhaustive et bien définie de la littérature sur les processus de prise de décision qui sous-tendent l’escalade des conflits. Le livre est tiré de la thèse de doctorat de Haller et, donc, s’appuie substantiellement sur les classiques du domaine de la gestion de conflits et de la prise de décision en temps de crise. L’ouvrage a recours à une approche scientifique s’appuyant à la fois sur des évaluations macro et micro des processus de prise de décision. Cette approche suggère que les résultats du processus de prise de décision sont le produit d’un amalgame d’éléments aléatoires et de régularités discernables. Les régularités peuvent être détectées et comprises grâce à une analyse systématique où interviennent à la fois des études de cas et des méthodes quantitatives, ainsi que des analyses aux niveaux macro et micro.

S’appuyant, entres autres, sur des idées de Brechner, Maoz et James, l’auteur aborde trois questions : a) quelle est la relation entre les choix individuels de prise de décision et la structure des éléments de l’escalade des conflits ; b) dans quelle mesure l’évaluation que fait le décideur de la différence entre son choix et le résultat en tant que tel a un impact sur son comportement dans un contexte d’escalade des conflits ; et c) dans quelle mesure l’intensité d’une rivalité inter-étatique influence la possibilité de l’escalade des conflits.

En répondant à ces questions, l’auteur avance que les évaluations micro et macro de la structure des conflits ne peuvent être abordées en tant que variables indépendantes et discrètes si l’on souhaite expliquer les changements que connaissent les résultats dans le temps. Cependant, l’auteur insiste sur le fait que les facteurs psychologiques qui sous-tendent la prise de décision sont essentiels pour l’interprétation des actions de politique étrangère et des situations conflictuelles. Le livre accorde une importance particulière aux décideurs se trouvant dans un contexte particulier et qui sont influencés par divers éléments de nature interne et externe, ainsi que par le processus par lequel les décideurs en arrivent à des choix de politique étrangère. Le cadre théorique de Haller se veut une liste exhaustive de facteurs structuraux et psychologiques potentiellement pertinents et fournit des indications quant aux liens anticipés et à l’ordre temporel ayant trait aux variables pertinentes à la prise de décision reliée à l’escalade des conflits.

Haller suggère qu’une analyse adéquate nécessite l’entrée en jeu de la panoplie complète des théories et recherches dans le domaine du comportement humain, de la psychologie de la perception à la théorie de la dissuasion, en passant par la théorie de décision rationnelle. L’auteur considère la prise de décision comme étant une variable pouvant avoir diffé-rentes valeurs et propriétés susceptibles de changer en fonction de facteurs déterminés. L’application pratique fait appel à une analyse empirique utilisant des méthodes statistiques et des études de cas. L’un des éléments clés de l’étude est la relation qui existe entre le contexte et la perception qu’a le décideur de ce contexte, ce que Michael Brecher a appelé le contexte opérationnel (influences externes) et le contexte psychologique (l’interprétation des décideurs de ces influences). Cette perspective implique une classification des variables susceptible de se présenter dans un système de prise de décision relié à l’escalade des conflits.

L’explication intégrale par l’auteur du réseau des variables explicatives et comportementales et son utilisation d’éléments de preuve à la fois quantitatifs et qualitatifs représentent une contribution importante. Contrairement aux théories plus anciennes et aux théories de prise de décision qui ajoutent foi au rôle de la personnalité dans la prise de décision, cet ouvrage s’appuie plus fortement sur d’autres facteurs afin d’expliquer la dynamique des conflits, comme la violation des normes, la perception de la menace, les coûts irrécupérables et la frustration. Il s’agit là d’une démarche judicieuse, dans la mesure où les traits de personnalité influencent effectivement les attitudes et prédispositions ayant trait aux orientations générales du comportement ; toutefois, ils ne sont pas susceptibles d’influencer les stratégies spécifiques de solution pour des problèmes spécifiques. En outre, les traits de personnalité sont généralement stables dans le temps et se traduisent bien en situation de court terme, comme la prise de décision reliée à l’escalade des conflits. Fait intéressant, si la littérature s’est attardée substantiellement aux caractéristiques clés qui influencent la prise de décision en temps de crise, comme la perception de la menace, la perception de la pression liée au temps et le stress, l’ouvrage accorde plus d’attention aux éléments déclencheurs de l’escalade des conflits. Alors que la littérature précédente soulignait l’importance du stress comme étant la principale variable situationnelle, le cadre théorique de Haller donne une place prépondérante aux perceptions d’hostilité incarnées dans certains éléments structuraux des conflits inter-étatiques telles les rivalités persistantes. Cette approche mène donc à une signification et à une interprétation des produits et de la dynamique des processus plus précises que les analyses précédentes.

Un autre avantage de cette démarche est qu’elle établit une différence entre les interactions conflictuelles ad hoc et stratégiques. Dans le cas des interactions stratégiques, certaines thèses proposent que les préférences, le comportement et les perceptions sont stables dans le temps, alors que l’approche ad hoc les suppose en grande partie instables. Il y a de bonnes raisons de croire que chaque approche en soi donne une explication satisfaisante ; les deux fournissent des estimations quant aux valeurs qu’accordent les décideurs à des objectifs spécifiques, tout en évaluant leur volonté à assumer les risques et coûts potentiels selon toute une gamme de facteurs, dont le fait de savoir si les objectifs sont réalisables et bien définis.

Le livre compte sept chapitres. Une section bibliographique détaillée est aussi incluse. Les chapitres 1 et 2 ouvrent le jeu en analysant le concept d’escalade des conflits; ils présentent systématiquement les débats dans le domaine, identifient les forces et faiblesses des approches opposées et fournissent un appui empirique justifiant les arguments théoriques. On y retrouve la justification d’une analyse micro de l’escalade des conflits grâce à une série de théories connues portant sur la rivalité inter-étatique, dont celle de la transition du pouvoir, du bouc émissaire et des stratégies de négociation.

Les chapitres 3, 4, 5 et 6 fournissent respectivement une analyse de la frustration, de la perception de la menace, de la violation des normes et des coûts irrécupérables en tant qu’éléments déclencheurs de l’escalade des conflits. Pour chacun de ces éléments déclencheurs, le contexte théorique, les découvertes empiriques et les implications touchant l’escalade des conflits sont analysés. Le livre conclut par un chapitre qui tente de relier toutes ces approches dans le but d’élaborer un cadre théorique intégré et dynamique pour la compréhension de l’escalade des conflits.

En résumé, Conflict Escalation and Decision Making propose une approche utile à l’identification des crises qui sont gérables et celles qui ne le sont pas. Les grandes lignes de politique qui peuvent être tirées de cette recherche sont en revanche moins instructives. Idéalement, une approche qui se concentre sur les processus de prise de décision devrait permettre d’identifier des stratégies efficaces de gestion de crises. Et encore, il est possible que les leaders ne possèdent pas les capacités intellectuelles pour s’adapter avec succès, ou qu’ils découvrent toute une gamme d’éléments qui susciteront une pression telle que leur niveau de performance en sera diminué. En dernière analyse, dans le contexte sécuritaire actuel où les conflits nationaux sont prépondérants, il est fort possible que les crises nationales combinées aux crises internationales rehausseront la pression avec laquelle les décideurs doivent composer.