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À Québec, on est près de tout… à condition de se déplacer en voiture. On peut habiter Val Bélair, à 14 minutes du centre-ville… en heure creuse. Abolir la distance en gagnant de la vitesse a été un puissant moteur d’étalement urbain et de déséquilibre régional en faveur du centre. Peut-on en jouant sur les vitesses, notamment sur les autoroutes alors qu’elles traversent des territoires urbanisés, favoriser la multipolarité, c’est-à-dire le renforcement des pôles locaux sans abolir totalement l’attractivité du centre ? Peut-on ainsi gagner en fiabilité et en accessibilité et revoir les avantages comparatifs de la voiture individuelle et des transports collectifs ? C’est le pari que font les acteurs de la région grenobloise avec leur projet de chronoaménagement.
Le chronoaménagement met de l’avant la nécessité d’intégrer le temps dans l’aménagement du territoire et donc un travail mieux articulé entre les urbanistes et les ingénieurs du transport. L’approche préconise d’ajouter les politiques de déplacement aux leviers classiques que sont les politiques d’urbanisme, de l’habitat et du foncier, et de réintégrer les processus de décision sur les infrastructures routières dans le cadre plus large de l’aménagement du territoire.
La proposition principale de la réflexion grenobloise est radicale. Il s’agit de remettre en question la vitesse dans le fonctionnement des territoires, une proposition qui s’incarne dans un nouvel objet routier désigné comme « l’autoroute apaisée ». En diminuant la vitesse maximale à 70 km/h sur les portions d’autoroute qui traversent des aires urbanisées, en plus de réduire les nuisances associées à de telles infrastructures, on ajoute du temps à la distance, plus particulièrement en heures creuses. Ce faisant, tout en garantissant plus de fiabilité en pointe, on entend limiter les conséquences négatives des gains de vitesse, soit l’étalement urbain et le déclin des pôles secondaires ou locaux au bénéfice du pôle régional central.
Ce nouvel objet routier est donc présenté comme un outil pour soutenir une structuration multipolaire du territoire visant un équilibre entre attractivité du pôle central, d’une part, et proximité et desserte locale diversifiée dans les pôles locaux, d’autre part : en introduisant juste assez de distance-temps, on préserve l’accessibilité aux fonctions uniques du centre sans toutefois cannibaliser les centres secondaires.
L’autoroute apaisée, qui s’inscrit dans un réseau viaire bien hiérachisé, offre un haut niveau de service tout en poursuivant un objectif d’intégration. Elle doit rester attractive pour les automobilistes, mais mieux s’intégrer au territoire. Elle doit inciter à la pratique d’une vitesse modérée, moins par la coercition que par ses qualités paysagères et architecturales. Elle doit faire de la place aux autres modes de transport et, enfin, elle doit demeurer sécuritaire. Réduire la vitesse permet, tout en maintenant un niveau de sécurité équivalent, de diminuer l’espace consommé par cette infrastructure. Ainsi, il est possible d’allouer des mesures préférentielles, telles des voies réservées aux transports collectifs. Les avantages relatifs du transport individuel et du transport collectif s’en trouvent modifiés.
Publié dans la collection Débats, l’ouvrage se présente comme un outil de référence, un guide pratique et le témoin d’une démarche régionale. Il est structuré de manière à multiplier les approches de lecture selon l’intérêt de chacun. L’autoroute apaisée demande encore, au moment de la parution de l’ouvrage, à être implantée. Mais, déjà, elle offre des pistes de réflexion intéressantes en suggérant un regard différent sur l’organisation de la mobilité. Elle pourrait être une source d’inspiration à l’heure où les villes québécoises se préoccupent de mobilité durable et où le ministère des Transports du Québec procède à la réfection de ses infrastructures autoroutières, notamment en milieu urbanisé, soulevant tous les débats que l’on sait.