Abstracts
Résumé
Envisager l’histoire environnementale de la forêt au regard des représentations collectives n’est pas chose courante. C’est pourtant ce que nous proposons dans cet article qui porte sur la territorialité. Les représentations sont des images, des perceptions, voire des idées, qui prennent forme dans les mentalités à différentes époques. Elles s’inscrivent ici en comparaison avec deux imaginaires sociaux : celui des autochtones et celui des coloniaux (allochtones). Nous abordons également la transformation du paysage, dans la mesure où le rapport à l’environnement de sociétés différentes a eu des incidences sur la notion de territorialité. Cet article, tout en soulignant l’existence d’une territorialité autochtone originale, met en évidence le contexte d’appropriation du territoire et de transformation de l’environnement sous-jacent à la représentation allochtone (coloniale) de la forêt.
Mots-clés:
- Forêt,
- représentations collectives,
- territorialité,
- imaginaires sociaux,
- autochtones,
- allochtones
Abstract
Examining the environmental history of the forest with reference to collective representations of it is certainly somewhat unusual. Yet this is the approach we propose in this article on territoriality. Representations are the images, perceptions, even the ideas that develop in people’s minds at different times in history. In the context of the present article, they are considered through a comparison of two collective imaginations: the first being that of Aboriginal peoples, the other, that of non-Aboriginal colonial society. We also discuss the question of changes to the landscape, given that the relationship to the environment in different societies conditions their different views on territoriality. Our article begins by stressing the initial Aboriginal concept of territoriality, then goes on to explore the context under which colonial society integrates the image of territory and transforms the environment in its own representation of the forest.
Keywords:
- Forest,
- collective representations,
- territoriality,
- collective imaginations,
- Aboriginal,
- non-Aboriginal
Resumen
No es corriente enfocar la historia del medio forestal a partir de las representaciones colectivas. No obstante, aquí se propone hacerlo para tratar la territorialidad. Las representaciones son imágenes, percepciones o ideas que toman forma en las mentalidades a épocas diferentes. Aquí se inscriben en comparación con dos imaginarios sociales: el de los autóctonos y el de los colonos (aquellos de origen extranjero). Se trata igualmente de la transformación del paisaje, según la relación de las sociedades diferentes con el medio ambiente, influyendo así la noción de territorialidad. Este artículo, al señalar la existencia de una territorialidad autóctona original, pone en evidencia el contexto de apropiación del territorio y de transformación del medio ambiente subyacente a la representación extranjera (colonial) del bosque.
Palabras claves:
- Bosque,
- representaciones colectivas,
- territorialidad,
- imaginarios sociales,
- autóctonos,
- colonos
Article body
Introduction
Pour les besoins de cet article, la région Mauricie se définit géographiquement comme suit : les territoires en Haute-Mauricie, compris entre l’Abitibi au nord-ouest, la baie James au nord, et le lac Saint-Jean au nord-est ; en Basse-Mauricie, le territoire qui se situe entre la rivière Sainte-Anne et la rivière Maskinongé ; et sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, les environs de la rivière Bécancour et de la rivière Saint-François, y compris les forêts entre les deux. En somme, il s’agit d’un découpage qui s’intéresse d’abord à la présence historique des Algonkiens dans la région des Trois-Rivières et, plus globalement, en Mauricie.
Nos sources documentaires se composent principalement : de relations des missionnaires, de récits de voyage et de mémoires qui concernent les autochtones et la forêt aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. À cela s’ajoutent de nombreuses références secondaires relatives à l’histoire régionale et à celle plus globale des autochtones. Cette documentation comporte cependant ses limites pour ce qui est des écrits autochtones. En effet, comme matériaux de l’histoire, leurs paroles ont été souvent rapportées par des interprètes ou par des mandataires coloniaux. Cela dit, même paraphrasé et lorsque soumis à une critique serrée, le discours relatif aux autochtones a une valeur historique et anthropologique indéniable. Par ailleurs, si la tradition orale autochtone n’est pas utilisée ici comme source documentaire, il faut voir dans notre approche une analyse interdisciplinaire qui rejoint plusieurs chercheurs en histoire amérindienne. Cet article n’est pas non plus le fruit d’un travail de recherche pour une courte période. Aussi, une approche synthèse caractérise notre analyse et une critique qualitative des sources précise notre interprétation [1].
Une présence millénaire
Les autochtones sont présents en Mauricie depuis des millénaires. En provenance d’Asie, ils sont arrivés dans la grande forêt laurentienne après la lente descente des eaux issues de la fonte du glacier du Wisconsin. Les recherches archéologiques effectuées dans le nord de la Mauricie confirment que des chasseurs nomades, ancêtres des Algonkiens [2], ont parcouru la forêt de la région il y a plus de 6500 ans (Chapdelaine, 1978). Plus au sud, en Basse-Mauricie, les archéologues n’ont cependant trouvé aucune trace de villages sédentaires de type iroquoien [3]. Durant les années qui ont précédé les premiers contacts avec les Européens, les Iroquoiens du Saint-Laurent auraient cependant fréquenté les berges du grand fleuve dans la région [4].
Du point de vue de la documentation historique, il faut remonter au second voyage d’exploration de Jacques Cartier pour en savoir plus (figure 1). En 1535, à son retour d’Hochelaga (Montréal), Cartier jette l’ancre devant l’embouchure de l’actuelle rivière Saint-Maurice. Sa description des lieux est très sommaire : une embouchure peu profonde et des îles pleines d’arbres ; mais il ne mentionne aucune présence autochtone (Pouliot, 1934). Au cours de son voyage, il souligne cependant que des peuples sédentaires et nomades fréquentent le fleuve Saint-Laurent entre le Saguenay et Montréal :
Tout cedict peuple [iroquoien d’Hochelaga] ne s’adonne que à labouraige et pescherie, pour vivre ; […] Qu’ilz ne bougent de leur pays, et ne sont embulataires, comme ceulx de Canada et du Saguenay ; non obstant que lesdicts Canadiens [Iroquoiens de Stadaconé] leurs soient subgectz, avec VIII ou IX aultres peuples qui sont sur ledict fleuve.
Ibid. : 93
Ces autres peuples seraient-ils tous iroquoiens ? Selon Cartier, ils auraient été les « sujets » du peuple sédentaire d’Hochelaga (région de Montréal). Cependant, rien n’est moins sûr. L’explorateur se fait une idée de la territorialité autochtone à partir du peu de renseignements qu’il obtient des Iroquoiens et de l’importance relative qu’il accorde aux gros villages agricoles. Aussi, considère-t-il qu’il y a, d’est en ouest, trois « royaumes » sur le fleuve (Ibid. : 65) : celui du Saguenay (Tadoussac), celui de Canada (Québec) et celui d’Hochelaga (Montréal), ce dernier royaume ayant un ascendant sur les deux autres. Visiblement, Cartier ignore la géopolitique des peuples nomades de la forêt, et sa représentation de la territorialité autochtone est fortement influencée par sa propre culture.
L’idée de royaume hégémonique ne correspond certainement pas à la réalité sociopolitique de l’espace territorial des autochtones. Ce sont plutôt des rapports égalitaires qui caractérisaient la cohabitation entre les diverses nations, voire entre des sociétés distinctes. « Leurs guerres [celles des Algonkiens] ne se font quasi que de langue à langue ou de pays en pays » (Relations des Jésuites, 1611 : 12). On peut en déduire qu’il y avait des rapports de solidarité moindres entre les autochtones de cultures différentes et provenant de sociétés distinctes. Par exemple, les Iroquoiens qui habitaient les villages du lac Saint-Pierre, dont les vestiges ont été mis au jour par l’archéologie, se rendaient jusqu’aux Trois-Rivières (Hardy et Séguin, 2004 : 33). Cet endroit aurait représenté une frontière commune ou une ligne de partage entre les peuples nomades de la forêt et ceux, plus sédentaires, qui occupaient les rives du fleuve. À ce sujet, Nicolas Perrot, qui fut longtemps diplomate chez les autochtones, donne un aperçu des relations qui avaient cours entre les Algonkiens de la forêt et les Iroquoiens du Saint-Laurent au moment des premiers contacts et avant [5] :
Le pays des Irroquois [Iroquoiens] estoit autrefois le Montréal, et les Trois-Rivières ; ils avoient pour voysins les Algonkins [Algonkiens]. […] Cela ne les empeschoit pas d’estre en commerce ensemble ; ils leur aportoient du grain pour des viandes seiches et des peaux qu’ils en retiroient.
Perrot, 1999 : 19
À l’arrivée de Samuel de Champlain, en 1603, les Iroquoiens du Saint-Laurent ont cependant disparu du paysage [6]. Ce sont des Algonquins qui parcourent alors la forêt à proximité des rivières de la Basse-Mauricie et des rives du fleuve Saint-Laurent :
Dans les premiers tems cette Nation [Algonquins] occupait tout le bord septentrional du Fleuve, depuis Québec, où M. de Champlain les trouva établis & fit alliance avec eux jusqu’au Lac de Saint-Pierre.
Charlevoix, 1994 : 645
Par ailleurs, les témoignages des premiers missionnaires mentionnent que les nomades de la forêt pratiquaient des rites funéraires aux Trois-Rivières (Relations des Jésuites, 1634 : 12-14). Plus encore, la présence d’un cimetière est un important indice d’un lieu ancestral algonquin (Ibid., 1635 : 21) [7]. Il s’avère aussi que l’embouchure de la rivière Saint-Maurice était un rendez-vous saisonnier pour diverses nations. Parmi elles, il y avait des bandes atikamekws du nord qui se rendaient régulièrement jusqu’aux Trois-Rivières :
Elle [Trois-Rivières] doit son origine au grand abord, qui dans les commencemens de la Colonie se faisait en ce lieu-là des Sauvages de différentes Nations, il en descendait surtout des quartiers les plus reculés vers le Nord, par les Trois-Rivières, qui ont donné le nom à la ville & qu’on remonte fort loin.
Charlevoix, 1994 : 290
De nos jours, les Atikamekws de la Mauricie considèrent la région des Trois-Rivières comme faisant partie de leur ancien espace ancestral. Ajoutons qu’à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, des Abénakis et des Hurons chasseront dans la forêt mauricienne, sans pour autant qu’il s’agisse de leurs espaces ancestraux proprement dits (Tanguay, 2000 : 12-17).
L’espace algonkien
Les Algonkiens considéraient la forêt comme un milieu de vie où l’espace était associé aux cycles des saisons. Cet espace faisait, pour ainsi dire, corps avec l’environnement naturel, et ce sont les contraintes de ce même environnement qui en déterminaient les limites. En hiver, la présence de ressources fauniques à peu de distance des campements volants était primordiale pour la survie des groupes de chasse familiaux. Aussi, ces campements étaient installés à proximité d’endroits déjà connus et fréquentés par le gros gibier [8]. Par ailleurs, les Algonkiens pouvaient aussi cultiver le maïs ou faire la cueillette de fruits sauvages, lorsque la saison et l’environnement s’y prêtaient. Leur espace vital se limitait aux abords des lacs et des rivières où ils avaient un meilleur accès aux ressources fauniques. Lorsqu’ils se déplaçaient sur de plus grandes distances, c’était habituellement de façon systématique et vers les mêmes endroits :
Ils marchent avec peu de précautions sur leurs terres ou en pays non suspect. Tandis que quelques-uns conduisent les canots, ou traînent les équipages, les autres s’enfoncent dans les bois pour chasser chemin faisant. Ces chasseurs prennent diverses routes, et s’écartent les uns des autres en suivant divers rhumbs de vent pour ne pas se rencontrer sur une même proie. Le soir ils se rendent au lieu destiné pour la couchée, et pas un ne s’égare. […] Rien n’est plus admirable que l’idée [l’orientation] de ces barbares. C’est une qualité qui semble née avec eux. Un enfant s’oriente naturellement, comme on pourrait le faire avec une boussole, par rapport aux endroits où il a été, ou dont il a entendu parler. Dans les forêts les plus épaisses et dans les temps les plus sombres, ils ne perdent pas, comme on dit, leur étoile.
Lafitau, 1983 : 51-52
Somme toute, la survie imposait néanmoins des restrictions quant aux allées et venues au coeur des grands bois, et des sentiers coutumiers jalonnaient l’espace traditionnel autochtone. Les nomades n’erraient pas dans l’immensité de la forêt à la recherche de nourriture [9]. Leur mode de vie impliquait plutôt une relative sédentarité dans des espaces saisonniers.
Les frontières entre les groupes ou les nations étaient souvent délimitées par les bassins versants des principales rivières (Relations des Jésuites, 1611 : 1-16). Ces espaces, constitués d’affluents secondaires et de chaînes de lacs, permettaient de pénétrer plus profondément à l’intérieur de la forêt, au gré des saisons. Par ailleurs, la très grande distance parcourue livre une fausse impression quant à la réalité de l’espace vécu : « L’espace vécu résulte de la somme des lieux fréquentés et familiers (genre de vie), mais aussi des lieux connus, aimés (ou détestés), perçus et représentés » (Bonnemaison, 2000 : 58). En fait, la représentation de l’espace-territoire des nomades de la forêt sous-entend une géographie culturelle tout à fait différente de celle des Européens (Ibid. : 27) [10]. Il y a d’abord les espaces forestiers réservés aux petits groupes familiaux qui constituent un premier niveau ; vient ensuite un espace géographique plus large, celui des bandes saisonnières qui regroupent les petits groupes de chasse familiaux. Au cumulatif, la bande saisonnière dispose d’un espace forestier beaucoup plus large que le simple groupe de chasse. Cette double représentation de l’environnement, à la fois spatiale et sociale, serait à la base de l’idée de nation à l’intérieur même de la société algonkienne. Autrement dit, le terme « nation » serait une expression géopolitique désignant l’association des groupes de chasse qui, grosso modo, nomadisaient en un espace géographique plus vaste. Les limites de l’espace occupé par une nation étaient établies en fonction de la présence de ressources fauniques suffisantes pour assurer sa survivance.
En fait, selon la provenance culturelle, le concept de nation peut prendre un sens différent. Au XVIIe siècle par exemple, les Français considéraient les Atikamekws comme une seule nation (Relations des Jésuites, 1645). Le même phénomène existait quant à l’identification des Algonquins. Pourtant, à la même époque, la multiplication des ethnonymes de nations autochtones apposés sur certaines cartes laisse croire que les plus grosses bandes pouvaient aussi se considérer comme des « petites nations » et qu’elles s’affirmaient comme telles (Chamberland et al., 2004). Au fil du temps et des conjonctures, il y aurait eu des variations dans la perception que certaines entités avaient d’elles-mêmes.
Par ailleurs, les grands rassemblements de commerce avec d’autres nations qui occupaient des espaces voisins auraient favorisé le besoin de conclure des alliances (Dickason, 1996 : 72-73). Le commerce, tout en brisant l’isolement des communautés, permettait une ouverture sur le monde extérieur. Les longues expéditions que pouvaient pratiquer certaines familles de commerçants favorisaient certainement une conscience extensive de l’environnement par rapport à l’espace coutumier. Aussi, dans une certaine mesure, cette dimension s’intégrait-elle dans la représentation de l’espace algonkien sans pour autant que tous aient fait l’expérience de tels voyages. En effet, les récits communautaires de voyage ainsi que les objets rapportés des lointaines expéditions contribuaient sans aucun doute à véhiculer l’idée d’un monde beaucoup plus vaste.
Les grandes foires commerciales étaient aussi une composante essentielle pour entretenir des alliances politiques ; sans relation de commerce, c’est généralement l’état de guerre qui prévalait. Dans ce dernier cas, une certaine élite guerrière pouvait se risquer au-delà des lieux connus et reconnus, et acquérir une connaissance géographique hors du commun. Ces hommes pouvaient ainsi devenir des acteurs importants dans la géopolitique de la forêt (Relations des Jésuites, 1635) [11].
L’idée allochtone du territoire
En Europe, la représentation du territoire s’est construite à travers des siècles de transformation de l’environnement. Depuis le Moyen Âge, les Européens ont entrepris la déforestation massive de leur propre continent. À la fin du XVIe siècle, les espaces sauvages ont reculé au profit de territoires agricoles et urbains. Historiquement, l’ampleur de ce développement va de pair avec la croissance démographique et les besoins d’une société à forte population (Delort et Walter, 2001 : 220-240) [12]. Si la grande forêt recouvre encore le nord du continent et les massifs montagneux moins accessibles, de vastes plaines sont dégagées (Fourquin, 1969 : 141-152). À l’âge des découvertes, le milieu géographique européen est fortement anthropisé si on le compare à celui du Nouveau Monde.
Dans la société européenne de l’époque, la géopolitique du territoire réfère à la primauté du maintien de terres agricoles et d’enclaves urbaines que des classes dirigeantes peuvent politiquement et socialement contrôler. Les États, voire les nations, ont développé leurs réseaux de communication à l’intérieur de leurs frontières respectives. Le commerce assouplit cependant la rigueur des frontières et permet aussi une extension des échanges culturels. Malgré les guerres qui se font entre les différentes nations, celles-ci partagent idéologiquement les mêmes valeurs chrétiennes et des institutions plus ou moins uniformes.
Dans la majorité des royaumes européens, les forêts à proximité des milieux agricoles et urbains répondent à des besoins domestiques et industriels. Cependant, les territoires forestiers demeurent, la plupart du temps, des domaines privés qui appartiennent à des aristocrates ou à de riches commerçants. Les forêts royales, par exemple, se perpétuent à travers des privilèges hérités de l’ancienne monarchie féodale : il s’agit de chasses gardées et de réserves de bois pouvant servir principalement à la construction navale (Delort et Walter, 2001 : 265-266). En général, le droit de propriété sur la forêt est codifié par écrit, dans un système d’actes notariés qui reconduit les privilèges ancestraux de la noblesse, mais qui peut tout aussi bien accréditer la promotion sociale de la bourgeoisie. En France, au milieu du XVIIe siècle, des lois coercitives de protection de la forêt s’appliquent à la majorité de la population (Ibid.). L’objectif premier de ces lois est le maintien de privilèges sur les ressources de la forêt pour une infime partie de la population.
Si les forêts à proximité des territoires civilisés sont protégées, certains grands espaces forestiers peuvent cependant encore échapper au contrôle strict de la civilisation. Depuis le Moyen Âge, les forêts éloignées abritent des populations réduites et marginalisées. Ces gens sont souvent des déracinés, sinon des brigands, qui vivent dans des lieux pratiquement inaccessibles. Néanmoins, ils ne représentent pas une société de la forêt proprement dite ; ce sont plutôt des groupes d’individus vivant sur la frange de leur propre société civilisée (Fourquin, 1969 : 146) :
Or ces solitudes boisées avaient mauvaise réputation, et l’on savait que le sol y était lourd et humide, aussi les villages riverains se contentaient-ils de rogner leurs bordures. Pour s’y aventurer plus avant, il fallait une âme de pionnier. Surtout ces « déserts » ne pouvant être conquis par des hommes isolés, mais seulement par des petits groupes […] Ce sont donc des déracinés – les hôtes – groupés pour l’aventure qui formèrent des équipes pour domestiquer la nature rebelle et établir leurs demeures et leur champ à la place des arbres.
La forêt constitue pour eux un lieu de refuge pour autant qu’ils sachent s’y adapter et surtout la défricher. Leurs propres références sociales demeurent liées à l’ordre dominant, celui de la chrétienté, du droit et des lois de ceux qui ont la mainmise sur les forêts.
Au Canada, il en va tout autrement. À l’époque des premières explorations officielles et au-delà d’un imaginaire fabuleux, la connaissance de la forêt renvoie à des informations glanées auprès des autochtones, à des relevés géographiques plus ou moins précis et à une cartographie de navigation. La pénétration du continent se réalise essentiellement par les grandes voies d’eau et, le plus souvent, l’intérieur de la forêt demeure inaccessible et inconnu des Européens. En outre, l’implantation d’une colonie permanente à l’intérieur du continent doit se faire avec le concours des autochtones qui non seulement contrôlent la forêt, mais constituent aussi une société capable de résister militairement aux prétentions territoriales des Européens. Aussi, les Français optent-ils pour la cohabitation sur d’infimes parties de territoire le long des principaux cours d’eau grâce auxquels ils peuvent garder le contact avec leur propre monde. Tout au long du Régime français, la stratégie des postes-frontières dans les « Pays d’en haut » et dans la « Mer de l’Ouest » sera pratiquement analogue à celle qui était utilisée à l’époque de la fondation de Trois-Rivières [13].
Dans les colonies anglaises de la côte atlantique, la stratégie des Européens est pour le moins différente. Avec une forte population d’immigrants, le développement agricole et industriel empiète sur la forêt, et on assiste à la disparition pure et simple de l’espace autochtone au profit de territoires dits « civilisés et privés ». Les affrontements militaires y sont assez violents, mais tournent le plus souvent à l’avantage de milices coloniales bien armées, dans un environnement devenu plus agricole que forestier (Chartrand, 1993 : 54) [14]. Du fait de leur infériorité numérique, les Français n’ont, pour leur part, d’autre choix que de mener une diplomatie à l’amérindienne (Ibid. : 45-48). En d’autres termes, c’est à la fois l’environnement et les autochtones qui imposent des restrictions aux Français, qui ne peuvent ni transformer ni s’approprier directement l’espace de la forêt.
Les Français vont tout de même unilatéralement proclamer leur souveraineté sur un immense espace sauvage. Pour justifier cette prise de possession, il existe un précédent hérité de l’ancienne société féodale, permettant de procéder à l’annexion de territoires « vacants », c’est-à-dire sans propriétaire légitime. En Nouvelle-France, selon ce même précédent, la grande forêt est susceptible d’être rattachée au « Domaine du Roi »(Pacaut, 1969) [15]. L’application d’un tel procédé va de pair avec le « droit de découverte » (Morin, 1997) sur des espaces sauvages considérés comme non civilisés. Cette appropriation territoriale se confirme surtout après 1663, au moment où le Canada n’est plus sous la responsabilité des compagnies de commerce et devient une province du royaume de France [16]. Conséquemment, la forêt boréale située à la limite des seigneuries représentera bientôt un arrière-pays français rattaché au Domaine du Roi.
Il reste qu’à l’époque, en dehors des seigneuries de la vallée du Saint-Laurent [17], le Domaine du Roi correspond plus à une prise de possession sur papier qu’à une occupation réelle de la vaste contrée. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, les Français sont toujours dans l’incapacité d’occuper la grande forêt et on peut croire que les Algonkiens demeurent confiants de conserver leur espace traditionnel. Cependant, au tournant du XVIIIe siècle, la plupart des nations autochtones vont s’intégrer à la diplomatie française. Même les Iroquois y adhèrent en voulant mettre un terme aux guerres qui, depuis plus d’un siècle, diminuent leur population. Au surplus, les ravages des maladies réduisent considérablement la puissance militaire des autochtones face à des coloniaux dont la population ne cesse d’augmenter. Avec la Grande Paix de 1701, plusieurs nations acceptent que le représentant du roi, le gouverneur de la Nouvelle-France, devienne le principal médiateur pour régler les différends entre autochtones [18]. À bien des égards, ce traité diplomatique signifie la mise en tutelle politique des nations algonkiennes qui y adhèrent. Désormais et plus que jamais, l’espace de la grande forêt, ou le « Pays indien », se voit intégré dans une représentation territoriale allochtone, celle de l’Empire français en Amérique (figure 2).
À la même époque, le régime seigneurial transforme progressivement les rives du Saint-Laurent en territoire agricole. Malgré certaines distinctions quant à la propriété, il s’agit d’une organisation territoriale similaire à celle de l’ancienne société féodale française. Le commerce des fourrures, quant à lui, est toujours dépendant de la forêt et fonctionne, pour ainsi dire, en parallèle avec la colonisation. Le régime seigneurial a cependant un effet beaucoup plus marqué sur la transformation du paysage que la simple présence de coureurs des bois dans le Domaine du Roi. Sur les rives du fleuve, se superposent bientôt deux formes de territorialité qui, en matière de géographie culturelle, correspondent à deux mondes différents : celui des autochtones et celui des blancs. Tout en conservant une certaine liberté de circulation aux abords du grand fleuve, les autochtones chassent et campent non plus sur leur seul espace traditionnel, mais dans les limites du développement de territoires dits civilisés.
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le changement d’empire colonial ne modifie pas vraiment la situation. La grande forêt du bouclier laurentien demeure toujours le principal obstacle à l’avancée du développement agricole. Cependant, au tournant du siècle, l’exploration scientifique de la forêt permet d’envisager une prise de possession factuelle de nouveaux territoires [19]. À la colonisation traditionnelle qui s’appuyait sur la déforestation, s’ajoute maintenant la perspective d’un déboisement à grande échelle pour des besoins industriels. Ces deux mouvements se conjuguent bientôt dans une nouvelle représentation territoriale de la forêt qui est aux antipodes de celle de la société traditionnelle des autochtones. Les coloniaux entendent maintenant exploiter les ressources naturelles pour construire une société moderne dans des villages et des villes toujours plus en marge de la forêt.
Les incidences de la transformation du paysage
Au milieu du XIXe siècle, dans le sillage de la Révolution industrielle, le développement gagne l’intérieur des terres qui, bientôt, sont sillonnées par des chemins de terre et le chemin de fer (Hardy et Séguin, 2004 : 264-270 et 280-285). Près des voies ferrées, s’érigent des hameaux puis des villages où se rassemble une population campagnarde qui ne vit plus uniquement de l’agriculture, mais aussi de la fabrication artisanale et de l’exploitation industrielle des ressources naturelles (Ibid. : 204-205). À l’intérieur du territoire, les petites rivières secondaires prennent une importance qu’elles n’avaient pas auparavant. Partout, on harnache les cours d’eau secondaires pour en utiliser la force hydraulique et faire fonctionner les fabriques, les moulins à battre, les scieries et l’industrie sidérurgique. D’ailleurs, la fabrication de charbon de bois pour la sidérurgie contribue, avec l’industrie du bois de sciage, à amplifier la transformation du paysage (Ibid. : 202). Bientôt, les contreforts montagneux sont atteints tandis que les principales rivières servent à acheminer le bois de la grande forêt vers les centres de transformation et d’exportation industrielle situés plus au sud.
Dans la forêt du nord, les chantiers de coupe saisonniers accueillent maintenant le surplus de la population rurale qui se cherche du travail (Ibid. : 171-172, 225) [20]. L’arrivée de cette population ouvrière dans la grande forêt coïncide avec l’implantation d’une importante scierie mécanique à l’embouchure de la rivière Saint-Maurice (Caron, 2000 : 294). Pour être en mesure d’alimenter les usines en bois de sciage, des infrastructures de transport sont aménagées sur la Saint-Maurice, qui devient rapidement l’artère principale du développement industriel de la région. Au tournant du XXe siècle, l’industrie des pâtes et papiers donne le coup d’envoi à une seconde phase de déboisement qui sonne le glas de la grande forêt originelle (Hardy et Séguin, 2004 : 177-185) [21]. Cette transformation du paysage coïncide avec la construction des grands barrages hydro-électriques qui, pour le siècle à venir, vont modifier l’espace traditionnel autochtone.
Ces changements dans la grande forêt ont des répercussions jusque dans les communautés des « Indiens domiciliés [22] » situées à Wôlinak (Abénakis de Bécancour), Odanak (Abénakis de Saint-François-du-Lac) et Pointe-du-Lac (Algonquins de Trois-Rivières) [23]. Considérés comme « résidants » dans des villages situés au coeur du territoire dit civilisé, ces autochtones pratiquent toutefois une chasse commerciale saisonnière loin dans la grande forêt (Gélinas, 2003 : 44-45) [24]. Cependant, entre 1880 et 1905, une vingtaine de clubs de chasse et de pêche se voient octroyer des territoires exclusifs sur à peu près tous les districts de chasse fréquentés par les Indiens domiciliés (Ibid.) [25]. Face aux restrictions et au contrôle exercé par ces clubs, plusieurs autochtones des réserves délaissent alors la chasse commerciale pour trouver, si possible, un autre travail en forêt.
Voici l’opinion de l’anthropologue Jacques Frenette au sujet des changements qui affectent le mode de vie des Abénakis durant cette période :
À Saint-François, comme à Bécancour, quelques familles abénaquises faisaient encore la chasse au début du XXe siècle, mais le gibier avait encore diminué et les revenus qu’il était possible d’en tirer demeuraient insuffisants. Des hommes travaillaient dans les chantiers en hiver ou à la drave du bois le printemps. D’autres servaient de guides, pour la chasse et la pêche, aux touristes américains. […] Toujours rares étaient ceux qui cultivaient le sol : la vente de leurs paniers, qui les obligent de s’absenter durant la majeure partie de l’été, les empêche de donner à la culture l’attention nécessaire requise pour obtenir du succès.
2003 : 67
Ici, on fait référence au gibier qui aurait encore diminué. Mais, avec le succès et la multiplication des clubs privés dans la forêt mauricienne, il semble que le gibier était encore bien présent [26]. C’est plutôt l’appropriation de la forêt par les allochtones qui aurait changé la donne, et non la rareté du gibier. Au surplus, la notion de braconnage dans la grande forêt découlait de la nouvelle protection des clubs privés. C’est dire toute la portée du changement social qu’avait l’implantation de ces territoires modernes dans l’ancien espace autochtone. Dans ce contexte, plusieurs familles d’Algonquins vont délaisser la forêt pour se retrouver pratiquement comme des réfugiés en périphérie des agglomérations urbaines de la Basse-Mauricie (Hubert et Savard, 2006).
Pour leur part, la majorité des Atikamekws du nord ne deviendront ni des cultivateurs ni même des bûcherons. Tout au long de la seconde moitié du XIXe siècle, ils pratiquent un nomadisme traditionnel tout en faisant le commerce des fourrures dans les postes de traite. Leur économie connaît un certain changement dû à une dépendance accrue aux produits provenant de l’extérieur (Hardy et Séguin, 2004 : 350-351) [27]. Leur représentation sociale de la forêt ne change pas vraiment, puisqu’ils vivent la plupart du temps au coeur de la grande forêt et en marge de la société moderne. Ce n’est que la saison venue, et au moment où les familles sont à proximité des postes de traite, qu’ils se plient plus ou moins aux nouvelles règles de la société coloniale.
Durant cette même période, le rapport démographique en forêt va cependant basculer irrémédiablement en faveur des allochtones (Ibid. : 169, 226) [28]. Bientôt, des milliers de travailleurs forestiers vont se retrouver au coeur de la grande forêt. La coupe pratiquée sur les nouveaux territoires industriels perturbe grandement la faune et les écosystèmes. Au tournant du XXe siècle, face à la modernité et à la transformation inéluctable de leur espace traditionnel, les Atikamekws doivent se résoudre à la sédentarisation. La fin du nomadisme signifie en quelque sorte la perte factuelle de leur espace traditionnel. Ils se regroupent alors au sein de communautés ou villages, dans les limites de réserves. La plus ancienne de ces communautés, Wemontaci, avait pris naissance vers 1850. En 1906, une seconde communauté atikamekw voit le jour au bord du lac Métabeckeka, au nord de Saint-Michel-des-Saints, et prend le nom de Manawan. Enfin, en 1918, le développement hydro-électrique du barrage la Loutre oblige les familles atikamekws vivant à Oskisketak (Kikendache) à déménager au nord du réservoir Gouin. Ce site deviendra plus tard la communauté d’Opitciwan.
Conclusion
À l’arrivée des premiers explorateurs français, une société de chasseurs nomades se maintenait depuis des siècles dans la forêt mauricienne. Loin de favoriser le changement, cette société s’appuyait sur un mode de vie adapté au milieu naturel. Pour leur part, les nouveaux arrivants avaient un rapport à l’environnement pour le moins différent. Forts d’une technologie plus avancée, ils envisageaient transformer la forêt pour y établir leur propre société. Au départ, il existe certainement une dichotomie dans le rapport à la nature de ces deux cultures. Contrairement à ce qu’elle était pour les autochtones, la grande forêt ne représentait pas un milieu de vie pour les Européens.
Cependant, il faut attendre la seconde moitié du XVIIe siècle, avant que la colonisation de peuplement eurocanadienne s’accélère et que des seigneuries agricoles s’étendent aux abords des principaux cours d’eau. On assiste alors à une superposition du territoire allochtone sur une partie de l’espace autochtone. Cette situation ne semble guère affecter les relations entre les deux mondes : les nomades algonkiens vivent la majorité du temps dans la grande forêt et les abords colonisés du grand fleuve demeurent des lieux de passage saisonniers. Cette double territorialité représente alors un compromis : celui de la cohabitation.
À la fin du XIXe siècle, cependant, une nouvelle représentation de la forêt se construit à travers une appropriation moderne du territoire forestier et la transformation de l’environnement. Cette nouvelle représentation a certainement eu pour effet d’occulter l’existence d’une territorialité autochtone originale qui, aujourd’hui, refait surface et vient en quelque sorte légitimer l’urgence d’un nouveau partage de la forêt. Si, à certains égards, la forêt peut encore représenter un espace socioculturel traditionnel pour les Algonkiens de la Mauricie, ces derniers ne sont pas non plus ignorants des enjeux de développement que représente aujourd’hui la forêt moderne. Aussi, existe-t-il certainement, dans les communautés autochtones, un imaginaire social de la forêt où s’entremêlent tradition et modernité. En cela, la représentation de la forêt comme milieu de vie qu’ont ces communautés se distinguerait encore de celle des allochtones.
Appendices
Notes
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[1]
L’orthographe et le français des citations varient en fonction des époques et des auteurs. Nous avons reproduit les textes cités en respectant au mieux leur orthographe d’origine.
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[2]
Les « Algonkiens » désignent ici les autochtones nomades de la forêt boréale, qui font partie d’une même famille linguistique et qui, globalement, partagent une même culture. Dans les sources coloniales, le dénominatif « Algonquins » est souvent envisagé au sens large, mais il se rapporte aussi à une nation ou à un groupe en particulier lorsqu’il est suivi d’un dénominatif supplémentaire, par exemple : les Algonquins de Trois-Rivières.
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[3]
Les Iroquoiens sont des autochtones plus sédentaires que les Algonkiens et de culture différente. Aussi, leur société doit être considérée comme distincte de celle des nomades de la forêt. Les villages iroquoiens étaient habituellement composés de plusieurs maisons longues, ceinturées de hautes palissades et entourées de champs de maïs. Les gros campements algonkiens, eux, étaient généralement des rendez-vous saisonniers, que les Français qualifiaient tout de même de bourgades.
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[4]
Sur le fleuve Saint-Laurent, les villages iroquoiens les plus proches de l’actuelle Basse-Mauricie étaient situés, en aval, à Portneuf (Achelacy, selon Cartier) et, en amont, à Lanoraie, sur la rive nord du lac Saint-Pierre (selon les fouilles archéologiques).
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[5]
Les Iroquois dont on parle ici seraient les Iroquoiens du Saint-Laurent que Cartier avait rencontrés en 1535.
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[6]
Leur disparition serait attribuable en grande partie aux maladies transmises par les Européens, mais aussi, selon Nicolas Perrot, aux suites d’une guerre avec les Algonkiens.
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[7]
Selon Hubert et Savard (2006 : 14), plusieurs chefs algonkiens importants auraient été enterrés dans ce cimetière traditionnel : Capitanal, Batiscan, Tessouat et probablement Pachirini.
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[8]
En hiver, le gros gibier se regroupe en ravages, c’est-à-dire dans des endroits restreints où la nourriture est suffisante. Les cervidés évitent ainsi les déplacements dans les hautes neiges.
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[9]
Dans le contexte de l’époque, l’errance renvoie souvent à des connotations péjoratives, par rapport au territoire agricole et sédentaire, voulues par les autorités coloniales. Plus encore, du point de vue des valeurs de la civilisation occidentale, le « nomade » est la plupart du temps ostracisé puisqu’il se situe en dehors de la société dominante.
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[10]
Trois dimensions sont considérées dans l’espace-territoire par la géographie culturelle : « Un territoire au sens géopolitique du mot, avec des enjeux et une frontière. Une structuration politique avec des centres, des coeurs et des marges. – Un milieu géographique : une structure écologique et géographique ; des sols, une végétation, une hydrologie, un climat, une densité humaine, un réseau de communications. L’homme fait partie intégrante de ce système écologique, car tous les milieux géographiques sont plus ou moins anthropisés. – Un géosymbole : la structure symbolique d’un milieu, d’un espace, ses significations. »
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[11]
En 1635, à la suite du décès du chef Capitanal, le chef Uomasasikoueie, ou La Grenouille, prend la tête des Algonquins de Trois-Rivières. Il vient de l’île aux Allumettes sur l’Outaouais. C’est sa vaste connaissance de la géopolitique qui, de toute évidence, aurait fait de lui un chef influent et respecté par plusieurs nations algonkiennes. D’ailleurs, La Grenouille trouvera la mort au moment où il parcourra l’espace iroquois pour aller négocier avec les Hollandais.
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[12]
Cette synthèse esquisse le portrait de la révolution agricole et la genèse de la ville occidentale au Moyen Âge. Voir en particulier les pages 220 à 240.
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[13]
Les « Pays d’en haut » et la « Mer de l’Ouest » sont des expressions métaphoriques qui apparaissent dans le vocabulaire géographique lié aux explorations de l’intérieur du continent américain. La première désigne les contrées sauvages en amont du grand fleuve Saint-Laurent, c’est-à-dire la région des Grands Lacs et, par extension, celle du nord-ouest canadien. La seconde représente les vastes prairies où les explorateurs français n’en finissent plus de chercher le passage vers le Pacifique (Havard, 2003).
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[14]
Déjà en 1637, le Massachusetts avait des régiments complets de milice qui utilisaient les tactiques européennes de combat en terrain dégagé. Cette stratégie aurait été totalement inefficace dans l’environnement forestier du Canada.
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[15]
Le droit régalien sur des terres faisant partie d’un royaume est un vieux principe féodal par lequel, entre autres, un fief ou un territoire qui n’est pas transmis par le droit de succession à des héritiers nobles du royaume devient « vacant ». Le fief vacant est alors rattaché au « Domaine du Roi », ce qui signifie que le roi en devient le propriétaire légitime.
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[16]
C’est sous le règne de Louis X1V (1643-1715) que la colonie devient officiellement une province française. Le Domaine du Roi a aussi son prolongement dans l’histoire coloniale anglaise et l’histoire canadienne. À travers les institutions britanniques, ces territoires vont devenir les « terres de la Couronne » et finalement, avec la démocratisation des institutions canadiennes, prendre le nom de « terres publiques ».
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[17]
Le régime seigneurial est mis en place dès 1623, mais l’expansion agricole ne commence vraiment qu’avec l’immigration plus substantielle de colons français à la fin des années 1660.
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[18]
En langage métaphorique autochtone, le roi devient le « Père » de toutes les nations amérindiennes. Au sujet de la Grande Paix de 1701, voir Havard, 1992.
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[19]
Rapport des commissaires nommés en vertu de l’Acte de la 9e. Geo. IV, chap. 29, pour explorer cette partie de la province qui se trouve entre les rivières Saint-Maurice & Ottawa, et qui est encore demeurée déserte et sans culture, 1830, Québec, imprimé par Neilson & Cowan, et Frederick Lenox Ingall, (1829) Journal d’une expédition nommée pour explorer l’étendue de Pays située entre la rivière Saint-Maurice et la rivière Au Lièvre (1829), f° 18.
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[20]
Au XIXe siècle, la population régionale est passée d’un peu moins de 20 000 habitants en 1800 à plus de 70 000 en 1900.
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[21]
Même le reboisement se fera uniquement en fonction des besoins industriels.
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[22]
Les « Indiens domiciliés » étaient pour la plupart issus de familles de guerriers. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, ils avaient endossé la foi catholique et s’étaient regroupés en communautés dans des missions. En réalité, il s’agissait de bourgades militaires au service du gouvernement colonial.
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[23]
Les missions des Abénakis vont devenir des réserves, ce qui ne sera pas le cas pour les Algonquins de Pointe-du-Lac.
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[24]
Des petits groupes de chasseurs ou de commerçants allaient aussi en Haute-Mauricie.
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[25]
Voir le tableau de la Liste des territoires de chasse familiaux des Abénaquis vers 1880-1900, p. 50 et celui de la Liste des clubs de chasse et pêche situés dans la limite des territoires de chasse abénaquis en 1905, p. 52.
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[26]
Pour les historiens et les anthropologues, les données les plus significatives pour évaluer la diminution ou la recrudescence du gibier à cette époque proviendraient des aléas du commerce des fourrures ou de la chasse sportive. Des biologistes du parc national de la Mauricie ont souligné qu’avant le XXe siècle, il n’y avait pas vraiment de moyens scientifiques pour évaluer la faune terrestre d’une région. Auparavant, on extrapolait à partir d’observations empiriques plus ou moins fiables.
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[27]
À compter de 1860, plusieurs Atikamekws deviennent des trappeurs à plein temps.
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[28]
« On estime à 2000 les travailleurs des chantiers mauriciens à la fin des années 1860. […] Ils étaient probablement de 6000 à 7000 à participer annuellement à l’exploitation de la forêt mauricienne entre la fin de 1860 et le milieu des années 1870, et environ 5000 vers 1896. » La population atikamekw, elle, n’aurait pas dépassé 300 personnes en 1880.
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