Abstracts
Résumé
Cet article est le résultat d’une recherche portant sur une critique épistémologique des principales caractéristiques de l’éducation scolaire et de l’éducation mapuche, selon une approche basée sur les sciences de l’éducation et le raisonnement épistémique des parents de famille mapuches de la région de l’Araucanie au Chili. Dans le contexte actuel de la réforme du système scolaire chilien, il s’avère nécessaire de contribuer aux débats sur les façons de penser, d’imaginer et de critiquer l’éducation scolaire donnée à la population mapuche. Pour ce faire, il est particulièrement fécond de prendre en compte la double immersion éducative reçue par les Mapuches (éducation mapuche et éducation scolaire). Sur la base d’une recherche qualitative réalisée auprès de parents mapuches et de kimches (savants mapuches), nous identifions, dans leurs discours sur l’école, les aspects d’ordre colonial – aspects construits à travers la scolarisation des élèves dans les écoles situées dans des contextes de vie mapuches. Cependant, la réforme mise en œuvre par l’État chilien, visant à instaurer une éducation interculturelle bilingue, veut intégrer des contenus éducatifs mapuches au sein du programme scolaire. Nous concluons que les contenus éducatifs mentionnés dans les discours des parents peuvent contribuer à transformer le modèle hégémonique et asymétrique que l’on retrouve encore dans l’éducation interculturelle bilingue proposée par l’État. Il s’agit de repenser l’école afin de l’adapter aux relations interethniques présentes dans le contexte de vie des familles mapuches et non mapuches du Chili.
Mots-clés :
- éducation mapuche,
- éducation scolaire,
- éducation interculturelle bilingue
Abstract
This article emerges out of an epistemological study of the primary characteristics of school-based and Mapuche education, using an approach centred on educational science and the epistemic logic of Mapuche parents in Chile’s La Araucanía region. With the reforms to Chile’s education system currently underway, it is vital to contribute to the debates on the ways of thinking, imagining and criticizing the school education given to Mapuche population, with the starting point being the results of dual educational immersion (Mapuche education/school-based education). Based on qualitative research conducted among Mapuche parents and kimches (Mapuche wisemen), this study identifies colonial facets of their discourse regarding school, which have come about through the kind of schooling received by students in schools located in Mapuche environments. However, reforms by the Chilean state aim to implement bilingual intercultural education in order to incorporate Mapuche educational content into the school curriculum. This study concludes that the educational content mentioned in the analyzed discourses may help to transform the hegemonic and asymmetric model that can still be found in the bilingual intercultural education offered by the state. This will help reconsider the concept of school in order to adapt it to the inter-ethnic relations in the life context of Mapuche and non-Mapuche families.
Keywords:
- school education,
- Mapuche education,
- bilingual intercultural education
Article body
Au Chili, au cours des dernières décennies, par conséquence de la démocratisation des institutions sociales et en réponse aux demandes des organisations autochtones pour une éducation plus contextualisée et de meilleure qualité (Marimán, 2008 ; Williamson, 2012), le ministère de l’Éducation (MINEDUC) a créé le « programme d’éducation interculturelle bilingue » (MINEDUC, 2002). Ce programme prévoyait notamment la valorisation des identités et des langues autochtones du pays (MINEDUC, 2012). À ces fins, un « enseignant autochtone » de la communauté à laquelle appartient l’école a été intégré à la salle de classe afin d’y enseigner le mapunzugun (langue mapuche) et la culture mapuche, et afin de promouvoir la participation des familles dans l’éducation scolaire (Abarca, 2004 ; MINEDUC, 2012). Cependant, comme en témoigne l’éducation scolaire au sein des territoires mapuches, le programme scolaire demeure inscrit dans un « modèle monoculturel traditionnel » qui propose des contenus non contextualisés sur la base épistémique des savoirs éducatifs autochtones (Quilaqueo et al., 2014). Dans cet article, nous présentons les résultats d’un projet de recherche sur l’éducation mapuche proposée à leurs enfants par des familles issues des communautés d’Araucanie[1].
Cadre de référence
Le cadre de référence qui nous permet de comprendre et d’expliquer l’éducation mapuche – tout en tenant compte de l’éducation scolaire – se construit autour de quatre éléments fondamentaux : premièrement, la perspective des sciences de l’éducation, qui reconnaît la relation de l’école avec le contexte socioculturel mapuche ; deuxièmement, un socle épistémique de connaissances sur le « savoir éducatif mapuche » (Latcham, 1924 ; D’Orbigny, 1945 ; Alonqueo, 1985, Quilaqueo, et al., 2004 ; Quilaqueo et al., 2005 ; Quilaqueo et al., 2014) ; troisièmement, la mémoire sociale des familles concernant les collectivités territoriales mapuches historiques (Schnapper, 1998 ; Quilaqueo, 2007) ; et, quatrièmement, la problématique posée par la double immersion éducative des Mapuches, et la possibilité d’y répondre grâce à l’implication de la famille et de la communauté à l’école, selon une perspective d’éducation interculturelle.
Éducation scolaire et contexte socioculturel mapuche
L’éducation scolaire dans des contextes autochtones a constitué un des principaux mécanismes mobilisés dans le but de généraliser et de légitimer un ordre social caractérisé par la méritocratie, l’effort individuel et l’égalité des chances (Forquin, 1997). Il s’agit d’une logique de type fonctionnaliste qui a cherché à reconstruire le monde social autochtone en y introduisant de nouvelles formes de socialisation et de différenciation. L’objectif a été d’intégrer les peuples autochtones aux sociétés des États-nations créés à partir d’arguments postcoloniaux (Lopes da Silva, 2009). Ce type d’éducation suggère à chaque personne d’intérioriser ses responsabilités individuelles au sein de la société et d’assumer que ses victoires et ses échecs ne soient que le résultat de son talent et de son effort individuel (Forquin, 1997).
Cependant, selon Bousquet, le modèle scolaire pratiqué au sein des différentes communautés autochtones n’est autre que l’expression d’un impérialisme culturel défini comme « la volonté d’assimiler une population en imposant sa façon de vivre, sa culture, son mode de pensée, en partant de l’idée que cette culture est supérieure » (Bousquet, 2012 : 163). En ce sens, l’éducation scolaire reçue par les membres des peuples autochtones s’est développée sur les bases de la colonisation de leurs territoires pendant le XIXe et le XXe siècle et de l’infériorisation de ses habitants (Merino et Quilaqueo, 2003 ; Quintriqueo et al., 2015c). Dans ce contexte, l’éducation scolaire présente la culture européenne comme le prototype de la civilisation, tandis que le mode de vie de la société mapuche est qualifié « d’attardé, de barbare et même d’inhumain » (Quintriqueo et al., 2014 : 203).
L’instauration de l’école par les missions catholiques et anglicanes au Chili au cours de la période postcoloniale a signifié pour les enfants et les adolescents mapuches l’éloignement violent de leur famille et de l’éducation prodiguée en son sein. Cet éloignement renvoie à leur entrée au pensionnat et dans les écoles, alors envisagée comme une opportunité de « mobilité sociale et économique » favorisant la formation d’un capital humain ainsi que le développement économique, politique, social et éducationnel des familles et des communautés (Quintriqueo et Muñoz, 2015b). Cependant, en tant qu’instrument d’intégration conçu par la société créole chilienne et par les responsables de la configuration de l’État-nation, l’éducation scolaire a contribué à la domination, voire à l’élimination du sujet mapuche, acteur et peuple doté du droit de développer sa propre éducation (Foerster et Montecino, 1988 ; Quintriqueo, 2010). De cette façon, la reconnaissance et l’autonomie des familles et des communautés sont niées aussi bien au niveau régional que national (Quintriqueo, 2010 ; Palma, 2011). Par conséquent, les enseignants sont formés selon le discours hégémonique et monoculturel en Araucanie. Ce discours est construit selon divers mécanismes éducatifs, par exemple la formation initiale monoculturelle, la scolarisation colonisatrice et la négation des savoirs indigènes. On observe donc que la « domination du Mapuche » reste liée aux relations sociales et aux pratiques pédagogiques des enseignants établie sur l’exclusion de la base épistémique de l’éducation mapuche.
Base épistémique de l’éducation mapuche
La base épistémique de l’éducation mapuche est un ensemble de connaissances sur le milieu social, naturel et spirituel, de type inductif, validé par les pratiques sociales et culturelles utilisées par les kimches et les parents mapuches dans la transmission des savoirs éducatifs (Quintriqueo et al., 2015c). Les pratiques sociales et culturelles s’inscrivent dans un contexte sociohistorique particulier, où l’enseignement-apprentissage est organisé selon le kimeltuwün, que nos recherches définissent comme une méthodologie mapuche qui guide la réflexion entre deux personnes ou un groupe de personnes, sur la base des principes qui orientent l’éducation comme le respect, l’estime et la reconnaissance entre les membres de la famille et de la communauté (Quilaqueo, et al., 2004 ; Quilaqueo et Quintriqueo, 2007 ; Quilaqueo, 2015). Par conséquent, la validation, la véracité et la démonstration des connaissances mapuches se réalisent en même temps que les pratiques sociales et culturelles qui cherchent à construire la solidarité sur la base et le principe de formation de la personne par les savoirs. En résumé, il sʼagit dʼune rationalité éducative qui s’appuie sur une épistémè émergeant de la construction sociale de la connaissance, dans le but de comprendre et de donner un sens aux contenus sur la nature, l’environnement social et culturel, la spiritualité et le contexte sociohistorique de la vie mapuche. Dans ce sens, les savoirs éducatifs mapuches sont rationnels parce qu’ils « font partie dʼun système symbolique auquel sʼajoutent des règles dʼusage. Ils sont produits dans un contexte historique et social ; ils font référence à des cultures, ils expriment, montrent des modes de socialisation et d’appropriation[2] » (Beillerot, 1998 : 23).
La rationalité des savoirs éducatifs mapuches a permis aux différentes communautés territoriales de subsister tout en maintenant une identité propre dans les domaines personnel, familial et communautaire (Quilaqueo et al., 2004 ; Quilaqueo et al., 2005 ; Quilaqueo et Quintriqueo, 2010). Les personnes formées sur la base des connaissances sociales et culturelles mapuches ont été instruits à travers les mythes, les légendes, les contes ainsi que l’histoire de l’ascendance paternelle et maternelle de chaque personne ; soit à travers les faits et les contenus d’une mémoire familiale et collective (Alonqueo, 1985 ; Quilaqueo et Quintriqueo, 2010). Ceux qui cultivent ces connaissances au moyen de méthodes spécifiques sont reconnus en tant que kimche (Quilaqueo, 2006 et 2012). Les kimches connaissent les savoirs éducatifs, les aspects socioculturels des familles et des différentes communautés territoriales par lʼentremise des kuyfike zugu (Quilaqueo, 2007 ; voir aussi Housse, 1939 ; Latcham, 1924 ; Noggler, 1972). Le kuyfike zugu, est un conceptqui se réfère à des thèmes formatifs appuyé dans la mémoire sociale familiale. Selon cette perspective, la construction des connaissances éducatives mapuches intervient dans le cadre de l’action éducative kimeltuwün.
Dans le contexte socioculturel des communautés, l’éducation mapuche repose sur des contenus éducatifs de valeurs composés de codes culturels relatifs aux valeurs, principes et finalités nécessaires à la formation des personnes au sein de la famille et de la communauté (Quilaqueo et al. 2004 ; Quintriqueo et Maheux, 2004 ; Quilaqueo, 2006). Dans ce type d’éducation, les parents, les grands-parents et les sages (kimches) sont chargés d’enseigner les valeurs, car ils possèdent les connaissances éducatives mapuches et comprennent leurs relations avec les connaissances éducatives scolaires. L’éducation mapuche a pour objectif général que les membres de chaque famille apprennent à se comporter selon les principes de valeurs de la relation homme-nature-spiritualité. Cette conception de la vie interprète l’ordre du monde « comme une grande société où les hommes, la nature et les êtres qui l’habitent sont régis par les mêmes principes moraux et sociaux[3] » (Jiménez, 2004 : 64). Pour les Mapuches, ces valeurs caractérisent l’éducation ainsi que les intérêts vitaux de chaque individu et leur permettent de mener les actions nécessaires à la construction de leur identité socioculturelle (Bujardón, 2008).
Dans ce contexte, l’éducation mapuche peut être définie comme l’action éducative par laquelle les enfants et les adolescents se préparent à l’apprentissage de contenus relatifs à la société, à l’environnement et à la spiritualité, lesquels fondent les expériences de relation sociale entre les familles et leurs communautés (Beillerot et Mosconi, 2006 ; Quilaqueo et Quintriqueo, 2010). Cette notion d’éducation comprend l’ensemble des interventions sociales organisées pour préparer, soutenir, aider et relayer les parents dans l’éducation des nouvelles générations (Quintriqueo et al., 2015a). En résumé, l’éducation mapuche présente des avantages liés à la participation et à la prise de décision au sein de la famille et de la communauté. Cependant, sur la base d’un dialogue social et culturel, l’éducation mapuche peut aussi être articulée de concert avec les finalités de l’éducation scolaire, en tant qu’alternative de développement d’une éducation interculturelle contextualisée (Quintriqueo et Muñoz, 2015b).
Mémoire sociale des familles mapuches
Dans cet article, le concept de mémoire sociale se fonde sur les publications relatives à la mémoire collective et individuelle de Halbwachs (1970), Le Goff (1991), Sabourin (1997), Montesperelli (2004) et Quilaqueo (1994 et 2005). Les kimches puisent dans la mémoire sociale les savoirs éducatifs segmentés que chacun utilise selon le type de connaissance enseigné. Cette dynamique est également observée chez le wewpife (une personne qui valide sa connaissance et la compare à celle d’un autre wewpife, afin dʼobtenir un discours cohérent sur la base de faits historiques), en vue de construire des connaissances (Alonqueo, 1985). En tant que productions humaines, ces connaissances présentent des caractéristiques communes ; produits de la mémoire, elles ne se limitent pas aux connaissances intrinsèques de chaque individu, mais se projettent dans la communauté tout entière. En étant partagée, la mémoire est à la fois collective et intersubjective, car elle va au-delà de son objectivisation (Berger et Luckman, 2002 ; Montesperelli, 2004).
La mémoire sociale familiale, constitue la principale source des connaissances et de l’identité socioculturelle mapuche. Elle est donc un élément indispensable à la production identitaire de la collectivité. Grâce aux kimches, les principaux éléments constitutifs de la mémoire sociale de l’éducation mapuche se trouvent dans le zugu (thème), dans des contenus procéduraux comme le gübam (forme d’enseignement par le biais de conseils), ainsi que dans des contenus comportementaux comme savoir écouter et respecter (Alonqueo, 1985 ; Quilaqueo, 2006).
Afin d’appréhender la mémoire sociale utilisée par l’éducation mapuche en milieu familial, Quilaqueo, Quintriqueo et Fernandez (2010) identifient cinq types de récits discursifs qui présentent la mémoire orale comme une méthode de formation des enfants et des jeunes : 1) le gübam est un type de discours destiné à instruire un enfant ou un jeune dans le développement d’attitudes de vie relatives au respect des personnes, de la nature et des forces spirituelles ; 2) le pentukuwün est un salut protocolaire entre des personnes d’une même famille, utilisé pour apprendre et enseigner la connaissance historique sur la famille et le réseau de parenté ; 3)l’ülkantun est un type de discours utilisé pour apprendre et enseigner de façon spontanée des contenus éducatifs dans le cadre d’une interaction familiale ;4) le piam est un récit fondateur qui organise la « mémoire orale » pour apprendre et enseigner la vision du monde, la cosmogonie associée à l’origine du monde et aux forces spirituelles ainsi que les savoirs relatifs à l’ordre de l’espace et du temps ; 5) le nüxam est un récit social et éducatif permettant d’apprendre et d’enseigner des connaissances relatives à l’histoire locale, à la parenté, au territoire et à la géographie. L’ensemble de ces types de discours est basé sur la mémoire sociale et constitue une ressource employée par les parents et les kimches afin que les enfants et les adolescents puissent apprendre les cadres sociaux, culturels et historiques qui orientent la vie mapuche.
Défis de l’éducation mapuche et de l’éducation interculturelle
Selon une approche critique de l’éducation interculturelle en territoires mapuches, nous observons, à l’instar de Jorge Gasché, que la domination-soumission s’exprime à la fois dans des termes objectifs et subjectifs, car « parler d’interculturalité comme d’une relation horizontale n’est rien d’autre qu’un euphémisme pour déguiser les relations verticales[4] » (Gasché, 2008 : 283). Ceci est attesté par l’absence de reconnaissance constitutionnelle des Mapuches en tant que peuple (Gobierno de Chile, 2009). Il faut ajouter qu’en Amérique latine, les politiques gouvernementales liées aux programmes d’éducation interculturelle bilingue ont été « ... destinées aux couches sociales dominées, en particulier aux autochtones, afin qu’ils “respectent” et “tolèrent”, qui ? Ceux qui les dominent, les méprisent, les trompent, les exploitent[5] » (Gasché, 2010 : 115). Ces cadres multiculturels contemporains sont ceux proposés pour remplacer la politique indigéniste mise en œuvre durant presque tout le XXe siècle par les États nationaux.
Dans cette perspective, les conditions de domination continuent de marquer la relation et l’interaction sociale entre les Mapuches et les non-Mapuches, selon des logiques culturelles et relations sociales qui mènent à l’absence de communication et à l’invisibilité des différences dont on retrouve l’expression dans la crise identitaire des nouvelles générations (Quintriqueo, 2010). Par conséquent, les défis de l’éducation en territoires mapuches consistent à définir les cadres éducatifs capables de poser les conditions de cohabitation, de compréhension et de relation nécessaires au dépassement de l’éducation monoculturelle ainsi que de la version restreinte du programme d’éducation interculturelle.
Méthodologie de la recherche
La présente étude s’inscrit dans le champ de la recherche qualitative sur l’éducation (Poupart et al., 1997 ; Sandín, 2003) et fait appel à un modèle de cas multiples sélectionnés comme des cas typiques (Stake, 1999) à partir de critères d’âge, d’appartenance au peuple mapuche, de genre et de zone géographique. Son approche d’analyse descriptive est complétée par une méthodologie propre à la phénoménologie herméneutique (Schütz, 2003 ; Taylor, 2005) qui permet d’accroître ou d’éclaircir la compréhension de l’objet de l’étude par la perspective de l’expérience ; cette dernière intégrant les dimensions de l’expression et de la pratique. Cette approche consiste à tenir compte des conditions de la production textuelle et discursive des parents interrogés, selon le postulat que le sens de l’action sʼintègre toujours dans un contexte (Noya Miranda, 1995). Par conséquent, le sens est inséparable de la définition de la situation par les participants (informateurs et chercheurs), mais aussi de leur capacité autoréflexive dans le déroulement de la recherche.
La méthodologie employée dans cette recherche a permis d’analyser les discours des parents mapuches relatifs à l’école ainsi que les aspects coloniaux sous-jacents. La contextualisation du sujet et de son environnement permet de comprendre et d’interpréter les cadres de références propres au contexte de vie mapuche (Denzin et Lincoln, 2010). Dans cette perspective, il s’est avéré déterminant de connaître les discours des dominés concernant le savoir dans le contexte social de l’Araucanie ; ces derniers résistant aux asymétries imposées par les cadres coloniaux et postmodernes. À cet égard, nous suivons la réflexion de Bishop (2005) qui affirme que la recherche traditionnelle se trompe en présentant le processus de construction de la connaissance des groupes autochtones comme un mécanisme de contrôle aux mains des groupes dominants qui simplifient, assimilent, stéréotypent et marchandent la connaissance autochtone.
Contexte de l’étude
La recherche a été menée dans la région de l’Araucanie, située dans la zone centre-sud du Chili. Les Mapuches sont le peuple autochtone le plus important du pays avec 1 321 717 membres. Ce nombre correspond à 84,4 % des individus se reconnaissant comme autochtones au Chili (Enquête socio-économique nationale [Casen], 2015). Le travail de terrain a été réalisé dans des zones historiquement reconnues comme étant des territoires mapuches : lʼaire Nagche, pour les habitants des basses terres ; l’aire Lafkenche, pour les habitants de la côte de l’océan Pacifique. Afin de favoriser l’accès à chaque aire territoriale, nous avons travaillé avec des « agents clés » qui ont facilité l’entrée dans les communautés et les localités suivantes : a) commune de Padre Las Casas, localité de Xüf-Xüf et commune de Nueva Imperial, localité de Rulo, située dans le territoire Wenteche ; b) commune de Lumaco, localités de Pantano et de Quetrawe du territoire Nagche ; et c) commune de Saavedra, localités de Ranco, Daullico, Naupe, Dollinco et de Collico, dans le territoire Lafkenche.
Les participants à l’étude
L’échantillon total de l’étude était constitué de 53 pères et mères, soit 27 hommes et 26 femmes, dont l’âge oscillait entre 45 et 85 ans. Concernant leurs activités en contexte familial et communautaire, 24 personnes ont déclaré se dédier à l’agriculture, 18 aux activités du foyer, 8 personnes se sont présentées comme étant des autorités traditionnelles et 3 comme des tisseuses. Pour faire partie de cette étude – afin d’attester la double immersion éducative vécue – ces personnes devaient posséder une mémoire sociale familiale des pratiques socioculturelles en tant que pratiques épistémiques, ainsi quʼune expérience en milieu scolaire.
Outil de collecte
La collecte de l’information a été réalisée au moyen d’entretiens semi-structurés menés en espagnol et en mapunzugun auprès de chacun des participants à la recherche[6]. Ces dernières ont également été comparées aux connaissances dont ont fait état les parents associés à la recherche pendant lʼorganisation d’ateliers méthodologiques visant à révéler les savoirs éducatifs mapuches (Quilaqueo et al., 2004). Cette démarche a permis de mettre en place un processus de recherche participative/collaborative, dans lequel les parents eux-mêmes, ainsi que leur propre environnement social (famille et communauté) ont choisi de participer à la co-écriture des témoignages rendus durant les entretiens.
Analyse de l’information
Notre analyse a pris en compte la théorisation ancrée afin d’aborder de façon rigoureuse et systématique l’analyse des données empiriques destinées à générer la construction de nouveaux corps théoriques (Strauss et Corbin, 2002). La codification ouverte a été utilisée pour réaliser une première organisation conceptuelle des discours des participants de l’étude, afin d’identifier un ensemble émergent de catégories et leurs propriétés. Ces catégories ont ensuite été traitées en procédant à la codification axiale, l’échantillonnage théorique, la méthode comparative constante et la saturation théorique, au moyen du logiciel Atlas.ti (Strauss et Corbin, 2002 ; Flick, 2004). Le processus de codification s’est déroulé en deux étapes. Dans un premier temps, il y a eu immersion dans les données pour « faire parler le texte » et ainsi identifier ce qui était implicite dans les arguments des parents. La seconde étape s’est appuyée sur la comparaison des catégories, la saturation des contenus et la triangulation des connaissances des parents par zone géographique, dans le but d’identifier et de différencier l’entretien de chaque participant. Pour ce faire, une nomenclature spécifique a été utilisée au cours du processus de transcription et de présentation des résultats : le symbole PF pour se référer aux parents, le symbole H (homme) et le symbole F (femme), suivi du numéro de l’entretien et du sigle correspondant au lieu d’appartenance de l’interviewé, défini de la manière suivante : XX correspond à Xüf-Xüf, R à Rulo, S à Saavedra et L à Lumaco. Dans l’unité herméneutique créée pour analyser les données, les témoignages se présentent sous la référence suivante (XXX [x : x]).
Résultats de la recherche
Les résultats sont organisés en fonction des trois aspects centraux identifiés dans les analyses des témoignages recueillis : 1) les questions liées à la mémoire de l’expérience scolaire et à sa relation avec l’éducation mapuche reviennent avec une fréquence de 24 % dans les discours des parents ; 2) le contexte contemporain de l’éducation en territoire mapuche a une récurrence de 32 % ; et 3) les défis de l’école en relation avec l’éducation mapuche sont mentionnés avec une fréquence de 44 % (voir Tableau no 1). Ces aspects sont marqués par la double immersion éducative expérimentée par ces parents, éduqués à la fois en milieu familial mapuche et dans le système scolaire. Leurs témoignages représentent une critique épistémologique d’un système scolaire qui maintient des aspects coloniaux, par exemple la prévalence des connaissances eurocentristes rendant plus difficile la transformation concrète de l’éducation scolaire en contexte mapuche et non mapuche.
Source : élaborée à l’aide du logiciel Atlas.ti
Mémoire sur l’expérience scolaire et sa relation avec l’éducation mapuche
Les expériences de scolarisation des parents et leur relation avec l’éducation mapuche permettent de comprendre, dans une perspective historique, les processus mis en place depuis la multiplication progressive des écoles publiques dans les reducciones indígenas entre les années 1940 et 1970 (Bengoa, 1985). En effet, l’éducation scolaire a été un vecteur d’assimilation sociale et culturelle de la population mapuche, donnant lieu à des processus et relations complexes avec un milieu socioculturel et épistémique méconnu. Ce qui suit est raconté par un père de famille :
Quand nous étions petits et que nous allions à l’école, on nous a enlevé cet apprentissage du mapuche. On nous en privait […]. Une des raisons était que nous ne savions pas prononcer les mots en espagnol. Il y avait des enfants qui ne savaient rien de l’espagnol et pour qu’ils comprennent, il aurait fallu leur parler en mapuche, mais leurs professeurs ne pouvaient pas leur parler en mapuche. Je me souviens toujours des Curin qui ne comprenaient rien de lʼespagnol, ils ne parlaient que le mapunzugun […] (PFF17 SA [47:47])
À l’école, l’immersion en langue espagnole a marqué les Mapuches qui sont aujourd’hui âgés de plus de soixante ans. Pour eux, l’accès à l’éducation scolaire a entraîné l’interruption de l’éducation mapuche, c’est-à-dire l’apprentissage de la langue et le feyentun[7]. À ce sujet, un témoignage indique :
[…] maintenant que nous sommes avec les Wigkas [non-Mapuches], on ne parle plus quʼen espagnol, avant on parlait tous en mapuche ; par exemple, mon oncle faisait le wewpin [discours public formel]et chantait tout en mapuche. Les enseignements se faisaient dans notre langue […] (PFH24 RU [43:43])
Ceci est à relier avec un processus d’awigkamiento (processus d’assimilation á la vie chilienne) obligé, adopté comme unique moyen de survie, entraînant l’appropriation de l’éducation scolaire au détriment de l’éducation mapuche, et ce, principalement pour ce qui est de la langue et des façons d’interagir. L’ensemble des témoignages révèle chez les familles une nécessité sociale et économique d’envoyer les enfants et les jeunes à l’école pour qu’ils apprennent à lire et à écrire en espagnol. Un père de famille explique qu’« auparavant les parents ne voulaient pas que leurs enfants aillent à l’école et passent en classe de deuxième ou troisième année et leur disaient : maintenant que tu sais signer, tu nʼiras plus à l’école » (PFF14 XX [66:66]).
Dans le contexte social, politique et économique de l’époque, apprendre l’espagnol était important pour avoir dans la famille des personnes sur qui compter pour effectuer des démarches auprès des administrations, voire pour déjouer les tromperies des colons ou des commerçants sur la propriété des terres. L’objectif n’était donc pas que les enfants et les jeunes terminent leur éducation scolaire ; une fois que leurs enfants avaient acquis des compétences de base en espagnol, certains parents décidaient de les retirer de l’école. Il est important de souligner que dans les écoles situées au sein des communautés, mais sur des terrains voisins de ceux contrôlés par les colons, les conditions éducatives étaient caractérisées par de nombreuses difficultés : difficultés d’accès des enfants et des jeunes mapuches à l’école, problèmes d’infrastructure, qualité de l’enseignement variable, discrimination ethnique et violence (intimidation). C’est ce qu’évoque le témoignage suivant :
[…] dʼautant que je me souvienne, dans la famille, on souffrait beaucoup à l’école. Le problème était qu’il n’y en avait pas d’école ; le collège où nous apprenions était très éloigné. C’était l’école missionnaire de Millaweko où étudiaient près de quatre-vingts élèves. Elle réunissait beaucoup d’élèves venus de partout. On souffrait aussi beaucoup, car il n’y avait pas de transport, nous devions nous y rendre en marchant pieds nus, il n’y avait pas de chemin et les parents n’accordaient pas beaucoup d’importance aux études. À notre retour de l’école, on nous envoyait nous occuper des cochons […] (PFH8 XX [18 h 18])
Les difficultés d’accès à l’école étaient en grande partie liées aux distances que devaient parcourir les élèves et au coût économique que représentait l’éducation scolaire pour les familles. Si on décidait de poursuivre au secondaire, on devait envoyer les enfants au pensionnat dans des villes comme Victoria, Padre Las Casas, Traiguén ou Saavedra. Lʼéducation était précaire, centrée sur les aspects de base de l’écriture et de la lecture en espagnol ainsi que sur la doctrine chrétienne, au sein d’écoles où un seul professeur enseignait simultanément à des enfants d’âges et de niveaux différents. Pendant longtemps, il s’agissait dʼécoles missionnaires, puis progressivement se sont installées des écoles publiques et des écoles privées d’agriculteurs non mapuches. Comme l’expliquait un témoignage : « […] avant, quand nous allions à l’école, il y avait un professeur qui enseignait au primaire du premier niveau au sixième, et maintenant ce n’est plus comme avant, car chaque niveau a son professeur et comme ça on apprend plus […] » (PFH5 XX [38:38]). Les parents ont vivement critiqué la discrimination ethnique et la violence vécues au cours de la formation scolaire :
Quand j’allais à l’école, les enfants wigkas étaient très cruels, ils frappaient les enfants mapuches. Je ne sais pas si c’était parce qu’il s’agissait d’une école et dʼune maison très pauvre. Nous avions un poêle pour nous chauffer et les bancs sur lesquels nous posions les cahiers étaient faits de simples planches. Les enfants wigkas nous mettaient dehors, car ils étaient plus nombreux et nous, nous restions dehors glacés par le froid alors qu’eux se réchauffaient auprès du poêle à l’intérieur. (PFF3 LU [101:101])
Depuis cette époque, l’école sʼest constituée en espace de rencontres, mais aussi de conflits entre le contexte de vie mapuche et le monde chilien occidental ; dans les témoignages des personnes interrogées, le comportement des professeurs et des élèves non mapuches se caractérisait par le mépris et de fréquentes humiliations. En ce sens, au lieu d’aider à réduire les tensions au sein de l’environnement scolaire, les professeurs accentuaient le niveau de discrimination en interdisant aux enfants de parler le mapunzugun, interdiction qui s’accompagnait de sanctions physiques et psychologiques.
Contexte contemporain de l’éducation en territoire mapuche
Le contexte contemporain de l’éducation au sein des territoires mapuches est éclairé par la critique des participants à l’étude, qui affirment qu’il y a en milieu scolaire une prédominance des connaissances occidentales au détriment des connaissances mapuches. Ils mentionnent aussi les difficultés rencontrées pour renverser la relation asymétrique existante entre les deux types de connaissances. Comme l’indiquait un père de famille :
[…] à l’école, ce n’est que tout récemment que l’on a commencé à travailler sur lʼintégration de connaissances mapuches. Enseigner à l’enfant des choses sur sa culture vient tout juste de commencer, alors qu’avant on nʼen parlait même pas ; il ne s’agissait que dʼun contenu disciplinaire. Nous pouvons donc noter un changement ; cependant, je persiste à croire que ces deux types d’enseignement ne se ressemblent pas beaucoup. (PFF18 SA [57:57])
Bien que lʼon puisse observer une ouverture progressive au cours des dernières années, par exemple par l’intégration de l’enseignement du mapunzugun, il est à souligner qu’elle n’a pas permis d’articuler de façon cohérente l’éducation mapuche et l’éducation scolaire, en raison d’une incompatibilité épistémique entre les deux modèles d’éducation. Au contraire, il existe des différences liées aux méthodes, au temps et aux ressources utilisées pour enseigner, comme l’indique le témoignage suivant :
À l’école, on n’enseigne pas la même chose quʼau sein de la famille mapuche, car à l’école, les enfants vont pour y apprendre certaines disciplines alors qu’à la maison, cʼest différent, car on t’enseigne tout sur notre culture. Par exemple, nous cherchons des sujets du passé pour discuter avec les aînés et dire : regarde, cʼest de cette façon que lʼon fait cela, et pour le we xipantu ou la fête de la Saint-Jean, cʼest cela que nous faisons ; mais à l’école, on va apprendre autre chose, donc il y a des différences. (PFH 12 XX [30:30])
Ainsi, l’éducation mapuche privilégie comme moyens d’apprentissage les conversations, les conseils, les travaux du foyer et la relation quotidienne avec la nature. Quant à elle, l’éducation scolaire est organisée selon une structure routinière prévue par le programme national à partir de contenus abordés indépendamment du contexte socioculturel des étudiants, pour des journées d’étude tenues essentiellement dans l’enceinte de la salle de classe. En ce sens, une des personnes interrogées signalait que « dans la famille, on enseigne aux enfants en leur expliquant les choses de façon affectueuse et à l’école ce n’est pas comme ça. Selon moi, à l’école, celui qui a appris a appris, mais si ce n’est pas le cas, il a malheureusement échoué […] » (PFF16 SA [31:31]). Ceci nous aide à comprendre pourquoi l’éducation scolaire est perçue comme un système compétitif et individualiste, au sein duquel la personne peut aussi bien connaître le succès que l’échec. À la différence de cette mise en concurrence, l’éducation mapuche crée des relations affectives visant à former l’être, le che (personne) ; c’est-à-dire à être une personne respectueuse des membres de sa famille et de sa communauté, capable de valoriser l’identité mapuche associée à sa territorialité et de maintenir une relation d’équilibre avec la nature et les forces spirituelles.
Selon les pères et les mères interviewés, cette distance d’ordre épistémique et méthodologique entre les deux types d’éducation influence les processus de formation en milieu scolaire, qui sont caractérisés par leur décontextualisassions. Comme lʼune des mères le signale :
Quand les enfants vont à l’école, on ne leur enseigne que des connaissances non mapuches, simplement à lire et à écrire, mais rien sur comment être mapuche. C’est pour cela que les enfants qui vont à l’école ne peuvent pas parler mapunzugun, ils ne savent pas prononcer les mots (PFF38 LU [54:54])
Ce témoignage permet de saisir les tensions existantes entre les deux manières d’éduquer les enfants et les jeunes ainsi que la prévalence d’une éducation scolaire de type eurocentriste, ayant (et ayant eu) comme principales conséquences d’entraîner la méconnaissance par les nouvelles générations de leurs propres savoirs éducatifs et linguistiques.
Défis de l’école dans sa relation avec l’éducation mapuche
Pour les parents interviewés, l’école doit repenser sa relation avec l’éducation mapuche et accepter que des conditions contemporaines comme la mise en œuvre de l’éducation interculturelle bilingue permettent d’imaginer et de concrétiser des alternatives éducatives au modèle pédagogique prédominant à l’école. À ce sujet, l’intégration de la langue et des savoirs éducatifs mapuches constitue le principal défi de l’éducation scolaire.
En ce sens, un modèle d’éducation en rupture avec le schéma monoculturel des contenus des programmes peut trouver de nouvelles voies d’action dans l’intégration du mapunzugun et des connaissances liées à la nature, au territoire et aux pratiques socioculturelles, ce qui est bénéfique autant pour les élèves d’origine mapuche que non mapuche. Un père de famille signale que :
l’école doit enseigner à respecter la nature, car la végétation est celle qui protège l’air pur que nous respirons et c’est ce que nous souhaitons, que ces hualles (Nothofagus obliqua) et boldos (Peumus boldus) ne soient pas exploités ; dire aux élèves de respecter tout ça (PFH8 XX [43:43])
Pour que ces intentions se concrétisent, il doit y avoir des ouvertures épistémiques permettant de considérer les exigences des familles mapuches. Comme le signale une mère :
Je pense que les deux choses sont bonnes, car les enfants doivent apprendre différentes connaissances. Parce que demain, ils vont devoir se rendre dans d’autres lieux et maîtriser différentes connaissances. Mais il est très important que le mapunzugun soit enseigné à l’école pour éviter qu’il ne se perde. (PFH8 XX [43:43])
Pour générer ce type de transformations, il est essentiel d’établir entre les familles et l’école des relations qui permettent de travailler dans une logique de collaboration. C’est ce que mentionne un père de famille : « Je crois qu’on devrait travailler ensemble avec l’école et la communauté, car je crois que toutes ces choses sont utiles. Nous, nous pouvons mourir, mais après nous vient l’autre génération et ils pourront ainsi perpétuer nos savoirs […] » (PFH20 SA [73:73]).
Dans la continuité des propos antérieurs, pour les parents rencontrés, il est important que les professeurs soient capables d’enseigner dans des contextes mapuches et interculturels ; certaines caractéristiques du professeur sont évoquées comme indispensables à la réalisation de ce type de transformations éducatives. Un parent interrogé indiquait que le professeur devrait « être une personne respectueuse sachant bien parler mapunzugun aux enfants, pour leur enseigner le sens de ce qu’il dit, car s’il leur parle sans leur expliquer ce que cela signifie, l’enfant n’apprendra pas. » (PFF18 SA [96:96]). Ainsi, une ouverture du professeur pour l’apprentissage des savoirs et des connaissances éducatives autochtones est présentée comme un aspect essentiel pour pouvoir exercer dans des écoles situées en contexte mapuche. Par exemple, une connaissance du mapunzugun ainsi qu’une relation de collaboration avec les enfants, la famille et la communauté témoigne de cette ouverture de l’enseignant. Les références à ces deux aspects, les savoirs éducatifs et la langue mapunzugun, se retrouvent dans l’ensemble des témoignages, où ils sont mentionnés comme une réponse au défi de préparer les professeurs à valoriser et comprendre la façon de penser des mondes mapuche et non mapuche, dans le but ultime d’améliorer l’éducation des enfants et des jeunes. Une personne interviewée affirme que le professeur « doit présenter une empathie dans les deux sens, par les deux cultures, être respectueux des cultures autochtone et non autochtone, intégrer les élèves, ne pas discriminer, posséder une formation de fond autochtone et avoir été élevé dans un espace territorial autochtone » (PFH9 XX [108:108]).
Des participants proposent de favoriser l’intégration de méthodes éducatives mapuches telles que le gübam, afin que les « enfants ne reçoivent pas de wezake gübam (mauvais conseils) et n’abordent pas la vie de travers. Toute personne qui souhaite être professeur devrait le pratiquer. » (PFF15 XX [64:64]). Cette démarche devrait sʼaccompagner d’une dynamique de routine scolaire qui intègre d’autres temps et espaces de travail, tels que des visites à la communauté, comme l’indique une personne : « Ce serait bien qu’ils aillent aux foyers des élèves, qu’ils sortent à la campagne pour discuter avec des aînés et que les enfants écoutent ces conversations. Ce serait bien qu’ils aillent discuter avec ces personnes » (PFH28 SA [75:75]). En accord avec ces propos, nous sommes d’avis que tant pour les élèves mapuches que les non mapuches, l’éducation scolaire devrait assurer l’intégration de méthodes d’enseignement propres à l’éducation mapuche. Selon une logique interculturelle, cette démarche serait profitable aux élèves insérés dans des processus de double immersion éducative, en les préparant à interagir dans divers contextes socioculturels.
Discussion et conclusion
Les résultats montrent qu’historiquement, dans des contextes de vie mapuche, l’éducation scolaire formelle a été assurée selon la dynamique de l’école, tandis que l’éducation mapuche était vécue au sein de la famille et de la communauté. En ce sens, la mémoire sociale des pères et des mères de famille interrogés nous permet d’appréhender l’éducation donnée au sein de l’école comme un espace de rencontres et de non-rencontres entre le monde de vie mapuche et le monde chilien occidental. Il s’agit de « rencontres », car les enfants et jeunes mapuches ont pu accéder aux contenus éducatifs du programme scolaire, à une formation structurée selon des valeurs chrétiennes occidentales, à la langue espagnole, et à l’idéal de citoyenneté dans un État républicain tel que le Chili. Consciemment ou inconsciemment, de manière planifiée ou non, cette scolarisation a induit chez les étudiants – d’ascendance mapuche comme non mapuche – l’apprentissage d’une culture scolaire qui a forgé en eux une rationalité hégémonique, homogène, monoculturelle, eurocentriste, technico-productive, classiciste et raciste (Quintriqueo, 2010 ; Vázquez, 2015). C’est ce que nous qualifions de « non-rencontres » : ces manquements provoqués par la prééminence d’un enseignement-apprentissage caractérisé par une connaissance scolaire monoculturelle, le racisme, la discrimination ainsi que la violence physique et symbolique expérimentée par les participants à notre étude. Cette relation de rencontre et de non-rencontre entre l’éducation scolaire et l’éducation familiale mapuche est marquée par des tensions historiques constantes qui, sur le plan social et éducatif, constituent des désaccords épistémiques qui rendent impossible l’autonomie, la reconnaissance et le droit à la différence (Tubino, 2014 ; Quintriqueo et al., 2015c). À cet égard, il est essentiel de penser les transformations de l’éducation en relation avec l’ouverture épistémique des pratiques éducatives, c’est-à-dire l’éducation des nouvelles générations d’enfants mapuches aussi bien dans le cadre scolaire que dans la connaissance et les pratiques sociales mapuches. Cela demande aux agents du milieu scolaire de reconnaître que la transmission culturelle et l’acquisition de connaissances autochtones ne doivent pas nécessairement se produire dans les cadres fixés par l’enseignement scolaire formel (Rockwell et Gomes, 2009).
Il convient également de considérer la mise en œuvre de l’interculturalité comme une approche éducative consciente de la nécessité de repenser l’orientation de la politique éducative et capable de remettre en question le modèle dominant d’éducation d’essence eurocentriste[8] (Fuenzalida, 2014). Cela impose de ne plus l’envisager comme une politique compensatrice – qui, pourrait-on avancer, ne fait que couvrir les inégalités socioéducatives et réduire l’impact des connaissances autochtones aux catégories de folklore, en vertu d’un comportement colonial qui persiste en des temps postcoloniaux (Canessa, 2004 ; Hecht, 2013). Dans le contexte des tensions existantes entre l’éducation scolaire et l’éducation mapuche, l’interculturalité exige de construire une éducation pour les peuples autochtones et non autochtones selon une approche décolonisatrice, c’est-à-dire capable de rompre avec les relations de domination/soumission qui continuent d’être reproduites par l’école, qui devient ainsi un lieu où les seuls savoirs méritant d’être enseignés sont d’essence eurocentriste (Gasché, 2005 ; Munroe et al., 2013). Pour cette raison, la matrice épistémique qui détermine les contenus scolaires doit être diversifiée, repensée et redéfinie en s’ouvrant aux savoirs historiquement exclus. Cependant, malgré ces pratiques d’assimilation, les connaissances éducatives mapuches perdurent dans la mémoire sociale et dans les pratiques culturelles des parents mapuches. Ainsi, si certains parents désirent renforcer l’apprentissage de ce qui leur est propre, et les discours d’autres parents (fruits de la rationalité construite dans la culture scolaire) contredisent cette vision et remettent en cause l’enseignement à l’école de ce qu’ils considèrent comme non nécessaire à l’intégration des enfants et des jeunes au monde moderne.
En conclusion, nous pouvons affirmer que certains contenus éducatifs peuvent aider à la transformation du modèle hégémonique et asymétrique toujours en vigueur dans l’éducation interculturelle bilingue proposée par l’État. Il s’agit de repenser l’école afin de l’adapter aux relations interethniques présentes dans le contexte de vie des familles mapuches et non mapuches. La formation de leurs enfants dans la double immersion éducative (éducation scolaire et éducation mapuche) permet aux pères et mères de famille interrogés de critiquer les processus de scolarisation en tant que processus pensés pour l’assimilation sociale et culturelle, par l’espagnol et l’éducation scolaire, qui n’intègrent pas l’éducation mapuche. Dans cette même logique, les nouveaux cadres d’action de l’éducation scolaire sont mobilisés par le multiculturalisme néolibéral, qui a confié à la discrimination positive la reconnaissance des droits culturels et linguistiques des peuples autochtones (Hale, 2002 et 2004). En résumé, nous soutenons que la recherche en contexte mapuche permet de faire progresser la construction d’une épistémologie pluraliste et contextuelle. Elle permet aussi d’expliquer les différentes possibilités de validité et de légitimité de la connaissance autochtone, en relation avec les processus de construction, de transmission, d’appropriation sociale et d’application, et peut servir de base à la formation de personnes aux différents niveaux éducatifs : préscolaire, primaire, secondaire et universitaire. En même temps, elle contribue à définir des catégories de contenus éducatifs fondés sur la rationalité des méthodes éducatives mapuches. Cela permet d’améliorer les processus d’intervention éducative interculturelle, sur la base d’objectifs et de réseaux sociaux de collaboration entre la famille, l’école et la communauté.
Appendices
Notes
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[1]
Cette étude est financée par le Fondo Nacional de Desarrollo Científico y Tecnológico (FONDECYT) REGULAR No 1140562.
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Traduit par nous.
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Traduit par nous.
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[6]
Les entretiens ont été menés par des chercheurs parlant mapunzugun, selon la procédure suivante : a) organiser une première rencontre avec chacun des participants, en fonction des caractéristiques culturelles mapuches, afin d’obtenir leur collaboration ; b) se mettre d’accord sur le jour de l’entretien, en considérant leur disposition à participer ; c) se rendre au domicile de chacun le jour prévu ; d) présenter, confirmer et faire signer le formulaire de consentement éclairé ; e) demander l’autorisation avant d’enregistrer la conversation ; et f) réaliser l’entretien.
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[7]
Le feyentun se définit comme étant la valeur qu’une personne donne aux orientations enseignées par les füshakeche (aîné ou aînée possédant des caractéristiques de sage), car ils transmettent l’héritage culturel ancestral (Quilaqueo et Quintriqueo, 2010).
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[8]
Cela peut s’observer dans l’intégration du cours « Langue autochtone » au programme scolaire, dans l’insertion des professeurs d’éducation interculturelle ou dans la célébration de pratiques socioculturelles mapuches comme le we xipantu.
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