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Introduction à la géographie humaine est un classique. On dit cela d’une oeuvre lorsqu’elle garde sa pertinence, son caractère évocateur et enthousiasmant, malgré le passage du temps. C’est un peu avec cette approche qu’on peut aborder cette neuvième édition en 34 ans ; la première remonte à 1982. Ouvrage résilient, il témoigne du temps qui passe, y compris avec ses tristesses, comme le décès d’Hubert Béguin survenu en 2010. Celui-ci a par la suite été remplacé auprès d’Antoine Bailly par Renato Scariati.

L’organisation générale du livre suit celle, efficace, des éditions précédentes, à tout le moins celle de la 6e édition en 10 chapitres (9 dans les éditions précédentes) regroupés en deux parties : Une épistémologie de la géographie et La géographie humaine : de la théorie aux études de cas. D’une manière originale, Bailly et ses collègues examinent les objets de la géographie sur lesquels ils posent tour à tour les diverses lorgnettes des problématiques classiques, néopositivistes, comportementales et radicales. Au-delà des dogmes paroissiaux, cette démarche permet au chercheur d’y trouver des outils utiles, de comparer les démarches, sans se limiter à l’une ou à l’autre des écoles : « Notre manuel a pour objectif de présenter, le plus clairement possible, les avantages et les inconvénients des diverses problématiques et méthodes utilisées en géographie. S’il insiste sur la géographie néopositiviste, comportementale et critique, c’est pour bien mettre en lumière les voies multiples de la nouvelle géographie », rappellent les auteurs en conclusion (p. 199). Cette approche diverge du plan peut-être plus classique qu’on trouve, par exemple, dans Géographie humaine – aussi publié chez Armand Colin – de Max Derruau, paru en diverses éditions entre 1961 et 2002 et qui aborde tour à tour les géographies de population, agraire, non agricole, etc.

Les nouvelles éditions d’un livre présentent souvent des augmentations de contenu. Celle-ci s’avance à contre-courant : malgré l’augmentation du nombre de pages (201 vs 192, sûrement en raison de l’augmentation de la taille du caractère) au total, davantage de contenu a été supprimé qu’ajouté en comparaison avec la 8e édition. Parmi les suppressions : tous les volets concernant « l’approche axiomatique » des chapitres IV et V, ainsi qu’un très grand nombre de références. Plus grave d’un point de vue éthique, plusieurs références présentes dans la 8e édition ont été éliminées du texte avec les guillemets qui encadraient certaines citations… alors que les phrases sont demeurées inchangées (p. 67, 110, 120, 121, 129).

Pour ce qui est des ajouts, l’excellent travail de mise à jour bibliographique est manifeste dans les orientations bibliographiques des fins de chapitre, mais il transparaît aussi au fil du texte avec les nouveaux thèmes qui servent à illustrer le propos. Par exemple, la nouvelle géographie culturelle (p. 79-81), les nouvelles problématiques de la géographie rurale – sociale et environnementale (p. 113) – et la question de la géographie rurbaine (p. 114), la proximité et le développement territorial (p. 153-154) et, enfin, quelques volets nouveaux en lien avec la « structure interne de la ville » (chapitre IX) où sont évoquées tour à tour, la géographie médicale et la géographie de la santé, celle des villes en fête et, de manière plus importante, celle entourant les questions de genre (p. 181-183). À cette antenne des nouveautés, le développement durable est annoncé dans un nouveau sous-titre, dans la première partie du chapitre X, pour caractériser l’« unité nouvelle de la géographie ». Toutefois, rien dans le chapitre ne se rapporte réellement à cette idée de développement durable, qui est seulement décrite un peu plus tôt (p. 100) dans un paragraphe général et peu critique.

Parmi les éléments de forme, le rafraîchissement des figures, conservées telles quelles pour la plupart, est fort bienvenu, alors que l’élimination de la numérotation des parties et sous-parties ne m’apparaît pas un bon choix éditorial. Le glossaire de la 8e édition a aussi été retiré de la 9e édition.

En conclusion, cette Introduction à la géographie humaine continue de fournir des clés de lecture des développements du monde de la géographie et de son inscription dans le monde d’aujourd’hui. Mise à jour, elle s’inscrit toujours au-dessus de la mêlée des susceptibilités paroissiales pour fournir, autant au chercheur chevronné qu’à l’apprenti géographe, des clés pour décoder les différences entre les approches et problématiques et, au final, en insistant d’une manière constructive beaucoup plus sur leurs richesses respectives et leur complémentarité.