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En dépit du nom dont on le coiffe bien souvent, le droit de la consommation n’est encore, au mieux, qu’un droit de la protection du consommateur. À quelques exceptions normatives près, dont celles du Cameroun et de l’Europe qu’expose Pierre-Claver Kamgaing dans son étude de droit comparé, les règles, les standards et les processus que ce droit de la protection du consommateur a fait naître de même que les principes qu’il inspire à toute personne qui l’applique ont surtout pour objet de protéger l’intérêt matériel, voire égoïste, de l’individu qui en est le sujet, le consommateur.
Fonction noble, en particulier pour un droit émergeant durant la période faste de l’après-guerre, et dont les contours semblent avoir été dessinés par une représentation du consommateur, acteur économique impuissant, en quête de droits lui permettant de participer, lui aussi, au monde marchand. Mais fonction exclusive, dont l’effet, dévoilé par Alexandra Bahary-Dionne dans son analyse du rôle que jouent les normes encadrant le crédit à la consommation dans la (re)production de la précarité, se révèle parfois aussi dommageable que le mal que cherchent à éradiquer les textes de ce droit.
Est-ce à dire que le droit de la consommation est destiné à ne rester qu’un simple droit de la protection des intérêts matériels d’un consommateur aisé ? Un droit qui protège la participation marchande de ce dernier, sans se soucier de ses effets sur les acteurs du marché, sur l’environnement et sur la société dans sa globalité ? Certainement pas. D’ailleurs, comme le démontre l’étude historique de Catherine Le Guerrier, une des représentations du consommateur présentées par certains acteurs d’importance, lors du processus de création de la première Loi de la protection du consommateur, permettait d’envisager un droit construit à la mesure d’un tout autre consommateur, dont les intérêts dépassaient la satisfaction de ses besoins matériels.
Si cette figure n’a pas réussi à s’imposer jusqu’à imprégner le texte de cette loi, rien n’empêche d’imaginer aujourd’hui un droit qui en reflète certains traits ; un droit qui, épousant les formes des transformations récentes de l’organisation politique, déléguerait aux consommateurs un rôle dans la protection d’intérêts dont ils ne sont pas, directement du moins, les bénéficiaires — environnement, conditions de travail et autres. Dans son texte, Martin Dumas rappelle toutefois les limites d’une telle conceptualisation : émancipateur, le droit « consumocratique » doit se développer en respectant la cohérence du droit, et il ne peut avoir pour fondement un principe de transparence « totale » de l’information.
En ce sens, d’ailleurs, les conclusions de l’étude de Michelle Cumyn sur le « contrat » d’arrangements préalables de services funéraires invitent, elles aussi, à la prudence. Si, comme le démontre son analyse, l’information est loin d’être une panacée pour la protection des droits des consommateurs, comment prétendre qu’elle puisse avoir cet effet relativement à la protection de ce qui semble devenir leurs devoirs ?
Diversifiées dans leurs approches comme dans leurs thèmes, les recherches que proposent — courageusement, il faut le souligner — ces autrices et auteurs contribueront certainement à (re)lancer l’étude des fonctions politiques et de la portée théorique du « droit de la consommation ». Nous souhaitons aux lecteurs de ce dossier thématique une lecture inspirante et agréable.