Abstracts
Résumé
Les justiciables non représentés par avocat sont de plus en plus nombreux devant les tribunaux québécois. Si le phénomène est fréquemment désigné tel un problème engendrant coûts et délais supplémentaires, l’enjeu central se révèle surtout celui d’une incapacité à débourser les frais de justice pour une partie importante des citoyens. Cependant, qu’en est-il du statut juridique de la non-représentation : agir seul, est-il un droit ? Alors que les tribunaux répondent généralement par l’affirmative, la portée de ce statut se trouve fortement limitée par le caractère discrétionnaire de sa mise en oeuvre. Des distinctions importantes s’imposent entre les matières criminelle et civile, notamment quant à l’origine de sa protection qui est constitutionnelle en matière criminelle et législative en matière civile. Malgré l’état de la connaissance sur les raisons de la non-représentation par avocat, l’étude de la jurisprudence démontre qu’agir seul est le plus souvent considéré comme un choix, ce qui semble avoir une incidence notable sur la mise en oeuvre des garanties judiciaires.
Abstract
Québec courts are experiencing an increase in the number of parties without legal representation. Although this trend is generally presented as a problem that generates extra costs and delays for the courts, the central issue is clearly that a large segment of the population is unable to afford legal expenses. However, what is the legal status of non-representation : is acting alone a right ? Although this is the approach generally taken by the courts, the extent of the right is strongly limited by the discretionary way it is implemented. An important distinction must be made between criminal and civil cases, in particular concerning protection for a right that is constitutional in criminal cases, but legislative in civil cases. Despite the lack of knowledge about the reasons why people choose not to be represented by a lawyer, a survey of the jurisprudence shows that acting alone is often considered to be a choice, which then has a significant effect on the implementation of the related judicial guarantees.
Resumen
Cada vez son más numerosos los justiciables que se presentan ante los tribunales quebequenses sin estar representados por un abogado. Si este fenómeno se manifiesta frecuentemente como un problema que engendra costos y plazos adicionales, la cuestión esencial es principalmente la incapacidad para asumir los gastos judiciales para una parte importante de los ciudadanos. Pero, ¿qué sucede con el estatus jurídico de la falta de representación ? ¿Representarse solo es un derecho ? Si bien los tribunales consideran generalmente que es el caso, su alcance se encuentra considerablemente limitado por el carácter discrecional de su puesta en práctica. Es necesario distinguir entre las causas penales y civiles, particularmente en cuanto al origen de su protección : en materia criminal es de orden constitucional, mientras que en causas civiles es legislativa. A pesar del estado de conciencia que motivan las razones para representarse sin abogado, el estudio de la jurisprudencia ha demostrado que representarse a sí mismo ha sido considerado como una opción, lo que parece tener una incidencia trascendental en la puesta en práctica de las garantías judiciales.
Article body
La question des justiciables non représentés (JNR)[1] devant les tribunaux est actuellement au centre des préoccupations des communautés politique et juridique ; c’est du moins ce que permet de penser le foisonnement de formations professionnelles[2], de publications scientifiques[3] et de services qui leur sont destinés[4]. Le phénomène n’est cependant que rarement replacé dans son contexte social et politique, ce qui a pour effet de passer sous silence la complexité des enjeux qu’il implique. Au-delà des problèmes de coûts et de délais largement documentés[5], la question fondamentale demeure de savoir de quelle justice il s’agit, et, surtout, pour qui elle agit.
Si les acteurs judiciaires considèrent généralement la représentation par avocat comme la situation idéale, du point de vue tant de l’accès à la justice que de l’efficacité du système judiciaire[6], les moyens censés assurer le recours aux services juridiques se révèlent peu nombreux. La littérature mentionne timidement la question d’un droit fondamental à l’avocat[7], celle-ci ayant été traitée à quelques reprises par les tribunaux au début des années 2000[8]. Au Canada, le droit constitutionnel d’être représenté par un avocat ne peut être mis en oeuvre, le plus souvent en matière criminelle, que dans la situation où une violation anticipée des droits constitutionnels peut être établie et lorsque la représentation par avocat est nécessaire pour assurer l’équité du procès[9] ; même en ce cas cependant, il n’est pas absolu[10].
La doctrine et la jurisprudence sont ainsi traversées de tensions très évidentes : entre le rôle fondamental des avocats dans le système judiciaire et le fait que leurs services sont de facto la plupart du temps inaccessibles ; entre l’idée que la non-représentation s’avère un choix[11] et ses conséquences négatives sur les JNR eux-mêmes ; entre ces dernières et l’absence de reconnaissance d’un droit fondamental à l’avocat[12]. Ces tensions mettent implicitement en question les fondements du système contradictoire, qui reposent sur la capacité des parties à présenter leurs preuves et leurs arguments, faisant l’impasse sur la qualification juridique de la non-représentation. Or c’est là un enjeu central : agir seul est-il un simple choix ou, au contraire, l’exercice d’un droit assorti de garanties judiciaires en vue de la pleine égalité ?[13]
Notre réflexion s’inscrit dans une démarche de recherche en cours sur la situation des JNR au Québec. Alors que la doctrine québécoise sur la question est rare et ne traite pas de la situation dans son ensemble, nous croyons essentiel de faire l’état des lieux à partir de la jurisprudence[14]. L’analyse inductive des décisions nous a amenés à dégager trois principales pistes d’analyse : le droit à l’avocat, le statut juridique de la non-représentation et le rôle d’assistance du tribunal. Nous traiterons ici du deuxième de ces thèmes[15].
Nous ferons d’abord le point sur la reconnaissance du droit d’agir seul par la jurisprudence en matières criminelle et civile, ainsi que des limites de cette reconnaissance. Nous soulèverons par la suite les conséquences de ces limites, notamment le caractère discrétionnaire de la mise en oeuvre de ce droit. Nous observerons alors que la non-représentation est habituellement considérée comme un choix par les tribunaux, civils comme criminels, et donc tel un privilège plutôt qu’un droit à protéger. Cette perception, qui se manifeste à travers le caractère discrétionnaire et variable de la reconnaissance d’agir seul en tant que droit, a d’importantes conséquences sur les JNR, notamment celle de devoir assumer les risques liés à la violation de leurs droits judiciaires. Enfin, nous constaterons qu’il semble y avoir un écart manifeste entre la perception des tribunaux et l’état des connaissances sur la réalité socioéconomique des JNR.
1 L’état du droit d’agir seul : de l’ambiguïté de la qualification juridique
La question du statut juridique de la non-représentation a été peu discutée dans la jurisprudence. Il est cependant possible, à partir de quelques décisions clés[16], d’en brosser le tableau.
Soulignons d’entrée de jeu que, si le droit d’agir seul[17] est reconnu, sa reconnaissance n’est pas homogène[18]. Une différence notable distingue les matières criminelle et civile, tant par rapport à leurs fondements juridiques qu’en ce qui a trait au degré de protection, au contexte d’application et aux intérêts sous-jacents en cause.
1.1 Le droit d’agir seul en matière criminelle : un droit fondamental à portée limitée
La reconnaissance par les tribunaux canadiens et québécois du droit des accusés[19] d’agir seul en matière criminelle ne fait aucun doute : la très forte majorité des décisions recensées soulignent l’existence de ce droit dont bénéficie tout accusé dès lors qu’il est apte à subir son procès[20]. La jurisprudence mentionne ainsi le « droit d’agir seul[21] » et le « droit fondamental […] d’agir seul[22] ».
1.1.1 La nature et l’origine du droit d’agir seul en matière criminelle
Codifié à l’article 651 du Code criminel, le droit d’agir seul est aussi un « principe fondamental [du] système de droit criminel[23] » issu de la common law. La Cour d’appel du Québec[24], en s’appuyant sur le compte rendu historique effectué par la Cour suprême des États-Unis dans la décision Faretta v. California[25], rappelle que ce droit est reconnu depuis plusieurs siècles par les tribunaux anglais[26]. Le droit de l’accusé d’agir seul dans un procès criminel a été énoncé en 1944 en termes explicites dans la décision R. v. Woodward[27] de la Court of Criminal Appeal du Royaume-Uni, où il était question d’un accusé à qui le droit d’agir seul avait été dénié[28]. On y exposait la règle de common law selon laquelle « no person charged with a criminal offence can have counsel forced upon him against his will ». La Cour suprême du Canada a repris ces précédents de la common law dès 1949 dans l’arrêt de principe Vescio c. La Reine[29], lequel affirme que la possibilité pour l’accusé d’agir seul constitue un « principe fondamental [du] droit criminel [canadien][30] ».
S’il semble donc acquis que l’accusé a le droit d’assurer sa propre défense, il n’en reste pas moins que la Cour suprême ne s’est jamais prononcée sur la question de savoir si ce droit est expressément protégé par la Charte canadienne des droits et libertés[31]. En 1991, soit après l’adoption de la Charte, la décision R. c. Swain[32] a confirmé l’arrêt Vescio c. La Reine en réitérant l’existence du droit d’agir seul, ainsi que son statut de principe de justice fondamentale[33], sans préciser toutefois son statut constitutionnel. La décision R. c. Peepeetch[34] de la Cour d’appel de la Saskatchewan, citée ensuite par la Cour d’appel du Québec[35], a cependant établi qu’il s’agit d’un droit constitutionnel protégé par l’article 7 de la Charte : « Thus by choosing to represent himself, which is a constitutionally protected right, the appellant effectively gave up the right to effective assistance of counsel[36]. » Or, la rareté des décisions sur le sujet et l’absence de positionnement clair de la Cour suprême laissent imaginer que le débat n’est pas clos. Il est toutefois possible de penser qu’en raison de la complexité juridique des enjeux qu’elles supposent, les accusés agissant seuls seraient peu enclins à soulever des questions constitutionnelles dans leurs poursuites judiciaires.
Au Québec, l’arrêt de principe sur la question du statut juridique du droit d’un accusé d’agir seul est Québec (Procureur général) c. B.S.[37]. Dans cette affaire, la Cour d’appel est saisie d’un pourvoi par le Gouvernement du Québec qui conteste une décision lui ordonnant de payer les frais de l’avocat nommé par la Cour en vertu du Code criminel[38], alors que le juge de première instance a contraint B.S., accusé d’avoir commis deux agressions sexuelles, à être représenté par avocat pour les contre-interrogatoires des victimes mineures[39]. Pour le Gouvernement du Québec, le fardeau financier de cette représentation forcée doit incomber à B.S. : « l’accusé qui en a les moyens et qui refuse d’assumer les honoraires de l’avocat doit supporter les conséquences de son choix, soit une renonciation à son droit au contre-interrogatoire[40] ». Après une analyse du « droit d’un accusé d’agir seul », la Cour d’appel conclut que ce « droit fondamental » est « bien campé dans notre système de justice criminelle[41] » : la responsabilité de payer revient donc à l’État[42]. L’accusé ayant choisi d’exercer son droit fondamental d’agir seul, il en découle nécessairement le droit de mener le contre-interrogatoire des témoins assignés par les procureurs de la Couronne. Les dispositions particulières sur le contre-interrogatoire de témoins mineurs doivent être interprétées comme des exceptions à cette règle générale : leur application ne résulte en rien de la volonté de l’accusé, et il serait injustifié de le contraindre à payer les honoraires d’un avocat qui lui est imposé[43]. La Cour d’appel affirme maintenir le principe de très grande latitude pour ce type de décision puisque le tribunal n’a pas le pouvoir de fixer les honoraires[44].
1.1.2 Les limites et les exceptions au droit d’agir seul en matière criminelle
Malgré sa reconnaissance formelle en matière criminelle, le droit d’agir seul est tributaire des contextes de pratique, ainsi que des principes et des dispositions législatives qui limitent son exercice. La complexité des instances amène quelques fois les juges à conseiller à un accusé de recourir aux services d’un avocat en dépit de sa décision d’agir seul[45]. De même, un accusé admissible à l’aide juridique ne peut bénéficier de conseils juridiques (ou de mandats à portée limitée) tout en agissant seul : aucune disposition dans la Loi sur l’aide juridique et sur la prestation de certains autres services juridiques[46] ne va en ce sens[47].
Le Code criminel prévoit la possibilité d’interdire à un accusé de procéder lui-même au contre-interrogatoire si le juge estime que cette restriction est nécessaire pour obtenir du témoin « un récit complet et franc des faits sur lesquels est fondée l’accusation[48] ». Le juge qui statue sur une telle requête doit prendre en considération plusieurs facteurs tels que l’âge du témoin, l’existence d’une déficience mentale ou physique, la nature de l’infraction alléguée, la nature de la relation entre le témoin et l’accusé ainsi que toutes autres circonstances jugées pertinentes[49] ; une ordonnance similaire pourra aussi être rendue si le témoin est mineur[50], ou encore la victime alléguée de harcèlement criminel[51] ou d’agression sexuelle[52]. Avant d’imposer à un accusé la représentation par avocat, le tribunal doit cependant évaluer si la bonne administration de la justice exige que cet accusé effectue lui-même le contre-interrogatoire[53]. Dans la décision Bernes c. La Reine[54], la Cour d’appel infirme un verdict de culpabilité et ordonne la tenue d’un nouveau procès en partie aux motifs que le juge d’instance n’avait pas pris la peine de s’interroger sur la possibilité que l’accusé, qui agissait seul, dirige lui-même le contre-interrogatoire et qu’il aurait dû consulter les parties avant de statuer sur la question[55]. Ainsi, « le juge a erronément agi comme si la loi ne permettait, en aucun cas, le contre-interrogatoire par l’accusé lui-même[56] ».
Une autre restriction au droit d’agir seul se trouve aux articles 672.24[57] et 672.5 (8)[58] du Code criminel qui prévoient que, s’il existe des motifs raisonnables de croire que l’accusé est inapte à subir son procès, le tribunal doit lui désigner un avocat[59]. L’inaptitude à subir son procès est définie comme l’« incapacité de conduire sa défense[60] », ce qui peut prendre la forme suivante : « l’impossibilité de faire la distinction entre les divers plaidoyers possibles, de comprendre la nature et le but des procédures, de communiquer rationnellement avec son procureur ou de témoigner si nécessaire[61] ». Dans ces situations particulières, l’avocat est imposé à l’accusé puisque celui-ci « est incapable de prendre une décision éclairée[62] ». Il faut noter que ces articles, contrairement aux dispositions sur le contre-interrogatoire des témoins mineurs[63], énoncent expressément que la responsabilité de payer les frais de représentation incombe à l’État[64].
Dans l’une des nombreuses décisions liées au procès de Valeri Fabrikant, la Cour d’appel du Québec statue sur la possibilité pour le juge d’instance d’ordonner la fin de la défense d’un accusé qui agit seul, et de lui interdire de plaider, si son comportement est tel qu’il nuit à l’intégrité du système de justice[65]. Cette mesure draconienne est imposée avec prudence car, si l’on empêche l’accusé de présenter la preuve et les arguments juridiques nécessaires à la démonstration de son innocence, les risques d’atteinte au droit d’agir seul et à une défense pleine et entière sont importants. S’appuyant notamment sur la jurisprudence de tribunaux canadiens et anglais[66], la Cour d’appel décide alors que, bien que l’accusé qui agit seul doive bénéficier d’une certaine latitude du fait qu’il ne maîtrise pas la « science légale[67] », des comportements exceptionnellement perturbateurs dénotent une renonciation à l’exercice du droit à agir seul de même qu’à une défense pleine et entière[68]. Le fait qu’un accusé soulève de nombreux arguments jugés non pertinents par le tribunal peut également être un motif qui justifie la décision de mettre fin à une défense[69]. Bien qu’elle soit exceptionnellement appliquée, cette interdiction a néanmoins créé un précédent important qui a été utilisé à quelques reprises[70].
Si le droit d’agir seul est admis en droit criminel, la reconnaissance de son statut constitutionnel demeure ambiguë et sujette à débat, tandis que sa mise en oeuvre se trouve fortement limitée par des restrictions et des exceptions. Dans la jurisprudence civile, c’est sa reconnaissance même qui est sujette à controverse.
1.2 Le droit d’agir seul en matière civile : une fatalité inévitable
C’est en matière civile que les JNR seraient les plus nombreux[71]. Pourtant, alors que la possibilité d’agir seul est législativement prévue et parfois explicitement invoquée, la jurisprudence s’y révèle, paradoxalement, beaucoup moins développée qu’en matière criminelle.
1.2.1 La nature du droit d’agir seul en matière civile
L’article 23 du nouveau Code de procédure civile prévoit que « [l]es personnes physiques peuvent agir pour elles-mêmes devant les tribunaux sans être représentées ; elles doivent le faire dans le respect de la procédure établie par le Code et les règlements pris en son application » devant les tribunaux de première instance comme d’appel[72]. Dans le cas très particulier de la Division des petites créances de la Cour du Québec, la non-représentation est obligatoire[73]. En matière administrative, le droit d’agir seul n’a pas de fondement législatif[74].
Si le nouveau Code de procédure civile prévoit que le fait d’agir seul est une simple possibilité, l’interprétation littérale de l’article 61 de l’ancien Code ne permet pas de conclure quant à son statut juridique[75]. Ce sera donc par l’étude de la jurisprudence que nous tenterons de circonscrire la portée de cette disposition. Pour la Cour suprême[76], « le législateur québécois a fait un choix législatif qui […] reconnaît le droit d’une personne physique de se représenter elle-même[77] » : le principe a été repris à de multiples reprises par les tribunaux québécois[78].
La reconnaissance du droit d’agir seul pose comme corollaire la question des obligations de l’État et des institutions judiciaires de garantir la mise en oeuvre et l’effectivité de ce droit ; elle est traitée par la Cour suprême dans l’affaire Fortin c. Chrétien[79]. Dans cette affaire, fruit d’une saga judiciaire[80] opposant le Barreau du Québec au président du Club juridique de Laval (ex-avocat radié du tableau de l’ordre), la Cour suprême s’est prononcée sur la légalité des recours préparés en contravention des dispositions sur les actes réservés par la Loi sur le Barreau[81]. Malgré la nullité du contrat liant le Club juridique au JNR[82], la Cour suprême conclut ceci :
[La] nullité de la convention visant la rédaction des actes de procédure ne saurait affecter la validité des actes de procédure présentés au tribunal dans le cadre d’un recours en justice. Il s’agit non seulement d’un acte juridique distinct qui appartient au justiciable, mais également [de] la concrétisation du droit de ce justiciable de se représenter seul comme le prévoit le Code de procédure civile en matière d’administration de la justice[83].
L’argument principal des demandeurs portait sur l’accessibilité à la justice[84] : le Code de procédure civile protégerait les droits d’agir seul et « à l’accessibilité au système de justice[85] » ; interdire le recours sur la base d’une dérogation au monopole d’exercice des membres du Barreau violerait ces deux droits, outre que cela porterait atteinte au droit de présenter le meilleur recours possible dans les circonstances. Pour la Cour suprême, au contraire, le droit d’agir seul ne constitue pas une mesure d’accès à la justice et l’argument selon lequel celui-ci forme l’assise juridique permettant à des JNR de bénéficier de l’assistance de non-avocats est invalide, voire néfaste, pour le système judiciaire et l’effectivité des droits[86]. Le fait d’agir seul se révèle plutôt une fatalité, un dernier recours, pour celui qui n’a pas les moyens de s’offrir les services d’un avocat dont le rôle s’avère essentiel à la fois pour le système judiciaire et pour la défense des intérêts des justiciables[87] :
Ainsi, s’il est éminemment louable de favoriser l’accessibilité à la justice et s’il est vrai que d’offrir aux justiciables la possibilité de se représenter seuls et de présenter les actes de procédure qu’ils jugent appropriés constitue la reconnaissance du libre arbitre des justiciables et, dans une certaine mesure, une piste de solution, on ne saurait affirmer qu’il s’agit d’une fin en soi […] [Les non-avocats offrant des services juridiques] ne sauraient en aucune façon remplacer l’avocat. Celui-ci, en tant qu’officier de justice, joue un rôle essentiel dans notre système de justice, au niveau de la représentation des droits des justiciables devant les tribunaux, mais également à l’étape préalable de règlement à l’amiable des litiges[88].
Contrairement à l’interprétation qui règne en matière criminelle, et conformément au libellé du nouveau Code de procédure civile qui parle de « possibilité d’agir seul », le droit d’agir seul en matière civile constituerait plutôt le droit de ne pas être empêché d’agir seul. Loin de bénéficier d’un statut constitutionnel, il n’est pas interprété par les tribunaux comme un principe d’ordre public et n’emporte aucune obligation positive pour l’État et les tribunaux, notamment quant à l’effectivité des recours intentés.
1.2.2 Les limites et les exceptions au droit d’agir seul en matière civile
En plus des limites inhérentes à sa nature, le droit d’agir seul en matière civile fait l’objet de nombreuses exceptions. Selon l’article 87 du nouveau Code de procédure civile, plusieurs types de demandeurs doivent obligatoirement être représentés par procureur :
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les personnes morales[89] ;
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le curateur public, les gardiens et les séquestres[90] ;
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les représentants d’intérêts collectifs lorsqu’ils agissent en cette qualité[91] ;
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les agents de recouvrement et les personnes qui ont acquis à titre onéreux les créances d’autrui[92] ;
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les sociétés en nom collectif ou en commandite et les associations[93] ;
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les personnes qui agissent pour le compte d’autrui[94] ;
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les personnes qui représentent les membres d’un recours collectif[95].
Ces exceptions peuvent avoir comme conséquence l’incapacité réelle d’ouvrir un recours judiciaire pour les personnes morales qui ne disposent pas des ressources financières leur permettant de payer les services d’un avocat[96], ce qui peut être particulièrement pernicieux en cas de faillite, notamment pour une petite entreprise[97].
Alors que le droit de représenter une personne devant les tribunaux (que ce soit une personne morale ou physique) est réservé aux avocats[98], les mineurs ont l’obligation d’être représentés par leur tuteur, sauf en cas d’autorisation par le tribunal[99].
Outre ces obligations, certaines dispositions confèrent au tribunal, s’il considère que la représentation par avocat est nécessaire pour assurer la sauvegarde des intérêts d’un JNR mineur ou majeur inapte[100], le pouvoir d’ordonner, même d’office[101], l’ajournement de l’instruction afin qu’un procureur soit nommé[102]. Il peut alors rendre toute ordonnance afin de s’assurer de la représentation, par exemple :
-
ordonner la nomination d’un avocat en particulier ;
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ordonner à l’avocat de jouer un rôle de liaison entre son client et ses parents ;
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ordonner à la mère du client d’assister son avocat[103] ;
-
fixer les honoraires et déterminer à qui en incombera le paiement[104].
Celui qui exerce le droit d’agir seul a l’obligation de « connaître ou [de] tenter de connaître un tant soit peu les notions du droit substantiel, non que les dispositions du Code de procédure civile et les Règles des tribunaux[105] ». Pour les règles procédurales, il doit se conformer aux délais de rigueur[106], notamment dans le cas de requêtes pour permission d’appeler[107] ou de contestations d’une demande en justice[108], outre qu’il doit fournir les actes de procédure de la contestation liée et ses annexes, ainsi que les pièces et les dépositions nécessaires à l’examen des questions en litige[109].
Conformément au principe d’égalité de traitement entre les parties, les JNR ont le devoir de se conformer aux exigences inhérentes au déroulement de l’instance judiciaire. Que ce soit en matière criminelle ou civile, ils ne doivent pas utiliser les poursuites judiciaires de façon à déconsidérer l’administration de la justice ; ils ne doivent pas non plus agir de manière à « entraîner des coûts exorbitants pour régler un litige[110] », sans quoi ils pourraient s’exposer à une condamnation pour abus de procédure[111].
Finalement, la déclaration de quérulence est un risque auquel les JNR font face[112] d’une double façon. Dans un premier temps, elle semble parfois utilisée comme moyen de négocier avec des JNR afin de les inciter à être représentés par avocat, ce qui constitue une limite à l’exercice du droit d’agir seul[113]. Dans un second temps, il est généralement tenu pour acquis que « l’équation “quérulent [=] partie non représentée” se vérifie en pratique dans l’écrasante majorité des cas[114] ». Dans un article paru en 2003[115], le professeur Yves-Marie Morissette, maintenant juge à la Cour d’appel, fait de la non-représentation une caractéristique distinctive du plaideur quérulent. C’est en se fondant sur cet écrit doctrinal que la jurisprudence de la Cour d’appel a établi que la non-représentation fait partie des huit critères pour déterminer la quérulence[116]. Les JNR y sont donc particulièrement exposés[117].
L’analyse de la jurisprudence démontre que la reconnaissance du droit d’agir seul se confronte à un spectre d’interprétations et d’applications qui rend sa mise en oeuvre généralement inconsistante. Si les tribunaux n’hésitent pas à parler de « droit », la portée des garanties judiciaires qui y sont associées permet de constater qu’il est, dans les faits, le plus souvent traité comme un choix. Des différences marquées sont cependant à souligner entre matière civile et matière criminelle : alors que le droit d’agir seul n’y a pas le même fondement juridique, les décisions en matière civile ne lui reconnaissent généralement aucune garantie judiciaire, au contraire de la jurisprudence en matière criminelle.
2 Du droit au choix d’agir seul : quand le statut juridique ne présume pas de la réalité
L’étude de la jurisprudence met en lumière non seulement le fait que les JNR sont désavantagés par rapport aux parties représentées par avocat, parfois au péril de leur capacité d’agir, mais également que les tribunaux sont très au fait de ces désavantages. Or, ils semblent considérer qu’il s’agit de risques qui sont intrinsèquement liés au fait d’agir seul et dont les conséquences incombent aux JNR, plutôt que des situations qui requièrent leur intervention pour rétablir l’équilibre entre les parties. Si le droit d’agir seul est reconnu, il n’est donc pas assorti de mise en oeuvre pour autant.
2.1 Le droit d’agir seul : un droit sans garanties judiciaires
En matière civile, le droit d’agir seul est directement associé à la responsabilité des JNR de respecter les exigences substantielles et procédurales[118], et semble être implicitement lié au fait que la non-représentation constitue un choix. Comme corollaire de cette responsabilité, le droit d’agir seul n’est lié à aucune obligation judiciaire formelle. Les tribunaux affirment par exemple que, « [l]orsqu’un justiciable entend exercer ses droits sans être représenté par avocat, il a l’obligation de prendre les moyens pour suivre les règles s’appliquant à ses procédures[119] ».
L’attribution de cette responsabilité n’est pas sans conséquence puisque des JNR peu rompus aux spécificités du processus judiciaire sont susceptibles de faire différentes erreurs qui pourraient compromettre leur capacité d’agir. L’analyse de la jurisprudence démontre que les tribunaux sont conscients des conséquences sur les droits des JNR, mais qu’elles ne constituent généralement pas une raison suffisante pour intervenir[120]. Ils considèrent que c’est un risque que les JNR acceptent de courir par le simple fait de leur non-représentation[121] ou que leurs erreurs sont tout bonnement inévitables. Dans l’affaire Azar c. Concordia University, la Cour d’appel attribue les difficultés procédurales éprouvées par l’appelant à son statut de JNR — et à son absence de formation juridique — sans toutefois lui permettre d’y remédier pour amender sa requête[122] : « the fact that Mr. Azar acts on his own behalf renders his task a more challenging one that if he was assisted by counsel. That, however is an inevitable consequence for any self-represented litigant[123] ». Le tribunal reconnaît ainsi le fait que les JNR sont désavantagés devant les tribunaux par rapport aux justiciables représentés par avocat, mais il ne propose pas de mesures pour assurer l’équilibre des parties.
Par ailleurs, la question de la gestion des ressources judiciaires pourrait expliquer, du moins en partie, cette interprétation de l’équité procédurale. Dans l’arrêt Deschênes c. Valeurs mobilières Banque Laurentienne, le tribunal rejette l’appel d’une demande en révision judiciaire jugée hors délai en s’appuyant sur les principes de responsabilité énoncés par la Cour d’appel de l’Alberta selon lesquels les parties non représentées doivent assumer les conséquences de ne pas avoir retenu les services d’un avocat et les tribunaux ne doivent pas leur allouer des ressources disproportionnées[124].
En matière criminelle, la jurisprudence sur le devoir d’assistance des tribunaux est plus développée, établissant certains liens entre le droit d’agir seul et les droits judiciaires. Ainsi, l’assistance du tribunal doit permettre aux accusés de donner plein effet à leur défense, notamment quant aux règles de preuve et quant aux objectifs et aux paramètres des différentes étapes du procès[125]. Pour la Cour d’appel du Québec, « [l]e juge de première instance, en acceptant qu’un accusé se défende seul, assume des responsabilités additionnelles[126] ». Le tribunal, en tant que « gardien de l’équité des procédures[127] », doit rendre effectif le droit à une défense pleine et entière[128]. L’incapacité d’un accusé agissant seul à mettre pleinement en oeuvre ses droits à contre-interroger[129], à interroger et à convoquer des témoins[130] qui découlerait du défaut du tribunal à l’assister peut être assortie de réparation. Dans la décision Leblanc, la Cour d’appel s’appuie sur les principes du Conseil canadien de la magistrature selon lesquels les JNR ne doivent pas être empêchés d’obtenir réparation parce que la présentation de leur cause comporte un défaut mineur ou facile à corriger[131]. La décision énonce que le juge doit veiller à l’égalité d’accès au système judiciaire, et ce, que les accusés soient ou non représentés.
Le devoir d’assistance du tribunal n’est cependant pas absolu, et il « faut reconnaître au juge du procès une bonne mesure de discrétion en cette matière[132] ». Cette discrétion justifie l’imprévisibilité des mesures effectives d’assistance, car celles-ci dépendent de l’appréciation que le tribunal fait des besoins des JNR ou des circonstances dans lesquelles ces derniers agissent. En matière disciplinaire, dans l’affaire Ménard c. Gardner, la Cour d’appel explique en effet que l’intensité du devoir d’assistance peut varier, « car tous les justiciables ne sont pas également démunis devant la justice et prétendre le contraire serait faire injure à leur intelligence[133] ». Ainsi, l’expérience judiciaire antérieure, et donc l’idée selon laquelle un JNR pourrait ne pas avoir besoin d’information, peut moduler le niveau d’assistance offert par le tribunal[134]. Aux yeux de la Cour d’appel, le tribunal doit proposer « une aide raisonnable pour [que le JNR] puisse faire valoir toute défense qu’il peut avoir, tout en évitant d’agir comme son avocat, au risque de perdre l’impartialité essentielle à l’exercice de ses fonctions[135] ».
2.2 Du droit au choix : des conséquences d’agir seul
Le fait d’agir seul est régulièrement reproché aux JNR par les tribunaux. Deux cas de figure sont observés : soit la non-représentation est considérée comme une situation évitable, choisie par les JNR, soit elle est envisagée tel un droit, mais dont l’exercice pose problème.
Ainsi, les tribunaux prennent souvent la peine de mentionner que les JNR agissent seuls de leur propre gré, en insistant sur le fait qu’il leur est loisible « d’être représenté[s] par avocat, si tel [est leur] désir[136] ». Les tribunaux affirment par exemple que « l’appelant choisit de se représenter seul, ce qu’il a le droit de faire, mais [que] sa méconnaissance des règles procédurales, sa personnalité et son état de santé vont caractériser les 20 jours d’audition consacrés à l’enquête[137] ». Le champ lexical employé ici est celui de l’autodétermination, avec des mots comme « choix » et « volonté », donnant lieu à des déclarations selon lesquelles un accusé peut « choisir de se représenter seul sans l’assistance d’un avocat[138] » ou que les droits à l’assistance d’un avocat et d’agir seul sont « mus par la seule volonté de l’accusé[139] ».
Ainsi, paradoxalement, les notions de droit et de choix peuvent se côtoyer dans le même raisonnement. C’est le cas dans l’affaire Glozarian c. Association des policiers provinciaux du Québec, où le tribunal estime que les arguments du JNR sont mal fondés et en conclut que sa situation « résulte des choix mal avisés qu’il a faits en tentant d’obtenir lui-même la sanction de ces droits[140] ». L’irrégularité de la procédure peut donc être directement associée à l’exercice par le JNR de son droit d’agir seul : « Il agit sans avocat, ce qui est son droit, mais sans connaître ou tenter de connaître un tant soit peu les notions du droit substantiel, non plus que les dispositions du Code de procédure civile et les Règles des tribunaux[141] ». Ici, les termes employés sont bien ceux des « droits », mais le tribunal les relie au défaut de connaître les règles et non aux obligations et aux recours qui devraient logiquement y être associés[142].
Ce discours sur le droit d’agir seul, jumelé à l’indétermination du contenu de l’obligation d’assistance du tribunal et à la discrétion associée à sa mise en oeuvre, permet d’attribuer les conséquences juridiques et personnelles de la non-représentation au JNR : « celui qui choisit d’agir sans avocat doit en assumer les inconvénients et ne peut ordinairement pas se plaindre des conséquences de sa méconnaissance du droit, incluant les règles de preuve et de procédure, du moins lorsqu’il a reçu l’aide que le tribunal doit lui apporter[143] ».
Les risques juridiques liés à la non-représentation sont pourtant clairement mis en évidence par les tribunaux. Outre le risque stratégique[144] ou rattaché au manque d’« expérience ou de formation[145] », des risques peuvent induire des conséquences majeures telles que des erreurs dans la détermination des intérêts en cause[146]. Les JNR apparaissent ainsi vulnérables[147], désavantagés[148], « dépassés par la nature technique et la précision du processus judiciaire[149] ». Les décisions leur seraient généralement défavorables[150].
Les conséquences de la non-représentation et de l’absence d’assistance — telles que le dépassement des délais procéduraux, l’irrégularité des actes de procédure et la compromission de la capacité d’agir — peuvent être dramatiques sur l’issue du processus judiciaire et les droits des JNR. L’analyse de la jurisprudence démontre une grande hétérogénéité dans la gestion de la non-représentation. Si, dans certains cas, les cours considèrent l’ignorance comme un motif raisonnable justifiant une remise ou le dépôt d’un acte de procédure en retard, dans la plupart des cas, les JNR doivent en assumer les conséquences, même si elles donnent lieu à une perte de droits : l’appelant « a choisi de se représenter seul et […] ne peut alléguer sa méconnaissance de la procédure et de ses droits pour expliquer sa négligence[151] ». Les JNR sont ainsi soumis aux mêmes règles et obligations que les parties représentées, peu importe les circonstances[152]. Si, dans l’arrêt Wagg c. Canada, le tribunal concède que « [l]es plaideurs se représentent eux-mêmes pour une diversité de raisons », il précise toutefois qu’une fois le procès débuté, il n’est pas « injuste de contraindre un appelant à respecter son choix de se représenter lui-même et de s’en remettre à son propre entendement[153] ».
Ces constats sur la mise en oeuvre du droit d’agir seul doivent être replacés dans leur contexte juridique spécifique. Ainsi, bien que le phénomène de la non-représentation soit en progression partout dans le monde, il ne fait pas l’objet du même traitement et agir seul au Québec apparaît comme particulièrement ardu.
3 De quelle solitude parle-t-on ? Agir seul au Québec et ailleurs
Le cadre juridique québécois est particulièrement rigide, en particulier concernant l’étendue des compétences réservées aux membres des ordres professionnels de juristes, soit le Barreau du Québec et la Chambre des notaires du Québec. Rappelons qu’au Québec seuls les avocats et les notaires peuvent donner des avis juridiques et agir devant les tribunaux[154], ce qui limite l’accessibilité à ces services et augmente leurs coûts[155]. En outre, la majorité des ressources à la disposition des JNR ont pour seul objet de diffuser de l’information juridique plutôt que de fournir représentation et conseils : centres de justice de proximité, cliniques juridiques communautaires, sections pro bono des différentes universités, organismes de défense des droits, Éducaloi, SOQUIJ, etc. Cette approche se révèle surprenante dans la mesure où l’insuffisance de la simple mise à disposition de la population d’information juridique est documentée depuis longtemps dans d’autres juridictions[156] : « Certainly the new legal information sources […] are useful in much the same way that medical sites help lay people understand a particular disease. But raw information is an inadequate substitute for advice and ongoing guidance from a legally trained person[157]. »
Par comparaison, en Ontario et en Colombie-Britannique, sans être membre du Barreau, les étudiants en droit et les parajuristes peuvent donner des conseils juridiques sous la supervision d’avocats[158]. Au Manitoba, les étudiants en droit peuvent « exercer le droit […] sous la surveillance d’un avocat en exercice[159] ». En Nouvelle-Écosse, un étudiant en droit actif dans une clinique juridique communautaire exploitée par une faculté de droit peut « pratiquer le droit[160] » (practice of law), à savoir :
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the application of legal principles and judgement with regard to the circumstances or objectives of a person that requires the knowledge and skill of a person trained in the law, and includes any of the following conduct on behalf of another :
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(a) giving advice or counsel to persons about the persons legal rights or responsibilities or to the legal rights or responsibilities of others ;
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(b) selecting, drafting or completing legal documents or agreements that affect the legal rights or responsibilities of a person ;
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(c) representing a person before an adjudicative body including, but not limited to, preparing or filing documents or conducting discovery ;
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(d) negotiating legal rights or responsibilities on behalf of a person[161].
Dans ces cadres juridiques plus souples, diverses initiatives mobilisant des étudiants ou des parajuristes voient le jour. Par exemple, la Faculté de droit de l’Université de Windsor fournit, depuis 2017, dans un cours à unité(s), des services d’accompagnement (coaching) de JNR[162]. Des étudiants en droit donnent de l’information et des conseils sur la procédure judiciaire aux citoyens qui en font la demande, les assistent dans la rédaction de formulaires et leur proposent des séances de préparation à diverses étapes d’un recours judiciaire ou de séances de médiation. De même, depuis 2007, toujours en Ontario, les parajuristes titulaires d’un permis peuvent exercer plusieurs fonctions normalement destinées aux avocats, notamment la plaidoirie concernant certaines infractions pénales et criminelles, devant la Cour des petites créances[163] ainsi que la plupart des tribunaux administratifs[164]. Néanmoins, bien que la possibilité soit présentement à l’étude par le Barreau de l’Ontario, les parajuristes ne peuvent pas représenter à l’heure actuelle des JNR en matière familiale et devant les cours supérieures.
Certaines initiatives américaines visant à répondre à l’accroissement de la présence des JNR devant les tribunaux vont dans le même sens. Par exemple, depuis 2014, dans l’État de Washington, des techniciens juridiques à licence limitée (limited license legal technicians) ont le droit, dans certains domaines dont le droit familial[165], d’accomplir des actes généralement réservés aux avocats comme conseiller leur client, l’assister dans ses démarches judiciaires ou encore rédiger et soumettre certains documents destinés au tribunal[166].
En plus de ces services offerts par des étudiants en droit ou des parajuristes, diverses initiatives sont prises pour assister les JNR dans leur parcours judiciaire. Soulignons à cet égard l’existence en Angleterre, en Australie et dans certaines provinces canadiennes[167] des « amis McKenzie » (McKenzie Friends) qui accompagnent les JNR à la cour. Élaboré par un tribunal d’appel anglais en 1971[168], le rôle des amis McKenzie repose sur le principe que toute personne faisant face à la justice seule a le droit d’être assistée par la personne de son choix. Les amis McKenzie, qui ne sont pas nécessairement des juristes, peuvent exécuter les tâches suivantes :
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Help organize your legal documents, and hand you documents when you need them in the course of your presentation to the court
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Take notes to review with you later
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Observe the courtroom discussion
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Provide emotional and moral support
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Occasionally communicate with you in the courtroom[169].
Des provinces et des États se sont donc engagés dans la voie de l’assouplissement du cadre juridique relatif aux compétences réservées. Dans certains cas, cet assouplissement s’avère essentiel pour envisager des mesures favorisant l’accès à la justice[170], les brèches ouvertes dans le monopole des ordres professionnels permettant aux JNR d’avoir accès à des ressources et à du soutien correspondant à leurs capacités financières[171].
Sans prétendre que la solution aux barrières d’accès aux services juridiques réside dans l’octroi de services d’étudiants, de parajuristes ou de non-juristes, nous estimons que, dans un tel contexte, agir seul peut éventuellement constituer un droit, dans la mesure où les JNR ont accès aux appuis nécessaires à la revendication et à la défense de leurs droits. Au Québec, la rigidité du cadre juridique conjugué à l’inaccessibilité financière des services juridiques constitue une double contrainte pour les JNR qui sont laissés à eux-mêmes et ont la responsabilité non seulement de s’informer, mais également de se servir correctement de l’information à leur disposition. Agir seul au Québec signifie donc porter sans accompagnement le fardeau du dysfonctionnement d’un système opaque et inaccessible au détriment de ses droits.
Conclusion
Nous croyons essentiel de revenir en conclusion sur les notions de choix et de droit et sur leurs interprétations jurisprudentielles pour discuter de ce qu’elles révèlent sur l’institution judiciaire dans son rapport à la réalité sociale et à l’accès à la justice[172].
À l’image des écrits doctrinaux sur les JNR[173], l’omniprésence de la notion de choix dans la jurisprudence étudiée met en lumière l’ignorance de la situation économique caractéristique de la non-représentation. Au Québec, les services juridiques sont inaccessibles pour une proportion toujours plus importante de la population[174], qui se trouve, dans la plupart des cas, contrainte d’agir seule[175]. Le programme d’aide juridique constitue le mode privilégié d’accès aux services juridiques à faible coût ou gratuits : il n’est cependant accessible qu’aux personnes en situation de grande pauvreté[176]. Il s’agit donc d’un système de justice dont l’accès se révèle inégal et dans lequel « seules les personnes très fortunées, les grandes entreprises, les organisations gouvernementales et les personnes admissibles à l’aide juridique sont capables de s’offrir le luxe d’une action en justice[177] ».
Les études empiriques menées ailleurs démontrent que la non-représentation s’explique avant tout par l’incapacité de payer[178] pour des services juridiques dont les tarifs sont déterminés par les lois du marché, essentiellement en fonction des moyens financiers des entreprises clientes[179]. Alors que 73,7 p. 100 des Québécois considèrent ne pas avoir les moyens d’aller devant les tribunaux[180], une étude menée en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique confirme que 90,0 p. 100 des JNR, après avoir cherché, sans succès, des services juridiques à un prix accessible, ont dû faire face à la justice en n’étant pas représentés[181]. Finalement, dans l’ensemble du Canada, comme le rapportent Jane Bailey, Jacquelyn Burkell et Graham Reynolds, les JNR sont significativement plus touchés par la précarité, à laquelle s’ajoutent d’autres barrières d’accès au système de justice : « Self-represented litigants in Canada are disproportionately likely to have lower income and education, and to live with social barriers including physical and mental differences, and language and cultural barriers ; furthermore, they often live in rural areas remote from physical court and legal services[182]. »
Si l’on ne tient pas compte de cette réalité socioéconomique, l’interprétation du « droit » d’agir seul s’apparente à une conception libérale de la justice où l’égalité n’est que formelle, et pour laquelle le système de justice est neutre. Suivant cette perspective, les individus sont des agents rationnels, dotés de leur libre arbitre et responsables de leur situation sociale, culturelle et économique. Le traitement égal de tous les justiciables[183], sans égard aux ressources à leur disposition, s’avère alors garant de la justice, et il n’incombe pas aux systèmes judiciaire ou politique de corriger les inégalités dans l’accès aux droits judiciaires et substantifs, celles-ci n’étant que le produit d’une défaillance individuelle[184].
Cette conception formelle plutôt que matérielle de l’égalité peut être vectrice de grandes inégalités pour les groupes sociaux bénéficiant de moins de ressources et de capitaux[185], et donc étant moins bien outillés pour répondre de manière appropriée aux exigences d’un processus judiciaire complexe et hermétique. Ces inégalités peuvent aller, nous l’avons vu, jusqu’au déni de droits considérés comme le résultat de choix malheureux. Alors que les JNR sont de plus en plus nombreux devant les tribunaux, ce constat amène des éléments de réponse à l’interrogation que nous soulevions dans notre introduction, à savoir de quelle justice il est question, et, surtout, pour qui elle agit.
Notre analyse de la jurisprudence laisse penser que la justice québécoise, plutôt que de s’imaginer être un service public et accessible pour l’ensemble des justiciables, n’est qu’un « club privé[186] » où des personnes sans ressources financières sont d’abord perçues comme des éléments perturbateurs[187]. Quant au « droit » d’agir seul, c’est plutôt celui d’être toléré à titre de personne ordinaire et non-juriste dans un système barricadé par des barrières financières, informationnelles et communicationnelles.
Appendices
Remerciements
Cette recherche a été rendue possible grâce au soutien financier du Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC) (programme Soutien à la recherche pour la relève professorale) et du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) du Canada (partenariat de recherche).
Notes
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[1]
Nous préférons parler de « justiciables non représentés » (JNR) plutôt que de « justiciables se représentant eux-mêmes » pour refléter le fait que, en règle générale, ce n’est pas un choix : Nicholas Bala et Rachel Birnbaum, « Family Litigants without Lawyers – Study Documents Growing Challenges for the Justice System », (2011) 31 The Lawyers Weekly 9 ; Julie Macfarlane, « 3 Hard Realities Shaping the SRL Experience », [En ligne], [representingyourselfcanada.com/3-hard-realities-shaping-the-srl-experience/] (21 octobre 2013). Voir Emmanuelle Bernheim et Richard-Alexandre Laniel, « Un grain de sable dans l’engrenage du système juridique. Les justiciables non représentés : problèmes ou symptômes ? », (2013) 31 Windsor Y.B. Access Just. 45. Interrogés à savoir s’ils préféreraient agir seuls ou être représentés par un avocat à la cour, 88,1 p. 100 des Québécois affirment qu’ils souhaiteraient avoir recours aux services d’un avocat : Accès au droit et à la justice, « Justice pour tous », [En ligne], [www.adaj.ca/justicepourtous/sondage] (1er juillet 2018).
-
[2]
Voir par exemple : Conseil canadien de la magistrature, « Énoncé de principes concernant les plaideurs et les accusés non représentés par un avocat », Ottawa, 2006, [En ligne], [www.publications.gc.ca/collections/collection_2007/cjc-ccm/JU14-6-2006F.pdf] (21 juillet 2018) ; Conseil de la magistrature du Québec, Rapport d’activité, Québec, 2006, p. 19, [En ligne], [www.conseildelamagistrature.qc.ca/fr/medias/fichiers/publication/RA_2005_2006_Fr_19.pdf] (21 juillet 2018) ; Robert Pidgeon, « L’avocat et la partie non représentée : jusqu’où le Tribunal peut-il repousser les limites déontologiques de l’avocat de la partie représentée ? », dans S.F.C.B.Q., vol. 248, Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2006, p. 93 ; Maria De Michele, « La partie qui n’est pas représentée par un avocat », dans Collection de droit 2011-12, École du Barreau du Québec, vol. 13, Éthique, profession juridique et société, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011, p. 137 ; Barreau de Montréal, « Guide pour l’avocat face à une partie non représentée », [En ligne], [www.barreaudemontreal.qc.ca/loads/guidepartienonrepresentee.pdf] (25 juillet 2018).
-
[3]
Au moment de notre recherche, à l’été 2016, la consultation des bases de données HeinOnline, Westlaw, LexisNexis, LegalTrac, Legal Periodicals, Azimut, CAIJ, ProQuest et Sage Journals, avec les mots clés « pro se litigant », « pro se plaintiff », « unrepresented litigant », « self represented litigant », « litigant in person », « pro se representation », « self representation », « legal representation » et « without attorney », « legal representation » et « pro se » et « legal representation » et « litigant », nous a permis de repérer 286 articles. Les publications québécoises sur le sujet sont cependant très peu nombreuses.
-
[4]
Ce sont, par exemple, les services juridiques communautaires et les centres de justice de proximité, les mandats à portée limitée, les services de garde et les consultations gratuites du Jeune Barreau, les ressources consultables sur les sites des tribunaux ou les sites tels qu’Éducaloi.
-
[5]
Rabeea Assy, « Revisiting the Right to Self-representation in Civil Proceedings », (2011) 30 Civ. Just. Q. 267 ; Sande L. Buhai, « Access to Justice for Unrepresented Litigants : A Comparative Perspective », (2009) 42 Loy. L.A. L. Rev. 979 ; Camille Cameron et Elsa Kelly, « Litigants in Person in Civil Proceedings : Part 1 », (2002) 32 Hong Kong L.J. 313 ; Lorne D. Bertrand et autres, « Self-Represented Litigants in Family Law Disputes : Views of Alberta Lawyers », 2012, [En ligne], [www.crilf.ca/Documents/Self-represented%20Litigants%20-%20Views%20of%20Lawyers%20-%20Dec%202012.pdf] (21 juillet 2018).
-
[6]
Voir par exemple : Fortin c. Chrétien, 2001 CSC 45, 532 ; S.L. Buhai, préc., note 5 ; Deborah J. Cantrell, « Justice for Interests of the Poors : The Problem of Navigating the System without Counsel », (2002) 70 Fordham L.R. 1573, 1573 et 1574 ; Julie Macfarlane, « Opening the Dialogue : The SRL Phenomenon », 2013, [En ligne], [www.representingyourselfcanada.files.wordpress.com/2014/05/opening-the-dialoguefinalreport.pdf] (25 juillet 2018) ; Anne-Marie Langan, « Threatening the Balance of the Scales of Justice : Unrepresented Litigants in the Family Courts of Ontario », (2005) 30 Queen’s L.J. 825, par. 27-41.
-
[7]
Earl Johnson Jr., « Will Gideon’s Trumpet Sound a New Melody ? The Globalization of Constitutional Values and Its Implications for a Right to Equal Justice in Civil Cases », (2003) 2 Seattle J. Soc. Just. 201 ; S.L. Buhai, préc., note 5, 1011.
-
[8]
Voir notamment dans l’affaire Colombie-Britannique (PG) c. Christie, 2007 CSC 21.
-
[9]
Québec (Procureur général) c. Québec (Ministre de la Justice), 2003 CanLII 33470 (Qc C.A.) ; R. c. Rowbotham, 1988 CanLII 147 (Ont. C.A.) ; Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.), [1999] 3 R.C.S. 46.
-
[10]
Ce droit peut en effet être limité si le JNR tente de retarder le déroulement des poursuites judiciaires (Moynan c. La Reine, 2007 QCCA 1093, par. 39) ou si le JNR apparaît comme ayant la capacité de se représenter lui-même (R. c. Rowbotham, préc., note 9).
-
[11]
Voir E. Bernheim et R.-A. Laniel, préc., note 1.
-
[12]
Voir Emmanuelle Bernheim et Richard-Alexandre Laniel, « Le droit à l’avocat, une histoire d’argent », (2015) 93 R. du B. can. 1.
-
[13]
Gregori Peces-Barba Martinez, Théorie générale des droits fondamentaux, Paris, L.G.D.J., 2004, p. 225 et suiv.
-
[14]
Nous avons fait une recherche de décisions de la Cour d’appel du Québec et de la Cour suprême dans les bases de données CanLII et Quicklaw avec les mots clés suivants : « représenté seul », « sans avocat », « non représenté », « unrepresented », « self-represented », « self-represented litigant » et « unrepresented litigant ». Nous avons ainsi obtenu 460 décisions de la Cour d’appel (pour la période 2008-2013) et 113 décisions de la Cour suprême (sans filtre de dates). De ces décisions, nous n’avons retenu que celles où la situation spécifique d’un JNR était discutée, plusieurs ne faisant que mentionner qu’une partie n’était pas représentée par avocat (N = 112). De ces 112 décisions, 49 portaient sur le droit d’agir seul. Nous avons finalement complété la recherche initiale par des décisions majeures antérieures à 2008 et postérieures à 2013.
-
[15]
Sur le droit à l’avocat, voir E. Bernheim et R.-A. Laniel, préc., note 12. Concernant le droit à l’assistance du tribunal, l’analyse est en cours.
-
[16]
Voir notamment : Vescio c. La Reine, [1949] R.C.S. 139, 142 ; Québec (Procureur général) c. B.S., 2007 QCCA 1756 ; Fabrikant c. La Reine, 1995 CanLII 5384 (Qc C.A.) ; Bellemare c. Abaziou, 2009 QCCA 230 ; Fortin c. Chrétien, préc., note 6 ; Bérubé c. Loto-Québec, 2012 QCCA 1289 ; Bibaud c. Québec (Régie de l’assurance maladie), 2004 CSC 35 ; Lessard c. Thibault, 2010 QCCA 2159.
-
[17]
Dans notre article, pour plus d’uniformité, nous parlerons du « droit d’agir seul ».
-
[18]
À noter que ces différences se concrétisent par le fait qu’en matière criminelle on qualifie l’autoreprésentation de « droit d’agir seul » (Québec (Procureur général) c. B.S., préc., note 16, par. 56), alors qu’en droit civil on parle plutôt du « pouvoir » d’agir pour soi-même (Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01, art. 23 (ci-après « NCPC »)). Pour plus de clarté, nous nous référerons systématiquement au nouveau code (NCPC) et nous indiquerons les dispositions de l’ancien code (ACPC) entre parenthèses.
-
[19]
Dans ce développement, qui est exclusivement relatif au droit criminel, nous parlerons d’« accusé » plutôt que de JNR.
-
[20]
Vescio c. La Reine, préc., note 16, 142 ; Québec (Procureur général) c. B.S., préc., note 16 ; Fabrikant c. La Reine, préc., note 16 ; Côté c. La Reine, 2008 QCCS 5687, par. 42, permission de pourvoi à la Cour suprême rejetée : Côté c. Sa Majesté la reine, 2014 CanLII 5982 (CSC) ; Okemba c. Montréal (Ville de), 2012 QCCS 5588, par. 52 ; R. c. G.D., 2006 QCCS 5855. Notons toutefois que la décision Moynan c. La Reine, préc., note 10, par. 40, parle plutôt du fait qu’« un accusé peut choisir de se représenter seul sans l’assistance d’un avocat » (l’italique est de nous).
-
[21]
Québec (Procureur général) c. B.S., préc., note 16, par. 56, où le tribunal interprète l’article 651 du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46.
-
[22]
R. c. Cormier, 2008 QCCA 44, par. 63.
-
[23]
Québec (Procureur général) c. B.S., préc., note 16, par. 56.
-
[24]
Id. Voir également l’affaire Fabrikant c. La Reine, préc., note 16, 16.
-
[25]
Faretta v. California, 422 U.S. 806 (1975) : pour la Cour suprême américaine, le droit d’agir seul est protégé par les sixième et quatorzième amendements de la Constitution, qui garantissent le droit à une défense pleine et entière, ainsi que le droit à un procès juste et équitable. On ne peut, par conséquent, imposer un avocat à un accusé.
-
[26]
Dans la Star Chamber anglaise aux xvie et xviie siècles, l’accusé devait obligatoirement être représenté par un avocat : si ce n’était pas le cas, ce tribunal tenait pour acquis qu’il avait confessé son crime. La situation a changé radicalement en 1641 avec l’adoption de l’Habeas Corpus Act : l’accusé était dès lors forcé d’agir seul dans la plupart des procès criminels. La Treason Act (1695) assouplit cette règle en permettant à nouveau la représentation par avocat et en habilitant les tribunaux à en nommer un, à condition que l’accusé y consente. En 1836, la dernière interdiction d’être représenté par avocat, pour les accusations de haute trahison (felony), a été abolie. Notons que la reconnaissance du droit à l’avocat n’a jamais eu pour effet d’amoindrir le droit d’agir seul.
-
[27]
R. v. Woodward, [1944] A.E.R. 159.
-
[28]
La Cour avait désigné un avocat à l’accusé, qui s’était désisté peu de temps avant le début du procès. Alors qu’elle avait nommé un avocat substitut in extremis, l’accusé s’était opposé, affirmant qu’il préférait ne pas avoir de représentation juridique et qu’il agirait seul. La Cour a refusé et l’accusé, représenté par le substitut, a été condamné. Pour la Cour d’appel, le fait d’avoir accepté, de prime abord, d’être représenté par avocat ne signifiait pas que l’accusé avait renoncé à son droit d’agir seul : elle a donc annulé le verdict de culpabilité.
-
[29]
Vescio c. La Reine, préc., note 16. Voir également : R v. Romanowicz, 1998 CanLII 14957 (Ont. S.C.), par. 31 : « the respect for individual autonomy within the adversarial system forecloses the court from forcing counsel upon an accused even where it may clearly be in the interests of the accused » ; Jona Goldschmidt et Loretta Stalans, « Lawyers’ Perceptions of the Fairness of Judicial Assistance to Self-represented Litigants », (2012) 30 Windsor Y.B. Access Just. 139.
-
[30]
Vescio c. La Reine, préc., note 16, 142 (notre traduction).
-
[31]
Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.)].
-
[32]
R. c. Swain, [1991] 1 R.C.S. 933.
-
[33]
Id., 972 :
Puisque les principes de justice fondamentale reposent sur un système accusatoire et contradictoire de justice criminelle fondé sur le respect de l’autonomie et de la dignité humaines, il me semble évident qu’il faut également, en vertu des principes de justice fondamentale, qu’un accusé ait le droit de contrôler la conduite de sa propre défense […] Ainsi, l’accusé qui n’a pas été jugé incapable de subir son procès doit être considéré comme capable de conduire sa propre défense.
L’accusé décide lui-même s’il sera représenté par un avocat, s’il témoignera ou non en sa propre défense et quels témoins il citera à comparaître. Cela traduit le respect qu’a toujours eu notre société pour l’autonomie de l’individu dans un système contradictoire.
Cet extrait est cité dans l’affaire Québec (Procureur général) c. B.S., préc., note 16, par. 58 : « le juge en chef Lamer précise que le droit de l’accusé de conduire seul sa propre défense repose sur les principes de justice fondamentale ».
-
[34]
R. c. Peepeetch, 2003 SKCA 76, permission de pourvoir à la Cour suprême refusée : R. c. Peepeetch, [2003] SCCA No. 457.
-
[35]
Québec (Procureur général) c. B.S., préc., note 16, par. 59.
-
[36]
R. c. Peepeetch, préc., note 34, par. 66 (l’italique est de nous). Soulignons toutefois que cette reconnaissance fait l’objet d’un obiter dictum plutôt que d’un développement de la ratio decidendi.
-
[37]
Québec (Procureur général) c. B.S., préc., note 16.
-
[38]
Art. 486 (2.3) C.cr. (maintenant l’article 486.3 (1)) :
Dans les procédures dirigées contre l’accusé, sur demande du poursuivant ou d’un témoin âgé de moins de dix-huit ans, l’accusé ne peut procéder lui-même au contre-interrogatoire du témoin, sauf si le juge ou le juge de paix est d’avis que la bonne administration de la justice l’exige. Le cas échéant, le juge ou le juge de paix nomme un avocat pour procéder au contre-interrogatoire.
pour des exemples d’application de cet article, voir : Bernes c. La Reine, 2005 QCCA 738 ; R. c. B.S., 2005 CanLII 47406 (Qc C.Q.) ; Moynan c. La Reine, préc., note 10 ; R. c. S.G., 2008 QCCQ 13639.
-
[39]
Québec (Procureur général) c. B.S., préc., note 16, par. 11.
-
[40]
Id., par. 44.
-
[41]
Id., par. 61. Le droit d’agir seul « ne doit pas être confondu » avec le droit de l’accusé à l’assistance d’un avocat : l’accusé doit pouvoir choisir entre l’exercice du droit fondamental d’agir seul et le droit fondamental à la représentation par avocat.
-
[42]
Id., par. 90.
-
[43]
Id. Pour la Cour d’appel, le Code criminel serait même un « mécanisme législatif [qui] vise avant tout à préserver [le droit d’agir seul] en imposant une façon de faire qui protège également dans une certaine mesure le droit de certains témoins » (id., par. 82). Conformément aux principes d’interprétation en matière de droits et de libertés, le tribunal propose ainsi une interprétation large et libérale du droit d’agir seul en matière criminelle.
-
[44]
Id., par. 91 et suiv.
-
[45]
Franche c. La Reine, 2005 QCCA 719, par. 15 (l’italique est de nous) :
Le juge a bien mentionné que « c’est passible d’un emprisonnement maximal de cinq (5) ans », mais c’était dans le prononcé de sa sentence, après la dernière étape ; après avoir demandé à l’appelant s’il avait quelque chose à dire avant la sentence (art. 726 C. cr.). C’était pourtant un bon point pour le convaincre de faire appel à un avocat.
également l’affaire Bernes c. La Reine, préc., note 38.
-
[46]
Loi sur l’aide juridique et sur la prestation de certains autres services juridiques, RLRQ, c. A-14.
-
[47]
Côté c. La Reine, préc., note 20, par. 40-42 (l’italique est de nous) :
Claude Côté veut transformer son droit de se représenter seul en obligation constitutionnelle pour l’État d’assurer qu’il peut le faire adéquatement en profitant des conseils d’un avocat […] Le droit de se représenter seul implique simplement qu’on ne peut priver un citoyen de s’adresser lui-même au tribunal dans une affaire qui le concerne. Elle reconnaît que le citoyen a le choix, entre être représenté par un membre du Barreau ou de se représenter lui-même.
-
[48]
Art. 486.3 (3) C.cr. Pour des exemples d’application, voir : Bédard c. La Reine, 2014 QCCA 630 ; R. c. Cormier, préc., note 22 ; R. c. Sadubin, 2013 QCCS 3945. Dans l’affaire R. c. G.D., 2007 QCCS 2642, par. 14, la requête est rejetée : « Le Tribunal est d’avis qu’on peut obtenir de ce témoin […] un récit complet et franc des faits sur lesquels est fondée l’accusation, même si l’accusé procède lui-même au contre-interrogatoire de ce témoin, et qu’il n’est pas nécessaire de nommer un avocat pour procéder au contre-interrogatoire. »
-
[49]
Art. 486.3 (3) (4) et 486.1 (3) C.cr.
-
[50]
Art. 486.3 (1) C.cr.
-
[51]
Art. 486.3 (2) C.cr. Nous n’avons répertorié aucune décision pertinente émanant de tribunaux québécois, mais quelques décisions d’autres cours provinciales : R. v. Fazekas, 2010 ONSC 6603 ; R. c. Dallaire, 2010 ONSC 715 ; R. v. P.S., 2010 ONCJ 244 ; R. v. Bell, 2010 ONCJ 736 ; R. v. Faulkner, 2013 ONSC 2373.
-
[52]
Art. 486.3 (2) C.cr.
-
[53]
Art. 486.3 (1) (3) C.cr. Voir également : Bernes c. La Reine, préc., note 38 ; Québec (Procureur général) c. B.S., préc., note 16, par. 30.
-
[54]
Bernes c. La Reine, préc., note 38.
-
[55]
Id. Toutefois, l’obligation du juge de s’interroger sur l’opportunité de permettre à l’accusé de mener le contre-interrogatoire et d’écouter ses prétentions sur le sujet ne signifie pas qu’il doive systématiquement lui permettre de le mener. Voir, par exemple, l’affaire R. c. G.D., préc., note 20, par. 5 : la « Loi […] prohibe de procéder lui-même au contre-interrogatoire des témoins âgés de moins de 18 ans et, par conséquent, malgré les objections de M. G… D…, un avocat est nommé par le présent jugement pour procéder au contre-interrogatoire de ces témoins ».
-
[56]
Soulignons que des circonstances particulières ont milité en faveur de la décision de la Cour d’appel : 1) le juge avait ordonné un télétémoignage (ce qui rendait déjà le contre-interrogatoire un peu moins éprouvant pour les témoins) ; 2) les infractions qui étaient reprochées à l’accusé étaient graves : Bernes c. La Reine, préc., note 38, par. 30.
-
[57]
Art. 672.24 C.cr. : « Le tribunal, s’il a des motifs raisonnables de croire qu’un accusé est inapte à subir son procès, est tenu, si l’accusé n’est pas représenté par avocat, de lui en désigner un. » Cet article trouve application pour tous les procès criminels.
-
[58]
Art. 672.5 (8) C.cr. : « Si l’intérêt de la justice l’exige ou lorsque l’accusé a été déclaré inapte à subir son procès, le tribunal ou la commission d’examen est tenu, dans le cas où l’accusé n’est pas représenté par avocat, de lui en désigner un, avant l’audience ou au moment de celle-ci. » Cet article trouve application pour les instances judiciaires ou celles de la Commission d’examen des troubles mentaux du Tribunal administratif du Québec.
-
[59]
Grégoire c. La Reine, 2013 QCCS 3950, par. 4. Dans cet appel d’une décision de la Cour du Québec, le juge a conclu qu’il n’y avait pas matière à forcer la représentation par avocat puisque « l’analphabétisme n’est pas le type d’incapacité à subir son procès qui est prévu au Code criminel ». Pour un exemple d’application de l’article 672.24 C.cr., voir l’affaire R. c. Kaluza, 2010 QCCQ 3694. Voir également : R. c. Verma, 2011 BCCA 52 ; R. c. Pietrangelo, (2001) 152 C.C.C. (3d) 475 (C.A.). Il importe de relever le très faible nombre de décisions des tribunaux québécois appliquant cet article (dans le moteur de recherche CanLII : N = 3).
-
[60]
Pierre Béliveau et Martin Vauclair, Traité général de preuve et de procédure pénale, 20e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, p. 699.
-
[61]
Id. Voir également l’affaire R. c. Steele, (1991) 63 C.C.C. (3d) 149 (Qc C.A.) :
It is prerequisite to any criminal trial that the accused be capable of conducting his defence. Subject only to disruptive conduct on his part, he must be physically, intellectually, linguistically and communicatively present and able to partake to the best of his natural ability in his full answer and defence to the charge against him.
-
[62]
Québec (Procureur général) c. B.S., préc., note 16, par. 86.
-
[63]
Id., par. 84-87.
-
[64]
Id., par. 43 et 44.
-
[65]
Fabrikant c. La Reine, préc., note 16, 8 :
Although, when we read Sections 650 and 651 together, power is specifically given to the court to order the expulsion of the accused from the courtroom in the case of misconduct, neither of those sections contemplate the possibility that the court may, in the case of misconduct of for any other reason, except for reasons which would justify the expulsion of the accused, put an end to his defence or not allow him to do the summing up. Does that mean, however, that the right is infinite and that the court cannot, in appropriate cases, restrict this right or even terminate it ? In other words, can an accused, by his conduct, lose such fundamental rights ?
-
[66]
Dans l’affaire Rose c. La Reine, (1973) 12 C.C.C. (2d) 273 (Qc C.A.), le juge avait ordonné l’expulsion d’un accusé sur la base de sa mauvaise conduite, du dérangement causé, du non-respect de l’autorité du juge et d’insultes proférées. Le procès avait continué en son absence. Dans l’affaire R. c. Pawliw, (1985) 23 C.C.C. (3d) 14 (B.C.S.C.), l’accusé a été expulsé pendant une journée de la salle d’audience parce qu’il faisait de longues déclarations au jury sur des enjeux jugés non pertinents, répétait toujours les mêmes questions au témoin, persistait à poser des questions jugées non admissibles au témoin et, plus généralement, avait un comportement perturbateur qui ralentissait le déroulement de l’instance. Finalement, la décision Morley, (1988) 87 Cr.App.R. 218, a également réitéré le pouvoir du juge d’expulser un accusé dérangeant.
-
[67]
Fabrikant c. La Reine, préc., note 16, 43.
-
[68]
Id.
-
[69]
Id., 41 et 42. Voir également l’affaire Bédard c. La Reine, préc., note 48, par. 77.
-
[70]
Voir par exemple : Tremblay c. La Reine, 2014 QCCA 690 ; Bédard c. La Reine, préc., note 48. Dans ces deux décisions, la Cour d’appel a confirmé l’existence de ce pouvoir du juge d’instance et le fait que la conduite de l’accusé peut lui faire perdre son droit à une défense pleine et entière.
-
[71]
C’est du moins ce qu’affirment quelques sources québécoises, sans toutefois dévoiler les statistiques sur lesquelles elles s’appuient. Voir par exemple : Québec, Ministère de la Justice, Plan stratégique 2015-2020, p. 14, [En ligne], [www.justice.gouv.qc.ca/fileadmin/user_upload/contenu/documents/Fr__francais_/centredoc/publications/ministere/plans-strategiques/plan-strat1520.pdf] (21 juillet 2018) ; Daniel Payette, « Les personnes non représentées devant les tribunaux », 2016, p. 5, [En ligne], [www.abcqc.qc.ca/CBAMediaLibrary/cba_qc/PDF-Folder/Publications-et-ressources/Outils-et-references/Les-personnes-non-representees-devant-les-tribunaux.pdf] (21 juillet 2018). Une étude pancanadienne menée en 2002 par le ministère de la Justice fédéral révèle cependant que de 1 à 61 p. 100 des accusés agissent seuls, cette proportion étant très variable d’une province ou d’un territoire à l’autre : Canada, Ministère de la Justice, « Étude nationale sur les adultes non représentés accusés devant les cours criminelles provinciales – Partie 1 : Vue d’ensemble », 2002, p. 17, [En ligne], [publications.gc.ca/collections/Collection/J3-2-2002-2F.pdf] (21 juillet 2018).
-
[72]
Art. 23 NCPC. Les articles 61 et 56 de l’ancien Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25, prévoyaient que « nul n’est tenu de se faire représenter par procureur devant les tribunaux » et qu’« il faut être apte à exercer pleinement ses droits pour ester en justice sous quelque forme que ce soit ». Voir également Denis Ferland et Benoît Emery, Précis de procédure civile du Québec, 4e éd., t. 1 « (art. 1-481 C.p.c.) », Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, p. 148-152.
-
[73]
Art. 542 NCPC (art. 959 ACPC).
-
[74]
Nous n’avons recensé qu’une seule décision où est mentionné explicitement que « [l]e requérant se représente seul et c’est son droit » : Bédard c. Bonin, [2005] J.Q. no 13769. Il n’en reste pas moins que c’est une pratique permise. Voir par exemple : Gariépy et Société Canada, 2005 LNQCCLP 3 ; Bédard c. Ordre des technologues professionnels du Québec, 2005 QCTP 15 ; Wagg c. Canada, 2003 CAF 303 ; Bérubé c. Canada, 2006 CAF 166.
-
[75]
Soulignons que le changement de formulation n’a pas fait l’objet de débat particulier en commission parlementaire, le ministre de la Justice affirmant « espérer » que la récente réforme de l’aide juridique puisse « contribuer à faire en sorte qu’il y ait moins de gens qui se représentent seuls » et soulignant que la présence des JNR « alourdit les procès, […] allonge les procès souvent du simple au double pour ne pas dire au triple » : Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission des institutions, 1re sess., 40e légis., 9 octobre 2013, « Étude détaillée du projet de loi no 28 – Loi instituant le nouveau Code de procédure civile », p. 34 (M. Bertrand St-Arnaud). Pour le Comité de révision de la procédure civile cependant, « [l]e droit d’agir soi-même en justice est un droit naturel […] et participe du principe reconnu dans les États dits “démocratiques” voulant que “toute personne a le droit sacré d’être entendue avant qu’un tribunal ne rende une décision qui affecte ses droits” » : Québec, Ministère de la Justice, La révision de la procédure civile : une nouvelle culture judiciaire, Québec, 2001, p. 14.
-
[76]
La cour interprétait ici l’article 61 ACPC.
-
[77]
Bibaud c. Québec (Régie de l’assurance maladie), préc., note 16, par. 10 ; Fortin c. Chrétien, préc., note 6, par. 42.
-
[78]
Bellemare c. Abaziou, préc., note 16, par. 7 ; Bérubé c. Loto-Québec, préc., note 16, par. 4 ; Brouillette, Charpentier, Fortin, s.e.n.c. c. I.T.R. Accoustique inc., [2005] no AZ-50317108 (C.S.) ; Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] ACF no 830 ; Droit de la famille – 101695, 2010 QCCS 3214 ; Leiriao c. Jelali, [2003] J.Q. no 9399, par. 79 ; A c. B, 2007 QCCS 390, par. 18.
-
[79]
Fortin c. Chrétien, préc., note 6.
-
[80]
Pour plus de détails sur cette saga, voir Lucie Desjardins, « L’affaire Descôteaux : la cause type d’exercice illégal », Journal du Barreau du Québec, vol. 32, no 9, 2000.
-
[81]
Loi sur le Barreau, RLRQ, c. B-1, art. 128.
-
[82]
Notons que la personne qui accomplit des tâches étant du ressort exclusif des avocats s’expose à une poursuite pénale. Dans le cas du Club juridique de Laval, les tribunaux québécois ont imposé aux dirigeants des amendes dépassant 252 000 $ en plus d’une injonction les forçant à s’abstenir de donner des consultations et des avis d’ordre juridique. Voir Barreau du Québec, « Des amendes de 252 000 $ et une injonction viennent d’être imposées à des récidivistes de l’exercice illégal de la profession d’avocat », 2007, [En ligne], [www.newswire.ca/fr/news-releases/appel-a-la-prudence-du-public---des-amendes-de-252-000--et-une-injonction-viennent-detre-imposees-a-des-recidivistes-de-lexercice-illegal-de-la-profession-davocat-534364681.html] (16 janvier 2018) ; Barreau du Québec c. Descôteaux, 2007 QCCQ 6586.
-
[83]
Fortin c. Chrétien, préc., note 6, par. 47.
-
[84]
Id., par. 48 et suiv.
-
[85]
Id., par. 48.
-
[86]
Id., par. 48 et 49.
-
[87]
Id., par. 49.
-
[88]
Id., par. 54.
-
[89]
Art. 87 (3) NCPC. Le deuxième alinéa de l’article 61 ACPC prévoyait toutefois que la personne morale, la société en nom collectif ou en commandite, ou encore une association qui souhaitait participer à la distribution de deniers provenant de la vente des biens d’un débiteur, de la saisie de ses traitements, salaires ou gages, ou du dépôt volontaire qui en était fait, pouvait procéder par l’intermédiaire de tout fondé de pouvoir autorisé par procuration générale ou spéciale. Voir par exemple : Ferme Jolis-Bois, s.e.n.c. c. Charlebois, [2003] no AZ-50163833 (C.S.) ; Brouillette, Charpentier, Fortin, s.e.n.c. c. I.T.R. Accoustique inc., préc., note 78.
-
[90]
Art. 87 (5) NCPC.
-
[91]
Art. 87 (6) NCPC. Sont ici visés notamment les liquidateurs et les syndics.
-
[92]
Art. 87 (7) NCPC.
-
[93]
Art. 87 (4) NCPC. Ils ne doivent toutefois pas être représentés dans le cas où l’ensemble des associés ou des membres agissent eux-mêmes ou mandatent l’un d’entre eux pour agir.
-
[94]
Art. 87 (1) NCPC (art. 61 f) ACPC). Pour un exemple d’application de cette exception, voir l’affaire E (H) c. Québec (Curateur public), REJB 1998-11763 (C.A.). Dans cette décision, la Cour d’appel réitère l’interprétation de l’article 61 f) ACPC qui énonce qu’il est interdit pour une « curatrice ad hoc » de se faire représenter par avocat. Dans l’affaire Gaudreault c. 9045-5643 Québec inc., 2010 QCCA 290, on interprète le même paragraphe de l’article 61 ACPC pour l’administrateur du bien d’autrui. Les conclusions de la Cour d’appel sont identiques à celles de la première décision.
-
[95]
Art. 87 (2) NCPC (art. 1049 ACPC).
-
[96]
Voir : Byer c. CTV Bell Globemedia Inc. (CFCF), 2008 QCCA 1352 ; Robert c. BBK Avocats, 2012 QCCA 1275. Contrairement aux autres restrictions rapportées plus haut, le possible amalgame entre la personne physique et la personne morale peut entraîner des situations problématiques quant à la représentation légale de cette dernière. Par exemple, le régime de l’actionnariat unique permet à l’actionnaire de contrôler l’ensemble des activités de la société par actions (Loi sur les sociétés par actions, RLRQ, c. S-31.1, art. 213). Or, même si elle est seulement constituée d’une seule personne, la société par actions doit être représentée par un avocat.
-
[97]
Voir Matthew Cormack, « The Cost of Representation : An Argument for Permitting Pro Se Representation of Small Corporations in Bankruptcy », (2011) 1 Colum. Bus. L. Rev. 222.
-
[98]
Art. 86 NCPC (art. 62 ACPC) ; Loi sur le Barreau, préc., note 81, art. 128. Plusieurs exceptions sont prévues, et il est possible de représenter un tiers sans être avocat devant différentes instances, notamment :
-
un arbitre de différends ou de griefs, comme le prévoient le Code du travail, RLRQ, c. C-27, et la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’oeuvre dans l’industrie de la construction, RLRQ, c. R-20 ;
-
la Commission des relations du travail ;
-
la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail ;
-
la Section des affaires sociales du Tribunal administratif du Québec (pour certains recours) ;
-
la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles ;
-
la Commission des lésions professionnelles ;
-
la Régie du logement ;
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la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada ;
-
la Division des petites créances de la Cour du Québec.
-
-
[99]
Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 159. Droit de la famille – 131552, 2013 QCCA 1050, par. 7-12. La non-représentation d’un mineur sans l’autorisation du tribunal aura pour conséquence sa nullité absolue, comme le prescrit l’article 161 C.c.Q.
-
[100]
Art. 90 NCPC (art. 394.1 ACPC) ; D. Ferland et B. Emery, préc., note 72, p. 561 et suiv., citant l’affaire F. (M.) c. L. (J.), REJB 2002-29840 (C.A.) ; Droit de la famille – 3280, J.E. 99-821 (C.S.).
-
[101]
D. Ferland et B. Emery préc., note 72, p. 562, citant l’affaire L. (S.) c. Bergeron, REJB 1999-12325 (C.S.).
-
[102]
Pour la Cour suprême, le premier usage de cet article est le pouvoir du juge de suspendre une instance afin de permettre au JNR d’être représenté par un avocat, lorsque ledit juge l’estime nécessaire pour le bon déroulement de l’instance. Ce n’est qu’en second lieu que l’on spécifie qu’il « peut même désigner un procureur à cette fin » (l’italique est de nous) : Bibaud c. Québec (Régie de l’assurance maladie), préc., note 16, par. 14.
-
[103]
D. Ferland et B. Emery, préc., note 72, p. 562, citant l’affaire S. (R.) c. A. (P.), REJB 1998-06525 (C.S.) ; E. (G.) c. E. (B.), [1994] R.J.Q 1563 (C.S.) ; Droit de la famille – 314, [1986] R.J.Q. 2855 (C.S.) ; Droit de la famille – 2160, [1995] R.D.F 361 (C.Q.). Il semble que cette disposition soit peu utilisée : Barreau du Québec, « Rapport du groupe de travail sur la santé mentale et la justice », 2010, p. 12, [En ligne], [www.barreau.qc.ca/pdf/medias/positions/2010/201003-sante-mentale.pdf] (21 juillet 2018).
-
[104]
Sébastien J. Vaillancourt, « Le rôle et l’utilité du procureur à l’enfant devant la Cour supérieure : revue de la jurisprudence », dans Barreau du Québec, Congrès annuel du Barreau du Québec (2010), Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 1, aux pages 7 et 8 ; Luc Chamberland (dir.), Le grand collectif, Code de procédure civile, Commentaires et annotations, 2e éd., t. 1, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2017, art. 160.
-
[105]
Bellemare c. Abaziou, préc., note 16, par. 7. Voir également l’affaire Droit de la famille – 101695, préc., note 78, par. 97 et 98 :
Se représenter seul est un droit, cependant ne s’improvise pas avocat qui veut !
Les règles de procédures et de preuve doivent être respectées par tous. La personne non représentée qui ne les applique pas ne doit pas se surprendre qu’un Tribunal rejette sa demande, faute de preuve. Même si le droit existe, encore faut-il que le demandeur présente une preuve selon les règles.
-
[106]
A c. B, préc., note 78, par. 19, cité dans l’affaire Boissé c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2007 QCCQ 12189, par. 14 : « Même si les demanderesses se sont représentées seules pendant un certain temps, elles avaient l’obligation de respecter les délais de rigueur prévus par le législateur. »
-
[107]
Droit de la famille – 071998, 2007 QCCA 1096.
-
[108]
Ce délai et la possibilité de le prolonger en cas d’impossibilité d’agir est prévu par l’article 173 NCPC (art. 110.1 ACPC). Michalakopoulos c. Jamal, 2009 QCCA 1959 ; Therrien c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2007 QCCQ 10683.
-
[109]
Art. 173 NCPC (507 ACPC) ; Règles de la Cour d’appel du Québec, RLRQ, c. C-25, r. 14, art. 57 et 65 ; Droit de la famille – 092847, 2009 QCCA 2251 ; Godin c. Structure métropolitaine (SMI) inc., 2010 QCCA 972 ; Pateras c. M.B., [1986] R.D.J. 441 (C.A.) ; Girard c. Syndicat de l’enseignement de Portneuf, 2006 QCCA 556, par. 35 :
Ce n’est pas parce que l’appelant a choisi de se représenter lui-même qu’il n’est pas assujetti à la même obligation de produire la transcription de la preuve essentielle à la détermination de son appel pour démontrer une erreur manifeste de la part du premier juge et justifier l’intervention de la Cour. Ne l’ayant pas fait, ce moyen d’appel doit être rejeté.
-
[110]
Leiriao c. Jelali, préc., note 78, par. 79 :
Les justiciables ont le droit de se représenter seuls devant les tribunaux. Cependant, ils n’ont pas le droit et ne sont pas autorisés à utiliser la procédure de façon à déconsidérer la justice et entraîner des coûts exorbitants pour régler un litige qui aurait pu faire l’objet d’une procédure beaucoup plus simple et moins coûteuse.
-
[111]
Art. 51 NCPC (art. 54.1 ACPC). Pilote c. Desjardins Sécurité financière, compagnie d’assurance vie, 2013 QCCQ 4339, par. 42 :
M. Pilote a décidé de se présenter en Cour sans avocat, c’est son droit. Mais cela ne lui donne pas le droit, même s’il se retrouve par moments stressé ou mal pris parce qu’il se représente seul, de se livrer à des excès et à des débordements en paroles, en cris et en gestes […] Le Tribunal pourra prononcer toute sanction pertinente s’il constate qu’une partie agit de façon abusive, et ceci, même de sa propre initiative en vertu de l’article 54.1 C.p.c.
-
[112]
Les conséquences d’une déclaration de quérulence sont importantes, car le tribunal peut interdire au quérulent d’introduire une demande en justice, à moins d’obtenir l’autorisation du juge en chef et de respecter les conditions que celui-ci détermine : art. 55 NCPC (art. 54.5 ACPC). Voir également l’affaire Droit de la famille – 131171, 2013 QCCA 801.
-
[113]
Dans la décision Bellemare c. Abaziou, préc., note 16, par. 59, la Cour d’appel rejette une requête en déclaration de quérulence en échange d’un engagement formel de M. Abaziou de ne plus intenter des recours autrement qu’en étant représenté par un avocat. Pour le juge Beauregard, dissident, la déclaration de quérulence est plus pertinente, rien ne garantissant que l’intimé ait effectivement recours aux services d’un avocat.
-
[114]
Yves-Marie Morissette, « Abus de droit, quérulence et parties non représentées », (2003) 49 R.D. McGill 23, 34.
-
[115]
Id.
-
[116]
Hébert (Sucession de), 2011 QCCA 1170, par. 143 ; Pogan c. Barreau du Québec (FARPBQ), 2010 QCCS 1458, par. 81 et 82, demande de permission d’appeler rejetée : Pogan c. Benaroche, 2010 QCCA 621 ; 9088-2895 Québec inc. c. Brattas, 2007 QCCS 4808, par. 42, cité au paragraphe 3 de l’affaire Brattas c. Caisse populaire Desjardins de Granby/Bromont, 2008 QCCA 790.
-
[117]
Une partie importante des décisions recensées traitent de la quérulence : Bellemare c. Abaziou, préc., note 16 ; Pogan c. Barreau du Québec (FARPBQ), préc., note 116 ; 9088-2895 Québec inc. c. Brattas, préc., note 116 ; Hébert (Sucession de), préc., note 116 ; Brousseau c. Montréal (Ville de), 2012 QCCA 1547 ; Droit de la famille – 12100, 2012 QCCA 135 ; Droit de la famille – 131171, préc., note 112.
-
[118]
Il semble que le même raisonnement soit à l’oeuvre en matière administrative. Voir, par exemple, l’affaire Bérubé c. Canada, préc., note 74, par. 5 :
[I]l y a des risques découlant d’un manque d’expérience ou de formation à se représenter seul dans une contestation judiciaire. Mais il s’agit d’un risque que le plaideur accepte avec les conséquences fâcheuses qui peuvent en découler et qu’on ne saurait imputer au juge du procès.
-
[119]
Therrien c. Sous-ministre du Revenu du Québec, préc., note 108, par. 23. Rejetant la requête de l’appelant pour le relever de son défaut d’inscrire et pour prolonger le délai d’inscription, la juge souligne « l’attitude généralement négligente de Gaëtan Therrien relativement à l’administration de ses affaires et au respect de ses obligations en tant que contribuable » (par. 19) ainsi que le « témoignage plutôt laconique et imprécis » sur lequel repose sa preuve (par. 22).
-
[120]
Dans l’affaire Droit de la famille – 12100, préc., note 117, par. 5, la Cour d’appel affirme que l’incompréhension du processus judiciaire par le JNR, « malgré les efforts du juge de la Cour supérieure pour l’instruire, ne peut en aucun cas constituer une cause valable d’intervention », et ce, même si cette incompréhension l’empêche de revendiquer efficacement ses droits.
-
[121]
Dans l’arrêt A c. B, préc., note 78, par. 17, la Cour supérieure adhère à ce raisonnement et rejette la requête des demanderesses (JNR) de prolonger le délai d’inscription pour enquête et audition en expliquant que le justiciable qui se représente lui-même est « souvent le seul responsable du contrôle des délais ». Selon la juge, la jurisprudence traitant de l’impossibilité d’agir d’une partie représentée par avocat ne peut s’appliquer intégralement aux JNR. Elle affirme que « [l]es contribuables ont le droit de se représenter seuls devant les tribunaux » (par. 18), mais que ce choix comporte certains risques procéduraux et substantiels. Elle cite à l’appui les propos du juge Isabelle dans l’affaire Clothilde Bérubé c. La Société des Casinos du Québec, C.S. Hull, no 550-17-001702-040, 14 octobre 2005, par. 21 :
[C]e choix comporte certains risques puisque certains [contribuables] ignorent souvent les règles de droit et celles de procédures impératives. Le risque pour la partie qui se représente seule d’être pénalisée par l’application des dispositions du Code de procédure civile est donc plus grand et milite en faveur d’une vigilance accrue pour celle qui se représente seule.
-
[122]
Notons que l’erreur de bonne foi peut constituer une impossibilité d’agir : dans l’affaire Mitri c. Lafleur, 2010 QCCA 1254, par. 2, la Cour d’appel relève l’appelant de son défaut d’inscrire en temps utile pour erreur de bonne foi, d’abord au motif qu’il ne s’agit pas, selon elle, d’un « plaideur négligent, désinvolte ou désintéressé, mais plutôt d’un plaideur sans avocat qui, malgré sa diligence, n’a pas su se retrouver dans l’imbroglio procédural auquel il faisait face ». La Cour d’appel ne précise pas les gestes concrets auxquels elle attribue cette diligence.
-
[123]
Azar c. Concordia University, 2008 QCCA 936, par. 13. La Cour d’appel précise que l’appelant avait d’abord déposé l’inscription pour appel dans les délais, mais sans l’autorisation d’appel prescrite par les Règles de pratique de la Cour d’appel en matière civile, par. 3 :
Mr. Azar, a former student of Concordia who was expelled for academic dishonesty, acts on his own behalf, and has no legal training. Within thirty days of the Superior Court judgment, he filed an inscription in appeal in the record of that court pursuant to article 495 C.C.P. Leave to appeal from a judge of the Court of Appeal pursuant to article 26 C.C.P., however, is required in such circumstances. Since then, Mr. Azar filed a motion to amend his inscription in appeal, in which he simply asserts that he was unaware that leave was required. The motion, which contrary to article 11 of the Rules of Practice of the Court of Appeal in Civil Matters does not state on which provision of law it is based, was not accompanied by an affidavit. In fact, the correct procedure would have been for Mr. Azar to present a motion for leave to appeal beyond the legal delays pursuant to article 523 C.C.P.
-
[124]
Broda v. Broda, 2001 ABCA 151, 286 AR 120, par. 4, cité dans l’affaire Deschênes c. Valeurs mobilières Banque Laurentienne, 2010 QCCA 2137, par. 36. Toutefois, dans cette décision, le tribunal accole certaines garanties au droit d’agir seul, telles que le devoir d’assistance du tribunal, en s’appuyant sur les principes du Conseil canadien de la magistrature pour affirmer que les juges doivent adopter des mesures particulières afin que les JNR ne soient pas injustement défavorisés : Deschênes c. Valeurs mobilières Banque Laurentienne, par. 37. Ces mesures ne sont pas clairement définies. Voir aussi l’affaire Michalakopoulos c. Jamal, préc., note 108, par. 11.
-
[125]
Voir notamment l’affaire R. c. Gélinas, EYB 1998-05052 (C.A.), 8 (l’italique est de nous) :
Pour remédier à la situation, le premier juge aurait dû à la première occasion où la plaidoirie contrevenait aux règles, en l’absence du jury, expliquer à l’intimé qui n’est pas avocat et qui se représentait seul, la différence entre la preuve et une plaidoirie. Il aurait dû expliquer qu’une plaidoirie au jury est limitée à la présentation des arguments et qu’il n’est pas permis au plaideur de s’en servir pour présenter des faits qui n’ont pas été soumis en preuve par un témoin assermenté qui aurait été assujetti à un contre-interrogatoire. En outre l’intimé aurait dû être averti que, s’il persistait, malgré les instructions, à contrevenir aux règles il s’exposait à être empêché de continuer sa plaidoirie.
…
Tout en reconnaissant la difficulté de présider un procès où l’accusé se représente seul sans l’assistance d’un avocat, la Cour doit conclure que dans les circonstances de l’espèce, la façon dont le premier juge a disposé des irrégularités de la plaidoirie de l’intimé, constituait une erreur viciant le verdict.
-
[126]
Moroca c. R., REJB 2004-54127 (C.S.), par. 21.
-
[127]
Sureau c. Verdun (Ville), C.A. Montréal, no 500-10-001660-990, 16 janvier 2001, par. 28 et 31.
-
[128]
Id., par. 21 et 22.
-
[129]
Dans l’affaire Bernes c. La Reine, préc., note 38, la Cour d’appel estime que le juge de première instance a erré, car il aurait dû s’interroger sur la possibilité que l’accusé puisse contre-interroger lui-même les témoins avant de l’interdire. Le juge aurait aussi dû lui expliquer pourquoi il refusait certaines questions de son contre-interrogatoire et lui demander si les réponses lui inspiraient d’autres questions. Ces erreurs auraient vicié l’équité procédurale.
-
[130]
Plaiche c. La Reine, 1993 QCCA 3693, par. 2 ; Leblanc c. La Reine, 2010 QCCA 1891, par. 48 et 56.
-
[131]
Leblanc c. La Reine, préc., note 130, par. 47.
-
[132]
Guenette c. La Reine, EYB 2002-28362 (C.A.), par. 22. Voir aussi l’affaire Bernes c. La Reine, préc., note 38, par. 16. P. Béliveau et M. Vauclair, préc., note 60, p. 723, précisent qu’en matière criminelle et pénale il n’existe pas de règles fixes quant à l’assistance que le juge doit apporter à un accusé : « il s’agit d’un facteur qu’on doit apprécier selon les circonstances et qui relève de sa discrétion ».
-
[133]
Ménard c. Gardner, 2012 QCCA 1546, par. 59.
-
[134]
Guenette c. La Reine, préc., note 132, par. 23 :
L’appelant n’en était donc pas à sa première expérience en matière pénale. Loin s’en faut ! Le dossier révèle aussi qu’il avait des procédures en marche devant la CSST, et possiblement à la SAAQ, et qu’il y était assisté d’un avocat. Dans ce contexte, l’appelant ne fait pas très sérieux, à mon avis, quand il reproche au juge de ne pas l’avoir informé des risques d’aller à procès sans avocat ou de la possibilité, advenant un verdict de culpabilité, qu’il soit condamné à une peine sévère.
-
[135]
Id., par. 20.
-
[136]
Lessard c. Thibault, préc., note 16, par. 3.
-
[137]
Murphy c. Chambre de la sécurité financière, 2010 QCCA 1079, par. 16. Le juge ne retient pas l’appel, car il estime que le juge de première instance a rejeté de façon convaincante le grief voulant que l’appelant a été empêché de produire sa preuve (par. 44 ; l’italique est de nous) :
À titre de tribunal administratif, le comité de discipline n’est pas assujetti à un code de procédure formel. La justice disciplinaire qu’il applique repose sur une organisation moins structurée que celle dont bénéficie une cour de justice. Ses membres ne sont pas des décideurs à temps plein. Ayant comme objectif de protéger le public, son travail commande souplesse et célérité. Le professionnel qui comparaît devant lui doit collaborer. S’il se défend seul, il doit accepter de subir des contraintes additionnelles.
Ce raisonnement amène à se demander si, en matière non disciplinaire, ces « contraintes additionnelles » existent également.
-
[138]
Moynan c. La Reine, préc., note 10, par. 40.
-
[139]
Québec (Procureur général) c. B.S., préc., note 16, par. 61.
-
[140]
Golzarian c. Association des policiers provinciaux du Québec, 2011 QCCA 1250, par. 5.
-
[141]
Bellemare c. Abaziou, préc., note 16, par. 7.
-
[142]
G. Peces-Barba Martinez, préc., note 13.
-
[143]
Ménard c. Gardner, préc., note 133, par. 58.
-
[144]
Stroll c. Iredale, 2008 QCCA 601, par. 15.
-
[145]
Lieb v. Smith et al., (1994) 120 Nfld. & P.E.I.R. 201 (C.S. 1re inst.), par. 16, cité dans l’affaire Wagg c. Canada, préc., note 74, par. 25.
-
[146]
Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.), préc., note 9, p. 85. Voir également l’affaire Grenier c. Québec (Ville de), 2008 QCCA 1992, par. 3, où le juge déclare noter une confusion dans la présentation du droit applicable par le JNR.
-
[147]
Stroll c. Iredale, préc., note 144, par. 15.
-
[148]
Moynan c. La Reine, préc., note 10, par. 41.
-
[149]
Tribunal des droits de la personne, Bilan d’activités 2004-2005, p. 45, [En ligne], [www.tribunaux.qc.ca/tdp/BilanActivites/BilanTDP04-05.pdf] (21 juillet 2018). Voir également Québec, Assemblée nationale du Québec, Journal des débats de la Commission des institutions, 1re sess., 37e légis., 29 janvier 2004.
-
[150]
Ronald W. Staudt et Paula L. Hannaford, « Access to Justice for the Self-represented Litigant : An Interdisciplinary Investigation by Designers and Lawyers », (2002) 52 Syracuse L. Rev. 1017 ; Rory K. Schneider, « Illiberal Construction of Pro Se Pleadings », (2011) 159 U. Penn. L. Rev. 585, 589.
-
[151]
Therrien c. Québec (Sous-ministre du Revenu), préc., note 108, par. 18.
-
[152]
Voir, par exemple, l’affaire Girard c. Syndicat de l’enseignement de Portneuf, préc., note 109, par. 35 : « Ce n’est pas parce que l’appelant a choisi de se représenter lui-même qu’il n’est pas assujetti à la même obligation de produire la transcription de la preuve essentielle à la détermination de son appel. »
-
[153]
Wagg c. Canada, préc., note 74, par. 23.
-
[154]
Loi sur le Barreau, préc., note 81, art. 128 ; Loi sur le notariat, RLRQ, c. N-3, art. 15. Soulignons l’existence de quelques exceptions, notamment en matière de droit de l’immigration et de droit du travail où il n’est pas obligatoire d’être membre d’un ordre professionnel afin de représenter des justiciables devant certains tribunaux administratifs. Une étude exhaustive des régimes professionnels en droit comparé démontre que la Loi sur le Barreau est parmi les plus strictes quant au monopole professionnel des avocats : René Laperrière, « L’interprétation du droit et les monopoles des professions juridiques », dans Claude Thomasset et Danièle Bourcier (dir.), Interpréter le droit : le sens, l’interprète, la machine, Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 305.
-
[155]
Gillian K. Hadfield, « The Price of Law : How the Market for Lawyers Distorts the Justice System », (2000) 98 Mich. L. Rev. 953.
-
[156]
S.L. Buhai, préc., note 5, 993 ; Gary Blasi, « Framing Access to Justice : Beyond Perceived Justice for Individuals », (2009) 42 Loy. L.A. L. Rev. 913, 919 et 920 ; Gary Blasi, « How much Access ? How much Justice ? », (2004) 73 Fordham L. Rev. 865, 869 et 870 ; Carroll Seron et autres, « The Impact of Legal Counsel on Outcomes for Poor Tenants in New York City’s Housing Court : Result of a Randomized Experiment », (2001) 35 L. & Soc’y Rev. 419 ; Patricia Hugues, « Advancing Access to Justice through Generic Solutions : The Risk of Perpetuating Exclusion », (2013) 31 Windsor Y.B. Access Just. 1.
-
[157]
Paul Vadya et Stephen Ginsberg, « Legal Services Plans : Crucial-time Access to Lawyers and the Case for a Public-private Partnership », dans Michael J. Trebilcock, Anthony J. Duggan et Lorne M. Sossin (dir.), Middle Income Access to Justice, Toronto, University of Toronto Press, 2012, p. 246, à la page 249. Des clients d’une clinique juridique communautaire à Montréal ont confirmé en entrevue de groupe que l’information juridique consultable sur les sites Web ou dans certains organismes est source de confusion et qu’ils ignorent la manière de l’appliquer à leur propre dossier : Équipe de recherche du Chantier autoreprésentation et plaideur citoyen, La force du suivi personnalisé pour les personnes autoreprésentées : rapport de recherche sur la Clinique juridique du Mile End, Montréal, 2018, p. 22.
-
[158]
Loi sur le Barreau, L.R.O. 1990, c. L.8, art. 26.1 (5) ; Legal Profession Act, S.B.C. 1998, c. 9, art. 15 (1) d) ; Legal Services Society Act, S.B.C. 2002, c. 30, art. 12.
-
[159]
Règles de la Société du Barreau du Manitoba, adoptées par les conseillers de la Société du Barreau du Manitoba le 31 octobre 2002, art. 5-16 (2) ; Loi sur la profession d’avocat, C.P.L.M., c. L107, art. 21.
-
[160]
Legal Profession Act, S.N.S. 2004, c. 28, art. 16 (2) d).
-
[161]
Id., art. 16 (1).
-
[162]
National Self-Represented Litigants Project, « Windsor Law to Offer For-credit SRL Coaching Course », 2017, [En ligne], [representingyourselfcanada.com/windsor-law-to-offer-for-credit-srl-coaching-course/] (27 juin 2018).
-
[163]
Notons qu’en Ontario le seuil d’admissibilité à la Cour des petites créances est de 25 000 $, alors qu’au Québec seuls les litiges de 15 000 $ et moins sont de la compétence de la Division des petites créances.
-
[164]
Ces modalités de représentation sont autorisées à la Commission de la location immobilière (conflits de location) et d’autres tribunaux, tels que la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail de l’Ontario (pour les accidents de travail), la Commission des services financiers de l’Ontario (pour les dossiers relatifs aux accidents de voiture), le Tribunal de l’aide sociale (pour les questions relatives à l’aide gouvernementale) et le Tribunal des droits de la personne : Barreau du Haut-Canada, « Pour vos besoins juridiques », [En ligne], [www.lsuc.on.ca/uploadedFiles/FR-your-legal-needs.pdf] (27 juin 2018).
-
[165]
En matière de droit familial, les techniciens juridiques à licence limitée peuvent notamment intervenir sur les questions relatives aux pensions alimentaires, aux séparations et aux divorces, aux recours pour contrer la violence conjugale et à la garde des enfants. Voir Mary Juetten, « The Limited License Legal Technician is the Way of the Future of Law », ABA Journal, 8 décembre 2017, [En ligne], [www.abajournal.com/news/article/the_limited_license_legal_technician_story_start_with_why] (27 juin 2018).
-
[166]
En fait, les techniciens juridiques à licence limitée peuvent accomplir les gestes suivants :
-
collecter les faits et expliquer leur pertinence juridique ;
-
informer et assister les justiciables dans leurs démarches juridiques ;
-
réviser des documents ou des preuves que les justiciables s’apprêtent à soumettre au tribunal ;
-
choisir, remplir et déposer certains formulaires au tribunal ;
-
effectuer des recherches juridique ;
-
rédiger certaines opinions juridiques dans des contextes précis, sous la supervision d’un avocat ;
-
conseiller les justiciables sur les preuves et les arguments qu’ils devraient soumettre au tribunal.
Ces techniciens n’ont cependant pas le droit de représenter les justiciables ou de négocier en leur nom. Voir : Limited Practice Rule For Limited License Legal Technicians, [En ligne], [www.wsba.org/docs/default-source/licensing/lllt/apr-28.pdf ?sfvrsn=b563ef1_0] (26 juin 2018) ; également : Limited License Legal Technicians, [En ligne], [www.wsba.org/for-legal-professionals/join-the-legal-profession-in-wa/limited-license-legal-technicians] (26 juin 2018).
-
-
[167]
Pour la liste des décisions judiciaires canadiennes discutant des amis McKenzie, voir The National Self-Represented Litigants Project, « Canadian Cases on McKenzie Friends », 2016, [En ligne], [www.representingyourselfcanada.com/canadian-cases-on-mckenzie-friends/] (4 juin 2018).
-
[168]
McKenzie v. McKenzie, [1971] P 33.
-
[169]
Judith M. DaSilva et Julie Macfarlane, « The McKenzie Friend : Choosing and Presenting a Courtroom Companion », Windsor, 2016, p. 5 et 6, [En ligne], [www.representingyourselfcanada.com/wp-content/uploads/2016/11/McKenzie-Friend-FINAL.pdf] (21 juillet 2018).
-
[170]
Gavin MacKenzie et Brooke MacKenzie, « Les avocats devraient-ils avoir le monopole des services juridiques ? », National, 2016, [En ligne], [www.nationalmagazine.ca/Articles/Winter-2016/Should-lawyers-have-a-monopoly-over-the-provision.aspx] (21 juillet 2018) :
Le principal impératif éthique de la question du monopole des avocats est notre devoir d’assurer l’accès à la justice. L’opposition à la prestation de services juridiques à moindre coût par des non-avocats nuit à l’accès à la justice et à l’image de notre profession. Le bien commun doit primer les intérêts des avocats.
La majeure partie de la population n’a pas accès à des services juridiques à prix raisonnable. Ce problème de longue date ne fera qu’empirer tant que les avocats ne [reconnaîtront] pas que les non-avocats font partie de la solution.
-
[171]
Robert Ambrogi, « Who Says You Need a Law Degree to Practice Law ? », The Washington Post, 13 mars 2015, [En ligne], [www.washingtonpost.com/opinions/closing-the-justice-gap/2015/03/13/a5f576c8-c754-11e4-aa1a-86135599fb0f_story.html ?utm_term=.3e89b0dcfc22] (21 juillet 2018).
-
[172]
Voir Mary Douglas, Comment pensent les institutions, Paris, La Découverte, 2004.
-
[173]
E. Bernheim et R.-A. Laniel, préc., note 1.
-
[174]
Pierre-Claude Lafond, L’accès à la justice civile au Québec. Portrait général, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2012, p. 120 :
[L]e régime d’aide juridique règle le problème des plus pauvres, ce qui n’est pas négligeable, mais ne tient pas compte des pauvres qui gagnent le salaire minimum ou qui font partie de la classe moyenne. Les années de coupure et de désengagement étatique ont eu comme impact d’éloigner les avocats de ceux qui ont le plus besoin de leurs services et, par voie de conséquence, de rapprocher les membres de la profession des personnes socialement et économiquement privilégiées.
-
[175]
Une auteure parle d’une « hausse dramatique » (dramatic increases) : Julie Macfarlane, « The National Self-Represented Litigants Project : Identifying and Meeting the Needs of Self-Represented Litigants », 2013, p. 15, [En ligne], [www.lsuc.on.ca/uploadedFiles/For_the_Public/About_the_Law_Society/Convocation_Decisions/2014/Self-represented_project.pdf] (21 juillet 2018). Au Québec, en matière familiale, on estime à 42 p. 100 la proportion de dossier concernant au moins un JNR, alors qu’en 2010 25 p. 100 des demandes déposées à la Cour suprême émanaient de JNR : P.-Cl. Lafond, préc., note 174, p. 55 ; Cour suprême du Canada, « Budget des dépenses 2010-2011 – Un rapport sur les plans et les priorités », Ottawa, [En ligne], [www.tbs-sct.gc.ca/rpp/2010-2011/inst/jsc/jsc-fra.pdf] (21 juillet 2018). Voir également : Michel Tétrault, « Éthique et déontologie en droit de la famille. Le litige familial, la déontologie et l’éthique : mais qui est contre la vertu ? », dans Barreau du Québec, Congrès du Barreau : À la mesure du panorama, 2010, p. 204 ; Rachel Birnbaum et Nicholas Bala, « Views of Ontario Lawyers on Family Litigants without Representation », (2012) 63 R.D. U.N.-B. 99 ; Deborah J. Chase, « Pro Se Justice and Unified Family Court », (2003) 37 Fam. L.Q. 403, 404 et 405.
-
[176]
Depuis janvier 2016, le seuil d’admissibilité pour avoir accès à des services entièrement à la charge de l’État est de 20 475 $ pour une personne seule et de 33 574 $ pour une famille de quatre personnes et plus : Règlement sur l’aide juridique, RLRQ, c. A-14, r. 2, art. 18. Le seuil a été modifié de manière qu’une personne seule qui travaille 35 heures par semaine ait droit à l’aide juridique gratuite. En mai 2017, il a été harmonisé avec la hausse du salaire minimum. Voir Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite-Bourgogne, « Hausse des seuils d’admissibilité à l’aide juridique depuis le 31 mai 2017 », 5 juin 2017, [En ligne], [www.servicesjuridiques.org/hausse-des-seuils-dadmissibilite-a-laide-juridique-depuis-le-31-mai-2017/] (11 avril 2018). En 2015, le seuil de faible revenu était établi à 22 505 $ pour une personne seule et à 45 011 $ pour un ménage de quatre personnes : Gouvernement du Québec, Institut de la statistique, « Seuil du faible revenu, avant impôt, selon la taille du ménage 2012-2015 », [En ligne], [www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/revenu/faible-revenu/seuilsmfr_qcavi_.htm] (11 avril 2018).
-
[177]
P.-Cl. Lafond, préc., note 174, p. 53. Soulignons que dans plusieurs pays européens les mesures d’accès aux services juridiques tiennent davantage compte des disparités socioéconomiques de la population, notamment par des paramètres plus souples d’accès à l’aide juridique et par des modalités de financement public et privé, en particulier les assurances : 2004 Symposium Transcript, « Access to Justice : Does it Exist in Civil Cases ? », (2004) 17 Geo. J. Leg. Ethics 455 ; Lua Kamal Yuille, « No One’s Perfect (Not Even Close) : Reevaluating Access to Justice in the United States and Western Europe », (2004) 42 Colum. J. Transnat’l L. 863. Voir aussi « L’assurance juridique » dans P.-Cl. Lafond, préc., note 174, p. 125. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, [2000] J.O. C 364/1, art. 47, al. 3, impose aux institutions publiques de fournir des services juridiques aux plus démunis en prévoyant qu’une « aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice ». Les constitutions de plusieurs pays européens comme l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal et l’Espagne prévoient le droit à l’aide juridique en matière tant criminelle que civile. En Finlande, l’aide juridique publique est d’admissibilité « quasi universelle », couvrant jusqu’aux trois quarts de la population. Afin qu’une personne soit admissible, les services d’un avocat doivent simplement être considérés comme nécessaires pour gérer l’enjeu juridique en cause : Antti Rissanen, « Legal Aid in Finland », dans Ole Hammerslev et Olaf Halvorsen Rønning (dir.), Outsourcing Legal Aid in the Nordic Welfare States, Cham, Springer International Publishing, 2017, p. 77, à la page 77 ; Francis Regan et Jon Johnsen, « Are Finland’s Recent Legal Services Policy Reforms Swimming against the Tide of International Reforms ? », (2007) 26 Civ. Just. Q. 341. En Allemagne, le modèle est hybride : l’aide juridique est conjuguée à une offre d’assurance privée. La disponibilité de cette couverture assurantielle s’expliquerait par des services juridiques généralement moins coûteux, puisque les honoraires d’avocats sont réglementés par des tarifs fixes, ce qui permet aux compagnies d’anticiper et de calculer les risques : Maurits Barendrecht et autres, Legal Aid in Europe. Nine different Ways to Guarantee Access to Justice ?, 2014, p. 59, [En ligne], [www.hiil.org/data/sitemanagement/media/Report_legal_aid_in_Europe.pdf] (1er juillet 2018).
-
[178]
Voir par exemple : Rachel Birnbaum, Nicholas Bala et Lorne Bertrand, « The Rise of Self-Representation in Canada’s Family Courts : The Complex Picture Revealed in Surveys of Jugdes, Lawyers and Litigants », (2012) 91 R. du B. can. 67 ; Elisabeth Richardson, Tania Sourdin et Nerida Wallace, « Self-Represented Litigants : Literature Review », dans Australian Center for Court and Justice System Innovation, Monash University, 2012, p. 14.
-
[179]
Accès au droit et à la justice, préc., note 1. Voir également : P.-Cl. Lafond, préc., note 174, p. 57 ; Russell G. Pearce, « Redressing Inequality in the Market for Justice : Why Access to Lawyers will never Solve the Problem and Why Rethinking the Role of Judges will Help », (2004) 73 Fordham L. Rev. 969, 972 ; G.K. Hadfield, préc., note 155.
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[180]
P.-Cl. Lafond, préc., note 174, p. 29. En 2014, un sondage du magazine L’actualité révèle que seulement 17 p. 100 des Québécois estiment que tout le monde a les moyens d’aller devant les tribunaux : Catherine Dubé, « Les Québécois font de plus en plus confiance aux tribunaux », L’actualité, 8 décembre 2014, [En ligne], [www.lactualite.com/societe/2014/12/08/tribunaux-le-besoin-de-croire/] (15 janvier 2018).
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[181]
J. Macfarlane, préc., note 175, p. 39 et 48 ; Julie Macfarlane, « 3 Assumptions that are Leading Us Astray », [En ligne], [representingyourselfcanada.com/3-assumptions-that-are-leading-us-astray/] (28 octobre 2013). Soulignons qu’aucune étude comparable n’a été menée au Québec.
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[182]
Jane Bailey, Jacquelyn Burkell et Graham Reynolds, « Access to Justice for All : Towards an “Expansive Vision” of Justice and Technology », (2013) 31 Windsor Y.B. Access Just. 181, 196.
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[183]
Karl E. Klare, « Judicial Deradicalization of the Wagner Act and the Origins of Modem Legal Consciousness, 1937-1941 », (1978) 62 Minn. L. Rev. 265, 276 ; Richard F. Devlin, « Jurisprudence for Judges : Why Legal Theory Matters for Social Context Education », (2001) 27 Queen’s L.J. 161.
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[184]
Voir : G.K. Hadfield, préc., note 155 ; Kent Roach et Lorne Sossin, « Access to Justice and Beyond », (2010) 60 U.T.L.J. 373 ; Jacques Commaille, « La justice entre détraditionnalisation, néolibéralisation et démocratisation : vers une théorie de sociologie politique de la justice », dans Jacques Commaille et Martine Kaluszynski (dir.), La fonction politique de la justice, Paris, La Découverte, 2007, p. 293 ; Stephen Tomsen, « Legal Services and Neo-Liberalism in an Unequal Legal Order », (2007/8) 10 Flinders J.L. Reform 609.
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[185]
Rebecca L. Sandefur, « Access to Civil Justice and Race, Class, and Gender Inequality », Annual Review Sociology, vol. 34, 2008, p. 339.
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[186]
Pierre Noreau, « Accès à la justice et démocratie en panne : constats, analyses et projections », dans Pierre Noreau (dir.), Révolutionner la justice. Constats, mutations et perspectives, Montréal, Thémis, 2010, p. 13, aux pages 39 et 40.
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[187]
C’est d’ailleurs bien souvent la représentation qu’en fait la doctrine : E. Bernheim et R.-A. Laniel, préc., note 1.