Abstracts
Résumé
La législation française en matière familiale est en pleine ébullition depuis quelques mois. Le changement de majorité parlementaire, intervenu en mai 2012, accélère la cadence des réformes : ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, suppression du contrat de responsabilité parentale, expérimentation de la médiation familiale dans les conflits portant sur l’exercice de l’autorité parentale, projet de révision du quotient familial pour l’octroi des allocations aux familles les moins aisées, etc. Puisque le temps de l’action politique en vue de la réalisation des promesses électorales ne laisse pas forcément de place à celui de la réflexion doctrinale, on constate que la doctrine semble dépassée, à l’heure actuelle, par ce rythme effréné de la production normative. Or, la famille comme objet « politique », au sens le plus noble, est aussi une institution juridique. Elle a donc vocation, avant toute réforme législative, à être placée au centre de la « discussion » des juristes, pour une mise au point critique des enjeux théoriques et pratiques. La présente analyse se propose par conséquent de dresser un état des lieux (non exhaustif) d’une institution qui a, depuis 40 ans, été appropriée, voire instrumentalisée par le ou les politiques, qui ont parfois ignoré les mises en garde de la doctrine sur certaines incohérences constatées ça et là dans notre droit du couple, ainsi que dans les mutations sociologiques en matière de filiation et d’autorité parentale.
Abstract
Legislation in France in the field of family law has been in a state of turmoil for several months now. The new parliamentary majority elected in May 2012 has accelerated the pace of the reforms, by opening marriage up to same-sex couples, withdrawing the contract of parental responsibility, experimentally applying family mediation in disputes involving the exercise of parental responsibility, tabling a project to revise the family quotient for the granting of allowances to poorer families, etc. Since the window of opportunity for taking political action to implement election promises does not always leave time for review from a doctrinal standpoint, doctrine has apparently been left behind in the rush to introduce new standards. However, the family as a “political” object, in the noblest sense, is also a legal institution. It should therefore, before any legislative reform, be a focus for “discussions” by legal experts, who can critically examine the theoretical and practical considerations. This analysis presents a (non-exhaustive) review of the current situation of the family as an institution which, for the last forty years, has been appropriated and even exploited by politics and politicians—sometimes ignoring doctrinal warnings of various inconsistencies in the law governing couples and in the sociological mutations that have occurred in the areas of filiation and parental authority.
Resumen
La legislación francesa en materia de derecho de familia se encuentra en plena efervescencia desde hace algunos meses. El cambio en la mayoría parlamentaria llevado a cabo en el mes de mayo del año 2012, ha acelerado el ritmo de las reformas: la aceptación del matrimonio entre parejas del mismo sexo, la supresión del contrato de responsabilidad parental, el ensayo de la mediación familiar en los conflictos que tratan sobre el ejercicio de la autoridad parental, el proyecto de revisión del quotient familial para el otorgamiento de subsidios a las familias con menos recursos económicos, etc. Puesto que el tiempo de la acción política en vistas a la realización de las promesas electorales no da lugar necesariamente a la reflexión doctrinal, se puede constatar que la doctrina pareciera estar superada hoy en día por ese ritmo desenfrenado de la producción normativa. Ahora bien, la familia como objeto «político» en el sentido más noble, es igualmente una institución jurídica que tiene vocación, antes que cualquier reforma legislativa, a estar en el centro del «debate» de los juristas, para una elaboración crítica de los desafíos teóricos y prácticos. Este análisis se propone, por consiguiente, establecer un análisis (no exhaustivo) de una institución que, desde hace cuarenta años, ha sido apropiada e incluso instrumentalizada por el (los) político(s) quien(es) en ocasiones ha(n) ignorado las advertencias de la doctrina sobre algunas incoherencias identificadas aquí y allá en nuestro derecho de pareja, así como en las mutaciones sociológicas en materia de filiación y de autoridad parental.
Article body
De tout temps, la problématique de l’ingérence du politique dans la régulation juridique des rapports familiaux a toujours interpellé, voire fasciné les juristes qui s’intéressent aux transformations structurelles de la cellule familiale. Pourtant, peu d’études ont été menées en France sur les enjeux de cette politisation de la régulation juridique des rapports de famille, du moins dans la doctrine juridique contemporaine. D’ailleurs, au sein de cette doctrine juridique, on s’accorde généralement à admettre que l’analyse des motivations politiques qui sous-tendent les réformes législatives touchant à telle ou telle institution sociale n’est pas du ressort du juriste. Tout au plus, celui-ci pourrait apporter des éclairages sur le bien-fondé des réformes, mettre en évidence certaines incohérences ou dénoncer des irrégularités susceptibles de nuire à une interprétation rationnelle par la jurisprudence des nouvelles règles édictées par le législateur.
Pourtant, toute notre législation familiale semble profondément marquée, depuis la fin des années 60, par l’avènement d’un nouveau mode de production normative clairement axé sur une légitimation politique de certaines revendications sociales. L’attestent les récents débats qui ont accouché de la très controversée réforme du mariage[1].
Dans le contexte actuel d’incertitude et d’inflation normative, on peut noter que la loi ne dirige visiblement plus ; elle tente, bien souvent en matière familiale, de gérer certaines attentes lobbyistes.
On s’aperçoit en réalité que, d’un côté, la loi semble parfois instrumentalisée par les logiques de communication des acteurs politiques[2], notamment lorsqu’elle tente d’imposer, au nom justement de l’intérêt de la famille, de nouveaux comportements ou, au contraire, d’en encadrer d’autres. De l’autre, les acteurs politiques semblent eux-mêmes parfois manipulés par certains groupes de pression, qui entendent peser de tout leur poids dans les grands choix en matière de politique familiale.
À y regarder de près, ce phénomène complexe — qui ne présente d’ailleurs pas que des inconvénients, reconnaissons-le — illustre, d’une certaine façon, l’immixtion progressive du politique dans la régulation juridique des grandes mutations de l’institution familiale[3]. Il met aussi et surtout en évidence cette nécessité pour les juristes de participer à l’analyse, voire à la critique de cette forme d’instrumentalisation par les pouvoirs publics de la politique familiale[4], qui vise en réalité à imposer un nouvel ordre social. Car, en toile de fond de cette volonté incommensurable de la loi de contrôler de plus en plus les rapports individuels au sein d’une famille devenue « incertaine[5] », se cache aussi un souci politique de construire de nouvelles valeurs, parmi lesquelles on trouve l’individualisme dans les rapports de couple[6] et le sentiment de responsabilité intergénérationnelle au sein du groupe parental.
Lorsqu’on analyse les principaux traits de cette forme de « politisation » des liens de famille, on s’aperçoit que les grandes mutations qui ont, depuis une quarantaine d’années, bouleversé les règles juridiques en matière de couple, de filiation et d’autorité parentale se réduisent à deux tendances fortes : la légitimation politique de l’individualisme dans les rapports de couple à la faveur du processus de démocratisation de la vie privée ; et la valorisation du sentiment de responsabilité dans les liens de parenté.
Dans les deux cas, un même constat peut être dressé : l’ingérence croissante — mais pas vraiment nouvelle[7] — du politique dans les récentes transformations du système juridique familial est désormais source d’incertitude pour les juristes eux-mêmes. Le nouveau droit positif familial, comme expression d’une volonté politique, doit par conséquent retrouver toute sa noblesse dans les « querelles doctrinales[8] ». Cela pourrait davantage éclairer le législateur sur les enjeux des grandes mutations juridiques qui touchent de nos jours à la famille.
1 La légitimation politique de l’individualisme dans les liens de couple
À première vue, « couple » et « individualisme » apparaissent clairement comme deux concepts antinomiques. L’individualisme, en tant qu’« idéologie sociale qui promeut et privilégie le droit de l’individu de faire autant que possible respecter et prévaloir ses choix et ses intérêts personnels par rapport à d’autres finalités qui lui seraient imposées en raison de considérations générales ou collectives[9] », remet fondamentalement en cause cet ordre de contrainte qui assure, depuis toujours, la pérennité d’un droit du groupe, c’est-à-dire d’un droit de l’entité au-dessus de la liberté de l’individu. Justement, toute la politique de production de normes juridiques en matière familiale, depuis une quarantaine d’années, semble marquée par ce souci permanent de libérer l’individu de la contrainte du droit, pour le soumettre à un droit souple dénué de toute logique de sanction juridique.
Dans les liens de couple, la densité normative des règles positives recule à mesure que la volonté individuelle acquiert de l’autorité. Cela donne parfois le sentiment que l’ordre public perd du terrain dans notre droit du mariage, sous la pression notamment d’une idéologie politique nouvelle tendant à la fois à une forme de sacralisation de l’individualisme et de contractualisation des rapports conjugaux[10].
Sur le terrain de la sociologie juridique, l’une des facettes de cette déconstruction de l’ordre public matrimonial réside dans l’avènement, au milieu des années 60, du démariage, caractérisé par une sorte de révolution libérale des moeurs familiales[11].
Sur le plan de la législation familiale, l’autonomie de la personne mariée est progressivement acquise au cours du xxe siècle, avec notamment l’affirmation par la loi de l’autonomie financière des époux[12] et la reconnaissance de la gestion exclusive par les époux de leurs biens propres[13].
Le pluralisme est enfin consacré en matière de conjugalité par la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité (PACS)[14]. Cette loi a aussi introduit une définition du concubinage dans le Code civil[15].
Cependant, les incertitudes de ce nouveau pluralisme en matière de vie conjugale, dont l’objectif clairement affiché par le législateur est d’offrir à l’individu un large choix dans les différents modes d’union, tiennent au fait que la régulation juridique de ces formes nouvelles de couple introduit paradoxalement de la contrainte normative, alors qu’elle est censée consacrer l’autonomie individuelle en vidant l’ordre public du mariage de sa rigidité normative traditionnelle.
Dans ce contexte, on s’aperçoit alors que le nouvel individualisme politique, exalté par l’élan de libéralisation des moeurs conjugales qui prône implicitement un délitement de la juridicité des règles obligatoires du mariage, crée de l’incohérence juridique au sein de ces unions dites « libres ».
1.1 L’individualisme grignote l’ordre public matrimonial
Jean Carbonnier, dont le génie et la vision forcent l’admiration de tout juriste s’intéressant à la problématique des mutations juridiques de l’institution familiale, avait eu le talent, qui est le sien, d’accoucher de cette prodigieuse réflexion, il y a déjà plusieurs décennies : « Ainsi l’histoire de notre droit du mariage, depuis cinquante ans, est l’histoire d’une libération continue, et l’aboutissement n’est pas loin : pour se lier comme pour se délier, l’homme n’aura plus d’autre clé que sa responsabilité envers lui-même[16]. » Nul besoin de rajouter ici que la libération de l’individu, à laquelle fait écho le savant propos du doyen Carbonnier, s’opère avant tout dans les moeurs, avant de recevoir une consécration en droit positif.
Mais, en forçant quelque peu le trait, on peut même observer que, entre le processus de libéralisation des moeurs et l’action d’élaboration matérielle des lois familiales, tout un pan de la légistique contemporaine échappe à l’analyse de la doctrine juridique française. C’est ce que l’on pourrait qualifier de processus d’assimilation politique des moeurs familiales.
En matière conjugale, en effet, la production des normes juridiques, depuis la fin des années 60, est passée par cette phase de légitimation sociale des valeurs nouvelles de liberté et d’égalité. Cette forme de « sociologie législative » — pour emprunter ici le mot de Jacques Commaille[17] — s’inscrit dans le paradigme « post-68 » de démocratisation de la vie privée. Ainsi, la conception néolibérale de notre système juridique en matière familiale, et plus précisément de notre législation en matière de vie conjugale, est-elle désormais celle d’une science rationnelle du droit qui fonde sa pratique sur une véritable pensée politique au sens le plus noble[18].
La consécration par le législateur d’un droit « individualiste » du couple traduit, par conséquent, une forme d’assimilation politique des moeurs libérales dans le droit nouveau de la famille ; d’ailleurs, ce processus d’assimilation des moeurs conjugales pénètre très vite toute la politique jurisprudentielle sur la question des sanctions attachées aux obligations du mariage[19]. En effet, une certaine désacralisation des règles obligatoires en matière conjugale a progressivement vu le jour, conduisant à une remise en cause inéluctable de l’ordre public matrimonial[20]. Certains en sont même venus à se demander s’il existe encore véritablement, à l’heure actuelle, des règles obligatoires dans notre droit du mariage[21].
En tout état de cause, ce recul généralisé de l’obligatoire dans le droit positif du mariage atteste un certain triomphe de l’individualisme ; deux évolutions récentes de la jurisprudence française sur la notion de bonnes moeurs dans le mariage sont particulièrement éloquentes. En 2011, la Cour de cassation a par exemple jugé que le contrat proposé par un professionnel, relatif à l’offre de rencontres en vue de la réalisation d’un mariage ou d’une union stable, qui ne se confond pas avec une telle réalisation, n’est pas nul, comme ayant une cause contraire à l’ordre public et aux bonnes moeurs du fait qu’il est conclu par une personne « mariée[22] ». Auparavant, en 2004, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation avait également retenu que les libéralités faites par un époux dans le but de poursuivre une relation adultère n’étaient pas contraires aux bonnes moeurs[23].
Cette attitude libérale de la jurisprudence en matière conjugale n’est sans doute pas seulement synonyme d’une tolérance de l’imaginaire collectif envers l’adultère. Elle traduit, manifestement, une véritable politique d’assimilation par le juge des moeurs d’une société qui entend dorénavant élever l’individualisme, mais aussi l’autonomie et la liberté, au rang de valeurs nouvelles. Ce faisant, on peut remarquer que l’individualisme, comme affirmation de l’autonomie au sein du groupe conjugal, détruit progressivement le pouvoir de contrainte dans le droit familial moderne. En clair, la densité normative des règles obligatoires du mariage décline de façon générale sous le poids de ce nouvel individualisme social : c’est l’ère d’un droit politique « souple » du couple. À titre d’illustration, on citera assez brièvement la (grande) réforme de la dissolution du mariage intervenue en 2004[24], et dont l’objectif principal était de consacrer à l’avenir une « structure pluraliste souple » des formes de divorce[25].
On le voit, d’une manière générale, la volonté individuelle ne semble plus laisser de place à une régulation juridique autoritaire : la vocation du mariage moderne réside désormais dans l’affection mutuelle. Le sujet devient véritablement l’acteur principal dans ce contexte. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il faut à l’avenir permettre à tout individu, quelle que soit son orientation sexuelle, d’accéder au seul contrat qui ait une légitimité politique aux yeux de la société moderne, celui des sentiments éprouvés : le « mariage pour tous » comme programme politique, afin de permettre à l’égalité de devenir pleinement une valeur pour tous !
Seule la liberté de choisir son partenaire et de définir — à deux — les règles contractuelles d’une vie de couple épanouie devrait, dans l’absolu, primer toutes autres considérations, aussi bien chez le législateur que chez le juge.
En définitive, on s’aperçoit que l’ordre public n’a plus réellement aucune effectivité dans l’union des époux ; ou, tout du moins, il ne se réduit plus à réguler les comportements des époux « par le haut ». L’individualisme aura conduit, au fil de l’évolution des moeurs de notre société, le droit du mariage à consacrer un certain triomphe de l’autonomie du sujet.
Toutefois, assez curieusement, on constate que ce processus d’assimilation de l’individualisme dans notre système juridique familial aboutit à admettre des solutions incohérentes, lorsqu’on s’intéresse précisément aux mutations juridiques qui touchent aux unions dites « libres ».
1.2 L’individualisme renforce l’incohérence juridique des unions « libres »
Le pluralisme des modèles de couples, introduit dans notre système juridique à la faveur de l’adoption de la loi du 15 novembre 1999 relative au PACS[26], n’a pas fait que valoriser le sentiment d’individualisation au sein du droit moderne de la famille. Il alimente aussi divergences et incertitudes[27], tout en faisant vaciller nos repères quant à la définition même de ce qu’est en droit contemporain une unité familiale[28].
Au fond, faut-il voir en la nouvelle catégorisation des rapports de concubinage une politique assumée par la loi de renforcer son contrôle sur les rapports personnels et patrimoniaux dans ces unions hors mariage ? Faut-il, au contraire, appréhender le PACS comme un instrument politique de libéralisation du sentiment d’affection au sein du couple ? « [L]es partenaires sont-ils, en droit, “des célibataires qui vivent ensemble”[29] ? » Que vient alors apporter une définition du concubinage dans le Code civil[30] ?
À les observer de près, ces unions dites « libres » ne paraissent pas si libres qu’elles voudraient l’être. D’abord, dès lors que la loi s’y mêle, le formalisme juridique génère nécessairement une sorte de rigorisme normatif dans ces modèles de couples : l’union véritablement « libre » n’est-elle pas, en effet, celle qui sait se passer de la loi ? Ensuite, dans la politique législative de renforcement des règles du PACS[31], comme dans la logique jurisprudentielle de « responsabilisation » des concubins[32], l’ordre public matrimonial semble se répandre, certes à faible dose, dans ces unions dites « libres ». Et pour cause, l’individualisme, même « assimilé » à la règle de droit, ne saurait, en tout cas en matière conjugale, méconnaître cette impérieuse nécessité d’assurer aux individus un minimum de sécurité juridique. Au nom justement de cette exigence minimale de sécurité juridique, la jurisprudence considère par exemple que les circonstances de la rupture du concubinage peuvent être de nature à engager la responsabilité pour faute de son auteur[33]. Quoi de plus normal !
Par ailleurs, la règle de la solidarité ménagère, devenue une sorte de notion transversale en droit contemporain du couple[34], remet paradoxalement en cause la politique de valorisation juridique de la liberté individuelle en droit de la famille. En effet, elle introduit de la contrainte juridique là où il n’y avait peut-être que désir d’une union affective sans intention aucune de s’embarrasser des « lourdeurs » du droit. Or, précisément, la liberté apparaît comme ce qui séduit les individus qui refusent de se soumettre au cadre contraignant du mariage, pour préférer la précarité affective dans le PACS ou dans le concubinage.
Cette évolution n’est pas sans générer le sentiment d’une incohérence juridique dans ces unions hors mariage ; en vérité, le droit politique nouveau qui gouverne ces modèles de couples a vocation à libérer l’individu du poids de la rigueur juridique. Mais cette rigueur du droit revient nécessairement par la petite fenêtre du sentiment de « responsabilisation » au sein des unions « libres », comme pour montrer qu’une dimension « institutionalisatrice » — donc politique — devrait habiter de façon permanente notre système juridique familial.
Assez singulièrement, cette acception institutionalisatrice de la famille contemporaine appréhende les unions libres comme des modèles de couples juridiquement incertains, qui entendent à la fois exalter l’individu et préserver un ordre social cohérent. Elle est présente au coeur des nombreuses réformes législatives menées au cours des dernières années, et qui ont abouti à faire du PACS un mariage bis[35]. Elle est aussi présente, par exemple, dans la nouvelle politique jurisprudentielle tendant à une harmonisation des solidarités conjugales[36].
Au bout du compte, cette forme de diktat de l’individualisme dans les mutations juridiques des rapports familiaux, légitimé par le politique et présenté comme une sorte d’évolution sociale inéluctable, fragilise la juridicité des règles obligatoires au sein du mariage, tout en perturbant la cohérence juridique des unions libres.
Mais, à lui seul, ce phénomène est loin de cerner toute la complexité juridique des transformations de la famille moderne. En effet, de manière constante depuis deux décennies, l’ordre public familial tend désormais à investir le champ des relations parents-enfants. On observe alors que, de la (bonne) volonté affichée par l’État social de répondre aux attentes des familles d’aujourd’hui[37], se cache en réalité un désir, sinon de réinventer, en tout cas de redéfinir un nouvel ordre public bâti sur le sentiment de responsabilité intergénérationnelle.
Juridiquement, ce nouvel ordre public familial se manifeste notamment à travers une certaine valorisation de la solidarité dans les liens parents-enfants.
2 La valorisation juridique du sentiment de responsabilité intergénérationnelle
Depuis quelques années, la politique familiale du législateur français semble marquée par ce souci permanent d’opérer des choix de plus en plus pragmatiques, en raison notamment des nouvelles données économiques. À titre d’illustration, on peut relever cette tentative de désinvestissement des pouvoirs publics dans le domaine de l’aide sociale[38]. On pourrait également souligner cette logique de conscientisation des individus en matière de succession, comme un appel du législateur à raviver le flambeau de la solidarité entre les générations[39].
Et, au même moment, la jurisprudence n’a pas manqué d’emboîter le pas au législateur, en édifiant une véritable politique de responsabilisation des individus quant aux défis économiques nouveaux qui se présentent aux familles d’aujourd’hui. Elle a ainsi conféré une tournure « alimentaire » à une règle morale contenue dans le Code civil depuis 1804, celle de la piété filiale découlant de l’article 371[40]. Elle a également renforcé les contours de la responsabilité parentale, en revêtant la notion d’« intérêt de l’enfant » d’une portée et d’une signification politiques considérables[41].
Il est donc légitime que le juriste s’intéresse aux enjeux qui sous-tendent de tels bouleversements dans les liens intergénérationnels. En analysant les mutations des rapports parents-enfants, on s’aperçoit en réalité que la règle de droit, lorsqu’elle exalte le sentiment de responsabilité intergénérationnelle, tend de plus en plus à devenir un outil de gouvernance des familles du xxie siècle, un outil « manipulé » par le législateur mais aussi par le juge, au service de la nouvelle politique économique de l’État-providence.
2.1 La construction jurisprudentielle d’une théorie de la piété filiale
La filiation s’entend du lien qui unit l’enfant à ses père et mère. Ce lien, qu’il ait pour origine la chair ou la fiction, génère, chacun le sait, des obligations réciproques[42]. Il est même source de « responsabilité[43] ». Responsabilité des père et mère à l’égard de leur enfant[44], mais aussi responsabilité de l’enfant à l’égard de tous ses ascendants.
L’enfant, devenu adulte, devra donc être animé d’une conscience de solidarité envers ses père et mère dans le besoin. Cette règle juridique découle de l’articulation par la jurisprudence des articles 205 et 371 du Code civil. Si, pour le premier de ces textes, l’enfant doit des « aliments » à tous ses ascendants en situation de nécessité, le second prescrit à l’enfant, à l’égard de ses père et mère et tout au long de leur existence, des devoirs d’honneur et de respect. Cette règle de la piété filiale, envisagée à l’origine comme une exigence purement morale[45], couvre, dans le contexte de bouleversements économiques qui affectent la famille contemporaine, de nombreuses conséquences juridiques.
En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation en a tiré récemment des effets positifs, pourtant insoupçonnés par le législateur de 1804. Soucieuse de pallier un certain désengagement des pouvoirs publics en matière de prise en charge des frais funéraires, la juridiction suprême a jugé que, lorsque l’actif successoral ne permet pas par exemple à la collectivité de faire face aux frais funéraires, l’enfant du de cujus, débiteur d’aliments (en vertu de l’article 205 du Code civil) et tenu d’honorer et de respecter ses père et mère (conformément à ce que prévoit l’article 371), devra supporter le coût des obsèques dans la proportion de ses moyens, et ce, même lorsqu’il a pris le soin de renoncer ouvertement à la succession[46]. Et le fait que l’enfant n’ait pas connu son père, pour être né peu après son décès, n’exclut aucunement le respect de cette obligation personnelle et indépendante des opérations relatives à la succession, l’existence d’un lien affectif direct n’en constituant pas une condition[47].
On voit bien que, au-delà de la solution pratique qui consiste, pour les juges, à trouver des créanciers d’aliments solvables[48], la volonté de la Cour de cassation était clairement de faire peser, sinon une règle de conscience, du moins un sentiment de responsabilité solidaire entre descendants et ascendants. D’ailleurs, le législateur lui-même semble l’avoir compris puisqu’il a emboîté le pas à cette politique jurisprudentielle à travers la loi du 23 juin 2006[49], qui est venue consacrer ce principe à l’article 806 du Code civil. À la réflexion, on se rend compte que, lorsque l’État se retire « économiquement » de certains domaines de la vie courante des citoyens, le droit cherche par quelque moyen que ce soit à faire intervenir, presque de manière systématique, d’autres acteurs, dans le but de répondre efficacement aux attentes des familles d’aujourd’hui.
Il y a là, au-delà de la cohérence recherchée par le droit contemporain de la famille, un désir d’immixtion du politique dans la sphère des rapports familiaux. Ce processus n’est guère nouveau ; il s’accélérera cependant avec le contexte de crise économique et de restriction des dépenses publiques.
En droit, cette dynamique contraste très nettement avec le vent de libéralisme qui souffle depuis les années 70 sur notre législation familiale, et qui donnait parfois le sentiment d’un désintérêt politique du législateur français à l’égard de l’institution familiale.
Cette dynamique revêt l’apparence d’un basculement de l’ordre public familial du mariage vers les rapports parents-enfants. Cette tendance s’observe surtout dans les récentes transformations juridiques de l’autorité parentale, qui ont abouti, sous l’influence de la jurisprudence interne et internationale, à une logique de « sur-responsabilisation » des parents.
2.2 La densification normative de la logique de responsabilité parentale
S’il existe un domaine dans notre système juridique familial où la densification des normes a pu apparaître, au cours de ces dernières décennies, comme un véritable phénomène de mode, c’est bien celui de l’autorité parentale. En effet, depuis la loi du 4 juin 1970[50], qui a instauré l’égalité homme-femme et défini l’autorité parentale comme un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant[51], de nombreuses lois se sont succédé au fil des années[52] soit pour renforcer cet « intérêt » primordial de l’enfant, notion au contenu de plus en plus incertain d’ailleurs[53], soit pour conformer le droit français de la famille aux nombreuses conventions internationales visant à protéger, sur tous les aspects, l’enfant vulnérable[54].
Et la jurisprudence a elle aussi suivi ce mouvement. Par exemple, au moment où la Cour de cassation exerçait un véritable contrôle juridique sur la notion d’intérêt supérieur de l’enfant[55], la Cour européenne des droits de l’homme, elle, s’est toujours efforcée de renforcer, de façon constante, cette politique de protection de l’enfant par de nombreuses références explicites au concept d’intérêt supérieur de l’enfant[56].
On a presque envie de dire que la volonté des systèmes juridiques occidentaux de placer l’enfant au coeur des grandes préoccupations des mutations de la famille est tout à fait naturelle : elle s’inscrit manifestement dans une dynamique plus globale de démocratisation de la famille, qui passe nécessairement par l’affirmation et la valorisation des droits fondamentaux de l’enfant.
Par exemple, en matière d’éducation scolaire, la Cour de cassation considère dorénavant qu’il est nécessaire de faire primer l’intérêt supérieur de l’enfant (Convention relative aux droits de l’enfant[57], art. 3-1) sur l’intérêt des parents, s’agissant du choix par ceux-ci des méthodes de scolarisation[58]. Une position tout à fait conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui retient généralement que les parents ne peuvent invoquer leurs convictions pour refuser à un enfant le droit à l’instruction[59].
Au même moment, un autre aspect des mutations juridiques des prérogatives parentales, beaucoup moins perceptible, il est vrai, dans la jurisprudence de la Cour de cassation, nous amène à nous interroger sur l’incertitude liée à l’intrusion croissante du politique dans la régulation des comportements parentaux. En effet, la responsabilisation juridique des père et mère quant à la nécessité d’une prise en charge financière de l’enfant majeur n’est pas sans révéler des enjeux qui dépassent désormais le seul cadre de la réflexion juridique. Est-il d’ailleurs utile de rappeler qu’à l’heure actuelle le droit n’est plus seul, et que son évolution suppose à l’avenir le dépassement d’une « simple construction rationalisée du monde[60] » ?
À l’analyse, la « raison néolibérale[61] », ou plutôt la raison économique néolibérale, comme nouveau mode de gouvernance des rapports familiaux, semble utiliser la contrainte du droit pour imposer cette conscience de responsabilité aux père et mère, s’agissant de la nécessité pour eux d’assurer une prise en charge financière de leur enfant majeur, sous certaines conditions. Cela se lit notamment dans la construction prétorienne d’une politique familiale qui se veut désormais « raisonnable[62] », mais qui navigue entre logique individualiste et pragmatisme économique.
Pour mieux appréhender, dans le pouvoir créateur de droit par le juge familial, ce phénomène de densification des règles obligatoires en matière d’autorité parentale, il suffit de se référer à la judiciarisation de l’exécution de l’obligation parentale d’entretien à l’égard de l’enfant majeur[63]. On y apprend par exemple que l’enfant, une fois devenu majeur, acquiert, certes, une autonomie morale, mais qui ne dispense guère ses parents de leur obligation de prise en charge financière dès lors que celui-ci poursuit notamment des études supérieures en vue d’accéder à sa propre autonomie professionnelle[64]. Toutefois, il reviendra concrètement à l’enfant majeur d’apporter, par tous moyens, la preuve de la poursuite des études[65] ; et les juges du fond vérifieront systématiquement le bien-fondé de sa demande[66].
Vraisemblablement, à travers cette politique jurisprudentielle de conscientisation voire de responsabilisation des parents, il y a comme une volonté délibérée des pouvoirs publics — législateur et juge — de repenser la norme de solidarité entre les générations dans le contexte actuel de crise qui n’épargne guère les familles, et de lui conférer un statut essentiellement « privé ».
La règle de solidarité « alimentaire » envers la jeunesse d’aujourd’hui serait désormais prioritairement cantonnée dans le domaine de la famille, ce qui correspond, à tout le moins, aux nouveaux choix politiques en matière de maîtrise budgétaire dans nos sociétés occidentales.
Cette dynamique législative et jurisprudentielle nouvelle tendant à une densification normative de la responsabilité parentale n’est peut-être qu’un stratagème inavoué de notre système juridique postmoderne, cherchant à favoriser une politique familiale qui désengage l’État et réorganise les rapports économiques au sein de l’institution familiale.
La raison économique gouvernerait dorénavant notre droit familial… Mais est-ce vraiment nouveau ?
Conclusion
Les nouvelles valeurs d’individualisme et de responsabilité, qui connaissent un certain rayonnement normatif dans le droit familial français du xxie siècle, bouleversent profondément les liens conjugaux et parentaux. Dans le couple comme dans le lien parental, le droit moderne compose dorénavant avec des équilibres instables, tantôt axés sur la recherche d’un bonheur individualiste, tantôt soucieux de promouvoir un ordre social.
On voit alors que penser la famille du xxie siècle comme une véritable « institution » implique que, au-delà de son évidente dimension privée, elle puisse être reconnue comme un bien « public[67] », dont l’évolution devrait aussi être pensée par les juristes.
L’état des lieux que nous dressons ici ne cerne évidemment pas tous les aspects du droit français de la famille[68]. Mais il montre bien que, loin d’apparaître comme un navire perdu au beau milieu de l’océan tumultueux de la crise économique — et peut-être aussi de la crise des valeurs — que traverse la société française, la famille demeure, à tort ou à raison, un instrument de gouvernance et de contrôle par les acteurs publics et privés des nouveaux comportements conjugaux, parentaux et filiaux.
Le droit politique qui la régit doit donc être constamment réfléchi, pesé et soupesé. Et, quoi qu’il en soit, les juristes ne sauraient s’abstenir de contribuer à cette tâche de rationalisation du droit familial moderne : ils devraient plutôt y apporter leurs analyses critiques et constructives.
Deux pistes de réflexion — magistralement ouvertes par la professeure Françoise Dekeuwer-Défossez dans l’un de ses récents travaux[69] — pourraient poser les jalons d’une approche critique renouvelée des mutations de la famille.
D’abord, le législateur comme les juges doivent résolument assumer la mission qui est la leur, soit d’ancrer la famille dans sa dimension institutionnelle, en fonction des nouveaux principes qui la fondent et des attentes de la société actuelle.
Ensuite, le législateur doit également être approuvé de tenir bon sur les interdits qu’il estime structurants, et de ne pas céder aveuglément à des mouvements d’opinion qui s’appuient sur des revendications lobbyistes.
À défaut, les mutations de la famille risqueraient de déboucher sur une crispation des tensions sociales autour de réformes législatives ayant pour seule préoccupation de mettre en oeuvre des programmes électoraux, et non de servir réellement les intérêts d’une institution familiale « politisée ».
Appendices
Notes
-
[1]
Loi no 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, J.O. 18 mai 2013, p. 8253. Voir les travaux préparatoires de l’Assemblée nationale : France, Assemblée nationale, Projet de loi no 344 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, enregistré le 7 nov. 2012, 14e légis. ; France, Assemblée nationale, Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Rapport fait au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur le projet de loi (no 344) ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, par Erwann Binet, rapport no 628, 17 janv. 2013 ; France, Assemblée nationale, Commission des affaires sociales, Avis présenté au nom de la Commission des affaires sociales sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, par Marie-Françoise Clergeau, avis no 581, 14 janv. 2013 ; France, Assemblée nationale, Débats parlementaires, Compte rendu intégral, séances des 29 et 30 janv. et des 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 févr. 2013 ; France, Assemblée nationale, Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, texte adopté no 84, 12 févr. 2013. Travaux préparatoires du Sénat : France, Sénat, Projet de loi no 349 adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, enregistré le 12 févr. 2013, 14e légis. ; France, Sénat, Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, Rapport fait au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, par Jean-Pierre Michel, rapport no 437, 20 mars 2013 ; France, Sénat, Commission des affaires sociales, Avis présenté au nom de la Commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, par Michelle Meunier, avis no 435, 20 mars 2013 ; France, Sénat, Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, Texte de la Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, no 438, 20 mars 2013 ; France, Sénat, Débats parlementaires, Compte rendu intégral, séances des 4, 5, 8, 9, 10, 11 et 12 avr. 2013 ; France, Sénat, Projet de loi modifié par le Sénat ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, texte adopté no 129, 12 avr. 2013. Travaux préparatoires de l’Assemblée nationale : France, Assemblée nationale, Projet de loi no 920 modifié par le Sénat, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, enregistré le 12 avr. 2013, 14e légis. ; France, Assemblée nationale, Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Rapport fait au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur le projet de loi, modifié par le Sénat, (no 920), ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, par Erwann Binet, rapport no 922, 16 avr. 2013 ; France, Assemblé nationale, Débats parlementaires, Compte rendu intégral, séances des 17 et 18 avr. 2013 ; France, Assemblée nationale, Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, texte adopté no 120, 23 avr. 2013.
-
[2]
Nicolas Cuzacq, « La qualité de la loi : un oxymore en droit contemporain ? », R.R.J. 2012.1.21.
-
[3]
Sur les nouveaux enjeux de la politique de la famille, voir Jacques Commaille, Pierre Strobel et Michel Villac, La politique de la famille, Paris, La Découverte, 2002, p. 5 et suiv.
-
[4]
On comprend donc le « Droit de réponse » bienvenu, adressé par les professeurs Bruno Daugeron et autres (D. 2013.784) à des collègues de Nanterre qui, le 28 mars 2013, réagissaient à une lettre ouverte, adressée par 170 juristes universitaires aux sénateurs, « mettant ces derniers en garde contre les dangers du projet de loi ouvrant le mariage aux “couples de même sexe” » (Pierre Brunet et autres, « Mariage pour tous : les juristes peuvent-ils parler “au nom du Droit” ? », D. 2013.784). Il convient de saluer comme il se doit la justesse des propos des premiers qui, dans leur « Droit de réponse » du 18 avril 2013, ont su rappeler que les juristes sont, « par vocation et expérience professionnelles, bien placés pour porter un regard critique » sur le droit en civil en général et le droit de la famille en particulier, « y compris sur sa valeur ».
-
[5]
Louis Roussel, La famille incertaine, Paris, Éditions Odile Jacob, 1989.
-
[6]
Pour prendre l’exemple de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, on peut dire que la volonté de contrôle politique réside dans l’exaltation de l’idéologie nouvelle de l’égalitarisme de tous les couples devant la loi.
-
[7]
Sur l’omniprésence du « politique » dans la régulation juridique des rapports familiaux déjà à l’époque révolutionnaire, on peut notamment se référer à l’étude de Catherine Brunetti-Pons, « Réflexions autour de l’évolution du droit de la famille », Dr. fam. 2003.chr.15, no 11 et suiv.
-
[8]
Youssef Guenzoui, « Les querelles doctrinales », R.T.D.civ. 2013.47.
-
[9]
Jean-Louis Renchon, « La prégnance de l’idéologie individualiste et libérale dans les récentes réformes du droit de la personne et de la famille », dans Hugues Fulchiron (dir.), Mariage – conjugalité. Parenté – parentalité, Paris, Dalloz, 2009, p. 209, à la page 210.
-
[10]
À ce propos, cf. Dominique Fenouillet, « Couple hors mariage et contrat », dans Dominique Fenouillet et Pascal de Vareilles-Sommières (dir.), La contractualisation de la famille, Paris, Economica, 2001, p. 81, à la page 84, qui souligne que « l’effacement progressif de l’institution matrimoniale, incontestable à l’égard des contrats “communs” », a été confirmé par la « légitimation du pluralisme de couple » et « l’institutionnalisation du couple non marié ».
-
[11]
Irène Théry, Le démariage, Paris, Éditions Odile Jacob, 1993, p. 109 et suiv.
-
[12]
La Loi no 65-570 du 13 juil. 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux, J.O. 14 juill. 1965, p. 6044, consacra le droit pour chacun des époux de se faire ouvrir, sans le consentement de l’autre, tout compte de dépôt et tout compte de titres en son nom personnel (Code civil français, art. 221, al. 1).
-
[13]
La Loi no 85-1372 du 23 déc. 1985 relative à l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs, J.O. 26 déc. 1985, p. 15111, consolide le droit pour chaque époux d’exercer librement une profession, de percevoir ses gains et salaires et d’en disposer après s’être acquitté des charges du mariage (Code civil français, art. 223).
-
[14]
Loi no 99-944 du 15 nov. 1999 relative au pacte civil de solidarité, J.O. 16 nov. 1999, p. 16959. Sur cette loi, voir : Jean-Jacques Lemouland, « Présentation de la loi no 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité », D. 1999.483. Également, « Le PACS », dossier spécial hors série, Dr. fam., déc. 1999.
-
[15]
L’article 515-8 du Code civil français évoque en effet une « union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».
-
[16]
Jean Carbonnier, « Terre et ciel dans le droit français du mariage », dans Le droit privé français au milieu du xxe siècle, t. 1, Paris, L.G.D.J., 1950, p. 325, à la page 328.
-
[17]
Jacques Commaille, « Préface », dans André-Jean Arnaud, Jean Carbonnier. Un juriste dans la cité, Paris, L.G.D.J., 2012, p. 5, à la page 9.
-
[18]
Jacques Commaille, L’esprit sociologique des lois. Essai de sociologie politique du droit, Paris, Presses universitaires de France, 1994.
-
[19]
Pour Dominique Fenouillet, « Les sanctions en droit de la famille. Incohérences ou politique résolument diversifiée ? », dans Cécile Chainais et Dominique Fenouillet (dir.), Les sanctions en droit contemporain, vol. 1 « La sanction, entre technique et politique », Paris, Dalloz, 2012, p. 151, no 11, à la page 160, ce « repli des sanctions atteste […] fondamentalement, la perte de sens du lien [conjugal] lui-même et des devoirs qui lui sont attachés : c’est parce qu’il ne sait plus pourquoi il impose la vie commune, la fidélité, l’assistance, en bref parce que la (les) fonction(s) individuelles et sociales du lien de couple sont devenues insaisissables, que le droit n’ose plus sanctionner ses effets ».
-
[20]
Il serait toutefois illusoire de parler ici d’une extinction totale de l’ordre public matrimonial pour la simple raison que le mariage demeure, dans le système juridique familial français, un modèle de couple qui jouit encore des préférences du législateur.
-
[21]
Frédérique Niboyet, L’ordre public matrimonial, Paris, L.G.D.J., 2008, no 1, p. 1 et suiv. Voir, également, Dominique Fenouillet, « Les bonnes moeurs sont mortes ! Vive l’ordre public philanthropique ! », dans Le droit privé français à la fin du xxe siècle. Études offertes à Pierre CATALA, Paris, Litec, 2001, p. 487.
-
[22]
François Chénedé, obs. sous Civ. 1re, 4 nov. 2011, A.J. Fam. 2011.613 ; D. 2011.2795 ; « Yoyo et Zozo sont dans un restau… », D. 2011.2921 ; David Bakouche, note sous Civ. 1re, 4 nov. 2011, J.C.P. G. 2012.9 ; Sébastien Milleville, note sous Civ. 1re, 4 nov. 2011, L.P.A. 2012.8 ; Gérard Ngoumtsa Anou, « Le contrat de courtage matrimonial et les bonnes moeurs », R.R.J. 2012.1.219.
-
[23]
Ass. plén. 29 oct. 2004, Bull. civ., no 12 ; Ass. plén. 29 oct. 2004, Bull. inf. C. cass., no 612, rapp. Bizot et avis Allix ; Henri Capitant, François Terré et Yves Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, 12e éd., t. 1, Paris, Dalloz, 2007, no 28 et 29, p. 212 ; Daniel Vigneau, « Une libéralité consentie à l’occasion d’une relation adultère n’est pas nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes moeurs », D. 2004.3175 ; François Chabas, note sous Ass. plén. 29 oct. 2004, J.C.P. G. 2005.II.10011 ; Dominique Allix, avis sous Ass. plén. 29 oct. 2004, Gaz.Pal. 2004.6.3786 ; Stéphane Piedelièvre, note sous Ass. plén. 29 oct. 2004, Defrénois 2005.234 ; Frédéric Bicheron, obs. sous Ass. plén. 29 oct. 2004, A.J. Fam. 2005.23 ; Bernard Beignier, note sous Ass. plén. 29 oct. 2004, Dr. fam. 2004.230 ; Jean Hauser, « Conjoint trompé : la morale ou la réserve, telle est la question », R.T.D.civ. 2005.104.
-
[24]
Loi no 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, J.O. 27 mai 2004, p. 9319.
-
[25]
Alain Bénabent, Droit de la famille, 2e éd., Paris, Montchrestien, 2012, no 433, p. 182.
-
[26]
Loi no 99-944 du 15 nov. 1999 relative au pacte civil de solidarité, préc., note 14.
-
[27]
Marc Pichard, « Les liens du PACS », dans H. Fulchiron (dir.), préc., note 9, aux pages 159 et suiv.
-
[28]
Alain Bénabent, Droit civil. La famille, 11e éd., Paris, Litec, 2003, no 1, p. 1.
-
[29]
M. Pichard, préc., note 27, à la page 159.
-
[30]
Pour la définition du concubinage, voir supra, note 15.
-
[31]
Rappelons qu’entre 1999 et 2010 le PACS a presque été réformé tous les ans. La liberté conjugale aurait sûrement un « coût » que le législateur de 1999 n’a pas pris le soin d’évaluer au départ. Il faut avouer que les bons sentiments ne font pas toujours de « bonnes lois » !
-
[32]
Cette logique jurisprudentielle de « responsabilisation » des concubins tient au fait qu’on assiste, depuis bien longtemps, à une volonté de la Cour de cassation de consacrer une sorte de contractualisation des rapports économiques entre concubins. Cela se voit notamment à travers la technique prétorienne de la novation de l’obligation naturelle en obligation civile. Elle conduit, par exemple, à considérer que l’engagement moral pris par un concubin de maintenir l’autre dans le logement, même en cas de rupture du lien, pourrait se transformer en obligation civile pour celui qui, au départ, n’avait peut-être pas mesuré les conséquences de sa promesse : Hervé Lécuyer, note sous Civ. 1re, 17 nov. 1999, Dr. fam. 2000.19 ; Jean Hauser, « Du concubinage jurisprudentiel, sénatorial et du PACS », R.T.D.civ. 2000.297 ; Sandrine Chassagnard, note sous Civ. 1re, 17 nov. 1999, J.C.P. G. 2001.II.10458 ; Jean-Jacques Lemouland, « Une obligation naturelle peut faire obstacle à l’exclusion d’un concubin », D. 2000.419.
-
[33]
Civ. 1re, 29 nov. 1977, Bull. civ. I, no 449 ; Civ. 1re, 29 nov. 1977, Gaz. Pal. 1978.1.345, note Massip ; Civ. 1re, 7 avr. 1998, J.C.P. N. 1998.921 ; Dr. fam. 1998.81, note Lécuyer ; Civ. 1re, 3 janv. 2006, J.C.P. G. 2006.I.199, no 7, obs. Bosse-Platière ; Jean-Jacques Lemouland et Daniel Vigneau, « Droit des couples », D. 2010.728.
-
[34]
La « vieille » théorie jurisprudentielle de l’apparence permet depuis toujours au créancier, qui a contracté avec un concubin pour les besoins du ménage, de poursuivre l’autre pour le paiement de la dette : Paris, 21 nov. 1923, Gaz.Pal. 1924.1.187 ; Paris, 23 juill. 1932, Gaz.Pal. 1932.2.423.
-
[35]
Voir le dossier spécial, « Contractualisation du PACS », A.J. Fam. 2011.131 et suiv. Également, Nadège Barbier et autres, « Pacs : à quand le coming-out de la prestation compensatoire ? », A.J. Fam. 2011.201.
-
[36]
Par exemple, pour le Conseil d’État, lorsqu’une aide personnalisée au logement (APL) a été versée à tort, les concubins ou les pacsés qui en ont bénéficié, à l’instar des époux, sont solidairement tenus à sa restitution, quand bien même elle n’aurait été attribuée qu’à un seul d’entre eux : Jean-Jacques Lemouland, « Solidarité des concubins pour le remboursement de sommes versées au titre de l’aide personnalisée au logement », D. 2004.2967 ; Jean Hauser, « Personnes et droits de la famille », R.T.D.civ. 2004.69.
-
[37]
Dans sa Leçon inaugurale prononcée le 29 novembre 2012 au Collège de France, Alain Supiot, Grandeur et misère de l’État social, Paris, Fayard, 2013, p. 43, définissait la solidarité, dans son sens le plus large, comme « ce qui solidifie un groupe humain, sans préjuger de la nature et de la composition de la colle qui fait tenir ensemble les membres de ce groupe ». Réduite aux seuls liens de famille, la solidarité n’est rien d’autre que ce sentiment de responsabilité – à la fois moral et économique – quant au besoin qui s’impose aux individus de s’épauler pour s’assurer, collectivement et individuellement, un mieux-être. C’est désormais sur ce sentiment que joue l’État social du xxie siècle, conscient de l’effritement de ses ressources et de l’augmentation de ses charges.
-
[38]
Hélène Pauliat, « Les aides aux familles : perspectives sociales ou perspectives fiscales ? », J.C.P. Administrations et collectivités territoriales 2013.383.
-
[39]
Depuis la Loi no 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, J.O. 24 juin 2006, p. 9513, le renonçant à une succession est tenu, à proportion de ses moyens, du paiement des frais funéraires de l’ascendant ou du descendant à la succession duquel il renonce (Code civil français, art. 806).
-
[40]
L’article 371 dispose que l’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère. Sur cette disposition, voir Alain Sériaux, « “Tes père et mère honoreras”. Réflexions sur l’autorité parentale en droit français contemporain », R.T.D.civ. 1986.265.
-
[41]
Voir Jean-Luc Viaux, « Fonction et fiction du juridique : l’autorité parentale après la loi du 4 mars 2002 », A.J. Fam. 2003.293.
-
[42]
Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants dans le besoin (Code civil français, art. 205). Réciproquement, les ascendants sont tenus d’apporter des aliments à leur progéniture dans les mêmes circonstances (Code civil français, art. 207).
-
[43]
Sur cette notion de « responsabilité » dans le contexte familial, voir Christophe Radé, « La responsabilité de la famille », dans Michel Dupuis (dir.), Mélanges en l’honneur de la professeure Françoise Dekeuwer-Défossez, Paris, Montchrestien, 2012, p. 343, aux pages 343 et suiv. L’auteur y définit, avec un certain art, une « hypothèse » de la responsabilité familiale, en recherchant ses fondements et contours.
-
[44]
Suivant l’adage de Loysel : « Qui fait l’enfant doit le nourrir. »
-
[45]
Pour Bernard Beignier, L’honneur et le droit, Paris, L.G.D.J., 1995, p. 467, la disposition de l’article 371 est inspirée certes d’un précepte biblique, mais c’est aussi une règle de droit naturel connue en droit musulman.
-
[46]
Civ. 1re, 21 sept. 2005 : Juris-Data no 2005-029760, Bull. civ. I, no 341 ; Bernard Beignier, note sous Civ. 1re, 21 sept. 2005, Dr. fam. 2005.251 ; Civ. 1re, 8 juin 2004 : Juris-Data no 2004-024076, Bull. civ. I, no 163 ; Bernard Beignier, note sous Civ. 1re, 8 juin 2004, Dr. fam. 2004.152 ; François Xavier Testu, note sous Civ. 1re, 14 mai 1992, J.C.P. G. 1993.II.22097 ; Philippe Salvage, note sous Civ. 1re, 14 mai 1992, J.C.P. N. 1993.100620 ; Jacques Massip, « Aliments », Defrénois 1992.1435 ; Jean Patarin, « Successions et libéralités », R.T.D.civ. 1993.171.
-
[47]
Gilles Raoul-Cormeil, obs. sous Civ. 1re, 28 janv. 2009, D. 2009.1927 ; François Chénedé, obs. sous Civ. 1re, 28 janv. 2009, A.J. Fam. 2009.127 ; Jacques Massip, note sous Civ. 1re, 28 janv. 2009, Defrénois 2009.748.
-
[48]
Il convient ici de relever que cette question essentielle du recouvrement des dettes d’aliments génère de plus en plus un contentieux important devant les juridictions françaises. En effet, que ce soit en matière de recours exercés par les services d’aide sociale sur le fondement de l’article L. 132-7 du Code de l’action sociale et des familles, ou de recours exercés par les hôpitaux et hospices sur le fondement de l’article L. 6145-11 du Code de la santé publique pour obtenir le versement de pensions alimentaires, on peut noter un léger phénomène de densification des litiges portant sur les dettes d’aliments. Voir, à ce propos, Christelle Rieubernet, « Le recours des établissements publics de santé contre un débiteur d’aliments toujours soumis au droit privé », L.P.A. 2007.189.3.
-
[49]
Loi no 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, préc., note 39.
-
[50]
Loi no 70-459 du 4 juin 1970 relative à l’autorité parentale, J.O. 5 juin 1970, p. 5227.
-
[51]
Code civil français, art. 371-1.
-
[52]
Par exemple : Loi no 87-570 du 22 juil. 1987 sur l’exercice de l’autorité parentale, J.O. 24 juil. 1987, p. 8253 ; Loi no 93-22 du 8 janv. 1993 modifiant le Code civil relative à l’état civil, à la famille et aux droits de l’enfant et instituant le juge aux affaires familiales, J.O. 9 janv. 1993, p. 495 ; Loi no 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, J.O. 5 mars 2002, p. 4161.
-
[53]
Pour le philosophe Ruwen Ogien, « Les exclus de l’AMP », dans Lucette Khaïat et Cécile Marchal (dir.), La maîtrise de la vie. Les procréations médicalement assistées interrogent l’éthique et le droit, Toulouse, Érès, 2012, p. 225, aux pages 230 et 231, il existe, à l’heure actuelle, deux raisons majeures de ne pas sacraliser, de manière générale, cette notion d’intérêt de l’enfant : non seulement l’argument serait moralement contestable puisqu’il semble relever d’une règle injuste : « deux poids, deux mesures », en ce sens qu’il exclut certaines filiations qui ne correspondent pas à notre ordre social ; ensuite, cet argument de l’intérêt de l’enfant paraît juridiquement contestable, en ce qu’il manque de clarté.
-
[54]
Adeline Gouttenoire, « La famille dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme », Dr. fam. 2012.étude.6.
-
[55]
Adeline Gouttenoire, « Le contrôle exercé par la Cour de cassation sur l’intérêt supérieur de l’enfant », dans M. Dupuis, préc., note 43, p. 147, aux pages 147 et suiv.
-
[56]
Sur l’évolution de sa politique pédocentriste au cours de l’année 2011, voir A. Gouttenoire, préc., note 54.
-
[57]
Convention relative aux droits de l’enfant, 20 novembre 1989, 1577 R.T.N.U. 3.
-
[58]
Civ. 1re, 8 nov. 2005, Bull. civ. I, no 404 ; François Boulanger, « Applicabilité directe de la Convention de New York et intérêt supérieur de l’enfant », D. 2006.554 ; Adeline Gouttenoire et Laurence Brunet, « Droits de l’enfant », D. 2007.2192.
-
[59]
Konrad c. Allemagne, no 35504/03, CEDH 2006-XIII.
-
[60]
Pierre Noreau, « Interdisciplinarité, regard de l’autre et compréhension nouvelle du droit contemporain », dans Pierre Noreau (dir.), Dans le regard de l’autre, Montréal, Éditions Thémis, 2005, p. 1.
-
[61]
Sur ce concept, voir Antoine Garapon, La raison du moindre État. Le néolibéralisme et la justice, Paris, Éditions Odile Jacob, 2010, p. 16 et 17, qui conçoit le néolibéralisme non pas comme une « idéologie qui distingue une sensibilité politique voire partisane », mais plutôt comme une « “raison gouvernementale”, plus implicite et apte à réunir un consensus beaucoup plus large ».
-
[62]
On en vient à se demander si, au fond, la politique jurisprudentielle actuelle de responsabilisation des parents n’aboutit pas à poser la question du « comportement parental raisonnable ». Voir Edwige Rude-Antoine, « L’obligation d’entretien des parents à l’égard de leur enfant majeur : le contentieux civil et le contrôle des comportements familiaux par le juge », dans Edwige Rude-Antoine et Marc Piévic (dir.), Éthique et famille, t. 2, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 73, aux pages 101 et suiv. :
Les juges reconnaissent que les familles ont des situations diverses et retiennent dans l’analyse de leur comportement comme trait moral, leur intention, par exemple, ne pas se mettre intentionnellement en situation de ne pas pouvoir faire face à leur obligation d’aliments. Plutôt qu’une vision de l’agir « bien », les juges ont une conscience qu’il existe des droits et des devoirs, tant pour les enfants que pour les parents, qui posent des limites. Ils donnent de fait une priorité au juste sur le bien.
-
[63]
Yves Delecraz et Marc Chetaille, « Les obligations légales en matière d’aide financière parentale », R.J.P.F. 2011.6.8 et suiv.
-
[64]
Le versement de la pension alimentaire au majeur étudiant est donc la règle : Civ. 1re, 23 févr. 2011 : Juris-data no 2011-002282 ; Civ. 1re, 9 févr. 2011 : Juris-data no 2011-001397.
-
[65]
Civ. 1re, 8 avr. 2009 : Juris-data no 2009-048905.
-
[66]
Pour une hypothèse de suppression de la contribution paternelle pour l’enfant majeure qui vivait depuis deux ans avec un jeune homme qui subvenait à ses besoins : Riom, 18 déc. 2012 : Juris-data no 2012-031109.
-
[67]
Paul Moreau, « Penser le droit de la famille avec Michel Villey », Arch. phil. Droit 2006.331.
-
[68]
Certaines évolutions récentes, notamment en matière de filiation et de droit successoral, ont volontairement été occultées dans ce texte pour des raisons évidentes de clarté dans le raisonnement. Elles ne sont pas pour autant moins essentielles, puisqu’elles corroborent, d’une certaine façon, tous nos développements sur la politisation croissante de la régulation des rapports familiaux.
-
[69]
Françoise Dekeuwer-Défossez, « Désinstitutionalisation de la famille : mutations et interrogations », dans Edwige Rude-Antoine et Marc Piévic (dir.), Éthique et famille, t. 1, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 43, à la page 54.