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Préfacé par Vincent Berdoulay, géographe culturel de renom, l’ouvrage collectif L’imaginaire géographique. Entre géographie, langue et littérature, sous la direction de Lionel Dupuy et Jean-Yves Puyo, réunit des chercheurs d’horizons divers, avec pour toile de fond la notion d’imaginaire géographique, soit « l’ensemble des représentations, images, symboles ou mythes porteurs de sens par lesquels une société (ou un sujet) se projette dans l’espace. » À cet égard, l’ouvrage s’inscrit dans la droite lignée de la géographie culturelle et de ses déclinaisons littéraires, ce qui explique sans doute la postface de Marc Brosseau, spécialiste canadien du domaine.
L’imaginaire géographique… offre 27 contributions, divisées en autant de chapitres. On y aborde des oeuvres majoritairement françaises, bien que quelques chapitres traitent de représentations issues d’auteurs hispanophones. L’ouvrage se présente comme le résultat d’une série de rencontres savantes – conférences ou colloques – et, du coup, en porte la marque. En effet, le choix des oeuvres étudiées correspond aux intérêts des chercheurs-contributeurs, conférant à l’ensemble une impression d’éclatement, car le seul dénominateur commun consiste en un pont jeté entre géographie et littérature (le paramètre « langue » paraissant plus discret).
Certaines contributions portent sur la paralittérature, corpus souvent négligé par la géographie culturelle. Parmi elles, mentionnons celle de Monica Harsan, laquelle traite du Dracula de Bram Stoker et de sa représentation de la Transylvanie, de même que celle de Caroline Ziolko, intitulée « Marseille, roman noir et imaginaire géographique ». Si on ne s’étonne pas de trouver là des études d’incontournables, tels que les romans de Verne ou de Dostoïevski, on peut se réjouir de voir les oeuvres très différentes de Louis-Ferdinand Céline et d’Aurelia Arkotxa scrutées à l’aune de la spatialisation littéraire. Enfin, quelques chapitres à caractère davantage théorique, tels que « Mémoire et géographie. Pour une épistémologie du fait géolittéraire », de Joan Tort-Donada, et « Lorsque l’imaginaire géographique littéraire déborde les frontières du livre… et s’inscrit dans l’espace », de Géraldine Molina, explicitent l’horizon épistémologique propre à la géographie dans ses liens avec le littéraire.
Certes, on doit saluer l’excellente qualité des contributions. On peut néanmoins déplorer le fait que cet ouvrage collectif n’ait pas été aménagé de manière à mettre en lumière les multiples aspects de la géographie culturelle. Par exemple, les textes explorant un corpus paralittéraire auraient gagné à être mis en commun, afin de dégager des enjeux spécifiques à cette production littéraire. De même, les contributions à caractère théorique auraient pu être confrontées les unes aux autres, de manière à remettre en question l’approche géolittéraire classique, encore timide face aux avancées de la géocritique.
Cela dit, ce document dirigé par Lionel Dupuy et Jean-Yves Puyo vaut le détour, car il recèle de nombreuses analyses géolittéraires fort éclairantes et bien menées.