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Ce magnifique ouvrage est issu d’une thèse de doctorat récompensée de pas moins de trois prix et dont l’auteur, aujourd’hui professeur, offre ici la version publiée.
Dans la plupart des manuels, la question est abordée sous l’angle du statut interne du droit international, mais la question inverse, c’est-à-dire celle de savoir comment le droit international, de son propre point de vue, appréhende le statut juridique des États, n’a jamais été traitée. D’où l’intérêt d’un tel ouvrage. La doctrine, à peu près unanimement, s’accorde pour dire que le droit international ne peut être, de son point de vue, que supérieur au droit étatique dans la mesure où un État ne saurait, par une norme interne, violer la norme internationale à la création de laquelle il a contribué. Mais une fois cette supériorité établie, le droit international n’en tire qu’une conséquence en termes de responsabilité : l’État, qui dans son ordre interne, a introduit ou maintenu une norme contraire au droit international commet un délit international de nature à engager sa responsabilité.
Mais une autre question se pose, et c’est celle de savoir ce qu’est, au regard du droit international, une norme de droit interne, mais aussi ce qu’est le « produit » de ces normes, c’est-à-dire les situations juridiques individuelles constituées sur la base desdites normes.
Pour cela, trois éléments doivent être envisagés : la proposition légale (la norme interne, hypothétique ou prédicative), la qualité légale (le national, le propriétaire, le sujet de droit) et le concept légal (produit de la combinaison de la proposition légale et de la qualité légale).
Dans une première partie consacrée à « l’accès du droit étatique à l’ordre juridique international », l’auteur démontre que lorsque l’ordre juridique international prend en compte les produits légaux, ceux-ci ne le sont que par référence aux mécanismes du droit étatique. Cette prise en compte se fait selon un schéma unique consistant à appréhender le produit légal étatique comme objet auquel les règles internationales subordonnent leurs effets ou comme fait-condition de l’application de la règle internationale. Une fois ce produit légal appréhendé, il reste à établir que ce produit légal est nécessaire à l’application de la règle internationale et pour cela l’établissement de la règle se fait, ici encore, par référence à l’ordre juridique étatique. L’ordre juridique international détermine d’abord l’ordre juridique étatique pertinent, lequel ordre étatique détermine lui-même les produits légaux étatiques. Enfin, les conséquences théoriques et pratiques de cet accès du droit étatique à l’ordre juridique international sont systématisées pour consater que « le mécanisme par lequel le droit international se réfère au droit étatique conduit à conclure que celui-ci occupe par rapport aux propositions légales de celui-là la position logique du ‘fait’ » (p. 258).
Dans une deuxième partie relative aux « effets du droit étatique dans l’ordre juridique international », C. Santulli démontre que lorsque l’ordre juridique international dicte les effets juridiques du droit étatique, il le fait par référence aux mécanismes du droit international. Par l’analyse de la pratique internationale, il est possible de voir que les qualités légales sont connues ou non du droit international par des mécanismes d’établissement regroupés en plusieurs oppositions telles que validité/invalidité, nullité absolue/relative, nullité/annulabilité, nullité/inexistence/, nullité/inopposabilité, nullité/non-invocabilité, nullité/inapplicabilité et efficacité/inefficacité. L’analyse de la pratique internationale permet aussi de constater que les propositions légales sont elles aussi appréciées sous l’angle du droit international par le principe de l’obligation de réparer, la responsabilité internationale du fait du droit interne apparaissant comme un mécanisme de création du droit international. Enfin l’auteur systématise ses analyses à l’occasion de l’étude du statut des produits légaux pour en arriver à la conclusion que lorsque l’ordre juridique international dicte les effets du droit étatique, celui-ci est un fait juridique.
D’un abord difficile tant la pensée y est dense et le degré d’abstraction haut, cette thèse, qui est une véritable thèse, est aussi une véritable contribution à la théorie des rapports entre ordres juridiques. L’auteur démontre, avec conviction, qu’il existe une indétermination des ordres juridiques puisque le droit international ne voit dans le droit interne qu’un ordre juridique distinct, avec néanmoins des mécanismes tendant à assurer l’articulation entre les ordres. Assurément, l’auteur est dualiste, mais surtout selon le mot du préfacier, le professeur Combacau, « cet ouvrage tout à fait exceptionnel (...) témoigne d’une puissance intellectuelle, d’une imagination théorique, d’une maturité (...) à peu près jamais rencontrées chez un auteur aussi jeune » (p. xiii).