Abstracts
Résumé
Malgré la mise en place de mécanismes d’implication des communautés locales dans la gestion des forêts, la territorialisation des dispositifs de participation et la mobilisation des ONG, reste à savoir si les communautés autochtones sont de véritables acteurs de la gouvernance forestière dans le bassin du Congo. Entre les thèses qui posent l’instrumentalisation de l’autochtonie comme rente de fond et celles qui critiquent le manque d’approche ascendante (bottom-up) avec l’implication véritable des Autochtones dans le débat concernant leurs droits sur les forêts, la construction d’un mode de gouvernance autochtone apparaît comme l’élément clef de la mise en place d’un modèle de gouvernance forestière concertée impliquant toutes les parties prenantes. À partir de l’exégèse du droit et de l’étude de la littérature sur la question, cet article amorce une réflexion sur les voies d’une gouvernance autochtone au Cameroun. L’analyse institutionnelle et sociologique de l’implication des communautés dans la gestion des forêts au Cameroun démontre à quel point l’émergence d’une action collective autochtone est importante pour que les communautés Bakola et Bagyéli deviennent de véritables acteurs de la gestion des forêts au Cameroun.
Mots-clés :
- Communautés autochtones,
- participation,
- gouvernance autochtone,
- action collective
Article body
Introduction
Les études sur les rapports entre société et nature ont montré à profusion le rapport fondamental qui existe entre la forêt et les communautés. Ce rapport est particulièrement vital pour les communautés autochtones, qui, au fil des siècles, ont fait des forêts un véritable milieu de vie. Cette relation ne se limite pas à la forêt comme ressource, elle s’étend à la dimension identitaire qui a longtemps caractérisé l’imaginaire collectif et le mode de vie de ces communautés. Le bassin du Congo constitue un important foyer de ressources forestières et minières encore insuffisamment exploitées. Dans le but d’accélérer la croissance de leur pays respectif, la plupart des États d’Afrique centrale ont mis sur pied des stratégies de développement qui laissent présager une plus forte pression sur les ressources et entrainent des effets directs sur les populations avoisinantes de ces projets d’exploitation. Ainsi, avec la pluralité des enjeux qui le constituent, ces territoires sont devenus le lieu de projets où doivent s’accorder les différentes représentations qu’en font les acteurs qui y gravitent. Cette exigence issue de la philosophie du développement durable a imposé une transformation du mode de gouvernance des forêts. Malgré la mise en place de mécanismes d’implication des communautés locales dans la gestion des forêts, la territorialisation des dispositifs de participation et la mobilisation des ONG, reste à savoir si les communautés autochtones sont de véritables acteurs de la gouvernance forestière dans le bassin du Congo. Entre les thèses qui posent l’instrumentalisation de l’autochtonie comme rente de fond et celles qui critiquent le manque d’approche ascendante (bottom-up) avec l’implication véritable des Autochtones dans le débat concernant leurs droits sur les forêts, la construction d’un mode de gouvernance autochtone apparaît comme l’élément clef de la mise en place d’un modèle de gouvernance forestière concertée impliquant toutes les parties prenantes.
Le concept de « gouvernance autochtone forestière » proposé dans la présente réflexion s’ancre particulièrement dans la nécessité de prendre en compte des représentations et significations autochtones du territoire forestier dans la mise en place des projets d’exploitation des ressources forestières concernées. Il est donc question de présenter, à partir du cas du Cameroun, les aspects juridiques et sociaux qui pourraient permettre l’émergence d’un tel processus décisionnel consensuel. Souvent désignés sous le terme indélicat de « pygmées », les Bakola et les Bagyéli constituent les communautés dont l’autochtonie est reconnue à travers la littérature sociologique et anthropologique sur l’histoire des peuples au Cameroun. Une pléiade d’analyses empiriques (Abé 2011 ; Nguiffo 2001 ; Tchoumba 2005) démontre l’extrême vulnérabilité de ces populations qui connaissent, depuis leur sédentarisation forcée, une transition culturelle importante (Fromen et Dounias 2010). Cet article s’intéresse particulièrement à leur place dans la prise de décision dans le domaine forestier au Cameroun. Il lance la réflexion sur les voies de l’émergence d’une gouvernance autochtone en milieu forestier dans ce pays. À partir de l’exégèse du droit en la matière au Cameroun et l’analyse de la littérature sur les modes de gouvernance des ressources communes, notre propos s’élabore à partir de la logique théorique de l’approche institutionnelle des communs. Cette approche qui émerge des réflexions de l’école de Bloomington impulsée par Elinor Ostrom (1990) propose de s’intéresser à l’agencement des règles et des normes dans la gestion d’une ressource naturelle utile à tous. Elle se construit à partir du postulat que les communautés ont la capacité de s’auto-organiser à travers une action collective qui va au-delà des modes de régulation classique. Il s’agit donc d’une analyse interdisciplinaire qui se réfère au droit et à la sociologie de l’action. Aussi, après avoir situé le paradigme de la gouvernance et les spécificités de la notion de « gouvernance autochtone », l’exégèse du droit camerounais montre à profusion que, malgré quelques balbutiements pratiques, la personne autochtone n’est pas reconnue comme un acteur spécifique dans le modèle de gouvernance actuel. Des hypothèses au sujet de l’émergence d’une action collective autochtone permettent dans ce cas de paver la voie à une gouvernance autochtone au Cameroun.
Gouvernance et gouvernance autochtone : quelques précisions théoriques et opérationnelles
De la gouvernance comme modèle politique à la gouvernance comme mode d’action
Concept à la mode, reflet des contingences internationales pour les uns ou encore fondement de l’approche ascendante pour les autres, la gouvernance est passée de la théorie à l’action. Au-delà de sa polysémie, le concept de « gouvernance » porte l’idée de l’effritement de la régulation publique en faveur d’une régulation collective qui privilégie le rôle des acteurs (autonomie des acteurs) et met l’accent sur des incitations concrètes (Enjolras 2010). Pour Patrick Le Galés, la gouvernance est
un processus de coordination d’acteurs, de groupes sociaux et d’institutions, en vue d’atteindre des objectifs définis et discutés collectivement. […] Elle renvoie à l’ensemble d’institutions, de réseaux, de directives, de réglementations, de normes, d’usages politiques et sociaux, ainsi que d’acteurs publics et privés qui contribuent à la stabilité d’une société et d’un régime politique, à son orientation, à la capacité de diriger et à celle de fournir des services et à assurer sa légitimité.
Le Galés 2004 : 243
Sur le plan empirique, la gouvernance se traduit par l’institutionnalisation de la participation d’acteurs sociaux auparavant exclus des décisions publiques. Cette mutation structurelle et fonctionnelle conduit à « la construction d’une démocratie délibérative qui s’infiltre dans la démocratie représentative par l’entremise d’une logique négociée d’action publique » (Chiasson 2013 : 5). Ainsi, dans la pratique, la gouvernance s’agence à travers un emboitement d’échelles et d’espaces. Ces systèmes de gouvernance s’articulent autour d’une « configuration polycentrique dans laquelle les modes de coordination horizontale entre sous-systèmes sociaux prévalent aux dépens des notions d’autorité politique et de souveraineté, qui n’occupent qu’une place parmi d’autres » (Grossman et Saurugger 2012 : 11).
Toutes ces définitions de la gouvernance s’accordent sur le fait que l’une de ses assises fondamentales est l’avènement de nouveaux acteurs, de nouveaux modes de gestion, la mise en place d’un cadre incitatif et représentatif, et la primauté de la concertation. C’est à partir de cette dimension inclusive que se construit la théorie de la gouvernance autochtone.
La gouvernance autochtone : une gouvernance qui s’adapte à la réalité autochtone
Développée par des études théoriques et empiriques en Amérique du Nord (Martin 2013 ; Noreau 2010 ; Otis 2005), la gouvernance autochtone réfère à un processus de prise de décision qui intègre et prend en compte l’identité, les valeurs et les représentations d’une communauté autochtone. Elle désigne un procédé empirique par lequel les Autochtones deviennent de véritables acteurs participant avec leur vision propre à la gestion de leur milieu de vie. L’idée d’une gouvernance autochtone traduit de fait l’insuffisance d’un modèle de gouvernance classique et l’échec de son opérationnalisation dans les sphères d’action, les milieux de vie et les territoires autochtones (Otis 2005). Il s’agit surtout d’un modèle de gouvernance adaptative qui s’intègre à la réalité autochtone. L’analyse juridique et l’étude des politiques publiques sont des stratégies qui pourraient permettre de cerner la place des communautés autochtones dans la gouvernance des ressources territoriales au Cameroun.
La place accordée aux communautés autochtones dans la gouvernance des ressources territoriales au Cameroun : le cas des ressources forestières
Avec la montée en puissance de l’exigence du développement durable, la gestion des ressources naturelles représente l’un des domaines les plus importants de l’opérationnalisation de la gouvernance. Ainsi, au Cameroun, depuis que le discours sur la gouvernance a quitté l’arène des politiques publiques pour se territorialiser, l’intervention étatique dans le domaine forestier s’est transformée au gré des lois et mécanismes de dévolution des pouvoirs. À cet effet, la Loi no 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche stipule que « l’État, les communes, les communautés villageoises, et les particuliers exercent sur leurs forêts les droits qui leur sont reconnus par la législation nationale » (article 7). L’exégèse des textes de loi relatifs à la décentralisation et à la gestion des forêts ainsi que l’analyse des dispositifs d’action permettent de cerner la place des communautés autochtones dans la gouvernance des forêts au Cameroun.
La place de l’autochtonie dans la législation nationale
Qui est autochtone au Cameroun ? Répondre à cette question reste difficile, car elle laisse transparaitre des réalités sociopolitiques qui pourraient ne pas être communément admises. Généralement, deux critères sont utilisés pour reconnaitre une personne comme étant autochtone : le lien territorial et l’antériorité historique (Mbonda 2009). Ainsi, il est communément admis qu’un Autochtone est « celui qui est issu du sol où il habite ; celui qui n’est censé n’être pas venu par immigration ou n’être que de passage » (Le Petit Robert 2007 : 183). Cette définition peut toutefois s’avérer limitée en fonction du lieu. Le Groupe de travail sur les populations/communautés autochtones de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a relevé la difficulté de formuler une définition exacte de la notion de « populations autochtones ». Toutefois, en s’inspirant d’un rapport rédigé quelques années plus tôt par la Banque mondiale, ce groupe de travail a déterminé des critères pour reconnaitre un groupe autochtone : l’occupation et l’utilisation d’un territoire spécifique ; la perpétuation volontaire de caractéristiques culturelles, qui pourraient comprendre la langue, l’organisation sociale, les valeurs religieuses et spirituelles, les modes de production, ainsi que les lois et les institutions ; l’auto-identification et la reconnaissance par les autres groupes en tant que collectivité distincte ; une expérience d’assujettissement, de marginalisation, d’expropriation, d’exclusion ou de discrimination. Les revendications internationales relatives, d’une part, à la gestion des ressources naturelles et, d’autre part, aux droits des Autochtones sont le fondement principal de l’énoncé normatif des droits des communautés avoisinantes les territoires forestiers au Cameroun. Même s’ils ne sont pas explicitement désignés dans les lois camerounaises régissant les ressources naturelles, le « rôle vital que jouent les populations autochtones dans la gestion de l’environnement et le développement » a été clairement reconnu dans la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement et affirmé dans plusieurs textes internationaux, que le Cameroun a ratifié. Par ailleurs, la protection internationale a largement influencé des textes nationaux dont le sens demeure parfois controversé. Au premier rang des sources internationales, nous avons la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DDNUPA) (2007). Le Cameroun avait voté en faveur de son adoption à l’Assemblée générale des Nations unies le 13 septembre 2007. En ce qui concerne la participation, l’article 41 de la DDNUPA stipule :
Les organes et les institutions spécialisées du système des Nations unies et d’autres organisations intergouvernementales contribuent à la pleine mise en oeuvre des dispositions de la présente Déclaration par la mobilisation, notamment, de la coopération financière et de l’assistance technique. Les moyens d’assurer la participation des peuples autochtones à l’examen des questions les concernant doivent être mis en place
Nations unies 2007 : 28
d’autre part, à l’article 32, la DDNUPA propose comme modalités de la consultation la coopération et la réparation juste et équitable[2]. Ces modalités, qui consacrent la place des communautés dans la gouvernance des ressources naturelles, se retrouvent dans la législation camerounaise.
Néanmoins, au niveau national, bien que le préambule de la Constitution camerounaise reconnaisse des droits aux populations autochtones, il n’existe aucun critère et aucune définition de la notion d’« Autochtone ». Au contraire, le terme est utilisé indifféremment et appliqué régulièrement aux communautés locales. Ce qui explique qu’il serait difficile d’affirmer qu’au Cameroun il existe une véritable consécration législative de droits particuliers reconnus aux communautés forestières autochtones (Abega et Séverin 1998). Toutefois, l’analyse des lois et l’examen de la politique gouvernementale spécifique à ces communautés montrent une certaine considération des questions liées à la particularité de ces peuples que l’Administration préfère désigner par « populations marginales » ou « populations autochtones vulnérables » (Nguiffo et Mballa s. d.). Cette analyse préliminaire démontre l’échec de l’affirmation légale d’un ancrage territorial autochtone et soulève la difficulté de parler formellement d’un acteur autochtone au Cameroun, malgré une reconnaissance sociologique et pratique. Cette limite oblige à cerner la place de la communauté autochtone sous le référent de la communauté riveraine ou locale. Ce faisant, une étude du droit forestier relève une place accordée aux communautés autochtones au Cameroun. Par ailleurs, au-delà de la politique de proximité légalisée, l’on retrouve des fora qui particularisent les communautés autochtones dans certains dispositifs de gouvernance.
La place des Autochtones dans la prise de décision : les limites d’une participation consultative et orientée
L’implication des populations dans la gestion des forêts résulte de la prise en compte de droits qui les lient à leur proximité avec la forêt. Cette reconnaissance a été assez timide au Cameroun, car elle ne se concrétisera qu’avec la loi forestière de 1994. De fait, l’Ordonnance no 73/18 du 22 mai 1973 fixant le régime forestier national, tout comme la Loi 81-13 du 27 novembre 1981 portant régime des forêts, demeurait assez réticente quant à la reconnaissance de droits propres aux populations avoisinantes ces forêts. Ceci s’explique par le contexte de l’avènement de ces lois marquées par un emprunt important aux textes coloniaux. C’est surtout lorsque le Cameroun suivra la voie de la décentralisation que les modalités d’implication des populations seront définies (Ofoulhast-Othamot 2015). C’est ainsi que le législateur s’attachera à accorder une place importante aux populations avoisinantes la ressource forestière. À cet effet, il prévoit — outre les droits exclusifs accordés dans des forêts communautaires et communales — les droits d’usage, d’usufruit et de préemption aux populations riveraines de tous les espaces du domaine sous réserve des restrictions de la loi[3]. La prise en compte de ces droits aura pour conséquence l’application de la subsidiarité au profit de ces communautés. En principe, ces prérogatives font des communautés avoisinantes, des acteurs importants dans la prise de décision en matière de gouvernance des territoires forestiers. La reconnaissance de droits à ces populations, la reconnaissance de la subsidiarité et l’effectivité de l’information constituent les fondements de la participation dans la gestion décentralisée des ressources forestières. Il s’agit d’un processus linéaire, reconnu par le législateur camerounais (Abanda 2010).
À cet effet, le législateur prévoit que l’État a l’obligation d’informer en ce qui concerne tout projet concernant la forêt. Il est précisé que
le classement d’une forêt domaniale ou communale dans les régions disposant d’un plan d’affectation des terres est précédé d’une période de trente jours au cours de laquelle le ministre chargé des forêts informe par avis les populations concernées du projet de classement, et d’une période de quatre-vingt-dix jours pour les régions n’en disposant pas. Passé ce délai toute opposition éventuelle est irrecevable.
Article 18, décret no 94/436/PM
De même, avant d’entreprendre toute activité forestière, le titulaire d’un titre d’exploitation doit en informer les autorités administratives et traditionnelles (article 4, décision no 0108/D/MINEF/CAB). L’information est rendue publique par voie de presse et d’affichage dans les préfectures, sous-préfectures, mairies et services de l’administration chargés des forêts de la région concernée, et les chefs traditionnels des communautés touchées reçoivent une notification. En outre, la loi prévoit tous les moyens de communication utiles. La loi-cadre sur l’environnement consacre l’obligation d’informer ; elle stipule que « toute personne a le droit d’être informée sur les effets préjudiciables pour la santé de l’homme et sur l’environnement des activités nocives, ainsi que des mesures prises pour prévenir ou compenser ces effets » (article 7, Loi no 96-12 portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement). On retrouve précisément cette obligation dans la procédure d’étude d’impact : les consultations et les audiences publiques sont utilisées pour informer les populations et recueillir leurs avis (article 8, décret no 2005/0577/PM).
L’information est surtout le fondement de toute participation. Au-delà des types de moyens de participation (foresterie communautaire, revenus issus de l’exploitation, consultation), des dispositifs de participation — qui peuvent se comparer à des arènes et des fora (Crozier et Friedberg 1977) — sont prévus comme cadre d’organisation des échanges sur la gestion forestière. D’après certaines études empiriques (Mbairamadji 2009), ces cadres — qui sont surtout des tables d’information et de consultation organisées en comités (par exemple, les comités paysans-forêts) — ne sont pas de véritables tables de concertation. Les limites de la représentation et les difficultés liées à la représentativité des communautés autochtones dans ces différents cadres d’échange sont également très discutées dans le domaine forestier camerounais. Il est vrai que la décentralisation est une réponse intéressante à la question de la participation des Autochtones, car elle est un reflet de la reconnaissance des identités, mais elle se bute à l’obstacle de l’absence de représentativité politique des communautés autochtones (Mbonda 2009).
La place dans les politiques publiques
Certains rapports attestent de la participation des peuples autochtones pygmées à la gouvernance forestière au Cameroun par le biais des mécanismes propres qui les intègrent. Mais peut-on parler d’une action particulière des Autochtones dans la territorialisation de ces politiques publiques forestières ? L’analyse des rapports et conclusions de certains programmes pourrait permettre de voir si le partenariat entre les différents acteurs lors de leur mise en oeuvre s’étend aux communautés autochtones.
Le Plan pour les peuples autochtones et vulnérables (PPAV), mis sur pied par le ministère des Forêts et de la Faune dans le cadre du Projet de conservation et d’utilisation durable de la forêt de Ngoyla-Mintom, est un projet intégré de conservation de la biodiversité et d’appui au développement des communautés locales et autochtones. Le Plan pour les peuples autochtones et vulnérables a été élaboré par la Cameroon Oil Transportation Company (COTCO) et le gouvernement de la République du Cameroun dans le cadre du projet de pipeline Tchad-Cameroun, dont le tracé traverse plus de 120 km de terres habitées par les Pygmées Bakola-Bagyéli. D’une durée de vingt-huit ans et estimé à 360 millions de francs CFA (600 000 dollars américains), ce projet est l’une des compensations environnementales et sociales de l’exploitation du projet de pipeline Tchad-Cameroun. Il a été élaboré conformément aux prescriptions de la Directive opérationnelle 4.20 (République du Cameroun 2011). Le Plan recommande principalement d’établir et de mettre en oeuvre un mécanisme de consultation participative, d’information et de sensibilisation permanente des populations autochtones et vulnérables affectées par le projet, dans le but d’avoir leur consentement/adhésion et leur participation effective à long terme aux activités y étant liées[4]. De manière générale, les évaluations successives ont montré que les approches développées sur le terrain ne rendent pas durables les actions menées, parce qu’elles s’inscrivent dans une logique d’assistanat à l’endroit des populations bénéficiaires ( Tchoumba et Nelson 2006).
Le Plan de développement des populations autochtones pygmées du Cameroun (PDPP), réalisé dans le cadre de la mise en oeuvre du Programme sectoriel forêts-environnement (PSFE) et du Programme national de développement participatif (PNDP), a pour objectif d’« assurer le respect des droits, de la dignité et la culture des peuples autochtones pygmées et de leur offrir des opportunités égales ou meilleures de participer à la gestion des forêts et de l’environnement et d’accéder aux bénéfices y [étant] relatifs » (Schmidt-Soltau 2003 : 3-5). Dans la réalisation du Plan, un accent particulier est mis sur les mécanismes de redistribution équitable des revenus forestiers dans les communes concernées pour permettre aux peuples autochtones d’avoir les fonds nécessaires à la réalisation des activités économiques et sociales en milieu autochtone et faciliter leur participation à la prise de décision. Un comité technique de mise en oeuvre et de suivi du PDPP a été mis en place et regroupe les représentants des ministères impliqués, des organisations internationales et de la société civile ; il est un cadre de concertation dont le rôle est de fournir des appuis et des orientations concernant la mise en oeuvre du PDPP sur le terrain. La participation des communautés autochtones s’effectue ici à travers les organisations d’appui au développement responsables de la mise en oeuvre du PDPP sur le terrain. Le PPAV stipule qu’au sein des Communes ces organisations d’appui accomplissent, avec des effets divers, leur mission de prestataires de services (République du Cameroun 2011).
Le MINEP a également mis en oeuvre un programme de gestion intégrée des zones côtières pour la région de Kribi-Campo au Cameroun. Ce projet prend en compte les droits des populations pygmées occupant la forêt côtière de la zone de Campo Ma’an[5]. Il existe un comité de gestion conjointe du parc avec des représentants de toutes les parties prenantes clefs, y compris les populations locales et la communauté pygmée Bakola-Bagyeli.
Le projet REDD relatif à la Réduction des émissions de gaz à effet de serre dues à la déforestation et la dégradation des forêts avec pour mécanismes de compensation la RFA au bénéfice des communautés concernées et une compensation directe en fonction de leur participation à la conservation des aires protégées ou de leur contribution à l’activité forestière industrielle. Toutefois, ces deux mécanismes ont montré leurs limites[6].
Le plan d’action FLEGT (concernant l’application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux) a été adopté en 2003 afin de lutter contre l’exploitation et le commerce des produits forestiers frauduleux. L’Accord de Partenariat Volontaire relatif à l'application des règlementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux du bois et produits dérivés (APV-FLEGT) constitue actuellement le cadre de référence de l’exportation des produits forestiers du Cameroun vers l’Union européenne. L’Accord reconnait le rôle essentiel des communautés locales et autochtones dans la gestion de l’environnement et le développement ainsi que l’importance de leur participation à la bonne réussite des politiques de gouvernance forestière. Toutefois, pour certains observateurs, les APV font « resurgir des craintes dans la capacité de l’APV à garantir que le bois “légal” a été produit ou acquis en respectant effectivement les droits et intérêts des communautés locales et autochtones » (Kamkuimo et al. 2012 : 3), notamment en ce qui concerne la participation des représentants des communautés locales et autochtones des principales régions forestières du Cameroun qui, selon ce rapport, sera limitée à un représentant autochtone, bien que la Plateforme Forêts du Cameroun ait précédemment suggéré au moins cinq représentants pour les différentes régions du pays (ibid.). Pour ces observateurs, l’Accord s’intéresse insuffisamment aux communautés locales et autochtones[7].
Réflexion sur un modèle de gouvernance autochtone au Cameroun
De la redéfinition des moyens d’intervention et d’action en milieu autochtone
Le modèle de développement est « le produit ou la résultante de l’état des rapports sociaux d’une société donnée et historiquement située, fait de compromis, d’arrangements institutionnalisés entre acteurs sociaux » (Boucher 2005 : 285). Il est reconnu que la mise en place d’un système de gouvernance qui adapte ses mécanismes aux réalités locales et territoriales est une garantie pour le développement local et, partant, le développement des communautés. L’analyse de la littérature a permis de montrer que la place des Autochtones dans la gouvernance des ressources forestières au Cameroun est résiduelle. Il s’agit ici d’impulser une réflexion sur les voies d’un modèle de gouvernance autochtone au Cameroun. Cette réflexion se limite à la situation actuelle des Autochtones. Elle propose des pistes de réponses opérationnelles dans les limites du cadre juridique actuel.
Dans la littérature (notamment Abé 2011 ; Lescuyer 2005 ; Noreau 2010 ; Otis 2005), on retrouve les éléments qui la caractérisent et qui pourraient inciter à son émergence. La reconnaissance d’un ancrage territorial autochtone, l’existence d’un mouvement social autochtone, la prise en compte des savoirs et pratiques traditionnels représentent les garants d’une participation effective des communautés autochtones comme acteurs de la gouvernance.
La reconnaissance de l’ancrage territorial autochtone est un préalable important à la mise en place d’un système de gouvernance dans lequel les Autochtones sont de véritables acteurs (Noreau 2010). Cette reconnaissance suppose que des droits sur le territoire leur soient reconnus. Au-delà de l’octroi de droits fonciers et d’usage spécifiques, cette reconnaissance suppose que les représentations du territoire porté par les communautés autochtones soient prises en compte pour définir et construire les objectifs de gestion. Les études sur le rapport des communautés autochtones à leur milieu de vie démontrent que le territoire représente non seulement un espace matériel, mais aussi un espace symbolique et cognitif pour ces communautés qui en ont fait la structure vitale de leurs conditions d’existence (Bahuchet 1992; Oyono et al. 2009). La reconnaissance de l’ancrage territorial autochtone s’accompagne donc de la prise en compte des savoirs et pratiques traditionnels des communautés. Ces savoirs et pratiques autochtones nous renseignent sur les modes d’organisation et d’action. Il s’agit donc de procéder au préalable à une remise en cause des catégories de pensée et d’actions établies qui s’imposent aux Autochtones sans que ces derniers participent à leur construction (Noreau 2010). L’émergence d’un mouvement social autochtone constitue une stratégie de mobilisation induisant un « processus de mobilisation des acteurs qui aboutit à l’élaboration d’une stratégie d’adaptation aux contraintes extérieures, sur la base d’une identification collective à une culture et à un territoire » (Pecqueur 2005). L’action collective représente ainsi la clef de voûte de l’édification d’une autogouvernance par les Autochtones (Orstom 1990). Ainsi, dans un système de gouvernance qui intègre un mécanisme de gouvernance autochtone, « le territoire s’impose au contraire comme un construit social permanent, en constante appropriation […] se construit ainsi grâce aux relations durables de proximité géographique développée entre une pluralité d’acteurs » (idem).
À partir de cette analyse de la gouvernance autochtone, on peut retenir trois conditions pour impulser une gouvernance qui tient compte des spécificités locales et du milieu de vie : la participation des communautés à la création des institutions de régulation de la ressource ; des institutions adaptées aux conditions locales ; la nécessité que ces institutions de régulation organisent clairement les droits et responsabilités de tous les acteurs (Auer 2006). Nous allons nous intéresser à la place de ces éléments dans la gouvernance des ressources territoriales au Cameroun.
De l’émergence d’une action collective autochtone
Plusieurs études démontrent l’importance des mouvements sociaux dans la construction concertée d’un modèle de développement. Les mouvements sociaux ne sont pas uniquement de simples groupes d’intérêt ou de pression, ils traduisent « une action organisée en direction de l’orientation de la société, de la structure des rapports sociaux […] qui contribue à la construction d’un modèle de développement particulier » (Boucher 2005 : 286). Ils construisent l’action collective.
C’est une évidence que plusieurs communautés autochtones vivent au Cameroun, mais ce qui n’est pas apparent, c’est l’existence d’une action collective autochtone. En effet, malgré le rôle important des ONG camerounaises dans le plaidoyer de la reconnaissance de droits particuliers aux Autochtones, il existe très peu d’organisations locales construites et portées par la volonté propre des Autochtones au Cameroun. Cette situation, qui explique les limites d’un militantisme et d’un activisme autochtones productifs au Cameroun, caractérise l’action collective dans le domaine, et particulièrement en ce qui concerne la gestion des ressources naturelles. L’action collective suppose une mobilisation, une organisation et une action face à un problème social dans le but d’impulser le changement (Castells 1999 ; Crozier et Friedberg 1977 ; Touraine 1984). Elle se présente comme la clef de voûte des études empiriques sur les modalités de mise en place d’une gouvernance appliquées pour donner le pouvoir à la base. L’action collective autochtone suppose la mise en place d’une organisation dont les Autochtones seront les acteurs au même titre que les autres intervenants. L’émergence d’une action collective autochtone est subséquente à l’organisation des communautés autochtones au Cameroun. La mise en place d’associations, d’ONG, de groupes d’action par les communautés autochtones serait un point à considérer. La création de groupes résultant de la volonté personnelle des communautés autochtones est garante de l’adaptation de ceux-ci à leur réalité sociale. La mobilisation des ONG locales autour de la question autochtone présage de l’émergence d’un tel mouvement communautaire et associatif autochtone au Cameroun. Malgré les limites des approches ascendantes, la société civile est un acteur stratégique de l’impulsion d’un activisme autochtone au Cameroun. Il est toutefois important que les moyens d’intervention et d’action en milieu autochtone soient repensés en tenant compte des spécificités de ces communautés. Par ailleurs, des études sur l’action collective dans les espaces forestiers de l’Est Cameroun proposent la structuration des communautés à partir d’une institution locale qui « associe les différentes formes d’autorités existant au village : représentants des groupes de parenté, chef du village, doyens, élites urbaines. Il est également nécessaire qu’elle soit dotée d’une personnalité juridique en adoptant une des formes légales de groupement communautaire » (Lescuyer 2005 : §26).
Conclusion
Le présent article nous a permis de poser les jalons d’une réflexion sur l’action collective autochtone dans les territoires forestiers au Cameroun. L’analyse relève que « le droit à la différence » des communautés autochtones reste absent des dispositifs et mécanismes de gouvernance des forêts au Cameroun. La logique d’assimilation de ces communautés vulnérables qui vivent une extrême précarité est un obstacle important à la mise en place d’un processus d’objectivation du territoire forestier camerounais construit de manière concertée sur la base de la représentation de tous les acteurs des territoires forestiers. Il existe un écart considérable entre les normes et leur application dans le domaine forestier du bassin du Congo, particulièrement au Cameroun. Mais cette situation n’est pas propre au Cameroun. Des incomplétudes subsistent dans la plupart des pays du bassin du Congo. Ces insuffisances sont de véritables obstacles à l’émergence d’un acteur autochtone. Les ONG locales et internationales qui militent pour les droits des communautés autochtones impulsent l’émergence d’un mouvement autochtone dans la sous-région. L’avènement d’un engagement construit dans et par ces communautés représente un gage important d’une action collective qui pourra poser les marques d’une gouvernance autochtone au Cameroun et, partant, dans le bassin du Congo.
Appendices
Notes biographiques
Fernande Abanda Ngono est docteure en sciences sociales appliquées à l’Université du Québec en Outaouais depuis décembre 2022. Comme chercheure, elle se consacre depuis quinze ans à la compréhension des dynamiques territoriales des politiques de gestion des espaces forestiers et des ressources naturelles, et étudie les mouvements sociaux qui en émergent. Elle s’intéresse particulièrement à la portée de ces politiques sur les groupes sociaux et les espaces marginalisés, ainsi qu’aux dynamiques qui en ressortent sur le plan de l’action collective, des rapports au territoire, de la gouvernance et de la normativité.
Soka ArmelleNgoutane Peyou est titulaire d’un doctorat en droit international public et communautaire soutenu en 2021 sur le thème du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en Afrique noire francophone. Elle est chercheure au Centre d’études et de recherche en droit international et communautaire (CEDIC) et spécialiste des droits de l’homme. Elle cumule par ailleurs dix ans d’expérience en enseignement universitaire et professionnel ainsi qu’en ingénierie des programmes de formation initiale et continue au niveau universitaire. En tant qu’actrice de la société civile, elle est présidente de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (RADDHO-Cameroun) et vice-présidente de AWLC (African Women Leadership Colloquium). Elle a une expérience de travail avérée avec les organisations de la société civile dans la mise en oeuvre de projets liés aux droits de la personne, avec un accent sur les droits des minorités et les groupes vulnérables au Cameroun et en Afrique.
Notes
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Communication présentée et diffusée lors de la conférence internationale « Peuples autochtones, communautés locales et ressources naturelles en Afrique centrale : quels droits ? Quelles mesures de protection ? Quel(s) rôle(s) pour les défenseurs de l’environnement ? », 29-31 mars 2016, Yaoundé.
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[2]
L’article 32 de la DDNUPA indique :
Les peuples autochtones ont le droit de définir et d’établir des priorités et des stratégies pour la mise en valeur et l’utilisation de leurs terres ou territoires et autres ressources.
Les États consultent les peuples autochtones concernés et coopèrent avec eux de bonne foi par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives, en vue d’obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l’approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres ressources, notamment en ce qui concerne la mise en valeur, l’utilisation ou l’exploitation des ressources minérales, hydriques ou autres.
Les États mettent en place des mécanismes efficaces visant à assurer une réparation juste et équitable pour toute activité de cette nature, et des mesures adéquates sont prises pour en atténuer les effets néfastes sur les plans environnemental, économique, social, culturel ou spirituel (ibid. : 24).
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[3]
Il est question ici de l’article 8 de la Loi no 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche, ainsi que l’article 3a 1 de l’arrêté du MINEF fixant les modalités de l’attribution en priorité aux communautés villageoises vivant à la lisière de toute forêt susceptible de devenir une forêt communautaire.
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[4]
Il est question ici des activités de la première phase réalisées de mai 2002 à juillet 2006, par un facilitateur du développement communautaire (FDC), qui ont porté, essentiellement, sur la santé, l’éducation, l’agriculture, l’habitat et la citoyenneté. Les activités de la seconde phase, couvrant la période d’août 2006 à 2011, ont été réalisées sur le terrain par le Réseau d’actions participatives aux initiatives de développement (RAPID), une organisation non gouvernementale active dans la zone du PPAV avec laquelle la FEDEC a établi un contrat de collaboration renouvelable, valable, pour l’instant, jusqu’en 2011. Les activités sont menées dans vingt-cinq villages ou hameaux bakola-bagyéli du couloir du pipeline et portent, en ce moment, sur l’agriculture et l’environnement, l’éducation, la citoyenneté et la santé. (République du Cameroun 2011 : 27.)
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[5]
« La participation des populations bakola/bagyéli (pygmées) aux initiatives et activités de conservation est un défi majeur pour la gestion du parc. Vivant en marge de la société en général en raison des mauvaises politiques d’intégration, les pygmées ont de mauvaises relations avec les communautés bantoues qui ne reconnaissent pas leurs droits sur la forêt, ses ressources et ses terres agricoles. Autour des plantations agro-industrielles, ils sont menacés par des immigrants qui ont occupé leurs territoires. Il y a aussi un conflit avec le parc national de Campo Ma’an en raison du malentendu sur la définition de la chasse de subsistance (tolérée) et la chasse commerciale (interdite). La prédominance de la forêt communautaire sous le contrôle des groupes bantous accentue l’insécurité du régime foncier des Bagyeli et par conséquent accroit leur vulnérabilité » (Rapport GIZC, MINEP 2012).
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[6]
Pour Marie Michèle Ngo Badjeck, ces mécanismes bénéficient différemment aux communautés pygmées, car
non seulement il n’y a pas d’explication claire sur la manière dont cela sera traduit dans les faits, mais aussi, le fait que les aires protégées soient une source de revenus immense peut amener les élites locales dont certains travaillent dans le gouvernement à ériger d’autres espaces comme aires protégées […] Tous les chasseurs-cueilleurs d’Afrique centrale et de l’Est ont été dans les territoires désignés comme parcs nationaux ; ils ont été déplacés sans consentement ni consultation. La REDD propose un nouveau tour de protection des forêts sans sécuriser la reconnaissance légale des droits d’usage et d’occupation des communautés autochtones et locales.
Ngo Badjeck 2011 : 21 -
[7]
Pour « un accord de plus de 40 000 termes, les termes communautés locales et autochtones sont utilisés 3 fois au niveau du préambule de l’Accord, deux fois au niveau de l’article 17, et le terme communautés locales est exclusivement utilisé 3 fois au niveau des grilles de légalité » (ibid. : 18).
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