Abstracts
Résumé
À ce jour, il n’existe pas de consensus dans la littérature concernant les caractéristiques de l’agresseur sexuel sadique. Cette absence est largement due aux limitations des études portant sur ce phénomène. Par exemple, certaines études utilisent des définitions idiosyncratiques du sadisme sexuel, les échantillons étudiés sont hétérogènes, et la temporalité de ces études est souvent fixée à l’âge adulte. Afin de pallier ces limitations, nous avons entrepris d’identifier les caractéristiques distinctives des agresseurs sexuels sadiques (n = 69) et non-sadiques (n = 137) ciblant des femmes adultes, tous incarcérés au Québec, Canada. La Severe Sexual Sadism Scale (SESAS), un instrument validé empiriquement, a été utilisée pour classifier les agresseurs. Des analyses bivariées (chi-carré) ont été effectuées. Nos résultats ont révélé que les agresseurs sexuels sadiques et non-sadiques de femmes diffèrent sur plusieurs aspects, notamment sur les plans développemental, psychologique, sexologique et criminologique. Les implications théoriques et cliniques de nos résultats sont discutées.
Mots-clés :
- Sadisme sexuel,
- violeur,
- SESAS,
- développemental,
- comparaison
Abstract
To this day, there is no consensus in the academic literature regarding the characteristic of sadistic sexual offenders. This lack of consensus largely stems from the limitations of existing studies regarding this phenomenon. For instance, certain studies employ idiosyncratic definitions of sexual sadism, with the studied samples being heterogeneous, and the study timeframe often solely focusing on adulthood. To address these limitations, we sought to identify distinctive characteristics of both sadistic sexual offenders (n = 69), as well as non-sadistic offenders (n = 137) who target adult women, based on a sample of offenders incarcerated in Quebec, Canada. The Severe Sexual Sadism Scale (SESAS), an empirically validated instrument, was employed to classify these offenders. Bivariate (chi-square) analyses were performed, with our results revealing that female-targeting sadistic and non-sadistic sexual offenders differ in numerous ways, notably in their developmental, psychological, sexological and criminological dimensions. The theoretical and clinical implications of these findings are discussed.
Keywords:
- Sexual sadism,
- rapist,
- SESAS,
- developmental,
- comparison
Resumen
Hoy en día no existe consenso en la literatura sobre las características del agresor sexual sádico. Esta falta de consenso se debe en gran medida a las limitaciones de los estudios sobre este fenómeno. Por ejemplo, algunos estudios utilizan definiciones idiosincrásicas de sadismo sexual, las muestras estudiadas son heterogéneas y el marco temporal de estos estudios a menudo se centra sólo en la edad adulta. Para hacer frente a estas limitaciones, nos propusimos identificar las características distintivas de los agresores sexuales sádicos (n = 69) y no sádicos (n = 137) dirigidos contra mujeres adultas, todos ellos encarcelados en Quebec, Canadá. Para clasificar a los agresores se utilizó la Severe Sexual Sadism Scale (SESAS), un instrumento validado empíricamente. Se realizaron análisis bivariados (chi-cuadrado). Nuestros resultados revelaron que los agresores sexuales sádicos y no sádicos difieren en varios aspectos, principalmente en lo que se refiere a su desarrollo y a aspectos psicológicos, sexológicos y criminológicos. El artículo discute las implicaciones teóricas y clínicas de nuestros hallazgos.
Palabras clave:
- Sadismo sexual,
- violador,
- SESAS,
- desarrollo,
- comparación
Article body
C’est à la fin du xixe siècle que l’expression « sadisme sexuel » apparaît dans le domaine médico-légal, plus précisément dans le célèbre ouvrage Psychopathia Sexualis (1886/2011) du psychiatre germano-autrichien Richard von Krafft-Ebing (1840-1902). Tirant son origine du nom de l’écrivain et philosophe français Donatien Alphonse François de Sade (1740-1814) – mieux connu sous le nom de Marquis de Sade –, qui dans ses écrits dépeignait le plaisir sexuel par la voie de la souffrance et de la destruction humaine, le sadisme sexuel est présenté par Krafft-Ebing (1886/2011) comme : « the experience of sexual pleasurable sensations (including orgasm) produced by acts of cruelty, bodily punishment afflicted on one’s own person or when witnessed in others, be they animals or human beings. It may also consist of an innate desire to humiliate, hurt, wound or even destroy others in order thereby to create sexual pleasure in one’s self » (p. 53).
Près de 70 ans après son apparition dans le domaine médico-légal, le sadisme sexuel est introduit dans le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (APA, 1952), un ouvrage dans lequel sont décrits et classifiés les différents troubles mentaux. Dans les première et deuxième éditions de cet ouvrage (DSM-II ; APA, 1968), le sadisme sexuel était catégorisé comme une déviance sexuelle, aux côtés entre autres de la pédophilie. Dans la troisième édition du DSM (DSM-III ; APA, 1980), la catégorie « déviance sexuelle » devient toutefois « paraphilies » et le sadisme sexuel est conséquemment catégorisé comme paraphilie dans les troisième et quatrième éditions (DSM-III ; APA, 1980 ; DSM-III-R ; APA, 1987 ; DSM-IV ; APA, 1994 ; DSM-IV-TR ; APA, 2000). En 2013, à la suite de revendications de la part de membres des communautés BDSM (Bondage & Discipline, Dominance & Submission, Sadism & Masochism) (De Neef, Coppens, Huys et Morrens, 2019), l’Association américaine de psychiatrie reclasse le sadisme sexuel en tant que trouble du sadisme sexuel – un trouble paraphilique, plutôt qu’une paraphilie (DSM-5 ; APA, 2013). Dans la dernière édition du DSM (DSM-5-TR ; APA, 2022), le trouble du sadisme sexuel est défini par quatre critères : deux critères diagnostiques et deux critères de spécification diagnostique (Figure 1). De son côté, dans sa dernière édition, la International Classification of Diseases (ICD-11 ; Organisation Mondiale de la Santé, 2018) ne considère le sadisme sexuel problématique que lorsque ce dernier est de nature coercitive, c’est-à-dire qu’il n’implique pas le consentement de tous les participants.
Depuis quelques années, de nombreux chercheurs remettent en question l’approche catégorielle du DSM et suggèrent que le sadisme sexuel présenterait une structure de nature dimensionnelle plutôt que catégorielle (Knight, Sims-Knight et Guay, 2013 ; Longpré, Guay et Knight, 2020 ; Mokros, Schilling, Eher et Nitschke, 2012 ; Mokros, Schilling, Weiss, Nitschke et Eher, 2014 ; Mokros, Wessels, Hofmann et Nitschke, 2019 ; Nitschke, Osterheider et Mokros, 2009). L’un des principaux arguments avancés pour appuyer cette conception dimensionnelle est l’absence de symptôme qui lui est propre (pathognomonique), et qui par sa seule présence permettrait son diagnostic clinique. En réponse à cette nouvelle conception du sadisme sexuel, plusieurs instruments d’évaluation ont été développés : la Sexual Sadism Scale (SSS ; Marshall et Hucker, 2006) ; la Severe Sexual Sadism Scale (SESAS ; Nitschke et al., 2009b), qui est une version révisée et améliorée de la SSS, ce à la suite d’analyses de réponses à l’item ; ainsi que la Massachusetts Treatment Center Sadism Scale (MTCSS ; Longpré, Guay et Knight, 2019). Bien qu’ils offrent tous une mesure du sadisme sexuel, ces instruments comportent certaines limites, notamment quant aux critères sur lesquels ils fondent leur évaluation. Il s’agit en effet d’une série de critères strictement comportementaux (p. ex., présence de mutilations sur le corps de la victime) qui ne permettent entre autres pas d’évaluer les fantaisies sexuelles sadiques, lesquelles constituent l’une des composantes centrales du sadisme sexuel (Longpré, Guay et Knight, 2018). De plus, parmi les différentes mesures du sadisme sexuel, l’échelle la plus couramment utilisée est la SESAS. Cette situation s’explique par le fait que la SESAS a fait l’objet de multiples validations au moyen d’échantillons divers, contrairement aux deux autres échelles mentionnées précédemment (Gonçalves, Rossegger, Gerth, Singh et Endrass, 2018 ; Mokros et al., 2012 ; Nitschke, Mokros, Osterheider et Marshall, 2013).
Par-delà les questions de mesures (catégorielles et dimensionnelles), plusieurs études ont été menées ces dernières décennies afin d’identifier les caractéristiques des délinquants sexuels sadiques. Dans le cadre d’études cliniques et descriptives (p. ex., Brittain, 1970 ; Dietz, Hazelwood et Warren, 1990 ; MacCulloch, Snowden, Wood et Mills, 1983), plusieurs caractéristiques ont été identifiées chez les délinquants sexuels sadiques. Par exemple, en ce qui concerne leur style de vie, les sadiques sont décrits comme étant isolés socialement. De plus, ils éprouveraient un profond désintérêt et un détachement vis-à-vis de ceux et celles qui les entourent (Brittain, 1970 ; MacCulloch et al., 1983). Du côté de leur profil psychopathologique, les sadiques sont dépeints comme ayant des traits de personnalité narcissique (Brittain, 1970 ; Dietz et al., 1990) et psychopathique (Dietz et al., 1990 ; MacCulloch et al., 1983), et manquant d’empathie (Dietz et al., 1990). Cela leur permettrait de s’engager plus facilement dans un processus de déshumanisation de la victime, et ainsi de réaliser leur délit. Finalement, pour ce qui est de leur mode opératoire, les sadiques planifient méticuleusement leur crime et sélectionnent leur victime (Brittain, 1970 ; Dietz et al., 1990). Pendant les heures qui précèdent leur délit, ceux-ci ont des fantaisies sexuelles sadiques et éprouvent de la colère contre les femmes (Brittain, 1970 ; Dietz et al., 1990 ; MacCulloch et al., 1983). Lors de leur délit, ils enlèvent et séquestrent leur victime (Dietz et al., 1990), qu’ils torturent, entre autres, en lui insérant des objets dans les différents orifices corporels et en la mutilant (mutilation sexuelle ou non sexuelle) (Brittain, 1970 ; Dietz et al., 1990 ; MacCulloch et al., 1983). Malgré l’intérêt de ces études, celles-ci présentent certaines limites, notamment l’absence de groupes de comparaison. Pour progresser dans notre compréhension et améliorer notre capacité d’intervention, il est important de comparer les agresseurs sexuels sadiques de femmes avec d’autres types d’agresseurs sexuels de femmes. En effet, en comprenant mieux les schémas de comportement, les profils de personnalité, les motivations et les facteurs de risques associés aux agresseurs sexuels sadiques de femmes, les professionnels seront en mesure de développer des programmes de traitement ciblés et des interventions spécifiques visant à réduire les risques de récidive et à prévenir de nouvelles agressions sexuelles à caractère sadique.
À la suite de ces études descriptives, plusieurs chercheurs ont mené des études comparatives (p. ex., Gratzer et Bradford, 1995 ; Langevin et al., 1985 ; Marshall, Kennedy et Yates, 2002 ; Proulx, Blais et Beauregard, 2007) afin d’identifier les caractéristiques qui distinguent les délinquants sexuels sadiques des non-sadiques. De ces études, il en est ressorti que les sadiques sexuels se distinguent significativement des non-sadiques, notamment quant à leurs profils développemental, sexologique et criminologique. Par exemple, sur le plan développemental, les sadiques rapportent plus fréquemment que les non-sadiques avoir subi pendant l’enfance des violences physiques (Gratzer et Bradford, 1995 ; Langevin et al., 1985 ; Proulx et al., 2007), psychologiques et sexuelles (Gratzer et Bradford, 1995 ; Proulx et al., 2007). En ce qui concerne leur profil sexologique, les sadiques se différencient d’une part des non-sadiques sur le plan de leurs fantaisies sexuelles déviantes, à savoir que celles-ci apparaissent plus tôt chez eux et qu’elles déterminent le scénario délictuel (Proulx et al., 2007) et, d’autre part, sur le plan de leur réponse phallométrique (indice de viol), laquelle indique qu’ils préfèrent la sexualité coercitive caractérisée par de la violence physique et psychologique (Proulx, 2001 ; Proulx et al., 2007). Finalement, les sadiques se distinguent des non-sadiques quant à leurs modes opératoires : plus précisément, la planification de leur délit ainsi que l’utilisation de la torture lors de celui-ci (Gratzer et Bradford, 1995 ; Proulx et al., 2007). Bien que ces études permettent de mettre en lumière les caractéristiques par lesquelles les sadiques se distinguent des non-sadiques, celles-ci présentent tout de même des limites :
elles reposent sur un diagnostic de sadisme sexuel dont les critères ne font pas consensus au sein de la littérature, voire qui sont remis en question (Marshall et Hucker, 2006 ; Nitschke et al., 2009a) ;
elles ne comparent pas les caractéristiques de leurs participants selon une perspective séquentielle, c’est-à-dire à différentes étapes de vie.
En conséquence, l’objectif de la présente étude est d’identifier les caractéristiques qui distinguent les agresseurs sexuels sadiques des non-sadiques, sur la base d’une mesure du sadisme sexuel validée empiriquement, la SESAS. L’échantillon était exclusivement composé d’agresseurs sexuels de femmes (c’est-à-dire de femmes âgées d’au moins 16 ans), contrairement à plusieurs études précédentes, qui étaient basées sur des échantillons d’agresseurs sexuels de femmes, d’hommes et d’enfants.
Méthodologie
Échantillon
Notre échantillon comprend 206 délinquants sexuels (37 meurtriers sexuels, 169 agresseurs sexuels) de femmes adultes (16 ans et plus) ayant reçu une sentence de deux ans et plus entre les années 1995 et 2000 au Québec pour avoir commis au moins un crime sexuel avec contact. La majorité des participants était francophone (89 %), de race blanche (89,2 %), célibataire (68,4 %), sans emploi (60,7 %) et possédait une moyenne de 9,3 ans de scolarité. Lors de leur évaluation, l’âge moyen de ces derniers était de 33,6 ans (é. t. = 9,1 ans). Lorsqu’un participant avait commis plus d’un crime, seules les informations relatives au premier crime étaient considérées, ce pour deux raisons principales : (1) la nécessité d’avoir une information équivalente relative au premier crime officiel et (2) pour contrôler l’effet de l’expérience sur le mode opératoire (Kaufman et al., 1996).
Collecte des données
Lors de leur évaluation initiale, tous les participants de la présente étude se trouvaient au Centre régional de réception (CRR), une institution carcérale fédérale (Canada). L’ensemble des participants (n = 206) a signé un formulaire de consentement dans lequel il était stipulé que toute information collectée allait être utilisée strictement à des fins de recherche. Chacun des sujets a complété, lors de son évaluation, une série de tests psychométriques et a participé à plusieurs entretiens semi-structurés dont les questions étaient basées sur le Questionnaire Informatisé sur la Délinquance Sexuelle (QIDS ; St-Yves et al., 1994). Avec ses 17 sections, le QIDS permet de recueillir de l’information sur plusieurs facettes de la vie des délinquants sexuels (p. ex., les antécédents professionnels, familiaux, scolaires, criminels et correctionnels). Les informations recueillies en entrevue ont été complétées à l’aide d’informations officielles (p. ex., rapports de police, déclaration de la victime) et lorsque celles-ci ne concordaient pas avec celles fournies par le participant, les informations officielles avaient préséance sur ces dernières. Finalement, les données sur le sadisme sexuel ont été codifiées à l’aide de la Severe Sexual Sadism Scale (SESAS ; Nitschke et al., 2009b) sur la base des informations contenues dans le QIDS.
Mesures
Sadisme sexuel
Le sadisme sexuel des participants a été évalué à l’aide de la Severe Sexual Sadism Scale (SESAS ; Nitschke et al., 2009b). La SESAS est une échelle à 11 items qui évalue le sadisme sexuel (Tableau 1) à partir de données officielles (p. ex., informations médico-légales). Chaque élément de la SESAS est noté sur une échelle ordinale à deux points : une note de 0 indique que l’élément ne s’applique pas à l’individu évalué tandis qu’une note de 1 indique que l’élément s’applique. De ce fait, un individu évalué peut obtenir un score total allant de 0 (aucun élément ne s’applique à l’individu) à 11 (tous les éléments s’appliquent à l’individu). Lorsqu’un individu obtient une note de 4 et plus, ce dernier est considéré comme étant sadique. Plusieurs études (Longpré et al., 2018 ; Nitschke et al., 2013 ; Nitschke et al., 2009) ont rapporté que la SESAS permet de distinguer de manière précise les délinquants diagnostiqués comme sadiques des délinquants non-sadiques lorsqu’un score de 4 ou plus est utilisé. Par exemple, Nitschke et al. (2009b) ont constaté qu’un score de 4 ou plus identifiait de manière précise les sadiques par rapport aux non-sadiques avec une sensibilité et une spécificité parfaites (100 %). De même, dans leur méta-analyse, Nitschke et al. (2013) ont observé que la SESAS présentait une sensibilité globale de 95 % (IC à 95 % = 66 à 95) et une spécificité globale de 95 % (IC à 95 % = 64 à 100) lorsqu’un score de 4 ou plus est adopté comme seuil sur la SESAS.
Troubles de la personnalité
Les troubles de personnalité des participants ont été évalués à l’aide de la version française du Millon Clinical Multiaxial Inventory (MCMI ; Millon, 1983) et validés auprès d’un échantillon francophone québécois (Landry, Nadeau et Racine, 1996). Le MCMI est un questionnaire composé de 175 questions auxquelles le participant évalué répond par l’affirmative (oui) ou la négative (non). Après cette première étape, toutes les réponses obtenues sont compilées, afin d’obtenir un score brut pour chacun des 11 troubles de la personnalité suivants : schizoïde, évitante, dépendante, histrionique, narcissique, antisociale, obsessionnelle-compulsive, passive-agressive, schizotypique, état-limite et paranoïaque. Ces scores bruts sont par la suite transformés en taux basaux, lesquels sont ensuite interprétés selon les seuils de discrimination suivants : un taux basal supérieur à 74 et inférieur à 85 signifie qu’il y a présence de caractéristiques propres à un trouble (trait), tandis qu’un taux basal supérieur à 84 signifie qu’il y a présence marquée de ces caractéristiques (trouble).
Les psychopathologies
Les psychopathologies des participants ont été évaluées à l’aide de la version française du Minnesota Multiphasic Personality Inventory (MMPI-2 ; Butcher, Dahlstrom, Graham, Tellegen et Kaemmer, 1989). Le MMPI-2 est un questionnaire composé de 566 questions auxquelles le participant évalué répond par « oui » ou par « non », ce afin d’obtenir un score brut sur les 10 échelles cliniques suivantes : hypocondrie (Hs), dépression (D), hystérie de conversion (Hy), psychopathie (Pd), masculinité-féminité (Mf), paranoïa (Pa), psychasthénie (Pt), schizophrénie (Sc), hypomanie (Ma) et inversion sociale (Si). Puis dans un deuxième temps, le score brut obtenu pour chaque échelle est transformé en un score T. Finalement, lorsque le score T de l’individu évalué est supérieur à deux écarts types (20) par rapport à la moyenne (50), par exemple un score T de 70, on considère qu’il y a présence évidente de psychopathologie.
Les corrélats du sadisme sexuel
Les corrélats examinés dans la présente étude ont été sélectionnés en fonction d’autres études sur le sadisme sexuel, notamment l’étude menée par Proulx et al. (2007) et l’étude réalisée par Longpré et al. (2018). De plus, nous avons décidé d’examiner d’autres corrélats qui n’ont pas été explorés dans le passé. Ces 109 variables sont réparties dans les sept catégories suivantes :
Abus en tant que mineur avant l’âge de 18 ans (n = 9) ;
Problèmes de conduite en tant que mineur (n = 14) ;
Type de personnalité (n = 11) ;
Psychopathologies (n = 10) ;
Abus de substances (n = 6) ;
Style de vie solitaire à l’âge adulte (n = 4) ;
Modus operandi (avant le crime : n = 24 ; crime : n = 28 ; après le crime : n = 3).
Stratégie d’analyse
La première étape de l’analyse a consisté à réaliser des analyses descriptives des variables démographiques à l’aide de SPSS version 27 (IBM Corporation, 2020). Ensuite, afin de satisfaire l’objectif de l’étude, les 109 corrélats psychodéveloppementaux décrits ci-dessus ont été comparés chez les participants dont le score au SESAS était inférieur à 4 (n = 137 ; moyenne de 1,93) et supérieur à 4 (n = 69 ; moyenne de 4,61), en utilisant l’analyse du chi carré (Tableau 2). La correction de Bonferroni n’a pas été appliquée dans ces analyses. Bien que l’on considère généralement qu’il est conseillé d’utiliser la correction de Bonferroni lors de la comparaison de plusieurs groupes, afin d’éviter les erreurs de type I (rejet erroné de l’hypothèse nulle ; faux positifs), au cours des dernières années, plusieurs chercheurs ont fait valoir que l’utilisation de la correction de Bonferroni est problématique dans les études exploratoires menées avec des échantillons de petite taille (qui caractérisent la présente étude) (p. ex., Andrade, 2019 ; Ye, Wang et Hou, 2020). Cela est dû au fait que la réduction des erreurs de type I est inévitablement concomitante avec une augmentation des erreurs de type II.
Résultats
Corrélats développementaux du sadisme sexuel
Abus en tant que mineur (avant l’âge de 18 ans)
Comme nous pouvons le constater dans le tableau 2, les agresseurs sexuels sadiques se distinguent significativement des agresseurs sexuels non-sadiques pour ce qui est de la violence psychologique (sadique = 67,6 % vs non-sadique = 43,1 %, X2 = 10,99, p ≤ 0,01) et de la violence physique (sadique = 66,2 % vs non-sadique = 48,9 %, X2 = 5,46, p ≤ 0,05) vécues avant l’âge de 18 ans. Aussi, les sadiques ne diffèrent pas de manière significative des non-sadiques pour plusieurs variables liées à la victimisation, et ce, même s’ils présentent des pourcentages légèrement supérieurs pour chacune de ces variables.
Problèmes de comportement en tant que mineur (avant l’âge de 18 ans)
Comme nous pouvons le constater dans le tableau 3, avant l’âge de 18 ans, les agresseurs sexuels sadiques se distinguent significativement des non-sadiques quant à la manifestation de comportements dangereux (sadique = 30,8 % vs non-sadique = 17,0 %, X2 = 4,90, p ≤ 0,05). Pour ce qui est des autres variables liées aux comportements problématiques avant l’âge de 18 ans, les sadiques ne se distinguent pas de façon significative des non-sadiques même s’ils présentent des pourcentages légèrement plus élevés.
Caractéristiques psychologiques des agresseurs sexuels sadiques et non-sadiques à l’âge adulte
Abus de substances (âge adulte)
Comme nous pouvons le constater dans le tableau 4, à l’âge adulte, les agresseurs sexuels sadiques ne se distinguent pas des non-sadiques quant à leur consommation d’alcool et de drogue ; les deux types d’agresseurs consomment de façon importante de l’alcool et de la drogue.
Style de vie solitaire (âge adulte)
À l’âge adulte, les deux groupes d’agresseurs se distinguent significativement quant au fait d’avoir fait l’objet d’un suivi psychiatrique interne/externe (sadique = 14,7 % vs non-sadique = 27,0 %, X2 = 3,89, p ≤ 0,05) (Tableau 4).
Comme nous pouvons le constater dans le tableau 5, les agresseurs sexuels sadiques se distinguent significativement des non-sadiques quant aux caractéristiques associées aux troubles de la personnalité évitante (sadique = 33,3 % vs non-sadique = 18,8 %, X2 = 3,90, p ≤ .05) et narcissique (sadique = 2,0 % vs non-sadique = 14,4 %, X2 = 5,70, p ≤ 0,05). En outre, une importante proportion des deux groupes d’agresseurs sexuels présente un trouble de la personnalité dépendante (sadique = 54,9 % vs non-sadique = 40,2 %).
Les agresseurs sexuels sadiques se distinguent de façon significative des agresseurs sexuels non-sadiques quant à l’échelle de psychopathie du MMPI (sadique = 53,3 % vs non-sadique = 35,5 %, X2 = 4,06, p ≤ 0,05). D’autre part, une importante proportion des agresseurs des deux groupes présentent un score supérieur à 70 sur l’échelle de paranoïa du MMPI.
Modus Operandi
Phase précrime : l’année précédant le délit
Comme nous pouvons le constater dans le tableau 6, l’année qui précède le délit, les agresseurs sexuels sadiques se distinguent significativement des non-sadiques quant à la solitude vécue (sadique = 13,4 % vs non-sadique = 27,6 %, X2 = 4,06, p ≤ 0,05).
Phase précrime : 48 heures avant le délit
Au cours des 48 heures précédant l’infraction, les agresseurs sexuels sadiques étaient significativement moins susceptibles que les non-sadiques de déclarer un sentiment de solitude (sadique = 9,0 % vs non-sadique = 20,9 %, X2 = 4,53, p ≤ 0,05), mais étaient significativement plus susceptibles d’avoir des conflits interpersonnels spécifiques à la victime (sadique = 22,4 % vs non-sadique = 9,6 %, X2 = 6,10, p ≤ 0,05), des fantaisies sexuelles déviantes impliquant la victime (sadique = 19,4 % vs non-sadique = 6,8 %, X2 = 7,15, p ≤ 0,01) ou une autre femme (sadique = 30,8 % vs non-sadique = 12,8 %, X2 = 9,29, p ≤ 0,01) et des sentiments de colère (sadique = 49,2 % vs non-sadique = 30,7 %, X2 = 5,67, p ≤ 0,05) (Tableau 7).
Pendant le crime
Le modus operandi des sadiques se distingue de celui des non-sadiques quant à : (a) la préméditation (structurée) du délit (sadique = 44,9 % vs non-sadique = 25,7 %, X2 = 7,72, p ≤ 0,01) ; (b) l’utilisation d’une arme lors du délit (sadique = 73,9 % vs non-sadique = 33,6 %, X2 = 29,99, p ≤ 0,001), telle qu’un couteau (sadique = 39,1 % vs non-sadique = 21,9 %, X = 6,80, p ≤ 0,01) ou un pistolet (sadique = 15,9 % vs non-sadique = 5,1 %, X2 = 6,75, p ≤ 0,01) ; et (c) les pratiques sexuelles comme la pénétration de la victime par voie anale (sadique = 20,9 % vs non-sadique = 9,0 %, X2 = 5,55, p ≤ 0,05) et la fellation pratiquée par la victime (sadique = 49,3 % vs non-sadique = 30,3 %, X2 = 6,87, p ≤ 0,01). En outre, les sadiques diffèrent significativement des non-sadiques sur les variables suivantes : victime photographiée (7,2 % vs 0,7 %, p ≤ 0,01 (F)) ; victime physiquement retenue (31,3 % vs 7,4 %, X2 = 19,96, p ≤ 0,001) et quant au temps passé avec la victime : > 15 minutes (86,2 % vs 70,5 %, X2 = 5,82, p ≤ 0,05). Finalement, sur le plan émotionnel, les agresseurs sexuels sadiques se distinguent des non-sadiques : les sadiques ressentent de la colère (sadique = 64,5 % vs non-sadique = 44,0 %, X2 = 6,63, p ≤ 0,01), ne sont pas anxieux (sadique = 0 % vs non-sadique = 12,8 %, X2 = 8,67, p ≤ 0,01) et ne ressentent pas un sentiment de vide lors de leur délit (sadique = 0 % vs non-sadique = 11,9 %, X2 = 8,00, p ≤ 0,01) (Tableau 8).
Post-Crime
Les agresseurs sexuels sadiques étaient plus susceptibles que les non-sadiques d’éprouver des sentiments de colère et de bien-être après le délit et moins susceptibles de ressentir de la culpabilité, bien qu’aucune de ces différences ne soit statistiquement significative.
Discussion
Caractéristiques développementales des agresseurs sexuels sadiques
Les agresseurs sexuels sadiques ont déclaré avoir subi plus de violences émotionnelles et physiques dans leur enfance que les agresseurs non-sadiques. Ce profil de victimisation correspond au tableau clinique de l’agresseur sexuel sadique décrit par Brittain (1970) et est similaire à celui rapporté dans d’autres études (p. ex., Gratzer et Bradford, 1995 ; Langevin et al., 1985 ; Longpré et al., 2018, 2020 ; MacCulloch et al., 2000 ; Nitschke et al., 2009 ; Proulx et al., 2007 ; Robertson, Graham, Krstic et Knight, 2018). Ces résultats sont également cohérents avec la suggestion de certains auteurs (p. ex., Proulx et Beauregard, 2014) selon laquelle les agresseurs sexuels sadiques reproduisent, lors de leur délit sexuel, les violences émotionnelles et physiques qu’ils ont subies dans leur enfance : la violence émotionnelle s’exprimerait par l’humiliation de la victime et la violence physique par la torture.
À l’adolescence, les sadiques de la présente étude ne différaient pas significativement des non-sadiques en ce qui a trait à l’estime de soi, l’isolement social et le comportement sexuel. Cela contraste avec les résultats de Proulx et al. (2007), qui ont rapporté que les sadiques sexuels de leur étude différaient significativement des non-sadiques sur ces variables. Cette divergence est particulièrement intéressante étant donné que la présente étude et celle de Proulx et al. (2007) ont utilisé le même échantillon. Qu’est-ce qui pourrait alors expliquer le fait que les sadiques de notre étude ne présentent ni une faible estime de soi à l’adolescence, ni une tendance à l’isolement social ou un surinvestissement dans la sexualité, comme le rapportent Proulx et al. (2007) ? Une hypothèse possible est que les deux études ont utilisé des définitions différentes du sadisme sexuel : alors que l’étude actuelle utilise une définition du sadisme sexuel basée sur des éléments comportementaux (la SESAS), la définition utilisée par Proulx et al. (2007) est plutôt basée sur des éléments cognitifs, à savoir sur la présence de fantaisies sexuelles déviantes. Étant donné que les individus ayant des fantaisies sexuelles déviantes de nature sadique sont décrits comme ayant eu une perception négative d’eux-mêmes et un mode de vie solitaire à l’adolescence (Brittain, 1970 ; Dietz et al., 1990 ; Gauthier, Deli, Garant et Proulx, 2023 ; Gauthier et Proulx, 2022 ; Longpré et al., 2018 ; MacCulloch et al., 1983 ; Maniglio, 2011 ; Proulx et al., 2007), les résultats de Proulx et al. (2007) ne sont guère surprenants et n’invalident en rien les nôtres.
Caractéristiques psychologiques de l’agresseur sexuel sadique
Jusqu’à récemment, il n’y avait pas de consensus dans la littérature en ce qui a trait au profil psychosocial de l’agresseur sexuel sadique. D’une part, Proulx et d’autres chercheurs décrivent l’agresseur sexuel sadique comme un individu ayant un type de personnalité schizoïde et évitante, ainsi qu’un style de vie caractérisé par une forte tendance à l’isolement social, les deux étant associés au développement et au maintien d’un monde fantasmatique riche dans lequel la cruauté et la sexualité sont intimement liées (Brown et Forth, 1997 ; Proulx, 2001 ; Proulx et al., 2007 ; Proulx et al., 2017 ; Proulx et Beauregard, 2014). D’autre part, Knight et d’autres chercheurs dépeignent le sadique sexuel comme un individu narcissique et antisocial, ayant un mode de vie inadapté (marqué par la criminalité et l’abus de drogues) et une préférence pour une sexualité coercitive (Dietz et al., 1990 ; Gratzer et Bradford, 1995 ; Knight et Guay, 2006, 2018 ; Knight et Prentky, 1990 ; Longpré et al., 2018, 2020 ; Robertson et al., 2018).
Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer cette absence de consensus. La première hypothèse, avancée par Proulx et al. (2007), est que les agresseurs sexuels sadiques ont deux modes de fonctionnement. Le premier mode serait lié à leurs troubles de la personnalité schizoïde et évitante, et influencerait leurs relations sociales. Le second mode, en revanche, serait lié à leurs troubles de la personnalité antisociale et narcissique, et influencerait leurs délits. La deuxième hypothèse, avancée par Knight (2010), est que Knight et Proulx décrivent en fait deux types distincts d’agresseurs sexuels sadiques, possédant des motivations différentes. L’agresseur sexuel sadique décrit par Knight (2010) présente un profil de personnalité psychopathe (p. ex., antisocial) et commet des crimes sexuels sadiques parce que cela lui procure des sensations fortes. L’agresseur sexuel sadique décrit par Proulx et al. (2007) présente un profil de personnalité anxieuse (p. ex., schizoïde et évitante) et réalise ses fantaisies sexuelles sadiques en commettant des crimes sexuels. Cette dernière hypothèse a été partiellement confirmée par le modèle développemental du sadisme sexuel de Longpré et al. (2018), qui ont identifié plusieurs trajectoires développementales conduisant à la manifestation de comportements sexuels sadiques. Deux d’entre elles, la trajectoire de la désinhibition et la trajectoire de la méchanceté-narcissique, correspondent au sadique décrit par Knight (2010), et une autre, la trajectoire schizoïde, correspond au sadique décrit par Proulx et al. (2007).
Le profil psychosocial de l’agresseur sexuel sadique de la présente étude est similaire à celui de l’agresseur sexuel sadique décrit par Proulx et ses collègues (Proulx, 2001 ; Proulx et al., 2007 ; Proulx et al., 2017 ; Proulx et Beauregard, 2014), c’est-à-dire, un individu isolé socialement (bien qu’il partage cette dernière caractéristique avec l’agresseur sexuel non-sadique) présentant un profil de personnalité évitante et rapportant avoir des fantaisies sexuelles déviantes.
Du point de vue de la psychopathologie, les agresseurs sexuels sadiques de la présente étude diffèrent significativement des agresseurs sexuels non-sadiques sur l’échelle de psychopathie du MMPI, d’une part, et d’autre part, plus de la moitié des agresseurs sexuels sadiques ont obtenu un score supérieur à 70 sur l’échelle de paranoïa du MMPI. Ces résultats ne sont pas conformes à ceux de Proulx et al. (2007), qui ont signalé que les agresseurs sexuels sadiques de leur étude ne différaient pas des agresseurs sexuels non-sadiques sur les différentes échelles du MMPI. Cependant, dans les deux études, les échelles sur lesquelles les deux groupes d’agresseurs sexuels ont obtenu les scores les plus élevés étaient les échelles de psychopathie et de paranoïa. Une hypothèse qui peut être avancée pour expliquer cette divergence entre nos résultats et ceux de Proulx et al. (2007) est liée à la puissance statistique. En effet, Proulx et al. (2007) disposaient de données sur les échelles du MMPI pour 85 de leurs 141 participants (21 sadiques et 64 non-sadiques) alors que nous disposions des données pour 141 de nos 206 participants (45 sadiques et 96 non-sadiques). Ainsi, il est probable que Proulx et al. (2007) n’ont pas identifié la différence que nous avons trouvée en raison de la plus petite taille de leur échantillon.
Modus operandi
Dans les 48 heures précédant le délit, les agresseurs sexuels sadiques ont éprouvé de la colère, des conflits interpersonnels liés à la victime et des fantaisies sexuelles déviantes impliquant leur victime ou une autre femme. Ces résultats sont conformes à ceux de Proulx et al. (2007), qui ont signalé que les sadiques, contrairement aux non-sadiques, ont éprouvé des sentiments de colère et ont eu des fantaisies sexuelles déviantes dans les heures précédant leur infraction.
Les éléments caractérisant le modus operandi de ces agresseurs correspondent en tous points à ceux de l’agresseur sexuel sadique décrit dans la littérature (Brittain, 1970 ; Dietz et al., 1990 ; Gratzer et Bradford, 1995 ; Knight, 2010 ; Knight et Prentky, 1990 ; Proulx et Beauregard, 2014 ; Proulx et al., 2007 ; Reale, Chopin, Gauthier et Beauregard, 2022a ; Reale, Chopin, Gauthier et Beauregard, 2022b). En effet, conformément à la littérature, les agresseurs sexuels sadiques de cette étude ont soigneusement planifié leur infraction (Gratzer et Bradford, 1995 ; Knight et Prentky, 1990 ; Oligny, Gauthier, Ménard et James, 2023 ; Proulx et al., 2007 ; Proulx et Beauregard, 2014), ont utilisé une arme (Gratzer et Bradford, 1995 ; Proulx et al., 2007 ; Proulx et Beauregard, 2014), ont séquestré leur victime (Proulx et al., 2007) et ont fait preuve d’une grande cruauté envers leur victime (humiliation : 78,3 % ; torture : 95,7 % ; mutilation des zones sexuelles : 23,2 % ; mutilation des parties non sexuelles : 5,8 % ; insertion d’objets dans les orifices corporels : 18,2 %).
En résumé, tant sur le plan clinique qu’empirique, le profil de l’agresseur sexuel sadique de la présente étude correspond globalement à celui rapporté dans la littérature : une structure de personnalité évitante, une sexualité déviante (p. ex., fantaisies sexuelles déviantes), des distorsions cognitives (p. ex., conflits spécifiques avec la victime), et un modus operandi organisé (p. ex., planification, sélection des victimes et des lieux) et très violent (p. ex., humiliation, torture, mutilation). Néanmoins, l’agresseur sexuel sadique de la présente étude diffère du sadique décrit par Knight (2010) dans la mesure où il ne présente pas un profil de personnalité antisociale et ne possède pas un mode de vie antisocial.
Implications cliniques
D’un point de vue clinique, les résultats de la présente étude comparative apportent une contribution à notre compréhension des facteurs de risques et des besoins spécifiques (selon les principes Risque-Besoin-Réceptivité) qui doivent être pris en compte pour développer des interventions plus ciblées et efficaces, visant à réduire le risque de récidive au sein des agresseurs sexuels sadiques de femmes. Les conclusions de cette étude offrent des orientations plus éclairées pour les décisions cliniques, contribuant ainsi à l’efficacité globale des programmes de traitement et de réhabilitation.
Conclusion
Ces dernières années, de nombreux chercheurs ont mené des études comparatives pour définir les agresseurs sexuels sadiques. De ces études, il ressort que les sadiques sexuels diffèrent significativement des non-sadiques dans de nombreux domaines (p. ex., sur les plans développemental, psychologique et criminologique). Bien que ces études aient mis en lumière les caractéristiques spécifiques des sadiques, elles présentent d’importantes limites : (1) leur diagnostic du sadisme sexuel est basé sur des critères qui ne font pas l’objet d’un consensus dans la littérature (Marshall et Hucker, 2006 ; Nitschke et al., 2009) ; (2) leurs échantillons ne sont pas homogènes, c’est-à-dire qu’ils sont composés de plusieurs types d’agresseurs sexuels (p. ex., des femmes, d’hommes et d’enfants) et (3) les variables sur lesquelles sont comparés les agresseurs sexuels sadiques et non-sadiques sont principalement des variables relatives à l’âge adulte. L’objectif de la présente étude était donc d’examiner les caractéristiques qui distinguent les agresseurs sexuels sadiques des agresseurs sexuels non-sadiques, sur la base d’une mesure du sadisme sexuel validée empiriquement, la Severe Sexual Sadism Scale (SESAS ; Nitschke et al., 2009), d’un échantillon composé exclusivement d’agresseurs sexuels de femmes et d’une centaine de variables relatives aux différentes étapes de la vie (p. ex., enfance, adolescence, âge adulte).
La présente étude comporte certaines limites. La première limite concerne la composition de l’échantillon que nous avons utilisé, à savoir un échantillon exclusivement composé d’agresseurs sexuels de femmes adultes ayant été incarcérés au Canada (Québec). Cette homogénéité qui caractérise notre échantillon a comme principale conséquence de limiter la portée de nos résultats ; ceux-ci ne peuvent être généralisés qu’aux agresseurs sexuels sadiques de femmes adultes vivant en Occident (p. ex., États-Unis, Angleterre, France, Allemagne). En effet, on ne peut extrapoler nos résultats par-delà l’Occident, car il n’existe à notre connaissance aucune étude descriptive ou comparative sur les agresseurs sexuels sadiques ayant été menée en territoire non occidental (Labuschagne, 2018). La deuxième limite concerne les informations sur lesquelles ont été codifiées certaines variables de la présente étude (p. ex., préméditation du délit, sélection de la victime, fantaisies sexuelles déviantes), soit de l’information rapportée en entrevue, laquelle peut parfois être minimisée, voire niée par le participant (Proulx et Beauregard, 2014). Par conséquent, dû à ces limites, le présent profil de l’agresseur sexuel sadique de femmes adultes doit être considéré avec prudence.
Ayant à notre connaissance mené la toute première étude comparant les agresseurs sexuels sadiques et non-sadiques sur la base d’une mesure du sadisme sexuel validée empiriquement (la SESAS), nous estimons intéressant et pertinent que d’éventuelles études comparatives (sadiques-non-sadiques) soient également réalisées sur la base de la SESAS auprès de divers types d’agresseurs sexuels (de femmes, d’hommes et d’enfants) non canadiens, de sorte à venir infirmer ou confirmer les résultats de la présente étude, soit le profil psychodéveloppemental du sadique sexuel que nous avons dressé.
Appendices
Note
-
[1]
Université de Montréal, Case postale 6128, Succursale Centre-ville, Montréal, Québec, H3C 3J7, Canada.
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