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Introduction

La médiatisation d’évènements spectaculaires (fusillades dans les écoles et suicides résultant de l’intimidation) a contribué à une prise de conscience de l’importance de s’attaquer à la violence en milieu scolaire. L’investissement de 17 millions de dollars du gouvernement québécois en 2008 et l’adoption du projet de loi 56 en 2012 – obligeant les écoles à se prémunir d’un programme d’intervention contre la violence – témoignent d’une volonté politique à prévenir ce phénomène. Selon les résultats d’une enquête menée auprès de 204 écoles québécoises, un tiers des élèves et du personnel sondés disent voir des bagarres entre élèves sur une base hebdomadaire. De plus, respectivement 20,6 % et 16,5 % des élèves du primaire et du secondaire seraient fréquemment la cible d’insultes (environ une fois par semaine) (Beaumont, Leclerc et Frenette, 2014).

La prévention de la violence en milieu scolaire demande une meilleure connaissance de son étiologie (Gaillard, 2005). La majorité des études emploie l’auteur de violence comme élément central, ciblant ainsi ses propres caractéristiques et son environnement scolaire et familial (p. ex. : Bowen et Desbiens, 2004 ; Debartieux, 2006). L’implantation de programmes de prévention développementale et la formation du personnel reflètent cette tangente dominante en recherche (Gottfredson, Wilson et Najaka, 2006). Malgré une nette augmentation des études sur les victimes au cours des dernières années, celles-ci demeurent peu nombreuses comparativement aux études sur les agresseurs. De plus, les études sur les victimes sont abordées principalement sous l’angle des caractéristiques individuelles (Carra, 2009 ; Olweus, 1994).

À l’instar d’autres auteurs (Denny et al., sous presse ; Fekkes, Pijpers et Verloove-Vanhorick, 2005 ; Felson, 1986), la présente étude soutient que le risque de victimisation dans les écoles dépend non seulement de la vulnérabilité et de l’attrait de la victime, mais aussi de tierces parties susceptibles d’influencer le déroulement d’une altercation ou d’exercer un contrôle sur l’auteur d’actes violents. Notre étude adopte la perspective écologique, permettant de concevoir la violence en milieu scolaire comme le résultat d’une dynamique entre des facteurs individuels, contextuels et environnementaux. Ces groupes de facteurs sont nichés les uns dans les autres et interagissent (Bronfenbrenner, 1979 ; Khoury-Kassabri, Benbenishty, Astor et Zeira, 2004). L’objectif de cette étude est d’améliorer les connaissances sur les facteurs associés à la violence scolaire et notamment de mieux comprendre le rôle des tierces parties (gardiens et superviseurs) sur l’incidence de la violence en milieu scolaire.

Facteurs associés au risque d’être victime de violence à l’école

La majorité des études sur la violence à l’école met l’accent sur les caractéristiques individuelles, scolaires et familiales des jeunes affichant des comportements externalisés (voir la synthèse d’Arseneault, Bowes et Shakoor [2010] sur l’intimidation en milieu scolaire). Bien que moins abondantes, les études sur les victimes en milieu scolaire permettent de déterminer des facteurs de risque. Les facteurs ci-dessous regroupent les caractéristiques de la victime et de son environnement.

Les caractéristiques individuelles incluent les facteurs biologiques et comportementaux (Organisation mondiale de la Santé [OMS], 2002). De façon générale, être parmi les élèves les plus jeunes de l’école (Bélanger, Janosz, Archambault et Riberdy, 2010 ; Olweus, 1994), être un garçon (Galand, Philippot, Petit, Born et Buidin, 2004 ; Gottfredson, Gottfredson, Payne et Gottfredson, 2005 ; Khoury-Kassabri etal., 2004), appartenir à une minorité visible (Gottfredson et al., 2005 ; Wilcox, Madensen et Skubak-Tillyer, 2007), être rejeté par les pairs (Carra, 2009 ; Fortin et Strayer, 2000), adopter des comportements externalisés (Chen et Astor, 2012 ; Wilson, 2004) et avoir des problèmes internalisés tels la dépression, l’anxiété et l’isolement (Arseneault et al., 2006 ; Hodges et Perry, 1999) permettent de prédire la victimisation à l’école.

Les facteurs de risque environnementaux renvoient généralement à la famille et à l’école (Khoury-Kassabri et al., 2004). Ces facteurs ne se distribuent pas aléatoirement et ils ont tendance à se concentrer au sein des mêmes environnements (Arseneault et al., 2010). Par exemple, la violence familiale, la précarité économique et les problèmes d’adaptation à l’enfance ont tendance à survenir au sein des mêmes familles (Moffitt et E-Risk Study Team, 2002). En plus de leur influence directe sur le risque de victimisation, les facteurs familiaux agissent indirectement dans la mesure où ils influencent les facteurs individuels associés à la victimisation (Arseneault et al., 2010). Une étude a toutefois démontré que la maltraitance durant l’enfance augmente le risque d’intimidation après que les comportements internalisés et externalisés aient été contrôlés (Bowes et al., 2009). Cette même étude montre que le risque d’intimidation est plus élevé dans les écoles de grande taille. Le nombre élevé d’individus influerait négativement sur l’intégration et la cohésion entre les élèves (Chen et Astor, 2012). Un climat scolaire négatif – comparé à un climat positif déterminé par le sentiment d’engagement envers les enseignants, le sentiment de justice envers tous les élèves et la clarté des règles – influe aussi sur le niveau de violence (Brookmeyer, Fanti et Henrich, 2006 ; Carra, 2009 ; Smith, Ananiadou et Cowie, 2003).

Conceptualiser le rôle des contextes dans l’étiologie de la violence scolaire

L’importance des facteurs contextuels dans le processus décisionnel des délinquants a été établi à maintes reprises (Cornish et Clarke, 2008 ; Felson, 1986). Des études démontrent que le risque de voies de fait et de cambriolage est plus grand lorsque les gens vivent seuls (Miethe et McDowall, 1993). Le rôle adopté par une tierce personne (médiateur ou incitateur) influe aussi sur la probabilité qu’un crime survienne (Denny etal., sous presse) et la sévérité des blessures lors d’une altercation (Felson et Steadman, 1983 ; Ganpat, Van der Leun et Nieuwbeert, 2013).

L’étude des contextes dans le processus de victimisation en milieu scolaire demande de prendre comme point de départ l’acte violent (Cornish et Clarke, 1986). Les facteurs situationnels incluent le processus décisionnel du délinquant dans les moments qui précèdent le passage à l’acte (Cornish et Clarke, 2008). En termes immédiats, l’avènement de l’acte violent peut être conceptualisé comme la convergence spatiotemporelle d’un délinquant motivé et d’une victime potentielle en l’absence de gardien (Felson, 1998). Les témoins d’acte de violence peuvent être considérés comme des gardiens potentiels. Ces derniers peuvent influer sur le processus décisionnel de l’élève violent selon le rôle adopté et les actions posées. Ces gardiens potentiels peuvent notamment s’interposer entre l’agresseur et la victime ou rapporter l’acte délictuel à un superviseur ayant une emprise sur l’agresseur (Felson, 1986 ; Reynald, 2011). Les contextes précédant un évènement violent sont également susceptibles de varier selon l’environnement scolaire. Les élèves fréquentant de grandes écoles sont souvent moins engagés envers leurs pairs et institutions, diminuant ainsi les probabilités qu’ils interviennent auprès d’un pair en détresse (Chen et Astor, 2012). Par ailleurs, l’expérience d’impunité dont jouit l’auteur d’actes violents dans une telle situation peut l’inciter à récidiver (Carra, 2009 ; Smith et al., 2003).

L’intégration des contextes à l’étiologie de la victimisation scolaire nécessite l’adoption d’une perspective permettant de distinguer des facteurs de nature différente et d’en apprécier les interactions. La perspective écologique soutient que l’analyse du comportement humain s’opère en considérant les interactions entre l’individu et son environnement (Bressoux, Coustère et Leroy-Audouin, 1997 ; Bronfenbrenner, 1979). Il existe des interactions continues et réciproques entre l’individu (microsystème) et son environnement (macrosystème). Jusqu’à présent, cette perspective a principalement été utilisée pour étudier les facteurs associés à la commission d’actes violents à l’endroit d’autres jeunes en milieu scolaire (Khoury-Kassabri, Astor et Benbenishty, 2009). Bien qu’ils se rapportent au mésosystème, les facteurs contextuels tels que la présence de gardiens et de superviseurs sont peu intégrés aux modèles explicatifs (Denny et al., sous presse).

S’inspirant du modèle écologique, la Figure 1 conceptualise le risque de victimisation en milieu scolaire en considérant trois niveaux. Ce modèle conçoit le risque de victimisation comme le résultat d’une interaction entre différentes sphères organisées de façon hiérarchique : l’environnement scolaire, le contexte et la victime.

Figure 1

Conceptualisation de la violence en milieu scolaire selon une perspective écologique

Conceptualisation de la violence en milieu scolaire selon une perspective écologique

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Le premier niveau représente l’individu et soutient que ses caractéristiques affectent son risque d’être victime. Ainsi, les élèves les plus jeunes de même que les garçons et ceux appartenant à une minorité visible sont plus susceptibles d’être victimes. Les élèves aux comportements externalisés s’exposent davantage à une riposte de la part de leurs pairs (Arseneault et al., 2010). Une victime qui se défend verra diminuer ses chances d’être victime à nouveau (Miethe et McDowall, 1993). Les rôles de victime et d’agresseur peuvent changer (Lauritsen, Sampson et Laub, 1991), ce qui souligne l’intérêt de s’attarder spécifiquement à l’évènement.

Le second niveau soutient que le risque de victimisation varie en fonction des contextes. Le risque de victimisation est fonction des actions posées par les témoins dans les moments qui précèdent le passage à l’acte (Felson, 1986 ; Denny et al., sous presse ; Reynald, 2011). Les témoins revêtent plusieurs rôles. En agissant comme gardiens, les témoins s’interposent entre l’agresseur et la victime et ainsi, mettent un terme à l’intention de violence. Les témoins peuvent également rapporter les agissements à un superviseur qui possède une certaine autorité sur l’élève violent. Rapporter l’incident à un enseignant, un parent ou un surveillant implique que l’agresseur s’expose à certaines sanctions formelles ou informelles (Fekkes et al., 2005 ; Felson, 1986). Des facteurs extérieurs à l’élève ont donc une incidence sur ses probabilités d’être victime.

Le troisième niveau se rapporte à l’environnement scolaire. Les écoles de grande taille sont souvent caractérisées par un manque d’engagement des élèves envers leurs pairs et enseignants. La cohésion entre les élèves y serait déficiente (Chen et Astor, 2012), ce qui favoriserait les actes de violence (Brookmeyer et al., 2009 ; Smith et al., 2003).

Compte tenu du caractère interactif des facteurs des différents niveaux, la perspective écologique permet l’intégration de théories macroscopiques et microscopiques. Les caractéristiques individuelles font allusion à la vulnérabilité d’une personne qui se manifeste, entre autres, par des relations déficientes avec les autres et une mauvaise supervision parentale (Bélanger et al., 2010 ; Gottfredson et Gottfredson, 1985 ; Olweus, 1994). En plus de la vulnérabilité, le risque dépend de la convergence spatiotemporelle entre l’agresseur et la victime en l’absence de gardien (Felson, 1998). Or, ces contextes favorables à la violence dépendent largement des structures sociales. Les environnements désorganisés socialement se caractérisent généralement par des lacunes sur le plan des contrôles informels (Sampson et Lauristen, 1990). Un manque d’engagement des élèves aura pour effet une surveillance moins prononcée et par conséquent, les gardiens potentiels seront moins susceptibles de remarquer les situations de violence et d’intervenir. La monoparentalité implique également une moins grande capacité à superviser les enfants. Les théories de la désorganisation sociale et des opportunités criminelles sont intimement liées étant donné que les environnements affectent l’émergence de contextes plus ou moins favorables au crime (Felson, 1986 ; Reynald, 2011).

À l’instar des études sur les trajectoires de vie, la présente étude soutient que les facteurs des différentes sphères du modèle sont susceptibles d’augmenter ou de prévenir le risque de victimisation (Sherman, Farrington, Welsh et MacKenzie, 2002 ; Loeber et Farrington, 2012). Il s’agit d’un aspect crucial d’une part, pour l’étiologie de la violence en milieu scolaire et d’autre part, pour le développement de programmes de prévention. En regard du développement de la délinquance, les modèles théoriques existants mettent davantage l’accent sur les facteurs de risque que sur les facteurs qui préviennent ou qui réduisent le risque. Les travaux sur la prédiction de la délinquance définissent les facteurs de risque comme étant des facteurs qui augmentent la probabilité d’une implication future dans la délinquance (Farrington et Welsh, 2007 ; Hawkins et al., 1998 ; Loeber et Dishion, 1983), tandis que les facteurs de protection sont définis comme des facteurs qui diminuent les probabilités des conduites criminelles et antisociales ultérieures (Lösel et Bender, 2003 ; Pollard, Hawkins et Artur, 1999 ; Taylor etal., 2004). Concrètement, déterminer un facteur de risque permet de concentrer les ressources vers l’école aux prises avec une problématique particulière. Il peut s’agir, par exemple, des écoles où les témoins de violence interviennent le moins. Investir dans les écoles où les élèves s’interposent le plus n’engendrerait pas d’effet préventif supplémentaire à moins que le facteur ait des portées protectrices. D’ailleurs, plusieurs travaux montrent que les facteurs traditionnellement considérés comme augmentant les risques peuvent aussi avoir un effet protecteur (Ouellet et Hodgins, 2014). Il devient important d’intégrer cette manière de conceptualiser les facteurs afin de déterminer avec exactitude la portée de leurs effets. Pour ce faire, Loeber et Farrington (2012) recommandent de créer des variables comprenant une catégorie médiane regroupant environ 50 % des observations. Les deux autres extrémités sont chacune composées de 25 % des observations. Cette technique permet de vérifier : 1) si l’association entre le facteur et la victimisation est linéaire ou non ; 2) si le facteur agit exclusivement comme un facteur de risque ou de protection ; et 3) s’il possède les deux rôles. Par conséquent, les résultats émanant d’une telle conceptualisation permettraient non seulement d’adapter les programmes de prévention en tenant compte des forces et faiblesses découvertes, mais aussi de statuer sur la portée des interventions mises en place (p. ex. : est-ce qu’un programme doit être instauré dans des écoles précises ou bien de manière universelle ?).

S’inspirant de la perspective écologique, le but de cette étude est d’améliorer les connaissances sur les facteurs contextuels affectant le risque de victimisation en milieu scolaire. Cette étude se distingue par l’adoption de la perspective écologique et la considération de facteurs de risque et de protection. Tout au long des analyses, un intérêt particulier sera accordé au rôle des tierces parties (gardiens et superviseurs potentiels). Les objectifs de l’étude consistent à :

  1. déterminer les dimensions de la violence en milieu scolaire ;

  2. évaluer les effets respectifs des facteurs individuels, contextuels et environnementaux sur le risque de victimisation en milieu scolaire ;

  3. évaluer les effets d’interaction entre les facteurs des différentes sphères.

Méthodologie

Source des données

Les données à l’étude ont été colligées dans le cadre de l’évaluation d’un programme de prévention de la violence en milieu scolaire. Un questionnaire a été conçu de manière à mettre l’accent sur les contextes de victimisation scolaire et souligner les multiples rôles pouvant être revêtus par les élèves (p. ex., un élève victime de violence peut aussi être l’auteur d’actes violents ou encore agir comme gardien). Le questionnaire a permis d’amasser des données sur les dimensions suivantes : 1) les expériences de victimisation des élèves (violences subies) ; 2) les comportements externalisés (actes violents commis) ; 3) le sentiment de sécurité ; 4) les réactions des témoins et victimes de violence ; et 5) les milieux familial et social. Ce questionnaire comportait environ 200 questions avec des choix de réponse de type Likert[2]. Il s’agissait d’un questionnaire autoadministré par les élèves. Au total, 838 élèves de cinquième et sixième année ont pris part au sondage. Ces élèves viennent de 16 écoles d’une région urbaine du Québec. Similairement à d’autres études sur la violence en milieu scolaire, une période fenêtre d’un mois fut retenue pour mesurer les expériences de victimisation et de perpétration d’actes violents en milieu scolaire (Akiba, LeTendre, Baker et Goesling, 2002 ; Khoury-Kassabri etal., 2009). La collecte de données a eu lieu au mois d’octobre 2008.

Opérationnalisation des variables à l’étude

Comme l’intérêt est d’étudier les relations entre les facteurs individuels, contextuels, environnementaux et le risque de victimisation dans les écoles, les variables s’étalent sur deux niveaux, soit l’élève au premier niveau et l’école au deuxième. La stratégie analytique permet d’examiner indépendamment l’effet des caractéristiques individuelles des élèves et celles des écoles.

Premier niveau : l’élève

Les caractéristiques des élèves sont mesurées à l’aide de cinq variables : 1) âge ; 2) sexe ; 3) origine ethnique du père ; 4) situation familiale ; et 5) comportements externalisés. L’âge des participants varie entre 8 et 13 ans. Ils ont en moyenne 11 ans (É-T = 0,67). En raison de la faible étendue de la distribution de l’âge, les valeurs ont été regroupées en trois catégories : 1) 10 ans et moins (19,9 %), 2) 11 ans (63,1 %) et 3) 12 ans et plus (17,6 %). L’échantillon est composé à parts égales de garçons (50,2 %) et de filles (49,8 %). Selon la nationalité du père du répondant, cinq grandes catégories d’origine ethnique ont été distinguées : caucasien (49,8 %), afro-américain (18,2 %), arabe (6,8 %), asiatique (13,9 %) et latino-américain (18,3 %).

Comme la présence des deux parents permet un meilleur contrôle et supervision des enfants (Claes et Comeau, 1996), la variable « situation familiale » distingue les familles où un seul parent est présent des autres où deux parents sont au foyer. Dans le présent échantillon, 27,8 % des participants proviennent d’une famille monoparentale.

Les comportements externalisés réfèrent aux actes de violence commis par les participants au cours du dernier mois (p. ex. : détruire le matériel de l’école, frapper un autre élève, faire circuler des rumeurs). Il s’agit d’une échelle composée par l’addition de 19 indicateurs de type Likert (1 = jamais ; 4 = presque tous les jours). L’échelle possède une excellente consistance interne (α = 0,84) et la moyenne se situe à 1,16 (É-T = 0,28). La distribution démontre qu’une importante proportion d’élèves ne commet pas d’acte violent ; par conséquent, les valeurs ont été regroupées sous trois modalités. Ainsi, 49,4 % des élèves n’ont jamais commis d’acte violent, 27 % en commettent peu (2 ≥ X> 1) et 23,6 % en ont posé à plusieurs reprises (X> 2).

Deuxième niveau : variables liées au contexte et à l’environnement scolaire

Les 838 participants viennent de 16 écoles, ce qui limite le nombre de niveaux. Bien que distinctes sur le plan conceptuel, les variables contextuelles et environnementales sont incluses dans le deuxième niveau. Comme proposé par Loeber et Farrington (2012), les variables sont mesurées à l’aide de trois modalités de manière à distinguer leurs effets liés au risque de victimisation et à sa prévention (protection). Ainsi, la modalité centrale comprend environ 50 % des observations et les deux extrémités en incluent chacune 25 % (Loeber et Farrington, 2012). Lors des analyses, la modalité centrale agit comme catégorie de référence. Les écoles furent classées dans les catégories « faible », « modéré » et « élevé ». Théoriquement, les catégories « faible » et « élevé » correspondent respectivement au facteur de risque et au facteur de protection. Les variables contextuelles et environnementales furent créées en utilisant des scores agrégés. Il est possible que la moyenne de l’école soit basée sur les réponses de 50 % des répondants si seulement ce pourcentage a été exposé à des actes de violence. Puisque la taille des écoles varie, le nombre d’élèves au sein de chaque modalité varie d’une variable à l’autre. Le Tableau 1 présente les résultats descriptifs pour les variables contextuelles et environnementales.

Intervention des gardiens témoins de violence. Dans cette étude, les gardiens potentiels réfèrent aux élèves témoins de violence qui peuvent intervenir et mettre un terme à une altercation (Felson, 1986). Les élèves ont été sondés sur la fréquence à laquelle ils étaient intervenus lorsqu’ils étaient témoins de violence. Le choix de réponse était de type Likert (1 = jamais ; 4 = toujours). Les résultats à l’échelle révèlent que les participants interviennent rarement (X = 2,09 ; É-T = 1,07), qu’il s’agisse de s’interposer physiquement ou verbalement entre l’agresseur et la victime. La moyenne pour les écoles est de 2,16 (É-T = 0,33). Environ 28,4 % des élèves se retrouvent dans les écoles où le niveau de gardiennage est bas alors que 25,7 % fréquentent des écoles avec un niveau relativement élevé de gardiennage.

Dénonciation des victimes aux superviseurs. Cette échelle est composée de quatre indicateurs de type Likert [si tu as été témoin de violence, qu’as-tu fait ? j’en ai parlé à : 1) mes parents, 2) un enseignant, 3) un intervenant de l’école, et 4) un policier] et mesure la fréquence à laquelle les élèves dénoncent les actes dont ils sont victimes (1 = jamais ; 4 = toujours). Cette échelle possède une excellente consistance interne (α = 0,81). Les participants et les écoles obtiennent des moyennes respectives de 2,20 (É-T = 0,89) et 2,18 (É-T = 0,20) à cette échelle. Environ 16,0 % des élèves se retrouvent dans une école avec un faible niveau de dénonciation des victimes aux superviseurs et 8,7 % sont dans une école avec un niveau élevé de dénonciation.

Autodéfense/vengeance de la part des victimes. Cette échelle se compose de deux indicateurs de type Likert (α = 0,77). Elle mesure les épisodes d’autodéfense et de vengeance [si tu as été victime, qu’as-tu fait ? 1) je me suis défendu (cris et coups), et 2) j’ai fait un geste violent pour me venger]. Les indicateurs sont de type Likert (1 = jamais ; 4 = toujours). Le score moyen chez les participants est de 2,04 (É-T = 0,96) et de 2,00 (É-T = 2,00) pour les écoles. Ce score moyen signifie que les élèves se défendent rarement. Environ 60 % des élèves sont répartis en deux parts égales dans des écoles avec des niveaux faible ou élevé d’autodéfense.

Taille de l’école. Cette variable mesure le nombre d’élèves par établissement. Les 838 élèves viennent de 16 écoles (X = 303,75 ; É-T = 79,72). Environ 37,2 % des élèves se trouvent dans une école avec un nombre élevé d’élèves et 10 % dans une école avec un faible nombre d’élèves.

Indice de milieu socioéconomique. L’indice de milieu socioéconomique du quartier est mesuré à l’aide d’une équation considérant la proportion des mères sous-scolarisées ainsi que la proportion des parents inactifs sur le marché du travail, en comparaison des parents qui ont un emploi (Baillargeon, 2005). Il est employé par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport pour produire l’indice de défavorisation des écoles publiques québécoises. Plus l’indice est élevé et plus la proportion des élèves provenant de familles défavorisées est importante au sein d’une école. Cet indice varie de 6,17 à 45,38 (X = 23,88 ; É-T = 9,06). Environ 27,2 % des élèves se trouvent dans des écoles avec un faible indice de défavorisation et 23,9 % dans un établissement avec un indice élevé.

Tableau 1

Statistiques descriptives pour les variables contextuelles et environnementales

Statistiques descriptives pour les variables contextuelles et environnementales

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Les variables dépendantes : les échelles de victimisation

Dix-huit indicateurs ont été employés pour mesurer la victimisation en milieu scolaire. Ces indicateurs ont une échelle de type Likert (1 = jamais, 2 = une ou deux fois durant le mois, 3 = une fois par semaine et 4 = plusieurs fois par semaine) et une période fenêtre d’un mois. Des analyses factorielles exploratoires avec une rotation Varimax ont permis de déterminer les différentes dimensions de la violence en milieu scolaire, celles-ci correspondant aux trois facteurs du Tableau 2. Des coefficients minimaux respectifs de 0,20 et 0,35 ont été retenus comme indices de « communalité » et d’association avec les différents facteurs (Tabachnick et Fidell, 2013). Les indicateurs ne répondant pas à ces critères ont été exclus.

L’indice KMO (0,83) et le résultat au test de Bartlett (p <0,01) témoignent de la qualité de la solution factorielle. Au total, les analyses ont permis d’identifier trois facteurs qui expliquent 40,10 % de la variance. Le premier facteur (F1) comprend six indicateurs et fait référence à la violence physique. Le second facteur inclut également six indicateurs et est associé à la violence verbale. Le troisième facteur compte trois indicateurs liés à la victimisation sur le Web.

Stratégie analytique

La stratégie analytique se divise en deux temps. Premièrement, les échelles de victimisation sont décrites tant sur le plan de la fidélité que de leur étendue. Deuxièmement, des analyses multiniveaux estiment l’effet des différents facteurs sur le risque de victimisation. Les analyses de régression traditionnelle ne permettent pas d’apprécier avec justesse l’effet de facteurs nichés à l’intérieur de plusieurs niveaux. Les observations collectées au sein d’une même école ne sont pas indépendantes, biaisant les estimations basées sur le principe des moindres carrés. Les modèles de régression traditionnelle assument que les variables sont sur un même niveau, omettant la structure hiérarchique du modèle écologique (Bressoux et al., 1997 ; Chaix et Chauvin, 2002).

Les analyses multiniveaux possèdent plusieurs avantages par rapport à la régression traditionnelle. Elles corrigent la dépendance entre les observations et estiment les interactions entre les variables des différents niveaux. Les estimations furent obtenues à l’aide du logiciel HLM. Une procédure par élimination descendante backward (seuil de retrait : p> 0,10) a été employée en raison du nombre limité d’observations pour le deuxième niveau (16 écoles).

Tableau 2

Résultats aux analyses factorielles pour la victimisation

Résultats aux analyses factorielles pour la victimisation

F1 : Échelle de victimisation physique (Alpha : 0,69)

F2 : Échelle de victimisation verbale (Alpha : 0,80)

F3 : Échelle de victimisation sur Internet (Alpha : 0,74)

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Résultats

Le Tableau 3 présente les statistiques descriptives liées aux échelles de victimisation. Ces résultats montrent que durant le dernier mois, les élèves affirment avoir rarement été victimes de violence. Les moyennes varient de 1,09 à 1,52.

Tableau 3

Distribution de la victimisation dans les écoles

Distribution de la victimisation dans les écoles

Note : La prévalence mesure le pourcentage d’élèves qui a été victime durant le dernier mois. Le fait d’avoir répondu au moins « 2 » (une ou deux fois durant le mois) à l’un des indicateurs des échelles indique que l’élève a été victime au cours du dernier mois. Dans ce cas, il obtient la valeur 1 à l’échelle dichotomique, ce qui correspond au fait d’avoir été victime.

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Les élèves affichent des moyennes de 1,17 et 1,09 pour la victimisation physique et sur Internet. Les deux moyennes tendent vers la valeur « 1 », qui équivaut à jamais. La victimisation verbale est un peu plus fréquente avec une moyenne de 1,52. Les trois échelles présentent de fortes asymétries positives, indiquant que les cas de la distribution se concentrent autour des valeurs faibles (voir les indices de symétrie et d’aplatissement). Ces variables furent donc dichotomisées pour les analyses multiniveaux.

Les variables dépendantes étant dichotomiques, les résultats du Tableau 4 ont été obtenus à l’aide de modèles linéaires hiérarchiques généralisés (MLHG). Les variables indépendantes apparaissent par niveau dans la première colonne. Les autres colonnes réfèrent au risque relatif (RR) et à l’intervalle de confiance (IC 95 %) pour les trois types de victimisation.

Sur le plan individuel (niveau 1), plusieurs variables affectent le risque de victimisation. L’adoption de comportements externalisés augmente le risque de victimisation physique, que les élèves commettent peu d’actes (RR = 2,25 ; p <0,01) ou plusieurs (RR = 8,30 ; p <0,01). Bien que les coefficients soient légèrement différents, le constat précédent s’applique aussi au risque de victimisation verbale et sur Internet. Les garçons affichent un risque accru de victimisation physique (RR = 2,09 ; p <0,05). Les élèves d’origine arabe (RR = 0,44 ; p <0,05) ou asiatique (RR = 0,51 ; p <0,05) sont moins susceptibles d’être victimes de violence physique comparativement aux élèves d’autres groupes ethniques. La présence de deux parents à la maison est associée à un moins grand risque de victimisation verbale (RR = 0,55 ; p <0,01) et sur Internet (RR = 0,78 ; p <0,10). Enfin, les enfants de 11 ans affichent un risque plus faible aux trois formes de victimisation (le RR varie de 0,55 à 0,67).

Tableau 4

Résultats aux analyses multiniveaux

Résultats aux analyses multiniveaux

— : variables retirées du modèle à la suite de la procédure par élimination descendante backward.

Seuil de retrait : p> 0.10

*p ≤ 0,10 ** p ≤ 0,05 ***p ≤ 0,01

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Les trois variables contextuelles (niveau 2) influencent le risque de victimisation. Premièrement, la dénonciation des victimes aux superviseurs a une influence significative sur les trois types de victimisation. Toutefois, la dénonciation agit comme facteur de risque pour la victimisation verbale (RR = 2,08 ; p <0,05) alors qu’elle agit comme facteur de protection pour la violence physique (RR = 0,35 ; p <0,01) et sur Internet (RR = 0,45 ; p <0,05). Deuxièmement, les élèves fréquentant des écoles où les gardiens interviennent peu voient leur risque de victimisation physique et verbale s’accroître respectivement de 64 % et 35 %. Un faible niveau de gardiennage constitue un facteur de risque. Les élèves provenant des écoles où les victimes se défendent le moins ont aussi un risque accru d’être victimes de violence physique (RR = 3,44 ; p <0,01) et verbale (RR = 1,57 ; p <0,05).

Sur le plan environnemental (niveau 2), les enfants qui fréquentent des écoles où il y a beaucoup d’élèves ont un risque de victimisation physique inférieur aux enfants des autres catégories (RR = 0,66 ; p <0,05). Fréquenter des écoles de grande taille aurait un effet protecteur sur les élèves en ce qui concerne la violence physique.

Des modèles avec des effets d’interaction entre les variables contextuelles et environnementales ont été évalués. Toutefois, aucune relation significative n’a été remarquée, indiquant que les effets des variables contextuelles ne sont pas en fonction des variables environnementales.

Discussion

Cette étude a évalué les relations entre les facteurs individuels, contextuels, environnementaux et le risque de victimisation scolaire. Les résultats soulignent le rôle des caractéristiques individuelles dans l’étude du processus de victimisation et montrent également l’intérêt d’intégrer des variables contextuelles et environnementales. Ces dernières jouent un rôle prépondérant lors d’épisodes de victimisation. Nos résultats indiquent que les variables contextuelles agissent parfois comme facteurs de risque et d’autres fois comme facteur de protection.

Facteurs individuels

Tel qu’il est rapporté dans plusieurs études, les facteurs reliés à l’individu influent sur le risque de victimisation. Les élèves qui manifestent des comportements externalisés sont plus susceptibles d’être victimes d’actes violents (Chen et Astor, 2012 ; Fortin et Strayer, 2000 ; Gaillard, 2005). L’ampleur du risque de victimisation est proportionnelle au nombre de comportements externalisés. Cette relation peut s’expliquer par la riposte des victimes (Janosz, Archambault, Morizot et Pagani, 2008). Certaines victimes se vengeront pour dissuader leur agresseur de recommencer. La théorie des sous-cultures déviantes stipule que les délinquants deviennent à leur tour la cible d’attaques parce qu’ils prônent des valeurs favorables à la violence dans la résolution des conflits (Sampson et Lauristen, 1990).

Bien que les comportements externalisés soient le facteur individuel ayant le plus d’influence sur le risque de victimisation physique et verbale, d’autres facteurs propres à l’élève jouent un rôle clé. Comparativement aux filles, les garçons sont plus à risque d’être victimes de violence physique, ce qui s’expliquerait par leur plus grande prédisposition à adopter des comportements agressifs (Fortin et Strayer, 2000 ; Galand et al., 2004 ; Olweus, 1994). Dans l’échantillon, les jeunes de 11 ans risquent moins d’être victimes de tout type de violence que les jeunes de 12-13 ans. Cette observation rejoint les constats de Carrington (2007), qui note une hausse des comportements violents de 11 à 12 ans. La relation entre l’âge et le risque de victimisation serait potentiellement indirecte, puisque l’adoption de comportements externalisés mènerait à la victimisation.

Finalement, les jeunes d’origine arabe ou asiatique affichent un risque de victimisation physique inférieure aux élèves d’autres groupes. Différentes pistes peuvent expliquer ce résultat. Plusieurs élèves s’identifient à plus d’un groupe ethnique et la présente étude n’a pas exploré toutes les possibilités. Seule l’origine ethnique du père a été considérée. Le sens donné aux actes de violence peut aussi varier d’une culture à l’autre. Des études ont trouvé que les jeunes des minorités ethniques sont plus susceptibles de poser des actes violents comparativement aux groupes ethniques dominants (Vervoort, Scholte et Overbeek, 2010), ce qui pourrait expliquer qu’ils soient moins victimes de violence. Bien que, de manière générale, les résultats montrent que les jeunes les plus violents sont également les jeunes qui sont le plus victimes de violence, les analyses ne permettent pas de vérifier si le modèle varie en fonction du groupe ethnique, invitant à la prudence lors de l’interprétation de ce résultat.

Facteurs contextuels

La modélisation employée dans cette étude permet d’apprécier le rôle des facteurs contextuels lors d’épisodes de victimisation et de déterminer s’ils agissent comme facteurs de risque ou de protection. Les élèves fréquentant des écoles où les témoins interviennent le moins en cas d’agression ont un risque accru d’être victimes. Ce résultat souligne le rôle des gardiens dans la prévention de la violence (Cohen et Felson, 1979 ; Reynald, 2011). Nos résultats indiquent néanmoins qu’une présence accrue de gardiens n’engendrerait pas nécessairement d’effets préventifs supplémentaires. Les écoles où les gardiens potentiels interviennent peu représentent un facteur de risque (mais pas de protection) contextuel dans la présente étude.

Les enseignants, surveillants, directeurs d’école, parents et policiers ont été conceptualisés comme des superviseurs potentiels pouvant exercer un certain contrôle sur l’élève. La dénonciation d’actes violents aux superviseurs aurait pu, selon les attentes, se traduire par une baisse du risque de victimisation. Au contraire, la dénonciation fut associée à une hausse du risque de victimisation physique, verbale et sur Internet. Ce constat peut paraître contre-intuitif de prime abord, mais d’autres études ont obtenu les mêmes résultats (Fekkes et al., 2005). La dénonciation pourrait entraîner des représailles. Plusieurs élèves hésitent d’ailleurs à rechercher de l’aide auprès des enseignants par peur de subir des représailles (Newman, Murray et Lussier, 2001). Le système disciplinaire pourrait aussi être en cause, mais notre étude ne documente pas la façon dont la dénonciation est traitée. Les élèves anticiperaient davantage la sanction dans les écoles avec des systèmes disciplinaires stricts où les règlements sont appliqués régulièrement (Apel, Pogarsky et Bates, 2009). Comprendre le traitement des dénonciations par les superviseurs et se pencher sur les expériences punitives des élèves permettraient de mieux interpréter notre résultat sur la dénonciation. Plusieurs études montrent d’ailleurs que l’impunité accroît le risque de récidive (Paternoster et Piquero, 1995 ; Stafford et Warr, 1993).

Similairement à l’intervention des gardiens, l’autodéfense et la vengeance agissent uniquement comme facteur de risque. Les élèves des écoles où l’autodéfense est moins fréquente ont un risque accru de victimisation physique et verbale. La peur générée lors du passage à l’acte pourrait dissuader un élève qui serait tenté d’agir violemment (Cusson, 1993 ; Blais et Bacher, 2007 ; Miethe et McDowall, 1993). L’inaction des victimes peut aussi mener à l’acceptation de la violence dans les écoles et à une minimisation de ses conséquences (Burgess et Akers, 1966). Lorsque les victimes ne se défendent pas, les élèves violents apprennent à tirer profit des occasions d’impunité (Tremblay, 2010).

Facteurs environnementaux

La taille des écoles et l’indice de défavorisation n’ont qu’une faible influence sur le risque de victimisation. Fréquenter une école populeuse diminue le risque de victimisation physique. La taille de l’école agit dans ce cas comme un facteur de protection. Un nombre élevé d’élèves pourrait augmenter le gardiennage et prévenir les évènements violents (Cohen et Felson, 1979). Toutefois, cette piste explicative n’est pas privilégiée dans toutes les études. Un nombre élevé d’élèves est souvent associé à l’individualisme, à une cohésion déficitaire entre les élèves (Chen et Astor, 2012) et à un plus grand risque de victimisation (Brookmeyer et al., 2006 ; Carra, 2009 ; Smith et al., 2003). Similairement, les écoles affichant les indices de milieux socioéconomiques les plus élevés n’ont pas un taux plus élevé de victimisation. Ce résultat doit cependant être apprécié à la lumière des limites de la présente étude. La majorité des écoles de notre échantillon provient de milieux défavorisés. Le nombre limité d’observations (n = 16) au deuxième niveau est aussi susceptible de limiter la capacité des tests statistiques à déceler des relations significatives.

Interactions entre les facteurs

La perspective écologique sous-entend que les niveaux sont nichés les uns dans les autres et qu’ils s’influencent mutuellement. Il était attendu que les indices de désorganisation sociale tels que les écoles de grande taille et la défavorisation affectent à la hausse le risque de victimisation en raison de contrôles informels déficients (Chen et Astor, 2012 ; Smith et al., 2003). L’absence d’interaction entre les facteurs contextuels et environnementaux indique que l’effet des premiers n’est pas une fonction des derniers. D’autres études sont nécessaires afin d’étudier les interactions entre les facteurs contextuels et environnementaux, car le faible nombre d’écoles (n = 16) et le niveau de défavorisation relativement élevé de toutes les écoles pourraient expliquer l’absence de relation.

Conclusion

Les résultats montrent que la violence est présente et qu’elle touche une majorité d’élèves. En effet, respectivement 74, 44,2 et 22,3 % des élèves ont vécu des épisodes de victimisation sur le plan verbal, physique et sur Internet. Le risque de vivre une expérience de victimisation est associé à des facteurs individuels, contextuels et environnementaux. Ces résultats soulignent l’intérêt de développer des programmes de prévention multifacette pour s’attaquer aux problèmes de violence en milieu scolaire (Clarke, 2009 ; Khoury-Kassabri etal., 2004). Ces programmes peuvent s’attaquer tant aux jeunes aux comportements externalisés qu’aux contextes où ces actes prennent place.

Nos résultats rappellent que l’implantation de programmes de prévention ne peut se faire sans tenir compte des facteurs de risque et de protection. À titre d’exemple, des programmes de sensibilisation visant à stimuler l’intervention des gardiens ne sauraient avoir une portée universelle. De tels programmes seraient plus susceptibles de produire des effets préventifs au sein des écoles où le gardiennage est à la base déficitaire. La sélection de programmes de prévention doit être adaptée au problème spécifique vécu par l’école (Clarke, 2009).

Finalement, les résultats de la présente recherche doivent être appréciés à la lumière de certaines limites. Les 16 écoles ne proviennent pas d’un échantillon représentatif, limitant les possibilités de généralisation. Les conclusions de la présente étude s’appliquent davantage à la violence physique et verbale. Les futures recherches auraient avantage à adapter les concepts de gardien et d’autodéfense à la réalité virtuelle. Une telle démarche contribuerait à la compréhension de la violence sur Internet et au développement de programmes de prévention sur mesure.