Abstracts
Résumé
L’objectif de cette étude est d’explorer l’augmentation du nombre des personnes très âgées en Suisse, de dater et préciser l’ampleur et la vitesse de cette augmentation, ainsi que de fournir quelques indications sur les mécanismes démographiques qui en sont à l’origine. L’étude, qui met en oeuvre des méthodes démographiques standard, utilise l’ensemble des données disponibles pour la Suisse depuis 1860, recensements, estimations annuelles de la population et statistiques de mortalité. Les indicateurs utilisés tendent à montrer que l’accroissement du nombre des centenaires en Suisse a été l’un des plus forts au monde. Il est surtout dû à la diminution de la mortalité au-delà de l’âge de 80 ans, diminution qui s’accélère à partir des années 1950. L’amélioration massive des conditions socio-économiques après la Seconde Guerre mondiale pourrait expliquer les tendances observées. De nouveaux indicateurs doivent être mis au point pour surveiller la qualité de la vie de cette population très âgée, émergente, constituée de nonagénaires et de centenaires.
Abstract
The aim of this study is to examine the increase in the number of very elderly persons in Switzerland, to date and detail the extent and rapidity of this increase, and to point to some of the underlying demographic mechanisms involved. The study, which applies standard demographic methods, uses all available data for Switzerland since 1860, including censuses, annual population estimates and mortality statistics. The indicators used tend to show that the increase in the number of centenarians in Switzerland has been one of the strongest in the world. This increase is mainly due to the decline in the death rate over the age of 80, a decline that has been accelerating since the 1950s. The massive improvement in socioeconomic conditions after the Second World War could explain the trends observed. New indicators should be developed to monitor the quality of life of this newly emerging, very elderly population, comprised of nonagenarians and centenarians.
Article body
Dans les pays les plus avancés au sein de la transition sanitaire, l’espérance de vie à la naissance ne cesse d’augmenter, d’environ trois mois chaque année, et ce depuis plusieurs décennies (Oppen et Vaupel, 2002). Sa valeur a déjà dépassé 85 ans pour les femmes au Japon (Ministry of Health, Labor and Welfare, 2003), mais la dispersion des durées de vie autour des valeurs moyennes reste très large (Kannisto, 2001). Le nombre de nonagénaires et de centenaires est en forte expansion dans les pays à faible mortalité, en Amérique du Nord (Krach et Velkoff, 1999), en Europe (Vaupel et Jeune, 1995; Poulain et al., 2001; Thatcher, 2001; Caselli et al., à paraître) ou au Japon (Robine et Saito, 2003; Robine et al., 2003b). Ces observations laissent croire à un accroissement de la longévité humaine (Bonneux et al., 1998; Vaupel et al., 1998; Wilmoth, 1998; Horiuchi, 2000; Olshansky et al., 2001; Wilmoth, 2001; Robine et Vaupel, 2002; Robine, 2003), qu’il devient urgent d’examiner compte tenu de ses implications de santé publique en termes de prise en charge des plus âgés.
La Suisse offre la possibilité d’étudier l’émergence des nonagénaires et des centenaires dans un pays qui présente une des espérances de vie les plus élevées au monde, qui possède des séries statistiques anciennes de qualité et qui n’a pas été perturbé par les grands événements économiques et militaro-politiques du 20e siècle, tels le premier et le second conflit mondial. La grippe espagnole de 1918 est le seul événement notable qui a perturbé la croissance de l’espérance de vie en Suisse au cours du 20e siècle.
En 125 ans, de 1876 à 2001, l’espérance de vie à l’âge de 80 ans a doublé chez les femmes. Cette formidable augmentation de l’espérance de vie chez les personnes âgées — 73 % chez les hommes et 106 % chez les femmes — suffit-elle à expliquer l’émergence d’une nouvelle population en Suisse, celle des nonagénaires et des centenaires ? D’autres facteurs démographiques peuvent intervenir : augmentation de la taille des cohortes de naissance successives au cours du 19e siècle, augmentation de la probabilité de devenir octogénaire — sans compter les phénomènes migratoires des 19e et 20e siècles. Il s’agit là des principaux facteurs qui peuvent expliquer l’augmentation du nombre des personnes très âgées (Thatcher, 2001). Notre étude vise à déterminer la part de chacun dans un pays qui n’a pas connu de perturbations majeures au cours des 150 dernières années.
Les données utilisées
Pour mener à bien cette étude, nous utilisons l’ensemble des données démographiques rassemblées par l’Office fédéral de la statistique et mises à disposition du public et des chercheurs grâce à des jeux de disques compacts dits CD. Il s’agit plus particulièrement du volume Deux siècles d’histoire démographique suisse, Album de la période 1860-2050 (Calot, 1998), des disques compacts du projet SMNAT, Archive du mouvement naturel de la population, Sauvegarde des tableaux des années 1870-1977 (Baranzini, 1998), et des disques des Portrait démographique de la Suisse (Heiniger et Daout, 2001; Heiniger et Wanders, 2002). Ces disques fournissent plusieurs centaines de tableaux contenant l’ensemble de l’information disponible en Suisse sur la population et sa structure, sur le mouvement naturel (naissance et décès), sur le mouvement migratoire et sur l’acquisition de la nationalité suisse, ainsi que sur les quotients de mortalité. À cela s’ajoutent les données de population provenant du recensement fédéral de la population depuis 1860[1], des Tables de mortalité pour la Suisse 1988/1993 (Wanner, 1996) et des tables de mortalité longitudinales reconstituées pour les générations 1880-1980 (Mentonnex et Wanner, 1998).
L’augmentation séculaire de l’espérance de vie à la naissance et l’augmentation relative de l’espérance de vie aux âges élevés
L’espérance de vie à la naissance observée en Suisse au début du 21e siècle est une des plus élevées au monde. Elle a atteint, dans les conditions de 2001, la valeur de 77,2 années pour le sexe masculin et de 82,8 années pour le sexe féminin (Heiniger et Wanders, 2002). Par comparaison, l’espérance de vie à la naissance a atteint au Japon, pays qui détient le record actuel de l’espérance de vie à la naissance, 78,1 et 84,9 ans respectivement en 2001 (Ministry of Health and Welfare, 2002).
La figure 1 représente l’augmentation séculaire de l’espérance de vie à la naissance en Suisse depuis 1876 pour chacun des deux sexes. Au-delà de petites fluctuations annuelles avant les années 1920, l’augmentation est très régulière. Seule 1918, avec l’épidémie de la grippe espagnole, se démarque de façon considérable sur la figure[2]. L’augmentation est quasi linéaire jusqu’en 1950. Les fluctuations annuelles s’estompent progressivement, pour disparaître totalement dans les années 1950. Depuis 1950, la croissance se poursuit, mais à un rythme moins élevé. On peut résumer cet infléchissement par deux droites (figure 1) et deux chiffres : avant 1950, l’espérance de vie augmente de 4 à 5 mois par an (0,37 année pour le sexe masculin et 0,39 année pour le sexe féminin); après 1950 l’espérance de vie n’augmente plus que de 3 mois par an environ (0,22 année pour le sexe masculin et 0,24 année pour le sexe féminin).
L’évolution relative de l’espérance de vie à la naissance, à 60 ans et à 80 ans — pour une base 100 en 1876 — pour chaque sexe, est représentée à la figure 2 (figures 2-A et 2-B, respectivement). La figure montre très clairement le décalage dans la progression de l’espérance de vie aux différents âges. Jusqu’en 1920, alors que l’espérance de vie à la naissance augmente fortement, l’espérance de vie à 60 ans ou à 80 ans n’augmente que faiblement. L’espérance de vie à 80 ans fluctue pendant plusieurs années autour des valeurs atteintes en 1876. De 1920 à 1950, on note une nette augmentation des espérances de vie à 60 ans et à 80 ans, mais le rythme d’augmentation de l’espérance de vie à la naissance reste plus fort. Les différentiels apparaissent plus grands pour le sexe masculin (figure 2-A). À partir de 1950, le rythme d’augmentation de l’espérance de vie est d’autant plus rapide que l’âge est élevé, et ce plus particulièrement pour le sexe féminin (figure 2-B). Au total, au cours de la période des 125 années, l’espérance de vie a augmenté, pour les hommes, de 98 % à la naissance, de 81 % à 60 ans et de 73 % à 80 ans et, pour les femmes, de 96 % à la naissance, de 109 % à 60 ans et de 106 % à 80 ans.
L’émergence des nonagénaires et des centenaires en Suisse
La figure 3 illustre l’émergence des nonagénaires en Suisse au cours des cinquante dernières années. Les données utilisées proviennent de l’Office fédéral de la statistique (OFS) et sont issues de la série Population résidente à la fin de l’année. Cette série remonte à 1860 et permet de distinguer trois périodes quant à l’émergence des nonagénaires, grâce à l’échelle semi-logarithmique utilisée pour la figure 3-B : avant 1900 leur nombre, très petit, aux environs de 650 individus âgés de 90 ans ou plus, stagne pendant 40 ans; à partir de 1900, leur nombre augmente lentement pour atteindre 2000 en 1945, soit une multiplication par 3 en 45 ans; après 1945, leur croissance est beaucoup plus soutenue et leur nombre atteint 48 000 en l’an 2001, soit une multiplication par près de 25 en 56 ans.
La figure 3 permet aussi de situer l’importance relative des classes d’âge : il y a environ10 fois plus de 90 ans et plus que de 95 ans et plus, et environ 10 fois plus de 95 ans et plus que de 99 ans et plus. En simplifiant, avant 1900, il y a en moyenne en Suisse, chaque année, 639 personnes de plus de 90 ans, 84 personnes de plus de 95 ans et 7 personnes de plus de 99 ans. En 1945, ces nombres sont devenus, respectivement, 2023, 196 et 19, et en l’an 2001, 48 177, 9310, et 1765. Ces évolutions chiffrées et l’allure des courbes tendent à montrer que le taux de croissance est d’autant plus élevé que l’âge est élevé. Les trois périodes dans l’émergence des nonagénaires (avant 1900, de 1900 à 1945 et après 1945) sont très visibles sur la figure 3-B pour les trois séries de données utilisées.
Le nombre des centenaires
La série Population résidente à la fin de l’année s’arrête à l’âge de « 99 ans et plus », et il faut recourir aux données même du recensement pour apprécier le nombre des centenaires.
La figure 4 illustre l’augmentation du nombre des centenaires en Suisse. On est passé de 10 individus âgés de 100 ans et plus au recensement fédéral de 1860 à 796 individus de 100 ans et plus au recensement de l’an 2000, soit une multiplication par 80 du nombre des centenaires recensés en 140 ans. En fait, comme le montre la figure 4-A, avec une échelle arithmétique normale, les centenaires sont restés rares jusqu’en 1950, où leur nombre n’excède pas 12. La figure 4-B, avec une échelle semi-logarithmique, montre que l’augmentation du nombre des centenaires n’est devenue monotone qu’à partir de 1950. Avant, les nombres fluctuent entre 0 et 17. Ces fluctuations sont peut être dues aux petits nombres en cause, mais elles peuvent aussi être dues à la qualité des âges déclarés par les personnes âgées lors des recensements d’avant la guerre. Par contre, depuis 1950, le nombre des centenaires a été multiplié par 66.
L’étude de l’émergence des centenaires au Danemark depuis le 18e siècle a montré que probablement tous les cas de centenaires rapportés avant 1800 sont faux; entre 1800 et 1900 les cas réels sont exceptionnels; entre 1900 et 1950 les cas restent rares mais ne sont plus longtemps exceptionnels, et à partir de 1950 leur nombre croît de façon exponentielle (Jeune, 1995; Skytthe et Jeune, 1995). L’étude de l’émergence des centenaires en Italie, à partir des données du recensement, montre un profil proche de celui observé en Suisse ou au Danemark et laisse supposer des problèmes quant à la qualité des âges rapportés dans les recensements les plus anciens (Caselli et al., à paraître). Aujourd’hui, en Suisse, plus de la moitié des centenaires ont 101 ans ou plus et, au recensement de 2000, seulement 364 personnes sur 796 centenaires avaient 100 ans précisément. Pour ces personnes de 100 ans, on peut calculer un « taux de centenaires » pour 10 000 naissances survenues 100 ans auparavant.
La proportion des centenaires par rapport aux naissances
Ainsi, pour 364 personnes âgées de 100 ans exactement au recensement de 2000 et 94 316 naissances enregistrées en Suisse en 1900, on obtient un taux de 38,6 centenaires pour 10 000 naissances. Bien sûr, ce taux ne tient pas compte des migrations, mais il donne un premier ordre de grandeur.
La figure 5 présente ce taux — le nombre des personnes âgées de 100 ans précisément pour 10 000 naissances survenues 100 ans auparavant — pour les générations 1860, 1870, 1880, 1890 et 1900 ou, ce qui revient au même, pour les années 1960, 1970, 1980, 1990 et 2000. Globalement, le taux passe de 1,5 centenaire pour 10 000 naissances en 1860 (0,8 pour le sexe masculin et 2,2 pour le sexe féminin) et de 4,3 en 1870 (2,2 pour le sexe masculin et 6,5 pour le sexe féminin), à 38,6 en 1900 (11,6 pour le sexe masculin et 66,8 pour le sexe féminin).
Pour préciser ce taux, il faut tenir compte des migrations et de l’acquisition de la nationalité suisse, que ce soit pour le dénominateur — le nombre des naissances — ou pour le numérateur — le nombre des centenaires. Selon l’Office fédéral de la statistique, sur 97 028 naissances en 1901, 12 382 sont des enfants de parents non suisses, soit 12,8 %. Ces chiffres montrent l’importance de la population étrangère en Suisse au début du 20e siècle. En l’absence d’information plus précise, nous considérons dans un premier temps que tous les enfants nés en Suisse entre 1870 et 1900 vont rester et acquérir la nationalité suisse. Par contre, l’Office publie des séries statistiques régulières sur le nombre d’étrangers dans la population résidante permanente depuis l’année 1970. Les séries, par âge et sexe, vont jusqu’à l’âge de 99 ans et plus et permettent de calculer la proportion des étrangers dans la population âgée de 99 ans et plus en fin d’année. Cette proportion est de l’ordre de 5 % depuis 1980. En appliquant cette proportion aux personnes recensées âgées de 100 ans lors des différents recensements, on peut estimer le taux des personnes âgées de 100 ans de nationalité suisse pour 10 000 naissances survenues 100 ans auparavant en Suisse. Globalement, le taux corrigé passe de 3,7 centenaires de nationalité suisse pour 10 000 naissances en 1870, contre 4,3 pour le taux non corrigé (2,0 pour le sexe masculin et 5,1 pour le sexe féminin contre 2,2 et 6,5, respectivement), et à 36,9 en 1900 contre 38,6 pour le taux non corrigé (11,1 pour le sexe masculin et 63,9 pour le sexe féminin contre 11,6 et 66,8, respectivement). La correction paraît donc mineure, comme le montre la comparaison avec les taux non corrigés.
Le tableau 1 indique l’effectif des résidants suisses âgés de 100 ans exactement aux différents recensements dans l’hypothèse où la taille des cohortes de naissance serait restée constante depuis 1870. L’effet de l’augmentation de la taille des cohortes de naissance au cours du temps est donc éliminé[3]. On peut ainsi voir que le taux d’accroissement diminue d’une décennie à l’autre pour le sexe féminin, d’environ 12 % au cours de la décennie 1970-1980 à 7 % au cours de la décennie 1990-2000. En conséquence, le temps de doublement des centenaires (TDC) s’allonge. Le TDC indique le nombre d’années nécessaire pour que le nombre des centenaires double, compte tenu du taux d’accroissement des centenaires observé l’année du calcul (Robine et Saito, 2003). Si, dans les années 1970, il fallait 6 ans pour que le nombre des femmes âgées de 100 ans double, il en faut environ 10 dans les années 1990. Par comparaison, le TDC a connu une évolution inverse en France et au Japon au cours de la même période, le taux annuel d’accroissement du nombre des centenaires augmentant au cours du temps dans ces deux pays (Robine et Saito, 2003). Pour le sexe masculin, les évolutions constatées sont beaucoup plus confuses. En particulier, entre 1980 et 1990 le taux d’accroissement des hommes âgés de 100 ans est nul ou quasi nul.
La proportion des centenaires par rapport aux effectifs à l’âge de 60 ans
L’acquisition de la nationalité suisse par naturalisation n’est pas un phénomène mineur. De 1971 à 2001, en 30 ans, 237 486 personnes ont acquis la nationalité suisse par naturalisation, soit l’équivalent de 9,6 % du total des naissances au cours de la même période (12,5 % des naissances suisses et 41,9 % des naissances étrangères). Une grande partie des naturalisés sont vraisemblablement nés en Suisse; 21 % d’entre eux ont 10 ans ou moins au moment de la naturalisation. Avant 1971, le nombre des naissances était plus fort et le nombre des naturalisations vraisemblablement plus faible, mais, au total, il est très difficile d’estimer de combien l’acquisition de la nationalité biaise le dénominateur des ratios calculés.
Graziella Caselli et ses collègues proposent de retenir, comme indicateur de la proportion des centenaires en population, le ratio de l’effectif des centenaires à l’effectif des personnes âgées de 60 ans, quarante années auparavant, pour 10 000 (ratio des centenaires ou RC).
L’objectif est d’avoir un indicateur comparable dans le temps et dans l’espace permettant d’étudier les évolutions au cours du temps et d’établir des comparaisons internationales. Pour ces auteurs, qui s’appuient sur des données italiennes, prendre les survivants à l’âge de 60 ans comme effectifs de référence (dénominateur) permet d’écarter pour l’essentiel les perturbations liées aux migrations tout en conservant l’essentiel de la mortalité adulte (Caselli et al., à paraître; Robine et al., à paraître). Les données suisses donnent à penser que cela écarterait en plus l’essentiel des perturbations liées à l’acquisition de la nationalité. En effet, de 1971 à 2001, seulement 3,5 % des naturalisations ont eu lieu à l’âge de 60 ans ou après. À 60 ans, 96,5 % des individus appelés à devenir citoyens suisses ont déjà été naturalisés.
Prendre l’effectif à 60 ans comme dénominateur des ratios permet d’éliminer les perturbations liées à la mortalité infantile, encore importante il y a un siècle et variant fortement d’un pays à l’autre, celles liées aux migrations et celles liées aux naturalisations. Par contre, un tel dénominateur retient l’essentiel de la mortalité adulte. L’hypothèse est que le nombre des centenaires dans un pays dépend essentiellement du nombre d’individus âgés de 60 ans, quarante ans plus tôt, et des trajectoires de mortalité après cet âge. C’est sur ce principe qu’est construit le RC. Un tel ratio devrait permettre de comparer correctement le nombre des centenaires en Suisse avec le nombre des centenaires dans des pays où la mortalité infantile il y a plus d’un siècle, les modèles migratoires du passé et les politiques de naturalisation ont pu être très différents, comme la France, l’Italie ou le Japon.
Le tableau 2 permet de voir que, par rapport aux effectifs de population âgés de 60 ans quarante années auparavant, le ratio des centenaires (RC) est multiplié par près de 10 pour le sexe masculin et par plus de 20 pour le sexe féminin entre 1960 et l’an 2000, alors qu’à 60 ans et au-delà l’effet des migrations et celui de la naturalisation sont devenus négligeables. À l’évidence, la chute de la mortalité au-delà de 60 ans joue un rôle prépondérant dans la hausse du nombre des centenaires.
Les facteurs démographiques ayant contribué à l’augmentation du nombre des centenaires
Dans cette section, l’augmentation du nombre de centenaires observés est décomposée en trois facteurs, l’augmentation de la taille des cohortes de naissance, l’augmentation de la survie de la naissance à 80 ans et l’augmentation de la survie de 80 à 100 ans (Vaupel et Jeune, 1995; Thatcher, 2001).
Au tableau 3, nous pouvons voir que l’effectif des centenaires suisses (hommes et femmes de 100 ans) a été multiplié par 11,74 de 1970 à 2000. Cela est dû (1) à l’augmentation du nombre des naissances, qui a été multiplié par 1,19 de 1870 à 1900, (2) à l’augmentation de la probabilité de survie de la naissance à l’âge de 80 ans, qui a été multipliée par 2,16 et (3) à l’augmentation de la probabilité de survie de l’âge de 80 ans à l’âge de 100 ans, qui a été multipliée par 4,57, où 11,74 = 1,19 * 2,16 * 4,57. Une décomposition du logarithme de cette multiplication permet d’obtenir un modèle additif où la somme des trois facteurs donne 100 %. Ainsi, 31 % de l’augmentation du nombre des centenaires est due à l’augmentation de la probabilité de survie de la naissance à 80 ans, 62 % de l’augmentation est due à l’augmentation de la probabilité de survie de 80 à 100 ans et seulement 7 % est due à l’augmentation de la taille des cohortes de naissance. De loin, le facteur le plus remarquable dans l’augmentation du nombre des centenaires est la chute de la mortalité au-delà de 80 ans. Son effet est deux fois plus important que celui de la chute de la mortalité avant l’âge de 80 ans. Les trois effets sont décomposés par décennie — 1870-1880, 1880-1890, et 1890-1900 — au tableau A1, en annexe.
Pour chaque décennie, c’est l’augmentation de la probabilité de survie de l’âge de 80 ans à l’âge de 100 ans qui est le facteur d’augmentation le plus important. Toutefois, sa valeur et son poids diminuent pour les décennies les plus récentes. Sa valeur passe de 2,08 pour la décennie 1970-1980, à 1,57 et 1,40 pour les décennies 1980-1990 et 1990-2000 respectivement (où 4,57 = 2,08 * 1,57 * 1,40). L’augmentation relative du nombre des centenaires est bien plus forte au cours de la décennie 1970-1980 en Suisse qu’au cours des deux décennies suivantes.
Les décès de centenaires en Suisse
Une autre façon d’étudier l’émergence des centenaires en Suisse est de considérer, non pas l’évolution de la population à chaque recensement, mais l’évolution du nombre des décès de centenaires chaque année. C’est un moyen indirect, mais à l’évidence il y a une relation assez étroite entre le nombre des décès à 100 ans et plus chaque année et l’effectif de la population qui a atteint l’âge de 100 ans et plus. L’intérêt de cette série, c’est d’une part qu’elle est annuelle et d’autre part qu’elle est sûrement beaucoup plus précise que les recensements. Enfin, l’âge maximum rapporté au décès chaque année fournit une information directe sur l’augmentation de la longévité en Suisse. Des informations à ce sujet sont disponibles en Suisse depuis 1876. Elles ont fait l’objet des travaux pionniers de Gumbel (Gumbel, 1937), dont s’est inspiré Wilmoth pour ses travaux sur la longévité maximale (Wilmoth et Lundström, 1996; Wilmoth et al., 2000; Wilmoth et Robine, 2003).
L’âge maximum rapporté au décès
La figure 6 illustre l’augmentation de l’âge maximum au décès rapporté chaque année en Suisse. De l’ordre de 100 ans en 1880 ou en 1900, il peut atteindre 110 ans aujourd’hui. Il semble stagner ou fluctuer autour de 102 ans jusqu’en 1920 (101,7 pour les hommes et 102,3 pour les femmes en moyenne de 1876 à 1919), augmenter légèrement jusqu’en 1960, où il se situe autour de 104 ans (103,7 pour les hommes et 104,4 pour les femmes en moyenne de 1920 à 1960), puis augmenter plus fortement de 1960 à aujourd’hui (106,9 pour les hommes et 108,5 pour les femmes en moyennes de 1961 à 2001).
La figure 7 illustre l’apparition des centenaires en Suisse à partir de l’enregistrement des décès des personnes âgées de 100 ans et plus. Bien que similaire à la figure 4, la figure 7 apporte plus de détails. D’une part, elle fait voir des fluctuations annuelles non négligeables, vraisemblablement dues aux épidémies de grippe et aux mauvais hivers. D’autre part, elle tend à montrer, au travers des courbes de la figure 7-B (échelle semi-logarithmique), que la croissance du nombre des centenaires est exponentielle, au moins depuis 1950.
La mortalité au-delà de 100 ans
Le tableau 4 permet de voir que la mortalité des centenaires a fortement diminué au cours des quarante dernières années. Notre indicateur de mortalité (nombre de décès à 100 ans rapporté à l’effectif de la population âgée de 100 ans au recensement) passe de 82 % en 1960 à 40 % en l’an 2000 pour les deux sexes réunis. Pour le sexe féminin, la diminution est assez régulière, passant de 75 % en 1960 à 36 % en l’an 2000, alors que pour le sexe masculin les fluctuations sont plus importantes et ne permettent pas de distinguer une tendance (figure 8).
Le rapprochement des données du tableau 1 (nombre des centenaires), de la figure 7 (nombre de décès) et du tableau 4 (taux de mortalité) laisse supposer un mauvais enregistrement des centenaires de sexe masculin aux différents recensements.
Discussion
Les données utilisées
Les données suisses sont depuis longtemps réputées pour leur grande qualité (Gumbel, 1937; Calot, 1998). En l’absence de mesures objectives pour apprécier cette qualité, on peut noter que les séries suisses sont anciennes et qu’elles n’ont pas ou guère été censurées en termes d’âge. Les problèmes de qualité des données sont surtout associés aux premières années de la mise en place d’un système d’enregistrement des naissances et des décès (Robine et Saito, 2003). Toutefois, le recensement des centenaires paraît toujours être une tâche difficile au cours du 20e siècle (Caselli et al., à paraître), et la Suisse ne semble pas faire exception sur ce point, comme nous le soulignons dans le texte à propos des hommes. Par contre, les taux de mortalité estimés à 100 ans pour les femmes, ainsi que les tendances observées depuis 1970, sont similaires aux taux calculés pour les femmes japonaises (Robine et al., 2003b). L’autre problème majeur est la censure des âges, anciennement opérée par les instituts de statistique, tel l’INSEE en France (Meslé et al., 2000), mais la Suisse n’est pas concernée par ce type de censure, ou marginalement, la plupart des séries distinguant les âges jusqu’à la classe d’âge de 98 ans, pour ne regrouper que les personnes de 99 ans et plus. En particulier, les décès sont disponibles par année d’âge sans aucune censure. La comparaison avec les pays où des données similaires sont disponibles (Angleterre et Pays de Galles, France, Italie, Suède et Japon) montre que les données suisses présentent peu de fluctuations en règle générale et, en particulier, qu’on n’y remarque aucune fluctuation inattendue, si on excepte le recensement des hommes centenaires.
La transition épidémiologique
Dans un article de 2001, Robine suggère de reconsidérer le nombre et la datation des phases de la transition épidémiologique. Il prétend que deux phases seulement peuvent être observées quand on considère la distribution des décès par âge et ses différents indicateurs dans les pays à faible mortalité (Robine, 2001). Jusque dans les années 1950, la chute de la mortalité infantile est le moteur de la croissance de l’espérance de vie. Cette croissance s’accompagne alors d’une réduction de la dispersion des durées de vie individuelles, mesurée par la concentration des décès au mode tardif, l’intervalle interquartile des âges au décès (Wilmoth et Horiuchi, 1999), le C50 (Kannisto, 1999) et divers autres indicateurs. Le C50, proposé par Kannisto en 1999, mesure le plus petit nombre d’âges consécutifs nécessaire pour concentrer au moins 50 % des décès répartis par âge. En pratique, cet intervalle se situe de part et d’autre de l’âge modal au décès (Kannisto, 1999). Depuis les années 1950, la chute de la mortalité aux âges élevés et même très élevés est devenue le moteur de la croissance de l’espérance de vie. Robine prétend que, dans ces conditions, la poursuite de la hausse de l’espérance de vie dans les pays à faible mortalité ne s’accompagne plus, ou presque plus, d’une réduction de la dispersion des durées de vie individuelles. Les âges aux décès sont simplement reportés vers des âges plus élevés, révélant un allongement de la durée de la vie et gonflant les effectifs des nonagénaires et des centenaires (Robine, 2001).
La théorie de la transition épidémiologique est pratiquement la seule théorie sur l’évolution de l’état de santé des populations. Pour Omran, la phase de transition, c’est-à-dire l’« âge du recul des pandémies », permet de passer de l’« âge de la peste et des famines » à l’« âge des maladies dégénératives et fabriquées par l’homme » (Omran, 1971). Olshansky et Ault ont proposé d’ajouter une quatrième phase à cette transition, avec l’« âge du report des maladies dégénératives » (Olshansky et Ault, 1986). Plus tard, Meslé et Vallin ont introduit la phase de la « révolution cardio-vasculaire » (Meslé et Vallin, 2000). Toutefois, il paraît difficile d’articuler entre eux tous ces âges (ou phases) et de dater les différents passages. C’est pourquoi Robine propose de redéfinir les phases de la transition en fusionnant l’« âge des maladies dégénératives et fabriquées par l’homme » avec l’« âge du report des maladies dégénératives », auxquelles on peut ajouter la phase de la « révolution cardio-vasculaire », pour constituer une phase unique qu’il nomme l’« âge de la conquête de l’étendue de la vie ». Cette phase se caractérise par le fait que la chute de la mortalité ne s’accompagne plus, ou presque plus, d’une concentration des durées de vie. Dans ce nouveau schéma, l’« âge du recul des pandémies », qui a vu la mortalité infantile s’effondrer, permet de passer de l’« âge de la peste et des famines » à l’« âge de la conquête de l’étendue de la vie ».
Pour l’instant, les arguments avancés n’ont pas convaincu tous les observateurs (Meslé et Vallin, 2002). Il faut donc rassembler davantage d’études empiriques pour étayer les diverses hypothèses. Dans ce contexte, l’étude du cas de la Suisse apporte des éléments précieux. Ainsi, la croissance de l’espérance de vie à la naissance ne présente aucun signe de ralentissement depuis 1950, c’est-à-dire depuis 50 ans, dans un pays qui affiche une des plus fortes espérances de vie au monde. On peut donc penser que les rythmes d’augmentation plus rapide connus au Japon avant 1987 (Robine et al., 2003b) ne sont dus qu’à des phénomènes de rattrapage. L’année 1950 constitue la grande cassure dans les séries suisses. Avant 1950, l’espérance de vie à la naissance a augmenté de 4 à 5 mois par an; après 1950, l’espérance de vie n’augmente plus que de 3 mois environ par an. Cette augmentation de 3 mois par an correspond à l’augmentation constatée pour les pays ayant les meilleures espérances de vie depuis 160 ans (Oppen et Vaupel, 2002). Les pays qui connaissent des augmentations supérieures de l’espérance de vie à la naissance sont des pays qui rattrapent leur retard sur les pays les plus avancés au sein de la transition épidémiologique. Une fois le retard rattrapé, la plupart des pays conservent une augmentation de 3 mois par an. C’est le cas de la Suisse depuis 1950, mais d’autres pays peuvent reprendre du retard, comme le Danemark au cours des dernières décennies.
Après 1950, l’espérance de vie à 60 ans et même à 80 ans augmente relativement plus vite en Suisse que l’espérance de vie à la naissance. Les ruptures dans les tendances sont très nettes. Désormais, la chute de la mortalité aux âges élevés est le moteur de la croissance de l’espérance de vie. Le nombre des nonagénaires a largement augmenté depuis 1945, et ce d’autant plus que l’âge considéré est élevé. Le nombre des centenaires a considérablement augmenté depuis le recensement de 1950, ce que confirme l’augmentation très régulière du nombre des décès de centenaires. Toutes ces ruptures dans les séries chronologiques pointent les années de l’immédiat après-guerre, 1945 ou 1950. La mortalité des centenaires a fortement diminué depuis 1960 et l’âge maximum rapporté au décès, déclaré chaque année, a considérablement augmenté.
Au total, le cas de la Suisse, avec des séries statistiques allant de 1860 pour les plus anciennes à 2001, plaide pour l’existence de deux grandes phases dans la transition épidémiologique, avant et après 1950, ou avant et après la Seconde Guerre mondiale. L’« âge des maladies dégénératives et fabriquées par l’homme » et l’« âge du report des maladies dégénératives » ne paraissent pas vraiment décelables avec les données suisses, qui illustrent plutôt les deux phases suggérées par Robine, l’« âge de la conquête de l’étendue de la vie » faisant suite, dès le lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, à l’« âge du recul des pandémies ».
La série suisse sur les âges maximums rapportés au décès révèle dès 1960 une accélération de la tendance séculaire à l’augmentation, tandis que les séries suédoises et japonaises ne révèlent une telle accélération qu’à partir de 1970 ou 1980 respectivement (Wilmoth et al., 2000; Robine et Saito, 2003), laissant ainsi supposer une certaine avance de la Suisse dans la transition épidémiologique au cours des années 1960. L’étude, en cours, de la dispersion des décès en Suisse devrait nous permettre d’apporter des éléments nouveaux confirmant ou infirmant ces théories.
Le ratio des centenaires en Suisse
Un autre point intéressant à discuter est de savoir si, proportionnellement à sa taille, la Suisse a plus de centenaires que les autres pays à faible mortalité. Nous avons, pour cela, calculé le ratio des centenaires (RC), proposé récemment par Caselli (Caselli et al., à paraître). En l’absence de références, nous avons estimé la valeur du RC en France de 1960 à 2000. Nous avons d’abord estimé les effectifs de la population âgée de 100 ans au 1er janvier des années présentant un intérêt, à partir des effectifs à 99 ans ou 100 ans et plus, disponibles dans le disque compact de la Situation démographique (Beaumel et al., 2002). Nos estimations de la valeur du RC en France figurent au tableau 5. Elles permettent d’apprécier par comparaison l’importance du nombre des centenaires en Suisse. La France est connue pour le nombre de ses centenaires et la qualité des données les concernant (Robine et Allard, 1998; Allard et Robine, 2000; Meslé et al., 2000; Vallin et Meslé, 2001; Robine et al., 2003a). Des comparaisons internationales ont montré que la France et le Japon connaissent aux âges élevés les mortalités les plus basses au monde (Vaupel et al., 1998). Selon le tableau 5, la Suisse et la France ont en l’an 2000 un RC extrêmement proche, un peu plus élevé pour les femmes françaises, un peu plus élevé pour les hommes suisses.
L’allongement du temps de doublement des centenaires (TDC) en Suisse, parallèle à un raccourcissement en France et au Japon (Robine et al., 2003b; Robine et Jagger, 2003), n’a pas encore remis en question une situation privilégiée comparable à celle de la France ou du Japon.
Conclusion
Cette étude a mis en évidence une impressionnante augmentation de la population des nonagénaires et des centenaires en Suisse et s’ajoute, ainsi, aux études qui témoignent d’un accroissement de la longévité humaine (Robine et Paccaud, 2005). Ces résultats soulèvent sûrement plus de questions qu’ils n’apportent de réponses, en particulier en santé publique. En effet, on sait peu de chose de l’état de santé des plus âgés et on craint toujours que la quantité se paie au prix de la qualité de la vie. L’étude de la survie en bon état de santé fonctionnelle devrait être une priorité pour les démographes des pays à faible mortalité.
En termes de santé publique, il faut sûrement surveiller l’évolution de l’état de santé fonctionnelle des populations au moyen d’enquêtes de santé régulières et développer des stratégies pour prévenir la perte de l’autonomie fonctionnelle. Il faut sûrement repenser l’organisation de la prise en charge des plus âgés dans la vie quotidienne, les politiques d’hébergement, ainsi que le financement des soins, entre les secteurs formels et informels de l’économie, entre le maintien à domicile et les long séjours hospitaliers. Mais il faut surtout innover. Il faut penser à des structures d’hébergement alternatives, à de nouveaux métiers. La vie, même à 90 ans, ne se résume pas à des soins personnels (activités de la vie quotidienne, dites AVQ) et à des tâches ménagères (activités instrumentales de la vie quotidienne, dites AIVQ). Un rôle familial ou un rôle social reste l’élément essentiel qui donne un sens à la vie.
Les trois mois d’hiver, de janvier à mars, concentrent en moyenne 30 % des décès des centenaires alors que les trois mois d’été, de juillet à septembre n’en concentrent que 20 %. La figure 9 illustre cette forte saisonnalité de la mortalité des centenaires en Suisse pour la période 1998-2002. Ce résultat, obtenu dans des études antérieures (Robine et Vaupel, 2001; Robine et Saito, 2003), rappelle que les centenaires sont des individus fragiles. Alors que tout le monde fête les records d’espérance de vie ou les records individuels de longévité, est-il normal que la mortalité augmente autant dans nos maisons de retraite au cours des mois d’hiver ? Bien souvent, les cause de décès, lorsqu’elles sont déclarées, ne décrivent pas des belles morts. La longévité a un prix et nous pose un grand défi, celui de la qualité et de la sécurité de l’environnement que nous offrons aux plus âgées d’entre nous, ceux qui nous rattachent à notre propre histoire.
Appendices
Annexe
Annexe
Notes
-
[1]
De 1860 à l’an 2000, un recensement fédéral a eu lieu tous les dix ans en Suisse (1860, 1870…), si on excepte la décennie 1940, où le recensement a été effectué en 1941. Le recensement fédéral a généralement lieu en fin d’année.
-
[2]
En deux vagues successives, juillet et octobre-novembre 1918, l’épidémie de grippe espagnole a touché 58 % de la population suisse et causé plus de 20 000 morts, essentiellement dans la population de 20 à 50 ans (Ammon, 2002).
-
[3]
De 1870 à 1900, la taille des cohortes de naissance augmente en Suisse de 79 208 à 94 316.
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