Abstracts
Résumé
Tout conflit étant émotif, l’expression des émotions dans le contexte d’une médiation constitue une étape cruciale dans ce mode amiable de règlement des conflits. Les émotions peuvent, en effet, favoriser le processus de règlement en procurant un meilleur éclairage à la nature du conflit, autant qu’elles peuvent le freiner en empêchant le dialogue entre les parties. Dans son intervention, le médiateur est appelé à les prendre en considération, à en favoriser l’expression constructive et à les gérer. À cet égard, il doit faire preuve d’une grande intelligence émotionnelle et préserver la neutralité de son rôle complexe. Cette forme d’intelligence mérite d’être développée dès les études de droit où les émotions sont étonnamment évacuées des programmes universitaires et de l’école professionnelle. Pareille approche implique rien de moins qu’une redéfinition du rôle de l’avocat, intervenant sensible aux émotions, à l’écoute de l’autre et recentré sur la relation d’aide dans une perspective non adversative.
Abstract
Since any conflict is emotional, the expression of emotions in the context of mediation is a crucial step in this method of conflict resolution. Emotions can foster the settlement process by providing a better understanding of the nature of the conflict, as much as they can hinder it by preventing dialogue between the parties. In their interventions, mediators are called upon to take them into consideration, to promote their constructive expression and to manage them. In this respect, they must demonstrate great emotional intelligence and maintain the neutrality of their complex role. This form of intelligence deserves to be developed as early as law school, where emotions are astonishingly absent from the university and professional school curriculum. Such an approach implies nothing less than a redefinition of the lawyer’s role as an advocate who is sensitive to emotions, who listens to others and refocuses on the helping relationship from a non-adversarial perspective.
Resumen
Todo conflicto es emotivo y la expresión de las emociones en el contexto de una mediación constituye una etapa crucial de esta forma extrajudicial de resolución de conflictos. Las emociones pueden, efectivamente, favorecer el proceso de resolución al brindar una mejor visión de la naturaleza del conflicto, aunque también puede frenarlo al impedir el diálogo entre las partes. Desde su intervención, el mediador debe tomarlos en consideración, favorecer una expresión constructiva y dirigirlos. Al respecto, debe demostrar tener una gran inteligencia emocional y preservar la neutralidad en su complejo papel. Esta forma de inteligencia merece ser desarrollada en los estudios en derecho, donde las emociones están sorprendentemente desalojadas de la formación universitaria y de la escuela profesional. Un enfoque tal implica nada menos que una redefinición del rol de abogado quien es un partícipe sensible a las emociones, que escucha a los demás y que está orientado hacia una relación de ayuda desde una perspectiva no contendiente.
Article body
Sans émotions, il est impossible de transformer les ténèbres en lumière et l’apathie en mouvement.
Carl Gustav Jung
Depuis plusieurs années déjà, la médiation connaît des développements significatifs dans les domaines du droit familial, des troubles de voisinage, du droit des affaires, des relations de travail et même du droit de la santé. Au Québec, le nouveau Code de procédure civile, en vigueur depuis le 1er janvier 2016, en recommande notamment l’usage par l’imposition aux parties d’une obligation de considération des modes privés de prévention et de règlement des différends avant de saisir la machinerie lourde des tribunaux[1]. Il en va de même des avocats qui sont soumis à une obligation déontologique de conseiller leurs clients sur l’opportunité de recourir à ces modes[2]. Les notaires font l’objet d’une obligation semblable[3].
S’il est un domaine dans lequel l’expression des émotions trouve sa place, c’est bien celui de la médiation, qu’elle soit privée ou judiciaire. Parce qu’elle met en scène des relations interpersonnelles conflictuelles, cette forme de résolution amiable des conflits implique une large part de prise en considération des émotions et des rapports avec l’autre[4]. Or, contrairement à la doctrine américaine, la littérature québécoise sur la négociation et la médiation accorde peu d’intérêt à la place et à la gestion des émotions dans le processus de règlement des conflits, à l’exception parfois de la médiation familiale[5]. La présente étude entend modestement combler cette lacune en posant certains jalons et en ouvrant la porte à cette nouvelle perspective.
1 L’expression des émotions
Avant de considérer la place des émotions en médiation, il convient de tenter d’en cerner les contours.
1.1 Vous avez dit « émotions » ?
Quelle différence existe-t-il entre les sentiments et les émotions ? Force est de constater que tous ne s’entendent pas sur les définitions, lesquelles peuvent être nombreuses[6]. Les sentiments renvoient généralement à un « [é]tat affectif lié à certaines émotions ou [à] certains évènements[7] », à un sentiment d’insécurité ou d’infériorité par exemple. Ils peuvent également s’appuyer sur une appréciation subjective à la suite d’une expérience[8], tel le sentiment de justice ressenti après un procès au tribunal ou une médiation. Le neuroscientifique italien Antonio Damasio propose de distinguer les émotions des sentiments, lesquels seraient des expériences mentales, un ensemble de vécus sensoriels et d’états corporels qui intègrent les changements produits par les émotions[9].
L’émotion, pour sa part, peut être définie tel un « [t]rouble subit, [une] agitation passagère causés par un sentiment de peur, de joie, de colère, etc.[10] » ou encore comme « à la fois un sentiment et les pensées, les états psychologiques et biologiques particuliers, ainsi que la gamme de tendances à l’action qu’[elle] suscite[11] ». Du point de vue étymologique, l’émotion vient du terme latin motio, dérivant du verbe moverer, qui signifie « déplacer, retirer, faire bouger ». Une émotion est donc quelque chose qui pousse une personne, qui la fait sortir de son état habituel, la mobilise, la touche. Entendue dans ce sens, l’émotion constitue une tendance à l’action, qui invite à adopter une attitude particulière[12]. Spinoza, à son époque, attribuait 4 définitions à l’émotion et a proposé une liste de 43 émotions spécifiques[13]. De son côté, l’éminent psychologue américain Paul Eckman a mis en évidence 6 émotions fondamentales : la joie, la colère, la peur, la tristesse, la surprise et le dégoût[14].
Cependant, la distinction ne fait pas l’unanimité ; une notion renvoyant à l’autre, il ne paraît guère aisé de les départager. La littérature sur la communication non verbale aide néanmoins à distinguer les émotions, les sentiments et les besoins[15]. Retenons que l’émotion se veut davantage spontanée que le sentiment, qui connaît un développement plus durable, et que la première précède le second[16]. Les sentiments seraient associés au sentir de la personne, tandis que les émotions relèveraient de l’action[17] et conditionneraient toute réaction à une situation[18]. Chose certaine, les deux concepts demeurent intimement liés. Pour cette raison et aux fins de notre étude, nous emploierons indifféremment l’un ou l’autre vocable, mais privilégierons celui des émotions.
L’émotion peut être exprimée de façon verbale, et également par des gestes, des expressions faciales. Le langage corporel occupe une place plus importante que la voix en matière de communication, si l’on considère qu’il représente 55 p. 100 de ce qui sera retenu par l’interlocuteur[19] contre seulement 7 p. 100 du message verbal. Outre la voix et les mots entendus, la reconnaissance des émotions procède donc avec l’examen du visage, du langage du corps et de l’intonation de la voix[20].
Les recherches dans les domaines de la psychologie et des neurosciences confirment l’importance des émotions dans la gestion des relations interpersonnelles, la réflexion et la prise de décision[21]. Ces activités s’inscrivent au coeur du processus de médiation où les parties sont appelées à utiliser leur intelligence émotionnelle[22] lorsqu’il y a communication avec l’autre partie. S’il est vrai que les humains sont avant tout des êtres d’émotions et que celles-ci font partie intégrante de leur personnalité, de leurs choix et de leurs actions[23], savoir les percevoir, les comprendre et les réguler s’avère essentiel dans les relations interpersonnelles, bien plus que le quotient intellectuel[24]. L’intelligence émotionnelle sert précisément à cette fin, en tant qu’aptitude :
-
à percevoir et à exprimer des émotions ;
-
à faciliter la production d’idées ou d’actions à partir d’une émotion ;
-
à comprendre des émotions ;
-
à les gérer ou à les contrôler[25].
Découverte récente, ce n’est qu’au début des années 80 que la théorie des intelligences multiples (linguistique, logique, musicale, kinesthésique, spatiale, etc.) a vu le jour[26].
1.2 La place des émotions en médiation
Les émotions ont besoin d’être exprimées afin, d’une part, de les verbaliser et, d’autre part, de s’assurer que l’interlocuteur les entende. Ce qui est vrai dans un sens de la communication l’est également dans l’autre. On exprime les émotions non seulement pour être entendu, mais aussi pour entendre soi-même celles de l’autre. On dit que, lorsque les émotions sont trop intenses, les mots ne sont plus entendus. Les recherches confirment que les émotions intenses inhibent la faculté du cerveau à avoir accès à l’information du néocortex[27]. À titre d’exemple, la colère génère un effet de fermeture par rapport au point de vue de l’autre et fait obstacle à une vision claire de la situation. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de voir dans les émotions négatives de l’autre partie un obstacle sérieux à toute négociation[28]. Les émotions peuvent, en effet, favoriser le processus de règlement en procurant un meilleur éclairage à la nature du conflit, autant qu’elles peuvent le freiner en empêchant le dialogue entre les parties[29]. Les maîtres de la négociation raisonnée, Ury, Fisher et Patton, prétendent que les émotions dans une négociation ont une importance supérieure au contenu des discussions, particulièrement dans les conflits acrimonieux[30]. Un climat tendu mènera plus vraisemblablement à des stratégies adversatives et à un blocage de la coopération[31]. Les parties consacreront davantage d’énergie à se battre qu’à coopérer à la recherche d’une solution. L’inverse est vrai : les recherches montrent que les émotions positives accroissent les chances d’atteindre un climat d’échanges amiables et une entente satisfaisante[32]. Ce n’est qu’au prix de l’expression et de l’écoute des émotions qu’un climat d’apaisement et de négociation peut s’installer[33]. Tanya Sénécal résume ce passage processuel de manière poétique : « Exprimer ses émotions, c’est comme d’enlever les nuages noirs devant le soleil pour laisser pousser les fleurs[34]. » Pour sa part, le réputé psychologue et père de l’écoute active, Carl Rogers, accorde une vertu transformative à l’écoute :
Quand j’ai été écouté et entendu, je deviens capable de percevoir d’un oeil nouveau mon monde intérieur et d’aller de l’avant. Il est étonnant de constater que des sentiments qui étaient parfaitement effrayants deviennent supportables dès que quelqu’un nous écoute. Il est stupéfiant de voir que des problèmes qui paraissent impossibles à résoudre deviennent solubles lorsque quelqu’un nous entend[35].
L’écoute active implique d’apprendre à chercher à comprendre avant d’être compris. Le verbe entendre signifie non seulement « écouter », mais aussi « comprendre » (dans le sens de : « j’entends ce que vous dites[36] »). L’écoutant doit écouter d’abord, en toute ouverture. Écouter pour comprendre, non pour répondre ou répliquer, ce que l’avocat a la vilaine habitude de faire. Parler ensuite. C’est là un apprentissage, car cette compétence n’est pas innée.
Les émotions et les sentiments conditionnent également les perceptions, y compris la mémoire. En médiation, on dit que tout est affaire de perceptions : la vérité n’existe pas ; seules les versions des parties importent. À raison, Ury, Fischer et Patton affirment que « le conflit ne repose pas sur une réalité objective : il est dans la tête des gens[37] ». Or, les émotions filtrent les perceptions[38], travestissent la réalité, lui confèrent une interprétation subjective et lui donnent une couleur qu’elle n’a pas nécessairement. La colère peut porter à croire erronément qu’une personne a dit ou a fait telle chose. Cette distorsion de la communication entre les personnes est à l’origine de bon nombre de conflits. À leur tour, les émotions sont fortement imprégnées des origines culturelles et sociales[39]. Par exemple, les personnes issues de certaines cultures sont enclines à masquer leur anxiété par le rire[40]. Plus encore, selon les cultures, les réponses émotionnelles peuvent varier en intensité et en durée[41], être encouragées ou être réprimées.
L’expression des émotions revêt une grande importance à l’occasion d’une médiation, car elle permet souvent de déterminer le réel conflit et d’en faire ressortir les véritables raisons. Pour qu’émergent les sources d’un conflit, il est impératif de s’intéresser aux émotions et aux intérêts de chaque partie. Ce qui, en apparence, ressemble à un conflit de définition de tâches d’un emploi peut cacher une relation conflictuelle d’un tout autre ordre, dont les racines se trouvent dans une relation amoureuse frustrée ou non dévoilée, par exemple. Les émotions cachent souvent les véritables enjeux du conflit, en en constituant à la fois la cause et le résultat[42]. Il est possible de percevoir le conflit à l’aide de la métaphore de l’iceberg, la partie hors de l’eau représentant la composante juridique, la portion immergée constituant le siège des émotions, des sentiments et de tous les autres aspects du conflit : psychologiques, relationnels, moraux, économiques, sociaux, etc. Ce qui se trouve en dessous du niveau de la mer, là où se cachent les causes profondes du conflit, se veut beaucoup plus imposant et important. C’est pourquoi il convient d’y accorder toute l’attention nécessaire.
Malgré ce besoin évident d’expression, le processus judiciaire est connu pour éclipser les émotions du débat, lequel est restreint aux enjeux factuels et juridiques du conflit. Même le Code de procédure civile du Québec, dans sa nouvelle mouture de 2016, ne fait nullement mention des émotions dans sa description du rôle du médiateur. Le second alinéa de l’article 605 y présente le rôle du médiateur en indiquant qu’il « aide les parties à dialoguer, à clarifier leurs points de vue, à cerner leur différend, à identifier leurs besoins et leurs intérêts, à explorer des solutions et à parvenir, s’il y a lieu, à une entente mutuellement satisfaisante ». Il est frappant de constater, dans cette présentation, le caractère intellectuel ou matériel des sujets abordés par le médiateur. Ce parti pris du législateur se trouve également dans l’emploi du terme « différend » dans les premiers articles du Code, avec sa connotation juridique limitative. On dénature la médiation et on décontextualise le conflit, comme si les émotions ne s’en trouvaient pas fréquemment à la base, comme si celui-ci était uniquement d’ordre rationnel et procédait entre des parties obéissant elles-mêmes exclusivement à leur rationalité.
Contrairement à une croyance répandue, la présence d’émotions ne se limite pas aux conflits familiaux, successoraux ou de voisinage. Les domaines des affaires, de la responsabilité civile et du travail comportent leur large part d’expression de sentiments ou d’émotions qui prennent la forme de la colère, de la trahison, de la jalousie, de la frustration, de la rancune, de l’envie, d’un sentiment d’injustice ou autre : ces réactions sont accompagnées parfois d’agressivité ou même de violence. Tout conflit sous-entend des personnes porteuses de blessures, elles-mêmes chargées d’émotions négatives. La présence des émotions est reconnue dans tous les secteurs du droit[43]. La colère semble être l’émotion la plus courante dans les conflits interpersonnels[44].
2 Le médiateur, le processus de médiation et les émotions
Chaque conflit soumis à une médiation comporte deux niveaux : l’objet du différend et la relation entre les parties[45]. Pour que le processus soit efficace, le médiateur doit intervenir de plein front sur ces deux plans. Le règlement des conflits passe invariablement par les étapes de la mise en évidence du problème, le choix du processus, l’exploration de solutions et la prise de décision. Cette séquence s’applique autant à la substance du conflit qu’à la relation entre les opposants[46], et c’est à la fois dans les deux que les émotions trouvent leur siège.
Placé devant les dimensions juridique, psychologique et éthique du conflit, un bon médiateur est forcément appelé à prendre en considération les valeurs, les intérêts, les besoins et les émotions des parties devant lui, ce que Suzanne Courteau se plaît à appeler les vibes[47]. Ce sont des objets d’intervention incontournables d’un bon processus de médiation[48]. L’expression des émotions est intimement liée aux valeurs et aux besoins de la personne. Elle révèle ses besoins profonds et fait partie intégrante du problème à résoudre. Il n’est pas possible de séparer le problème à régler des personnes[49]. Celles-ci sont conditionnées par leurs propres émotions qui sont toujours présentes dans n’importe quel conflit.
2.1 Les stratégies d’écoute active à utiliser
Devant cette réalité, tout médiateur se doit d’encourager l’expression constructive des émotions[50]. Il lui faut inviter les parties à aborder tous les aspects du conflit qui les oppose, tant financiers, juridiques, pratiques ou relationnels qu’émotifs[51]. Certaines techniques peuvent contribuer à aider les parties à exprimer leurs émotions, parfois à les contrôler lorsque ces dernières sont trop fortes. Ainsi, le reflet, consistant à verbaliser les sentiments perçus en d’autres mots (« Vous vous sentez isolé »), la reformulation (« Vous me dites qu’il n’y a plus d’espoir pour vous ») ou le recadrage, permettant d’amener la personne à considérer sa situation sous un autre angle (« Il est important pour vous de sentir qu’on vous respecte »), procèdent dans ce sens. On peut différencier le reflet de la reformulation en ce que celle-ci consiste à rendre dans ses propres mots les idées principales exprimées par l’interlocuteur pour démontrer que l’écoutant a bien entendu ce qui a été dit. Le reflet consiste plutôt à faire savoir que l’écoutant comprend ce que la personne ressent. Cette technique permet de nommer une émotion, un sentiment. La reformulation est objective, tandis que le reflet se veut subjectif. Le fait de « nommer » l’émotion en cause peut contribuer à une certaine forme de soulagement, en atténuant la réponse émotionnelle négative[52]. Ces techniques, d’application simple, permettent au médiateur d’éviter de mal interpréter les émotions perçues en vérifiant leur exactitude auprès des parties[53]. Elles exigent néanmoins un solide sens de l’observation et une intelligence émotionnelle combinée à un vocabulaire approprié.
Le questionnement sert aussi à permettre aux parties d’extérioriser ce qu’elles ressentent. Les questions peuvent servir à prendre en considération des émotions souvent dissimulées et des besoins à peine perceptibles. À cette fin, des adresses directes peuvent être formulées : « Comment cela vous affecte-t-il émotionnellement ? », « Quel sentiment cela vous inspire-t-il ? », « Comment vous sentez-vous en ce moment ? » ou encore « Savez-vous pourquoi vous vous sentez de cette manière ? », « Un évènement spécifique est-il survenu pour vous faire sentir comme cela ? » Il est toutefois possible que des questions ouvertes ne suffisent pas à faire émerger l’information recherchée. Le médiateur doit alors avoir la capacité de l’obtenir autrement, dans un caucus par exemple, par l’écriture ou en utilisant des images.
Ces stratégies permettent également au médiateur de manifester de l’empathie à l’égard de la personne émotive. Rappelons que l’empathie est le fait de se mettre à la place de l’autre pour tenter de comprendre son émotion, ce qui relève d’un acte intellectuel. Le médiateur est tenu d’éviter de tomber dans la sympathie, qui consiste à vivre, à partager l’émotion avec l’autre, ce qui correspond alors à un geste émotif. Là se trouve la limite à ne pas franchir. Réceptif aux émotions des parties en sa présence, le médiateur a l’obligation de contrôler les siennes et de s’abstenir de faire preuve de parti pris, d’une attitude favorable ou d’un préjugé à l’endroit de l’une d’elles, et ce, afin de conserver sa neutralité. Il doit recevoir les émotions exprimées et s’employer à rester concentré sur la tâche à accomplir[54]. Témoigner de l’empathie en se mettant à la place de l’autre, tout en demeurant neutre, relève toutefois d’une tâche délicate et difficile, particulièrement dans les conflits conjugaux lorsque les émotions sont intenses[55].
Aux fins de la négociation raisonnée qui prend place à l’intérieur du processus de médiation, le médiateur doit savoir reconnaître les émotions qu’il perçoit pour ensuite les traduire en besoins et en intérêts[56]. En effet, chaque émotion correspond à un besoin ; la peur, par exemple, signifie un besoin de sécurité, d’être rassuré[57]. La médiation n’étant possible que par l’acceptation de la différence[58], elle passe nécessairement par la reconnaissance des besoins de l’autre[59]. À l’étape de la création d’options, cette traduction sous forme de besoins permettra au médiateur d’inviter les parties à imaginer des pistes de solution allant dans le sens de leurs besoins communs.
2.2 Les effets sur les parties et sur le processus
La recherche, du moins en matière de médiation familiale, démontre que le fait d’aborder les émotions avec les parties, de les reconnaître sans jugement et de discuter des enjeux liés à la relation émotionnelle peut amener les personnes visées à se libérer d’une interaction accusatoire et à se montrer davantage coopératives au moment de la négociation[60], en raison d’une compréhension plus profonde de ces enjeux, du point de vue de l’autre et du rétablissement, partiel ou total, d’une relation de confiance. Pour éviter une dynamique émotionnelle négative et plutôt installer un climat collaboratif, le médiateur doit en arriver à reformuler le conflit dans un langage neutre, éloigné du climat négatif d’accusations et de récriminations, rediriger les émotions vers la tâche à accomplir et inviter les parties à se concentrer sur une approche coopérative et positive[61] destinée à trouver des solutions mutuellement satisfaisantes aux enjeux qui les opposent. Il pourrait même demander aux parties de s’efforcer d’employer un langage positif[62]. Ainsi, après avoir permis aux parties d’exprimer leur ressenti à la suite de la rupture de la relation, et surtout après avoir compris lui-même les émotions en cause et les avoir reconnues, le médiateur pourrait d’abord suggérer aux parties, à l’aide de métaphores[63] ou de formes géométriques dessinées sur papier, que la fin d’une relation conjugale peut être perçue différemment d’un échec en soi, que les deux partenaires peuvent voir la nouvelle situation se présentant à leurs yeux comme un village qui se recrée[64] ou une entreprise qui se restructure. Ensuite, il aurait intérêt à leur proposer de se concentrer sur ce dont chacune des parties aurait besoin dans un proche avenir en vue de poursuivre la relation dans ce nouveau cadre sur une base harmonieuse pour le bien-être des enfants désiré par les deux parents. Une autre composante de l’intelligence émotionnelle, la capacité à gérer les émotions, peut permettre au médiateur de faire en sorte que les parties se concentrent sur les intérêts prioritaires communs et sur les objectifs à atteindre[65] en vue d’une résolution de leur conflit.
Dans l’hypothèse où le fait pour l’une des parties de relater un évènement douloureux ou traumatique l’amène à revivre des émotions intenses, l’empêchant de la sorte de prendre des décisions rationnelles, il convient de lui accorder une pause suffisante avant de passer à l’étape de la recherche de solutions[66]. Une bonne compréhension et une gestion efficace des émotions des parties par le médiateur constituent des facteurs de réussite vers la conclusion d’un règlement[67]. Comme le note des médiatrices, « [e]motion is fundamental to how things work out… the role of emotion is just so influential as to how mediation proceeds and whether you get an outcome or not[68]. »
La négociation raisonnée, fondée sur les intérêts des parties, a donné lieu à la médiation facilitante qui fait appel à la raison, au rationnel. L’expression des émotions et des sentiments s’avère, ainsi que nous l’avons énoncé, indispensable à la réussite du processus. Cependant, une fois cette expression terminée, il faut que la raison domine, sinon les parties risquent d’en arriver à un cul-de-sac, comme le formule si bien Georges A. Legault :
Il est essentiel ici d’aider les personnes à exprimer leurs émotions, à reconnaître la charge de cette émotion dans le conflit et enfin [de] les aider à réaliser qu’elles ne peuvent pas penser régler leur problème commun à partir de ces seules émotions. C’est par l’explicitation des émotions et de leurs limites face à la possibilité de trouver une solution commune qu’il est possible d’inscrire une approche plus rationnelle et de consolider la volonté de coopérer[69].
Il est totalement faux de croire que les parties, désirant une solution au conflit qui les oppose, vont nécessairement se montrer coopératives et raisonnables parce qu’il y va de leur intérêt d’agir de la sorte. Les opposants ne sont pas aussi rationnels que l’on serait porté à croire, précisément parce que les émotions agissent sur leur comportement[70]. Celles-ci placent les parties dans une dynamique de confrontation et même de confusion et les éloignent d’une solution rationnelle. Grâce à son approche dialogique et d’intercompréhension, la médiation se réalisera si le médiateur parvient à les inviter à dépasser leur charge émotive, une fois exprimée, pour également apprivoiser le terrain de leurs besoins mutuels et celui de la raison.
2.3 Le rôle complexe du médiateur
Parmi les rôles qui lui sont attribués, le médiateur doit orienter les parties vers le présent et l’avenir, les faire décrocher du passé sur lequel elles se concentrent parfois beaucoup trop. Les émotions prennent leur source dans le passé, alors que les solutions s’écrivent pour l’avenir. C’est uniquement lorsque les parties acceptent de tourner la page sur le passé qu’une entente peut intervenir. Cela se produit après un exposé suffisant des sources du conflit et de leurs conséquences, suivi d’un travail de changement de perceptions dans le but de voir aussi la situation du point de vue de l’autre. Voir et entendre les émotions de l’autre personne et l’effet que le conflit a sur elle constitue une étape fondamentale dans le processus de médiation et son issue. Selon le professeur japonais Ichiro Kitamura, « c’est en faisant partager la douleur de l’autre qu’elle apaise les rancoeurs[71] ». Après ce travail, un bon médiateur s’efforcera d’inviter les parties à quitter l’époque de la naissance du conflit pour se concentrer sur sa fin, afin qu’elles puissent y mettre un terme et se libérer de ce boulet attaché à leurs pieds. Que voudraient les parties pour l’avenir, afin de sortir du cercle du conflit ? À ce stade du processus, les émotions négatives peuvent se transformer et être contrôlées grâce à une approche « ici et maintenant » et au contact des besoins présents et futurs[72].
S’il est vrai que les parties sont appelées à faire preuve d’intelligence émotionnelle durant le processus de médiation, celle-ci doit tout autant être partie intégrante du rôle et des compétences du médiateur. Le niveau de confort devant l’expression des émotions peut en effet varier d’un médiateur à l’autre[73], comme chez tout être humain. Un bon médiateur est tenu aussi d’apprendre à contrôler les siennes, car les parties et leurs avocats perçoivent à leur tour les émotions du médiateur et pourraient conclure à son absence de neutralité[74]. Or, la neutralité de son rôle s’avère capitale dans la réussite de la médiation. Ses propres émotions et réactions par rapport à celles qui sont exprimées par les parties peuvent en effet transmettre des sentiments de confiance, de sympathie, de méfiance ou encore de défense à son endroit, ce qui stimulera éventuellement chez lui des réponses émotionnelles différentes selon les personnes, qui influenceront possiblement ses stratégies d’intervention, son jugement et sa gestion du processus[75]. Une partie ayant vécu une trahison, une grande détresse ou de la manipulation de la part d’un être narcissique semblera peut-être davantage sympathique aux yeux du médiateur que la partie adverse. Il importe de ne pas envoyer de signaux laissant possiblement croire qu’il prend partie pour l’un ou pour l’autre, ce qui pourrait compromettre le processus. Conseiller au médiateur de garder une distance émotionnelle se révèle plus facile à dire qu’à faire[76], ce qui rappelle le rôle complexe et difficile que celui-ci doit jouer.
Ces compétences exigées du médiateur ne sont pas innées. De toute évidence, le besoin de formation professionnelle et de pratique encadrée sur les manières d’aborder les émotions se révèle incontournable. Les ordres professionnels et les associations de médiateurs devraient s’en préoccuper davantage. Pour être efficace, cette formation devrait avoir lieu dès les premières années d’études de droit.
3 Le besoin de formation des futurs juristes
Les juristes du 21e siècle méritent une formation en phase avec les compétences exigées du médiateur. Cette formation renouvelée contribuera avantageusement à une redéfinition tant espérée du rôle de l’avocat.
3.1 Une formation à repenser
Force est de constater que les programmes de formation de premier cycle en droit sont axés principalement sur l’acquisition de connaissances et portent peu sur le développement de compétences, à l’exception des compétences intellectuelles. En outre, le droit y est abordé comme un savoir dans des perspectives positiviste, cognitive, cartésienne et technique, et non dans celle d’une relation d’aide avec le client. Les étudiants eux-mêmes se trouvent déroutés lorsqu’il leur est proposé, dans les cours de modes alternatifs de règlement des conflits par exemple, de composer avec les émotions exprimées par les parties. Ce sont des compétences qu’ils n’ont pas appris à développer durant leur formation juridique. Voici ce qu’énonce à ce sujet une médiatrice et formatrice d’expérience : « Comme avocat, nous ne recevons pas de formation en psychologie et c’est bien dommage, car, surtout en début de carrière, nous ne sommes pas bien outillés pour comprendre nos clients et communiquer avec eux[77]. » Il en va pareillement avec la formation en communication. La professeure Michelle Thériault abonde dans le même sens : « les dimensions humaines tels l’écoute, l’empathie, l’art de communiquer et de résoudre des conflits, l’art de négocier, le sens de la coopération et de la collaboration demeurent dans l’ombre[78] ». Ces compétences sont pourtant enseignées dans d’autres champs disciplinaires que le droit, où une interaction humaine ou une relation d’aide est en cause.
Depuis longtemps, selon l’approche d’enseignement classique, dans les cas pratiques soumis aux futurs juristes, on a omis de présenter que la partie fictive Unetelle et la partie fictive Lambda, son adversaire, ressentent des émotions qui les ont menées au conflit qui les oppose et qui génèrent une incidence directe sur sa résolution. Les scénarios sont généralement formulés de manière désincarnée, décontextualisée, sans prise en considération des sentiments des personnes, de leurs besoins véritables et de leur capacité financière ou de leur volonté de saisir l’appareil judiciaire pour régler leur différend. Pourtant, les gens vivent toujours des émotions ; on ne peut ignorer cette réalité. Les juristes ont souvent tendance à voir les émotions comme des éléments perturbateurs qu’il faut freiner, contenir. Elles sont fréquemment perçues tels des signes de sensiblerie, de faiblesse, de vulnérabilité, de manque de maîtrise de soi et d’impulsivité[79]. Or, on ne peut contenir une vague. Il convient plutôt de l’accueillir et de la laisser se déposer. Elle va naturellement redescendre par elle-même si elle a été acceptée. Celle-ci ne devrait jamais être traitée comme l’éléphant dans la pièce que l’on ne veut pas voir.
Aux prises avec cette nouvelle dimension, et forts de leurs enseignements selon lesquels seuls les faits et la logique juridique revêtent une importance, les étudiants se sentent démunis : ils ne savent pas comment faire face aux émotions, sinon pour tenter de refréner les débordements. En tant qu’enseignant des modes alternatifs de règlement des conflits, et à la lumière de leurs commentaires, nous avons pu constater que c’était la chose la plus difficile qui leur était demandée. Il n’y a là rien d’étonnant : les médiateurs praticiens avouent éprouver les mêmes difficultés[80]. L’ouverture et la sensibilité aux émotions leur font défaut, contrairement à l’expertise cognitive et rationnelle trop souvent privilégiée. Paradoxalement, à la fin de ses études, l’étudiant devenu avocat se trouvera naturellement exposé à de réels clients, des êtres complexes en proie à des émotions et à un conflit qui souvent les dévore. C’est comme si les responsables de l’éducation des futurs juristes avaient oublié depuis longtemps ou ne comprenaient pas que les avocats travaillent avec des personnes, et non seulement avec le droit dépersonnalisé[81]. Or, l’avocat passe davantage de temps avec des personnes (clients, témoins, avocats de la partie adverse, personnel judiciaire, etc.) qu’à la cour d’appel[82]. Nous remarquons en cette matière un décalage inquiétant entre la formation offerte et les besoins de la pratique.
Comment combler cette lacune ? Faut-il parallèlement faire des études de psychologie en complément des études de droit ? Pas nécessairement. Il importe toutefois que le juriste acquière une sensibilité à cette approche, souvent inconnue pour lui, et qu’il développe son intelligence émotionnelle. Une recherche menée auprès de « vedettes du droit » a démontré que cette compétence se révèle aussi importante que le quotient intellectuel et contribue à expliquer le succès des candidats sondés[83]. Souvent innée ou acquise en bas âge, l’intelligence émotionnelle est une compétence qui, si elle ne peut s’apprendre comme telle, peut se développer au même titre que toute autre forme d’intelligence[84]. Des cours sont donnés sur la question, notamment dans les universités, dans d’autres champs disciplinaires. La Faculté de droit de l’Université Harvard et l’Australie en ont intégré dans leurs programmes[85]. Les méthodes féministes d’enseignement du droit participent de cette approche en reconnaissant la validité des émotions[86], méthodes d’autant plus pertinentes dans le contexte actuel d’une population étudiante à forte majorité féminine. Certes, la pratique consciente et l’apprentissage expérientiel combinés à une démarche réflexive demeurent les meilleures façons d’y parvenir. Elles favorisent une intégration profonde des compétences sur un plan fonctionnel, de manière à dépasser le stade intellectuel et à devenir un savoir-être.
Donc, en termes de formation, par où commencer ? De nature transversale[87], les compétences émotionnelles ne s’enseignent pas commodément dans un cours spécifique. Enseigner n’est pas seulement transférer des connaissances, mais aussi contribuer au développement d’une personnalité[88]. Un programme de formation en compétences communicationnelles et émotionnelles doit être impérativement intégré aux études de droit[89]. De prime abord, l’étudiant débutera par l’apprentissage de l’écoute active : apprendre à écouter, sans jugement, pour comprendre et non pour répondre. L’approche à privilégier serait donc celle d’une formation continue et traversant l’ensemble des cours et des activités pratiques auxquelles les étudiants pourraient participer dynamiquement, et ainsi, appliquer et tester les nouvelles stratégies, avec des retours sur les exercices par les enseignants et un autoexamen réflexif. Les simulations et les jeux de rôles conviennent très bien à ce type d’apprentissage expérientiel. Ces nouveaux apprentissages pourraient d’abord se dérouler à l’intérieur d’un cours obligatoire sur la communication et les bases de la justice participative. Au Québec, seul le programme de baccalauréat de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke comporte, depuis 2019, un cours obligatoire de deux crédits, en première année sur les modes privés de prévention et de règlement des différends, mais ce cours ne prévoit pas la dynamique communicationnelle et émotionnelle. À l’École du Barreau, dans sa formule actuelle, malgré un atelier à option d’une durée de six heures sur la justice participative, ces compétences ne sont pas abordées non plus.
Une question fondamentale demeure : les professeurs de droit et les chargés de cours sont-ils outillés pour enseigner le développement de ces compétences aux étudiants ? Poser la question, c’est y répondre. Ne devrait-on pas commencer par former les formateurs ?
3.2 Une redéfinition du rôle de l’avocat
Le nouveau rôle de l’avocat qui accompagne son client à une séance de médiation, à l’image du modèle de ce processus, doit être dirigé en fonction des enjeux du conflit. L’avocat doit d’abord être en mesure de déterminer les intérêts et les besoins réels de son client, pour ensuite travailler de concert avec lui à chercher des solutions, allant dans le sens de ces intérêts et de ceux de l’autre partie, sans se limiter à celles qui sont offertes par le droit : la présentation d’excuses, l’offre d’un nouvel emploi ou de nouvelles fonctions, la renégociation du contrat, etc. Au chapitre des émotions, il ne doit pas sous-estimer leur place dans le processus de médiation et la résolution du conflit, mais plutôt les aborder franchement. En revanche, il lui faut collaborer avec le médiateur afin que son client ne verse pas dans un débordement émotif qui aurait comme effet malheureux de faire obstacle à la négociation collaborative et à un possible dénouement du conflit.
Tout cela appelle rien de moins qu’une redéfinition professionnelle de l’avocat. Julie Macfarlane en parle en employant les termes « nouvel avocat » (new lawyer[90]). L’avocat perçu par la population comme un guerrier est invité à laisser son armure au vestiaire pour adopter une stature de spécialiste de la résolution amiable des conflits. Dans une perspective non adversative, il est appelé à se familiariser avec l’approche de la communication non violente développée par Marshall Rosenberg[91]. Son rôle redéfini de la sorte, « il sera peut-être possible de récupérer la noblesse pragmatique de la profession juridique[92] » qui, aux yeux de certains, est en train de perdre non seulement sa crédibilité, mais également son sens et son âme[93].
Cependant, l’avocat ne doit pas être le seul au centre des préoccupations de formation. Les médiateurs aussi gagnent à être formés adéquatement. Il importe que la formation qu’ils reçoivent avant de pratiquer la médiation aborde de plein front la question des émotions, notamment l’importance qu’elles occupent dans ce processus de règlement des conflits. L’intelligence émotionnelle fait partie intégrante des compétences du médiateur[94].
Conclusion
« Un conflit est toujours émotif », affirme un spécialiste de la résolution des conflits[95]. Il n’y a rien de plus vrai. Qu’elle s’inscrive dans un contexte conjugal, familial, successoral, de voisinage ou d’affaires, une relation conflictuelle comporte inévitablement une part d’émotions variables en intensité. Le cerveau humain se compose de deux hémisphères : le gauche, centre de la rationalité, et le droit, lieu de la créativité et des émotions. Chacune de nos interactions implique, bien que ce soit de manière non simultanée, les deux parties cérébrales. Une personne n’est pas qu’un être de raison. Les émotions sont une expérience humaine universelle[96].
Il convient de reconnaître le lien intime entre le domaine du droit, tel qu’il est pratiqué en médiation, et les émotions. Généralement écartées du processus judiciaire, elles trouvent tout leur espace et leur sens dans la médiation. Le médiateur ne doit pas se contenter de gérer le processus : il lui faut aussi faire preuve d’intelligence émotionnelle à l’égard de ce que ressentent et expriment les parties au conflit. Il en va de même des avocats qui accompagnent leurs clients. L’étudiant en droit a également à apprendre à développer sa sensibilité à ce que vivent des personnes en conflit. Cependant, cet apprentissage ne se limite pas au domaine de la médiation : tout juriste de nos jours doit être sensibilisé de manière plus large à la nouvelle culture juridique du règlement des conflits, laquelle implique la dimension de l’affect. Michelle Boivin écrivait que « [c]ette prise de conscience de la trame affective […] peut nous aider à apprendre et à enseigner[97] ». Nous espérons que, dans un avenir rapproché, les émotions feront leur entrée dans les facultés de droit et dans la formation des futurs juristes. Le temps presse, car elles accusent déjà un retard impardonnable.
Puissent ces quelques pages ouvrir une nouvelle porte sur une dimension cruciale du travail de l’avocat et du médiateur et entamer un dialogue avec les personnes responsables de leur formation. Cette pierre posée ne signifie toutefois pas que la réflexion est achevée. Il aurait été intéressant d’analyser la manière dont les différents modèles de médiation (facilitative, évaluative, transformative, réparatrice, etc.) appellent des approches distinctes de prise en considération des émotions. De surcroît, l’expression des émotions variant d’une culture à l’autre, l’intelligence émotionnelle devrait être doublée du développement de l’intelligence culturelle pour apprendre à les décoder avec justesse. Un autre article pourrait aborder la délicate question de la gestion des émotions, particulièrement celles des personnalités problématiques (ou difficiles). Il y a tant à dire et à écrire sur ce sujet passionnant. Nous laissons le soin à d’autres de s’y intéresser.
Appendices
Notes
-
[1]
Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01, art. 1, al. 3.
-
[2]
Code de déontologie des avocats, RLRQ, c. B-1, r. 3.1, art. 42.
-
[3]
Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2, art. 3 : « en matière de règlement des conflits, favoriser toute mesure susceptible d’encourager les règlements amiables et ainsi informer le public des mécanismes offerts ».
-
[4]
À son époque, Platon avait déjà noté le rôle important des émotions dans un conflit : Courtney Chicvak, « Concretizing the Mediator’s Je Ne Sais Quoi : Emotional Intelligence and the Effective Mediator », American Journal of Mediation, vol. 7, 2013-2014, p. 1, à la page 3.
-
[5]
Voir, à titre d’exemple, Danielle Lambert et Linda Bérubé, La médiation familiale : étape par étape, 3e éd., Montréal, LexisNexis Canada, 2016 (où le traitement relatif aux émotions demeure minimal). Voir aussi, de manière générale, sur la place des émotions dans l’enseignement du droit : Michelle Boivin, « L’apport potentiel des émotions à l’enseignement du droit ou Du cerveau pris isolément à la personne intégrale, intégrée et intègre », (2001) 13 Canadian Journal of Women and the Law 225.
-
[6]
Un auteur a dénombré 22 émotions différentes : Jaap van Brakel, « Emotions : A Cross-Cultural Perspective on Forms of Life », dans William M. Wentworth et John Ryan (dir.), Social Perspectives on Emotion, t. 2, Greenwich, JAI Press, 1994, p. 179.
-
[7]
Le Petit Larousse illustré, Paris, Larousse, 2017, s.v. « Sentiment ».
-
[8]
Josette Rey-Debove et Alain Rey (dir.), Le Petit Robert de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2017, s.v. « Sentiment » : « Jugement, opinion qui se fonde sur une appréciation subjective (et non sur un raisonnement logique) ».
-
[9]
Parcours du loup blanc, « Entre émotions et sentiments, y a-t-il une différence ? », [En ligne], [www.parcoursduloupblanc.com/entre-emotions-et-sentiments-y-a-t-il-une-difference/] (23 juin 2020).
-
[10]
Le Petit Larousse illustré, préc., note 7, s.v. « Émotion ».
-
[11]
Daniel Goleman, L’intelligence émotionnelle. Comment transformer ses émotions en intelligence, Paris, Robert Laffont, 1997, p. 357.
-
[12]
Nico H. Frijda, The Emotions, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, p. 71.
-
[13]
Benedict de Spinoza, Ethics, Londres, Penguin, 1996.
-
[14]
Paul Eckman, Emotions Revealed. Recognizing Faces and Feelings to Improve Communication and Emotional Life, New York, Times Books, 2003.
-
[15]
Voir notamment Marshall B. Rosenberg, Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs). Introduction à la communication non violente, 3e éd., Saint-Julien-en-Genevois, Éditions Jouvence, 2016, p. 69 et suiv.
-
[16]
Antonio Damasio, « Spinoza avait raison, Chapitre 2 : Des appétits et des émotions », Geopsy : Psychologie interculturelle et psychothérapie, [En ligne], [www.geopsy.com/fiches_lecture/spinoza_avait_raison_damasio.pdf] (26 juin 2020).
-
[17]
Georges A. Legault, « Les émotions, les valeurs et la médiation », Revue de prévention et de règlement des différends, vol. 2, no 4, 2004, p. 15, à la page 17.
-
[18]
Filippo Aureli et Colleen M. Schaffner, « Relationship Assessment through Emotional Mediation », Behaviour, vol. 139, 2002, p. 393, fig. 1, à la page 400.
-
[19]
Alan Vonlanthen, « 7 % de la communication est verbale, 38 % vocale, 55 % visuelle, info ou intox ? », Podcast Science, [En ligne], [www.podcastscience.fm/dossiers/2012/12/12/7-de-la-communication-est-verbale-38-vocale-55-visuelle-info-ou-intox/] (28 juin 2020).
-
[20]
Peter Salovey, John D. Mayer et David R. Caruso, « The Positive Psychology of Emotional Intelligence », dans Peter Salovey, Marc A. Brackett et John D. Mayer (dir.), Emotional Intelligence. Key Readings on the Mayer and Salovey Model, New York, Dude Publishing, 2004, p. 61.
-
[21]
Claire Beaumont, « Enseigner des compétences sociales et émotionnelles », La Presse, 29 octobre 2019, [En ligne], [www.lapresse.ca/debats/opinions/2019-10-29/enseigner-des-competences-sociales-et-emotionnelles] (2 juillet 2020).
-
[22]
Voir les travaux et le modèle proposé par John D. Mayer et Peter Salovey, « What Is Emotional Intelligence ? », dans P. Salovey, M.A. Brackett et J.D. Mayer (dir.), préc., note 20, p. 29.
-
[23]
Max Pagès, Trace ou sens. Le système émotionnel, Paris, Hommes et Groupes, 1992, p. 153 ; Judith Desmarais, « Chronique – Les émotions en médiation », Repères, Août 2001, EYB2001REP84, p. 1 (La référence).
-
[24]
Denis Morin et autres, « Pour réussir dans la vie professionnelle, a-t-on besoin d’un bon quotient intellectuel (QI) ou d’un bon quotient émotionnel (QÉ) ? », Revue québécoise de psychologie, vol. 33, no 1, 2012, p. 47.
-
[25]
J.D. Mayer et P. Salovey, préc., note 22, à la page 29. Voir aussi Peter Reilly, « Mindfulness, Emotions, and Mental Models : Theory that Leads to more Effective Dispute Resolution », (2010) 10 Nev. L.J. 433, 436-438.
-
[26]
Voir la thèse de doctorat du pionnier de cette théorie : Howard Gardner, Frames of Mind : The Theory of Multiple Intelligences, 3e éd., New York, Basic Books, 2011.
-
[27]
Tricia S. Jones et Andrea Bodtker, « Mediating with Heart in Mind : Addressing Emotion in Mediation Practice », Negotiation Journal, vol. 17, 2001, p. 217, à la page 228.
-
[28]
Jean-François Roberge et Véronique Fraser, « La négociation », dans Pierre-Claude Lafond (dir.), Régler autrement les différends, 2e éd., Montréal, LexisNexis Canada, 2018, p. 61, aux pages 83 et 84.
-
[29]
G.A. Legault, préc., note 17, à la page 16 ; Daniel L. Shapiro, « Negotiating Emotions », Conflict Resolution Quarterly, vol. 20, no 1, 2002, p. 67, à la page 68.
-
[30]
William Ury, Roger Fisher et Bruce Patton, Comment réussir une négociation, Paris, Seuil, 2006, p. 57.
-
[31]
Emily Fusting, « Making the Brain a Friend not Foe : What Interventionists should Know about Neuroscience », American Journal of Mediation, vol. 6, 2012, p. 41, aux pages 53 et 63.
-
[32]
Clark Freshman, Adele Hayes et Greg Feldman, « Lawyer-Negotiator as Mood Scientist : What We Know and don’t Know about How Mood Relates to Successful Negotiation », Journal of Dispute Resolution, no 1, 2002, art. 4, p. 1, à la page 7 ; D.L. Shapiro, préc., note 29, à la page 69.
-
[33]
W. Ury, R. Fisher et B. Patton, préc., note 30, p. 59 ; Marie-France Chabot, « Les aspects psychologiques de la médiation », dans S.F.P.B.Q., vol. 68, Développements récents en médiation (1995), Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 139, aux pages 152 et 153.
-
[34]
Tanya Sénécal, « Exprimer ses émotions, c’est comme d’enlever les nuages noirs devant le soleil pour laisser pousser les fleurs », 1001 citations, [En ligne], [www.1001-citations.com/citation-16028/#comment-wrap] (3 juillet 2020).
-
[35]
Carl R. Rogers, On Becoming a Person. A Therapist’s View of Psychotherapy, Boston, Houghton Mifflin, 1961, p. 332 et 333 (notre traduction).
-
[36]
Gary Smith, « Unwilling Actors : Why Voluntary Mediation Works, why Mandatory Mediation might not », (1998) 36 Osgoode Hall L.J. 847, 855.
-
[37]
W. Ury, R. Fisher et B. Patton, préc., note 30, p. 47 (notre traduction).
-
[38]
E. Fusting, préc., note 31, à la page 46.
-
[39]
J. Desmarais, préc., note 23, p. 3 ; Klaus Scherer, « Les émotions : fonctions et composantes », dans Bernard Rimé et Klaus Scherer (dir.), Les émotions, Lausanne, Delachaux et Niestlé, 1989, p. 97, à la page 108. Voir les travaux sur l’intelligence culturelle de Jean-François Gaudreault-DesBiens et Diane Labrèche, Le contexte social du droit dans le Québec contemporain. L’intelligence culturelle dans la pratique des juristes, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009 ; Jean-François Gaudreault-DesBiens et Diane Labrèche, « Le contexte social du droit dans le Québec contemporain », dans Collection de droit 2019-2020, École du Barreau du Québec, vol. 1, Éthique, déontologie et pratique professionnelle, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2019, p. 367.
-
[40]
J. Desmarais, préc., note 23, p. 4.
-
[41]
Pour une étude empirique, voir Klaus R. Scherer, Harald G. Wallboot et Angela B. Summerfield (dir.), Experiencing Emotion – A Cross-cultural Study, Cambridge, Cambridge University Press, 1986.
-
[42]
C. Chicvak, préc., note 4, à la page 8.
-
[43]
Archie Zariski, « Senti alteram partem : Rights, Interest, Passions, and Emotions in Judicial Mediation », Journal of Arbitration and Mediation, vol. 4, no 2, 2013, p. 1, à la page 6.
-
[44]
Jessica Katz Jameson, Andrea M. Bodtker et Tricia S. Jones, « Like Talking to a Brick Wall : Implications of Emotion Metaphors for Mediation Practice », Negotiation Journal, vol. 22, no 2, 2006, p. 199, à la page 200.
-
[45]
W. Ury, R. Fisher et B. Patton, préc., note 30, p. 43-45.
-
[46]
John W. Cooley, « The Geometries of Situation and Emotion and the Calculus of Change in Negotiation and Mediation », (1994) 29 Valparaiso U.L. Rev. 1, 20.
-
[47]
L’expression est de Suzanne Courteau et a été reprise par Jean-François Roberge, La justice participative – Changer le milieu juridique par une culture intégrative de règlement des différends, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011, p. 180.
-
[48]
Jean-François Roberge, « Comment diagnostiquer la substance d’un conflit en médiation ? », Revue de prévention et de règlement des différends, vol. 1, no 1, 2003, p. 35, à la page 39.
-
[49]
Roger Fisher et Daniel Shapiro, Beyond Reason. Using Emotions as You Negotiate, New York, Penguin Group, 2006 ; Carrie Menkel-Meadow, « Chronicling the Complexification of Negotiating Theory and Practice », Negotiation Journal, vol. 25, no 4, 2009, p. 415, à la page 416 ; Carrie Menkel-Meadow, « Toward another View of Legal Negotiation : The Structure of Problem Solving », (1984) 31 U.C.L.A. L. Rev. 754, 841.
-
[50]
Maureen Flynn, « Les facettes méconnues de la médiation en 2016 », dans S.F.C.B.Q., vol. 422, Développements récents en matière de cessation d’emploi et d’indemnités de départ (2016), Montréal, Éditions Yvon Blais, p. 75, à la page 87.
-
[51]
Amy L. Lieberman, « The Driving Force of Desires – Reaching Resolution in Mediation », American Journal of Mediation, vol. 3, 2009, p. 1, à la page 10.
-
[52]
Erika Deines, « Emotion Regulation in High Conflict Mediation », p. 4, [En ligne], [www.fairwaydivorce.com/docs/guides/Whitepaper_Emotion-Regulation-in-High-Conflict-Mediation.pdf] (8 juillet 2020).
-
[53]
J. Desmarais, préc., note 23, p. 3.
-
[54]
Deborah Lynn Zutter, « Special Strategies Help Mediators Handle High-conflict Couples », Lawyers Weekly, vol. 27, no 31, 2007, p. 1.
-
[55]
Robert A. DeMayo, « Practical and Ethical Concerns in Divorce Mediation : Attending to Emotional Factors Affecting Mediator Judgment », Mediation Quaterly, vol. 13, no 3, 1996, p. 217, à la page 220.
-
[56]
J. Desmarais, préc., note 23, p. 1 et 3.
-
[57]
Id., p. 2.
-
[58]
G.A. Legault, préc., note 17, à la page 27.
-
[59]
Id., à la page 25.
-
[60]
William A. Donohue, Nancy Burrell et Mike Allen, « Models of Divorce Mediation », Family and Conciliation Courts Review, vol. 27, no 1, 1989, p. 37, aux pages 39 et 44.
-
[61]
Id., à la page 40.
-
[62]
E. Fusting, préc., note 31, à la page 62.
-
[63]
J. Katz Jameson, A.M. Bodtker et T.S. Jones, préc., note 44.
-
[64]
Philippe Samson, « L’avocat, conseiller et coach », Journal du Barreau, vol. 51, no 5, 2019, p. 18, à la page 20, citant Me Marie-Christine Gravel.
-
[65]
C. Chicvak, préc., note 4, à la page 14.
-
[66]
E. Fusting, préc., note 31, aux pages 47 et 60.
-
[67]
C. Chicvak, préc., note 4, à la page 8.
-
[68]
Kathy Douglas et Clare Coburn, « Attitude and Response to Emotion in Dispute Resolution : The Experience of Mediators », (2014) 16 Flinders L.J. 111, 126.
-
[69]
G.A. Legault, préc., note 17, à la page 31.
-
[70]
E. Deines, préc., note 52, p. 1.
-
[71]
Ichiro Kitamura, « L’avenir de la “justice conciliationnelle” », dans L’avenir du droit. Mélanges en hommage à François Terré, Paris, Presses universitaires de France, 1999, p. 801, à la page 808.
-
[72]
E. Deines, préc., note 52, p. 6.
-
[73]
R.A. DeMayo, préc., note 55, à la page 220.
-
[74]
C. Chicvak, préc., note 4, à la page 10 ; T.S. Jones et A. Bodtker, préc., note 27, à la page 220.
-
[75]
R.A. DeMayo, préc., note 55, aux pages 221, 222 et 224.
-
[76]
Id., à la page 225.
-
[77]
Céline Vallières, citée dans Monique Veilleux, « La communication non violente ou communication constructive. Une approche appropriée à la profession d’avocat », Journal du Barreau, vol. 44, no 6, 2012, p. 14, à la page 15.
-
[78]
Michelle Thériault, « Le défi du passage vers la nouvelle culture juridique de la justice participative », (2015) 74 R. du B. 1, 21. Voir aussi Louis Marquis et Michelle Thériault, « L’impact de la justice participative sur l’enseignement du droit / Participatory Justice and Undergraduate Training in Law », (2009) Revue de l’enseignement du droit au Canada 55, 61.
-
[79]
D.L. Shapiro, préc., note 29, à la page 68.
-
[80]
Voir les enquêtes de K. Douglas et C. Coburn, préc., note 68 ; Cheryl Picard et Janet Siltanen, « Exploring the Significance of Emotion for Mediation Practice », Conflict Resolution Quaterly, vol. 31, no 1, 2013, p. 31.
-
[81]
Erwin N. Griswold, « Law Schools and Human Relations », (1956) 73 Chi. B. Rec. 199, 203.
-
[82]
Id.
-
[83]
Irene Taylor, « How Smart Are You Really ? », Lexpert, février 2001, p. 92, commenté dans M. Boivin, préc., note 5, 247 et 248.
-
[84]
D. Goleman, préc., note 11 ; Daniel Goleman, Richard Boyatis et Annie McKee, L’intelligence émotionnelle au travail, Montreuil, Pearson France, 2002, p. 128 ; Robert J. Emmerling et Daniel Goleman, « Emotional Intelligence : Issues and Common Misunderstandings », [En ligne], [www.eiconsortium.org/pdf/EI_Issues_And_Common_Misunderstandings.pdf] (8 juillet 2020) ; C. Chicvak, préc., note 4.
-
[85]
Voir : C. Chicvak, préc., note 4, à la page 14, note 61 ; K. Douglas et C. Coburn, préc., note 68, 115, note 19.
-
[86]
M. Boivin, préc., note 5, 235 et suiv.
-
[87]
C. Beaumont, préc., note 21, qui cite le Programme de l’école québécoise (2006).
-
[88]
Mary Parker Follett, « The Teacher-Student Relation », Administration Science Quaterly, vol. 15, no 2, 1970, p. 137, à la page 146.
-
[89]
Peter Reilly, « Teaching Law Students How to Feel : Using Negotiations Training to Increase Emotional Intelligence », Negotiation Journal, vol. 21, no 2, 2005, p. 301.
-
[90]
Julie Macfarlane, The New Lawyer : How Settlement is Transforming the Practice of Law, 2e éd., Vancouver, UBC Press, 2017.
-
[91]
M.B. Rosenberg, préc., note 15.
-
[92]
Nancy A. Welsh, « Julie Macfarlane. The New Lawyer », University of Windsor, [En ligne], [www.uwindsor.ca/law/juliem/9/new-lawyer] (9 juillet 2020) (notre traduction).
-
[93]
Anthony T. Kronman, The Lost Lawyer : Failing Ideals of the Legal Profession, Cambridge, Harvard University Press, 1995, p. 113-116 ; Rollande Parent, « La profession d’avocat… Pourquoi ce malaise ? », 25 mai 2011, [En ligne], [www.barreaudemontreal.qc.ca/avocats/art-20110525] (9 juillet 2020).
-
[94]
C. Chicvak, préc., note 4.
-
[95]
G.A. Legault, préc., note 17, à la page 32 ; voir aussi : J. Katz Jameson, A.M. Bodtker et T.S. Jones, préc., note 44, à la page 206 ; T.S. Jones et A. Bodtker, préc., note 27, aux pages 219-223.
-
[96]
Kenneth F. Dunham, « I Hate You, but We Can Work It Out : Dealing with Anger Issues in Mediation », (2013) 12 Appalachian J.L. 191, 200.
-
[97]
M. Boivin, préc., note 5, 241.