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« Enfin », c’est le premier mot qui nous est venu en tête à la réception et (surtout) à la lecture de l’ouvrage intitulé Responsabilité sociale des entreprises. Perspectives de la gouvernance d’entreprise durable. Enfin, la professeure Catherine Malecki prend le temps de nous livrer ses réflexions personnelles sur les liens entre gouvernance d’entreprise et responsabilité sociétale[1], et ce, dans un format plus abouti et plus dense que celui des revues juridiques dans lesquelles nous pouvons habituellement la lire (Bulletin Joly, Recueil Dalloz, Semaine juridique). C’est incontestablement un bien bel ouvrage – qui n’est pas sans critiques, critiques que nous développerons ci-après – que nous offre cette auteure prolifique sur un sujet qui l’anime depuis de nombreuses années et pour lequel elle dispose d’une expertise trop rare dans le monde francophone[2]. De prime abord, il nous faut saluer la professeure Catherine Malecki qui vient, par la publication de ce livre, combler un vide littéraire : celui d’un ouvrage traitant de la gouvernance des entreprises (qui plus est, sous l’angle du droit et de la responsabilité sociétale) en langue française[3] et empruntant ses fondements culturels et ses références au monde francophone et européen[4]. Dans un domaine marqué par la prédominance de la pensée et de l’influence anglo-américaines[5], consacrer 468 pages aux interactions entre droit, gouvernance d’entreprise et responsabilité sociétale au travers de la reddition non financière et du façonnage des comportements des acteurs de la gouvernance, avec un détour par la finance durable et l’investissement socialement responsable, il fallait oser. À notre plus grande satisfaction, la professeure Catherine Malecki a osé, et c’est déjà là tout un mérite de sa part !
Sur la forme, cet ouvrage est incontestablement l’oeuvre d’une auteure animée d’une grande pédagogie et d’une forte volonté de transmettre un message audible et compréhensible, mais on ne s’en étonnera pas lorsqu’on a entendu ou rencontré Catherine Malecki : la gouvernance d’entreprise doit devenir encore plus sociétale, responsable et humaine, « pour le bien de tous » (p. 73, 439 et 443)[6]. Nous en voulons pour preuve l’utilisation de chapitres introductifs pour chaque partie, intitulés à juste titre « État des questions » et revenant en quelques pages sur les points essentiels qui seront abordés par la suite. Cet effort n’est pas vain, car l’ouvrage se lit très bien et les pages défilent sans que le plaisir du lecteur d’en apprendre davantage se tarisse. Le résultat plus que satisfaisant quant à l’accessibilité de l’ouvrage est incontestablement à mettre au crédit de l’auteure, tant cette dernière a abordé des problématiques aux liens ténus et aux ramifications vastes qui dépassent, et de loin, la sphère juridique stricto sensu (les débats sont parfois philosophiques, managériaux, économiques ou encore financiers). De même, le style est peu chargé avec de courts paragraphes précédés d’un titre résumant l’idée qui sera développée ; le nombre de références par pages demeure d’ailleurs raisonnable (en dépit d’une impressionnante littérature existante), ce qui donne un plaisir particulier à la lecture. Les règles de droit (textes de loi, projets législatifs, décisions de jurisprudence, recommandations, avis, etc.) – l’ouvrage demeure l’oeuvre d’une juriste[7] – ne sont en rien oubliées et sont abordées de manière à ne pas dérouter le lecteur et à ne pas rendre le contenu trop technique. Nous regrettons simplement que certains textes de loi ne soient pas intégralement repris. L’ouvrage portant sur une thématique qui n’échappe pas au droit comparé[8] et certains lecteurs ayant un accès plus restreint aux références législatives et réglementaires françaises, une telle reprise dans le corps de l’ouvrage aurait été utile. Les intéressants commentaires sur les textes, propositions ou avis qu’offre la professeure Catherine Malecki ne peuvent souvent être parfaitement compris qu’à condition d’avoir lu lesdits textes, propositions ou avis.
Sur le fond, la table des matières de l’ouvrage est peu complexe, celui-ci étant articulé autour de trois parties. Comportant quatre chapitres, la première partie de 128 pages aborde la reddition non financière et ses enjeux en fait de contenu de l’information extrafinancière (chapitre 2), de contraintes de divulgation et de vérification (chapitre 3) et d’intégration dans le domaine de la comptabilité (chapitre 4). D’une part, le chapitre 2 revient sur les grandes évolutions qui ont marqué le droit français depuis plus de dix ans en matière d’information non financière : la loi dite « NRE » de 2001[9], le décret du 22 février 2002[10], la loi Grenelle II de 2010[11] et le décret du 24 avril 2012[12]. Avec un tel continuum normatif, le temps n’est-il plus aux critiques, comme l’affirme avec ironie l’auteure à la page 106 ? Rien n’est moins sûr, l’auteure montrant toute l’actualité de l’information non financière en évoquant les droits de la personne auxquels elle accorde un rôle croissant dans la responsabilité sociétale (p. 123 et suiv.) ou la fiscalité (p. 136), notamment lorsqu’il existe des filiales établies sur plusieurs continents, tout comme les émissions de gaz à effet de serre qui ne sont pas oubliées au travers du bilan annuel auquel sont tenues certaines sociétés (p. 138 et suiv.). Malgré son enthousiasme relativement à l’émergence d’une entreprise durable (p. 95) et la consécration d’une gouvernance d’entreprise devenue d’« utilité publique » (p. 103), la professeure Catherine Malecki émet de pertinentes réserves sur l’évolution du cadre réglementaire[13], tels le malheureux traitement égal des informations environnementales et sociales (p. 89 et suiv.), les critères retenus pour leur diffusion faisant fi du type d’activité exercé (p. 89 et 98), la complexité du décret de 21 012 (p. 95), les risques de détournement de la règle no report, no explain (p. 95), la nature incertaine de la transparence (p. 104), l’existence de listes d’informations différentes à fournir suivant que la société est cotée ou non en Bourse (p. 110, 117 et suiv.), l’inefficacité du critère de cotation (p. 118), ou encore les dangers entourant l’allègement du périmètre de l’obligation de reporting non financières en matière de lisibilité et d’accès (p. 133 et suiv.)[14]. D’autre part, le chapitre 3 traite des contraintes entourant l’information extrafinancière que sont notamment l’impérieuse cohérence avec les textes européens et internationaux ainsi que les nécessaires standardisations et vérifications de l’information. À propos de ce dernier point, l’auteure souligne que la mission du commissaire aux comptes est aujourd’hui incertaine (p. 154)[15], même si ce professionnel du chiffre est destiné à jouer un « rôle-clé » dans la mécanique générale de la gouvernance d’entreprise durable (p. 156). À la lecture de l’ouvrage (p. 154 et suiv.), on observe qu’un nouvel acteur est appelé lui aussi à jouer un rôle croissant : l’organisme tiers indépendant chargé de vérifier les informations non financières. Rappelons que son avis motivé sur la sincérité des informations figurant dans le rapport de gestion et sur les explications relatives à l’absence des informations est transmis à l’assemblée des actionnaires en même temps que le rapport de gestion du conseil d’administration. Voilà une transparence bienvenue, mais dont les actionnaires et les parties prenantes vont devoir apprendre à se servir !
La professeure Catherine Malecki aborde également au chapitre 3 la règle peu connue des juristes de droit continental de l’obligation d’appliquer ou d’expliquer (comply or explain) (p. 145 et suiv.)[16], en signalant à juste titre que celle-ci est « porteuse de chausse-trapes » qu’elle illustre habilement (p. 153) et qu’il convient d’être vigilant pour éviter que les entreprises ne publient légitimement[17] des rapports « succincts, mimétiques voire banalisés assortis d’explications insuffisantes, des rapports réduits à “peau de chagrin” pour les parties prenantes » (p. 146 et 147). Ce chapitre se termine par une ouverture – que nous aurions voulu plus longue tant la discussion dans les disciplines comptable et financière est âpre à ce sujet (pertinence, contenu, etc.) – sur le reporting intégré qu’elle souhaite (est-ce là un voeu pieux ?) construit sur l’activité de l’entreprise, son organisation et son implantation à l’international (p. 185 et suiv.). Enfin, le chapitre 4 présente les initiatives dans le domaine comptable. Ce chapitre s’avère d’autant plus important que, comme le reconnaît elle-même l’auteure, la condition du succès de l’obligation d’information non financière réside dans sa comptabilisation (p. 187 et suiv.). « Le rôle du droit comptable est essentiel », tonne la professeure Catherine Malecki (p. 187). Après avoir présenté les normes comptables internationales et les différentes plateformes d’échanges entre professionnels (International Integrated Reporting Council (IIRC), International Federation of Accountants (IFAC), Climate Disclosure Standards Board (CDSB) et Global Reporting Initiative (GRI)), l’auteure se penche sur la « locomotive européenne » (notamment la recommandation du 30 mai 2001[18] et le règlement Eco-Management and Audit Scheme (EMAS) de 2001[19]) et les impulsions françaises issues pour l’essentiel de l’autorité des marchés financiers (ses fameuses recommandations no 2009-16[20] et no 2010-13[21] sur les risques sociaux et environnementaux), le Conseil français de la comptabilité se montrant plus prudent, exception faite de l’édiction récente d’une norme d’exercice professionnel des commissaires aux comptes intégrée dans l’article A823-36-2 du Code de commerce (p. 200 et suiv.).
La deuxième partie de l’ouvrage de 173 pages comporte huit chapitres répartis en deux titres : un sur les comportements et un sur les sanctions. Au premier titre, l’auteure aborde les missions du conseil d’administration (chapitre 1), les guides et les labels pouvant servir de boussole (chapitre 2), la place des parties prenantes (chapitre 3) et les opérations sociétaires (chapitre 4) et la notion d’intérêt social (chapitre 5). Dans le chapitre 1, la professeure Catherine Malecki précise que les conseils d’administration sont au coeur de la stratégie Responsabilité sociale des entreprises (RSE) (p. 219). Trois moyens sont aujourd’hui utilisés pour faciliter cette tâche : 1) assurer une diversité et une parité dans sa composition (l’auteure revient en détail sur les discussions européennes en les mettant en perspective et en n’occultant pas la question de l’efficacité du dispositif : p. 222 et suiv.) ; 2) garantir une formation appropriée des administrateurs (p. 231 et suiv.) ; et 3) communiquer sur le processus de prise de décision (p. 233 et suiv.). La professeure Catherine Malecki insiste à cette occasion sur l’intention de s’informer sur les risques RSE qui doit animer dorénavant les administrateurs (p. 236) sur la compétence, la loyauté et le courage dont ils devraient impérativement faire preuve (p. 236 et suiv.) ainsi que sur le développement de rémunérations indexées sur des critères non financiers (p. 248 et suiv.) ou d’actions de performance RSE (p. 251 et suiv.). Phénomène d’importation (p. 275), la notion de partie prenante et le caractère participatif qu’elle donne à la gouvernance d’entreprise se trouvent abordés dans le chapitre 3 sans doute de manière trop concise pour ce qui est des sources nord-américaines, tant le fait de consacrer 3 pages et demie à un sujet si riche nous semble par trop réducteur. Démontrant que les parties prenantes sont des figures connues en droits européen et français (p. 279 et suiv.), l’auteure établit la difficulté de les cartographier avec précision (p. 283 et suiv.) et de les hiérarchiser (p. 286 et suiv.), alors que les enjeux en matière d’arbitrage entre leurs intérêts respectifs sont pourtant colossaux (p. 288). Les actionnaires et les salariés font l’objet de sections spécifiques de l’ouvrage pour signaler qu’ils auront dorénavant un rôle « décisif » et qu’un engagement plus grand de leur part est à encourager pour les premiers (p. 292, 294 et 297) et que, si leur intégration dans la prise de décision se révèle complexe, une logique d’information doit présider pour les seconds (p. 298).
Pour leur part, les chapitres 2 et 4 du premier titre sont consacrés aux guides et aux labels de comportements RSE sur lesquels l’auteure s’appuie pour démontrer la juridicité « inédite » de la RSE qui consacre une nouvelle forme de droit à la fabrique inédite (une « soft hard law » ou une « hard law soft » : p. 270 et suiv. et 440 et suiv.) et aux opérations sociétaires. Cela permet à l’auteure de revenir sur la question des relations entre une société-mère et ses filiales à l’aune de la RSE (solidarité financière, devoir de vigilance, etc.) (p. 306 et suiv.)[22]. Dans le chapitre 5, dernier mais tout aussi intéressant chapitre du premier titre, l’auteure replonge en 4 pages sur la délicate signification de l’intérêt social et les perspectives d’ouverture aux conceptions de bien-être et de prospérité que sous-entend désormais la responsabilité sociétale (p. 314). De manière innovatrice, la professeure Catherine Malecki prône la construction d’un « intérêt commun durable » que le juge dessinerait se refusant à sacrifier une partie prenante dont l’activité est essentielle (p. 316).
Dans le second titre de la deuxième partie de l’ouvrage, l’auteure traite des sanctions de la gouvernance d’entreprise, lesquelles viennent compléter l’indispensable logique pédagogique qui accompagne la démarche de responsabilité sociétale (p. 319 et suiv.). Dans le chapitre 1, les sanctions traditionnelles sont présentées : administratives, pénales et du droit commun des sociétés. Sur ce dernier point, ce sont les injonctions de faire qui, pour l’auteure, sont promises à un bel avenir dans le domaine non financier (p. 327). La privation du droit de vote en cas de décisions non financières portant atteinte à un actionnaire ou un tiers (p. 329), l’exclusion d’un associé au comportement antisocialement responsable (p. 331), la responsabilité civile des administrateurs (p. 331 et suiv.) et la faute de gestion (p. 335 et suiv.) soulèvent chacune de délicates interrogations. Dans le chapitre 2, la professeure Catherine Malecki propose une analyse originale : celle de la sanction que constitue la réputation à laquelle la responsabilité sociétale fait jouer un rôle important (p. 337). La corporate reputation, reflet des attentes de l’opinion publique et des parties prenantes influe sur la gouvernance d’entreprise dans un rôle d’« auto-correcteur comportemental »… authentique système de défense naturel de la gouvernance d’entreprise durable (p. 342 et suiv.) s’appuyant sur les standards internationaux, les audits environnementaux, les codes de gouvernance, sur les labels, sur les classements, etc. et leur donnant une normativité particulière (p. 355 et suiv.). « Ce qu’il faut communiquer, où il faut communiquer […] et comment il faut communiquer » (p. 337) : tel est le triptyque essentiel pour s’assurer une bonne image, plus que jamais indispensable au moment où les atteintes à l’image sociétale – aux conséquences financières désastreuses (voir l’exemple de l’entreprise Sodexho, p. 351) – sont si difficilement réparables (p. 366 et suiv.).
La troisième et dernière partie de l’ouvrage est la moins longue avec ses 59 pages. En plus du chapitre 1, à l’aspect pédagogique revenant lato sensu sur la place de la finance dans le débat sur la gouvernance d’entreprise (notamment la finance dite responsable au travers du fameux « investissement socialement responsable »), cette partie comporte trois autres chapitres. En guise de mise en bouche, le chapitre 2 prend le temps de revenir sur ce que constitue l’investissement socialement responsable (ISR) : ses origines anglo-saxonnes (p. 387 et suiv.) ; son analyse plus que complexe en raison « des » approches et « des » grilles de lecture (p. 389 et suiv.) ; son cadre institutionnel avec les initiatives (d’essence publique et privée) internationales, européennes et françaises (p. 394 et suiv.) ; et les incontournables et si délicats problèmes de notation et de labellisation qu’il soulève (p. 406 et suiv.)[23]. Dans le chapitre 3, l’auteure insiste sur le vote responsable que permet la transparence voulue par le législateur français depuis quelques années. Présentant un environnement international qui foisonne d’initiatives de nature variée, très bien synthétisées en quelques pages (p. 417 et suiv.), l’auteure détaille les conséquences de la loi Grenelle II pour certains acteurs du marché financier : transparence de vote et information sur les critères sociaux sont les nouveaux outils au service d’une gouvernance d’entreprise sociétalement responsable (p. 420 et suiv.). Ce chapitre se termine par de riches réflexions portant sur l’activisme et l’engagement. Enfin, le chapitre 4 aborde succinctement les chantiers européens et nationaux de la finance durable : la finance sociale et les quotas d’émission de gaz à effet de serre. Si l’intégration de cette partie dans l’ouvrage peut surprendre, la lecture des développements de la professeure Catherine Malecki suffira à démontrer aux lecteurs toute leur pertinence : la finance durable est le bras armé de la nouvelle gouvernance d’entreprise (p. 379), elle est l’aspect financier de la responsabilité sociétale.
Bien que l’approche substantielle de l’ouvrage témoigne de grandes qualités[24], ce travail n’est pas exempt de critiques. En premier lieu, nous regrettons un choix de thèmes qui auraient mérité d’être sans doute plus larges. En deuxième lieu, la place et le rôle des actionnaires et des salariés fait l’objet de peu de développements. L’auteure traite en un peu plus de 8 pages de ces acteurs centraux de la gouvernance d’entreprise qui font l’objet d’actualités riches que la presse relaie[25] et de réflexions diverses des mondes professionnel et universitaire[26]. Ces acteurs auraient sans doute mérité un traitement plus long. En troisième lieu, même si l’auteure fait par moments des détours par le droit étranger (par exemple, dans l’analyse de la composition du conseil d’administration), nous devons concéder que la place du droit comparé (qu’il soit étatsunien, canadien, australien ou asiatique ou encore en provenance d’autres pays européens) est restreinte. S’il est vrai que la présentation des évolutions intervenues dans le cas des instances et des juridictions européennes et françaises s’avère un tour de force en soi, certains développements auraient gagné à être mis en perspective pour en apprécier toute leur portée. En quatrième et dernier lieu, bien que nous adhérions pleinement à la conviction de l’auteure que la responsabilité sociétale offre une « troisième voie », nous doutons que cette voie trouve son essence dans les seuls actionnaires sociétalement responsables (p. 210). Cette vision est sans doute trop angélique et néglige le fait que les actionnaires des grandes sociétés changent : on abandonne ainsi le visage souriant et sympathique des petits porteurs pour celui des investisseurs institutionnels dont certains recherchent incontestablement des profits et s’arc-boutent sur une logique basée sur une vision à court terme (« court-termisme[27] »). La recette de cette troisième voie est faite, à notre sens, de bien plus nombreux ingrédients.
« La gouvernance d’entreprise durable est une chance ; il faut la saisir », précise l’auteure (p. 74). En fait, la gouvernance d’entreprise est à un moment charnière de son évolution, évolution que le droit (dur et souple) et la responsabilité sociétale facilitent conjointement (p. 440). La gouvernance à l’ancienne (old school) (p. 206) doit céder la place à une autre gouvernance d’entreprise[28]. En route donc vers une troisième voie, différente peut-être de celle qui est proposée par l’auteure (p. 208 et suiv.) – car elle est basée, croyons-nous, sur une humanisation de la gouvernance et une consécration plus affirmée de l’entreprise[29] –, mais qui demeure fondamentalement une troisième voie : un changement de paradigme. Droit, gouvernance[30] et responsabilité sociétale[31] sont dorénavant intimement liés. Comme l’atteste l’ouvrage de la professeure Catherine Malecki, il existe aujourd’hui un « noyau dur de principes » (p. 206) construits autour de la responsabilité sociétale qui transcende les traditions juridiques et les différences culturelles. Il ne reste plus qu’à en tirer les conclusions qui s’imposent sur le devenir de la gouvernance d’entreprise… cette dernière n’étant peut-être rien d’autre qu’une idée ancienne[32] à réinventer.
Appendices
Notes
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[1]
Nous employons le terme « sociétal » qui est plus inclusif que « social ». La traduction de l’expression de corporate social responsibility en français se révèle inadaptée, car elle renvoie essentiellement au droit du travail. Le terme « sociétal » permet ainsi d’inclure la sphère des droits fondamentaux. Il est amusant de noter que la professeure Catherine Malecki se prononce sur le terme approprié pour lui préférer le mot « social » : Catherine Malecki, Responsabilité sociale des entreprises. Perspectives de la gouvernance d’entreprise durable, Paris, L.G.D.J., 2014, p. 26 et suiv. et 205.
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[2]
Parmi une longue liste d’études dont elle est l’auteure, voir : Catherine Malecki, « La RSE : une norme singulière et plurielle », Rev. Dr. Bancaire et Financier 2015.100 ; Catherine Malecki, « Devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre : la France peut-elle faire cavalier seul ? », Bull. Joly 2015.171 ; Catherine Malecki, « L’article 12 de la loi Warsmann II ou le reporting extra-financier “extra” allégé ! », Bull. Joly 2012.411 ; Catherine Malecki, « Le Grenelle II et la gouvernance d’entreprise sociétale », Bull. Joly 2010.703 ; Catherine Malecki, « Finance durable et RSE », Rev. Dr. Bancaire et Financier 2015.92, 95 ; Catherine Malecki, « Publication de la directive RSE ou comment faire confiance à la gouvernance d’entreprise durable », Bull. Joly 2014.732 ; Catherine Malecki, « L’ISR : une définition à géométrie variable », Bull. Joly 2014.920 ; Catherine Malecki, « Des chiffres et des lettres… de noblesse du reporting non financier », Bull. Joly 2013.780 ; Catherine Malecki, « “Structure de gouvernance de l’entreprise : critères de décisions”. Les 16 bonnes pratiques de l’IFA », Bull. Joly 2013.242 ; Catherine Malecki, « Le décret du 24 avril 2012 relatif “aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale” », Bull. Joly 2012.590.
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[3]
Il existe des ouvrages en langue américaine portant sur cette question. Par exemple, voir : Samuel O. Idowu, et autres (dir.), Corporate Social Responsibility and Governance. Theory and Practice, Londres, Springer, 2015 ; Justine Simpson et John Taylor, Corporate Governance, Ethics and CSR, Londres, Kogan Page, 2013 ; Sabri Boubaker et Duc Khuong Nguyen (dir.), Board Directors and Corporate Social Responsibility, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2012 ; Guler Aras et David Crowther (dir.), A Handbook of Corporate Governance and Social Responsibility, Farnham, Gower, 2010 ; Michael Kerr, Richard Janda et Chip Pitts, Corporate Social Responsibility. A Legal Analysis, Markham, LexisNexis, 2009.
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[4]
Toutefois, l’auteure ne rejette pas pour autant les réflexions provenant de pays de tradition de common law, comme le démontrent ses renvois dans les notes en bas de page à des travaux ou encore à des documents américains, australiens ou britanniques.
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[5]
Il suffit de comparer les productions américaines et francophones de livres et d’articles pour s’en rendre compte, hypothèse partagée par l’auteure elle-même dans son introduction dans la section intitulée « L’influence américaine » (p. 19 et suiv.).
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[6]
Nous sommes d’accord avec cette conclusion de l’auteure, ainsi que nous l’avons exprimé à différentes reprises : Ivan Tchotourian, « Embrace the Coming Changes in Corporate Governance : Lessons from Developments in Corporate Law – A Comparative View », (2014) 65 Revista da Faculdade de Direito da UFMG 321 ; Ivan Tchotourian, « RSE, Développement durable et gouvernance d’entreprise. Un jeu d’acteurs et de structures… ad hominem ou ad libitum du marché ? », Journal des sociétés 2012.36.
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[7]
Nous pouvons en voir la marque lorsque l’auteure affirme, à juste titre, à notre sens, comme le professeur Alain Couret, « La structure juridique des entreprises (corporate governance) », (2002) 2 R.I.D.E. 339, l’a magistralement démontré par le passé, qu’il a été fait appel au législateur national dans le domaine de la production des normes (p. 352 et suiv.). De même, l’auteure n’oppose pas ni ne rejette l’utilité du droit dur ou du droit mou ou des deux à la fois, mais elle considère ces deux degrés de normativité comme des outils juridiques complémentaires et indispensables à la construction d’une nouvelle gouvernance.
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[8]
Klaus J. Hopt, « Comparative Corporate Governance : The State of the Art and International Regulation », (2011) 59 American Journal of Comparative Law 1. Voir aussi l’ouvrage collectif suivant qui demeure une référence : Klaus J. Hopt et autres, Comparative Corporate Governance. The State of the Art and Emerging Research, Oxford, Oxford University Press, 1998.
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[9]
Loi no 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, J.O. 16 mai 2001, p. 7776.
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[10]
Décret no 2002-221 du 20 févr. 2002 pris pour l’application de l’article L225-102-1 du code de commerce et modifiant le décret no 67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales, J.O. 21 févr. 2002, p. 3360.
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[11]
Loi no 2010-788 du 12 juill. 2010 portant engagement national pour l’environnement, J.O. 13 juill. 2010 p. 12905.
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[12]
Décret no 2012-557 du 24 avr. 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale, J.O. 26 avr. 2012, p. 7439.
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[13]
Nous avions nous-même fait part de nos réserves dans plusieurs études : Nicolas Antheaume et autres, « Du nouveau dans le reporting extra-financier des sociétés : Analyse pluridisciplinaire et critique du décret relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale », dans Sabrina Dupouy (dir.), Jalons pour une économie verte, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2012, p. 205 ; Ivan Tchotourian, « Adoption du décret no 2012-557 du 24 avril 2012 : le reporting extra-financier des sociétés revisité », Bull. Joly 2012.300 ; Louis-Daniel Muka-Tshibende, Yann Queinnec et Ivan Tchotourian, « Articles 224 et s. de la loi Grenelle II : vers un droit de la gouvernance d’entreprise (enfin ?) responsable », (2012) 1 Rev. dr. int. et dr. comparé 97.
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[14]
Pour une présentation de la plus récente directive européenne, voir Ivan Tchotourian, « Divulgation extra-financière des sociétés en Europe : présentation et analyse du projet de la Commission européenne », R.T.D. eur. 2014.309.
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[15]
Ivan Tchotourian, « Plaidoyer pour une responsabilité accrue des commissaires aux comptes en matière de RSE », dans Benoît Pigé (dir.), Qualité de l’audit. Enjeux de l’audit interne et externe pour la gouvernance des organisations, Bruxelles, De Boeck, 2011, p. 99.
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[16]
Véronique Magnier, « Le principe “se conformer ou s’expliquer”, une consécration en trompe-l’oeil ? », J.C.P. 2008.280.3 ; Jean-Baptiste Poulle, « L’apparition du principe “se conformer ou expliquer” en droit français », R.T.D.F. 2008.41. À propos de cette règle, voir Suzanne Young, « Comply or Explain », dans Samuel O. Idowu et autres (dir.), Encyclopedia of Corporate Social Responsibility, Berlin, Springer Verlag, 2013, p. 434.
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[17]
En vertu des textes réglementaires français, une société indique, parmi les informations extrafinancières qu’elle devrait divulguer dans le rapport de gestion, celles qui, eu égard à la nature des activités ou à l’organisation de la société, ne peuvent être produites ou ne paraissent pas pertinentes, en fournissant toutes les explications utiles.
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[18]
Recommandation 2001/453/CE de la Commission du 30 mai 2001 concernant la prise en considération des aspects environnementaux dans les comptes et rapports annuels : inscription comptable, évaluation et publication d’informations, J.O. L 156/33.
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[19]
Règlement 1221/2003 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2003 concernant la participation volontaire des organisateurs à un système communautaire de management environnemental et d’audit, J.O. L 342/1.
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[20]
Autorité des Marchés Financiers, « Guide d’élaboration des documents de référence », recommandation AMF no 2009-16, 13 avril 2015.
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[21]
Autorité des Marchés Financiers, « Rapport sur l’information publiée par les sociétés cotées en matière de responsabilité sociale et environnementale », recommandation AMF no 2010-13, 2 décembre 2010.
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[22]
L’auteure aborde de nouveau ce thème sous l’aspect de la responsabilité environnementale dans les groupes de sociétés dans le second titre consacré aux sanctions (p. 371 et suiv.). Dans le chapitre 3 du second titre, l’auteure insiste sur l’« après » que constitue la loi Grenelle II ayant institué une responsabilité civile « inclassable » en matière environnementale (p. 373) des sociétés mères pour des fautes caractérisées commises par leurs filiales.
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[23]
De manière intéressante, l’auteure milite pour un lissage des différences entre notation financière et notation extrafinancière (p. 414) et pour la création d’un label ISR européen.
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[24]
Citons (sans caractère exhaustif) : les liens que l’auteure établit avec de nombreux thèmes faisant l’actualité bien au-delà du droit ; sa vision ouverte de la discipline qu’est la gouvernance d’entreprise qui dépasse largement la pensée étriquée d’une partie si influente des sciences économique et financière ; sa présentation de la sanction de la réputation en plus d’une trentaine de pages qui laisse loin derrière la perception traditionnelle de la sanction qu’ont les juristes.
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[25]
Pensons ici à l’activisme actionnarial qui défraie la chronique, notamment lorsqu’il émane de fonds de couverture.
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[26]
Pour les actionnaires, voir récemment les travaux suivants : Jennifer G. Hills et autres (dir.), The Research Handbook on Shareholder Power, Cheltenham, Edgar Elgar Press, 2015 ; Lisa M. Fairfax, Shareholder Democracy. A Primer on Shareholder Activism and Participation, Durham, Carolina Academic Press, 2011 ; Sabrina Bruno et Eugenio Ruggiero (dir.), Public Companies and the Role of Shareholders. National Models towards Global Integration, La Haye, Kluwer Law International, 2011 ; Mathias M. Siems, Convergence in Shareholder Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2008. Pour les salariés, l’Europe s’est, par exemple, récemment intéressée à leur place à la gouvernance des entreprises au travers d’une résolution du Parlement du 14 janvier 2014 sur la participation financière des salariés aux résultats des entreprises et de la publication d’une étude à l’automne 2014 intitulée « La promotion de la participation et l’actionnariat des salariés », Centre Inter-University, Rapport final, octobre 2014.
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[27]
Le comportement de certains actionnaires (tels les fonds de couverture) nous fait douter de la solidité de ce fondement pour amorcer un changement. Voir Andrew Ross Sorkin, « “Shareholder Democracy” Can Mask Abuses », The New York Times, 25 février 2013, [En ligne], [dealbook.nytimes.com/2013/02/25/shareholder-democracy-can-mask-abuses/?_r=0] (5 octobre 2015).
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[28]
Pour l’auteure, les caractéristiques de cette nouvelle gouvernance sont les suivantes : durable, participative, comportementale, cognitive et technique, communicative et publique, électronique et procédurale (p. 441 et suiv.). Voir, plus modestement, Stéphane Rousseau et Ivan Tchotourian, « La gouvernance d’entreprise, autrement », dans Corinne Gendron et Bernard Girard (dir.), Repenser la responsabilité sociale de l’entreprise. L’école de Montréal, Paris, Armand Colin, 2013, p. 91.
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[29]
Claude Champaud, Manifeste pour la doctrine de l’entreprise. Sortir de la crise du financialisme, Bruxelles, Larcier, 2011. Voir récemment ces travaux d’économistes et de gestionnaires : Olivier Favereau, Entreprise : la grande déformation, Paris, Parole et Silence, 2014 ; Armand Hatchuel et Blanche Segrestin, Refonder l’entreprise, Paris, Seuil, 2012 ; Roger Baudoin (dir.), L’entreprise, formes de la propriété et responsabilités sociales, Paris, Lethielleux, 2012.
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[30]
Sur la gouvernance comme discipline juridique, voir E. Norman Veasey, « The Emergence of Corporate Governance as a New Legal Discipline », (1993) 48 Buss. Lawyer 1267.
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[31]
Sur la responsabilité sociétale comme discipline juridique, voir Jean-Philippe Dom, Responsabilité sociale des entreprises. Initiatives et instruments de niveau européen capables d’améliorer l’efficience juridique dans le champ de la responsabilité sociale des entreprises, 2012, [En ligne], [www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/etudes/join/2012/462464/IPOL-JURI_ET(2012)462464_FR.pdf] (4 octobre 2015).
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[32]
À ce sujet, voir : Randall K. Morck (dir.), A History of Corporate Governance around the World, Chicago, University of Chicago Press, 2007 ; Paul Frentrop, A History of Corporate Governance, Amsterdam, Deminor, 2003.