Abstracts
Résumé
Dans l’article qui suit, l’auteure propose une étude comparative et transsystémique des troubles de voisinage et de la nuisance, tenant compte à la fois de la tradition civiliste et de la common law. Sa thèse principale est de montrer que, dans ces deux traditions juridiques, il existe un fondement mixte aux troubles de voisinage et à la nuisance, à la fois réel, ou propriétal, et personnel, ou obligationnel, ce qui fait ressortir la dimension relationnelle de la propriété et peut être vu comme le signe de la présence de devoirs de la propriété. Cette dernière tend alors à acquérir une dimension sociale, qui en fait une relation d’exclusivité socialement limitée — conception qui a été adoptée par la récente théorie américaine de l’obligation sociale (social obligation theory) et qui apparaît en filigrane dans l’affaire Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette de la Cour suprême du Canada.
Abstract
In this article, the author takes into consideration both common law and civil law traditions to put forward a comparative and transsystemic approach to troubles de voisinage and private nuisance. She demonstrates the hybrid nature of troubles de voisinage and private nuisance, emphasizing how they lie somewhere between real and personal rights at civil law, and property rights and obligations at common law. This hybrid nature highlights the relational dimension of ownership as well as the duties ownership may entail in both legal traditions. As a result, ownership tends to acquire a social dimension, becoming a socially limited exclusivity relationship. The idea of a socially limited exclusivity relationship in hinted at in the Supreme Court decision St. Lawrence Ciment Inc. v. Barrette, and has recently been recognized in American property law theory through the social obligation theory.
Article body
Comment faut-il analyser la situation juridique dans un contexte de troubles de voisinage en droit civil ou de nuisance en common law ? Les droits du propriétaire sont-ils limités en raison des droits concurremment absolus du propriétaire du fonds avoisinant ? Faut-il y voir une sorte de servitude ou une obligation réelle attachée à la propriété ou bien s’agit-il plutôt d’une application particulière du régime de la responsabilité civile ? Voilà autant de questions qui nous mènent à notre thèse principale.
Le présent article se veut une contribution à une étude comparative[1] et transsystémique[2] de la notion de trouble de voisinage et de nuisance dans les traditions romano-germaniques et de common law. La thèse principale de cette étude est de montrer que le trouble de voisinage et la nuisance ont, dans ces deux traditions, un fondement mixte, à la fois réel et personnel, ce qui met en exergue l’idée d’une propriété relationnelle et évoque l’existence de devoirs de la propriété[3].
En common law, il est usuellement admis — à travers la définition de la propriété comme un faisceau de droits (bundle of rights) — que la propriété implique des devoirs et des obligations, en même temps que des droits. En droit civil, la notion de droit réel et la conception traditionnelle de la propriété comme un droit absolu sur une chose rendent plus difficile cette acceptation de principe. L’idée de propriété relationnelle y est pourtant présente au moins en filigrane, si bien qu’il est possible de se demander si le droit civil peut également reconnaître des devoirs ou des obligations associés à la propriété.
De même que la propriété a un rapport particulier avec le parent, du fait de la transmission familiale et successorale des biens, elle en a également avec le voisin, en raison de la communauté[4] et de la proximité géographique de son habitat. La situation de voisinage est intéressante, car le mythe de la propriété absolue y apparaît en plein jour, le droit de propriété se présentant alors sous un angle résolument social et relationnel. Il s’agit en effet d’une situation factuelle qui mêle le droit des biens au droit des obligations. Dans un tel contexte, les limites de la propriété immobilière entrent sur le devant de la scène pour se montrer plus clairement que dans l’hypothèse d’école qui envisage toujours l’immeuble ou le fonds de terre en situation isolée et sous l’emprise absolue de son propriétaire.
Le voisinage constitue un objet intéressant de comparaison. En effet, si les systèmes civilistes et de common law n’ont pas une conception identique de la propriété, plusieurs similitudes fondamentales existent néanmoins à grande échelle quant au concept même de propriété[5], ce qui s’observe également à plus petite échelle, dans le contexte spécifique du voisinage. De plus, il y a une tendance au rapprochement des traditions juridiques, s’agissant du traitement des troubles de voisinage et de la nuisance, ces systèmes évoluant ensemble à l’interstice de la propriété et de la responsabilité, ce qui rappelle ainsi les limites d’une opposition absolue entre les droits réels et les droits personnels, y compris dans les systèmes civilistes. Cette tendance au rapprochement des traditions juridiques peut être illustrée au moyen de l’observation de droits nationaux représentatifs de ces traditions.
La récente affaire Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barette de la Cour suprême du Canada se situe dans ce contexte de rapprochement des traditions juridiques[6]. Souvent commentée sous l’angle du droit des obligations, cette décision est également riche en enseignements sous l’éclairage du droit des biens. L’affaire rappelle en effet au juriste civiliste, en des termes non équivoques, que la propriété, bien qu’elle soit traditionnellement analysée comme un droit absolu, est un droit essentiellement soumis à des limites. Cela a pour effet de remettre les limites de la propriété au coeur même de ce concept et évoque la notion de devoir de la propriété. L’idée de devoir associé à la propriété s’inscrit parfaitement dans une conception sociale et éthique de la propriété, telle qu’elle a été récemment exposée par la théorie américaine de l’obligation sociale (social obligation theory), mais dont les ramifications sont lointaines et puisent leur inspiration dans la philosophie d’Aristote. Dans une telle conception, la propriété peut être envisagée comme une relation d’exclusivité socialement limitée.
Afin de montrer l’existence d’un fondement mixte des troubles de voisinage et ses conséquences en fait de propriété relationnelle et de devoirs de la propriété, nous procéderons en trois temps. Après avoir considéré la notion de trouble de voisinage et de nuisance sous un angle transsystémique (1), nous verrons que les troubles de voisinage et la nuisance ont un fondement mixte à la fois réel et personnel (2), ce qui souligne le caractère relationnel de la propriété et évoque la présence de devoirs de la propriété (3).
1 Les notions de trouble de voisinage et de nuisance
Il importe d’envisager les troubles de voisinage en droit civil (1.1) et en common law (1.2), pour en proposer une conceptualisation transsystémique (1.3).
1.1 Les troubles de voisinage en droit civil
La notion de trouble de voisinage n’est pas aisée à cerner dans sa spécificité[7]. Le voisinage, observait Capitant, « est un fait qui donne naissance à des obligations réciproques à la charge des propriétaires[8] ». Quant aux troubles de voisinage, le Vocabulairejuridique de Cornu les définit ainsi : « Dommages causés à un voisin (bruit, fumées, odeurs, ébranlement, etc.) qui, lorsqu’ils excèdent les inconvénients ordinaires du voisinage, sont jugés anormaux et obligent l’auteur du trouble à dédommager la victime, quand bien même ce trouble serait inhérent à une activité licite et qu’aucune faute ne pourrait être reprochée à celui qui le cause[9]. »
Cette définition, qui met l’accent sur la conduite, distingue donc l’inconvénient ordinaire de voisinage, jugé normal par le droit et ne conférant aucun recours, de l’inconvénient non ordinaire, jugé anormal, qui engage la responsabilité du voisin, même en l’absence de faute. De façon plus lapidaire, mais relativement proche, en droit civil québécois, le Dictionnaire de droit privé donne du trouble de voisinage la définition suivante : « Trouble de fait qui dépasse les limites de la tolérance que les voisins se doivent[10]. » Cette définition met également en relief l’idée selon laquelle le trouble de voisinage consiste dans le dépassement d’un seuil de tolérance entre voisins.
L’une des difficultés à circonscrire la notion de trouble de voisinage s’explique sans doute par les liens qu’elle a entretenus pendant un temps avec le concept d’abus de droit et, partant, avec la conduite fautive. En droit civil québécois, la notion de trouble de voisinage est en effet historiquement liée à celle d’abus de droit. Longtemps identifiées l’une à l’autre, la théorie des troubles de voisinage a toutefois acquis son autonomie, notamment depuis la codification de l’article 976 du Code civil du Québec, distinct de la réglementation de l’abus de droit à l’article 7 du même code[11]. La faute n’est donc plus nécessaire à l’existence d’un trouble de voisinage[12]. Dans le contexte d’un trouble de voisinage en droit civil québécois, la responsabilité sera engagée à la condition que le demandeur fasse la preuve d’un dommage sérieux[13]. Alors que le voisin doit subir ou tolérer le dommage normal, tel n’est pas le cas du dommage anormal, qui s’appréciera de manière objective, en tenant compte de la nature des fonds, de leur situation ainsi que des usages locaux[14]. La même évolution s’observe en droit civil français[15].
En droit positif français, il est usuellement admis que tout propriétaire a l’obligation de ne pas causer d’inconvénient anormal à son voisin[16]. Cette règle générale est désormais fondée sur une jurisprudence bien arrêtée de la Cour de cassation, qui a posé le principe selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage[17] ». La responsabilité sera engagée à deux conditions : celle de l’utilisation d’un immeuble et celle de la création d’un dommage anormal, la référence à la faute devenant sans importance[18]. Comme l’observait déjà Josserand, alors que, par l’acte abusif, « le propriétaire […] détourne son droit de sa destination [et] agit sans motifs légitimes », l’acte excessif n’est pas critiquable en soi ou dans ses mobiles[19]. Simplement « il cause à autrui un préjudice anormal et, par conséquent, injuste ; c’est un acte […] qui a rompu l’équilibre de la situation juridique des fonds voisins » et qui devient ainsi générateur de responsabilité[20].
Ces développements sur les troubles de voisinage en droit civil français et québécois tendent à montrer que le trouble de voisinage peut être défini en droit civil comme le trouble qui dépasse le seuil de la tolérance normale ou ordinaire que les voisins se doivent. La nuisance de la common law n’est pas très éloignée d’une telle conception.
1.2 La nuisance de la common law
Tout comme les troubles de voisinage, la nuisance est surtout utilisée pour régler les conflits liés au bruit, à l’odeur, à la fumée ou à la poussière qui émanent du fonds du défendeur et portent atteinte à l’usage par le plaignant de son propre bien-fonds[21]. La difficulté à définir la notion de nuisance existe également en common law et s’explique par le même embarras à en déterminer les contours précis[22]. En common law, cette difficulté définitionnelle est principalement liée aux liens que la nuisance entretient avec le délit de public nuisance et avec le droit commun de la negligence, délit lié à une conduite fautive.
Il convient tout d’abord de distinguer la nuisance publique de la nuisance privée, qui sont en common law deux délits/torts ou causes d’actions distinctes[23]. La nuisance publique protège principalement le public dans l’exercice de droits qui sont communs à tous les citoyens, tels que le droit de passage sur des autoroutes publiques ou sur des rivières navigables[24]. Quant à la nuisance privée, souvent appelée nuisance « tout court », qui seule nous occupe ici, ses contours ont été établis dans plusieurs affaires au cours du xixe siècle[25].
Les auteurs et la jurisprudence ne sont pas avares de définitions de la nuisance. Selon une définition souvent citée de Winfield & Jolowicz, la nuisance est « [the] unlawful interference with a person’s use or enjoyment of land, or some right over, or in connection with it[26] ». La Cour suprême, dans l’affaire Ciment du Saint-Laurent, cite les auteurs classiques Linden et Feldthusen[27], pour définir la nuisance comme « un trouble déraisonnable de l’usage d’un bien-fonds[28] ». Cette définition est relativement proche de celle d’Osborne, pour qui la nuisance protège les personnes contre une interférence à l’usage, à la jouissance et au confort de leur terre[29]. La nuisance (privée) peut ainsi être définie comme un trouble déraisonnable à l’usage ou à la jouissance d’un bien-fonds.
Pour donner lieu à un recours, l’interférence doit être déraisonnable et le plaignant doit avoir subi un préjudice[30]. Le trouble doit être intolérable pour une personne ordinaire. Il s’agit d’une question de fait[31], qui s’apprécie en examinant le contexte de la nuisance, notamment sa nature, sa gravité, sa durée, la particularité du voisinage, la sensibilité du demandeur et l’utilité de l’activité[32].
Tout comme pour les troubles de voisinage du droit civil, la faute est largement indifférente dans le contexte de la nuisance. En common law, cela distingue la nuisance de la negligence : contrairement à la negligence qui est axée sur la faute[33], « la nuisance constitue un champ de responsabilité qui considère le dommage subi plutôt que les comportements interdits[34] ». Toutes les atteintes au confort et à la jouissance de son bien-fonds ne constituent pas une nuisance. Cependant, les limites de la tolérance sont dépassées lorsque l’activité du défendeur cause une atteinte non raisonnable à l’usage, à la jouissance et au confort de la terre du plaignant[35]. On retrouve donc dans le concept de nuisance de la common law une notion très similaire à celle des troubles de voisinage du droit civil.
1.3 Conceptualisation transsystémique
Les deux grandes traditions juridiques de droit civil et de common law sont aux prises avec des situations factuelles similaires d’atteinte aux droits de propriétaires voisins et elles y ont répondu en développant une notion relativement identique, susceptible d’englober et de régir ces situations. Le trouble de voisinage du droit civil et la nuisance de la common law peuvent s’analyser comme un trouble anormal ou déraisonnable à l’usage d’un fonds de terre qui dépasse les limites de la tolérance que les voisins se doivent. Telle est l’idée générale vers laquelle les deux traditions étudiées semblent converger en la matière. En droit civil comme en common law, l’évaluation du caractère anormal ou déraisonnable de l’atteinte est confiée à l’appréciation des tribunaux[36], ce qui laisse à ces derniers une grande marge de manoeuvre, qui reste pourtant encadrée dans les deux traditions par des critères d’appréciation qui, là encore, sont très proches, comme nous venons de le montrer. De plus, un fondement mixte à la responsabilité de l’auteur du trouble, à la frontière de la propriété et de l’obligation, peut être mis en évidence dans le contexte du trouble de voisinage ou de la nuisance.
2 Le fondement mixte des troubles de voisinage et de la nuisance
En droit civil comme en common law, les troubles de voisinage et la nuisance ont un fondement mixte et, plus précisément, un fondement réel ou propriétal, teinté d’obligationnel, ce qui se vérifie tant pour la notion de trouble de voisinage et de nuisance (2.1) que pour les sanctions qui s’y rattachent (2.2).
2.1 Le fondement mixte des notions de trouble de voisinage et de nuisance
Il existe une difficulté importante dans la recherche du fondement, réel ou personnel, des troubles de voisinage, et cette question divise la doctrine civiliste depuis un certain temps. Plusieurs explications ont été tentées pour faire la lumière sur la responsabilité dans le contexte des troubles de voisinage, qui vont du quasi-contrat de voisinage de Pothier jusqu’à l’invocation d’un droit subjectif de la personnalité (droit à la tranquillité de son mode de vie[37]). Surtout, une tension se crée entre, d’une part, les explications liées au droit des biens et à la propriété[38] et, d’autre part, celles qui se rattachent au droit des obligations et à la responsabilité[39]. La doctrine québécoise a surtout insisté, pour expliquer les troubles de voisinage, sur les limites à l’exercice du droit de propriété[40], sur l’existence d’une obligation légale propter rem[41], ou encore sur la responsabilité civile[42]. En common law également, plusieurs justifications ont été apportées : elles vont du droit de la propriété (property law) au droit des obligations et de la responsabilité (tort law)[43]. Nous ne retiendrons ici que les principales analyses, réelle (ou en common law propriétale)[44] et personnelle (ou en common law obligationnelle), dans les deux traditions.
2.1.1 Analyse réelle ou propriétale
Selon l’analyse réelle (ou propriétale), le conflit existe moins entre les acteurs juridiques qu’entre les fonds. La conception réelle dominante des troubles de voisinage en droit civil analyse ce conflit en termes d’atteinte à la propriété ou, à tout le moins, de limites aux droits du propriétaire. Comme cela a déjà été souligné en doctrine, les rédacteurs du Code Napoléon ont eu « une vision exclusivement foncière » des relations de voisinage[45]. C’est ainsi que, dans leur Traité de droit des biens, Baudry-Lacantinerie et Chauveau exposent la situation en ces termes :
[T]out propriétaire est limité dans l’exercice de son droit de propriété par la défense de porter atteinte au droit égal du propriétaire voisin. Cette formule implique tout d’abord qu’il ne suffit pas d’une simple privation de jouissance causée au voisin, d’un préjudice quelconque, pour entraver l’exercice du droit de propriété […] il faudra, de toute nécessité, recourir à une analyse, minutieuse en ses détails, des facultés, des attributs, des avantages qui composent le droit de propriété, pour savoir si l’un d’entre eux se trouve atteint et diagnostiquer ainsi la lésion du droit[46].
De même, selon Capitant, « [l]e dommage infligé au voisin consiste toujours et nécessairement dans un amoindrissement du droit de propriété, dans une diminution des avantages que ce droit procure à son titulaire[47] ». Plus précisément, le préjudice est vu comme une atteinte au droit d’usage (jus utendi) que confère la propriété[48].
En droit civil québécois, les grands traités et ouvrages mentionnent aussi les troubles de voisinage sous l’idée d’une atteinte ou d’une limite à la propriété. C’est ainsi que Montpetit et Taillefer notent que, dans le contexte de voisinage, « le droit absolu de chaque propriétaire est restreint par le droit également absolu des propriétaires voisins[49] ». De même, Mignault analysait les inconvénients résultant du voisinage sous un titre relatif aux « dommages à la propriété immobilière[50] ».
Un certain courant jurisprudentiel, ainsi qu’une partie de la doctrine civiliste, a proposé d’analyser les troubles de voisinage comme une servitude[51], plus exactement comme une servitude légale[52]. Cette conception a notamment été envisagée par la doctrine civiliste française du Code Napoléon[53] et par une partie de la doctrine sous l’empire du Code civil du Bas Canada — lequel contenait un chapitre 2, intitulé « Des servitudes établies par la loi », au sein du titre iv intitulé « Des servitudes réelles[54] ». Comme certains l’ont déjà justement souligné, cette idée de servitude permettait de conserver l’illusion d’un caractère absolu de la propriété[55].
Une telle analyse comporte néanmoins des limites. La doctrine et la jurisprudence ont notamment fait valoir que ce qui est parfois appelé « servitude légale » ne saurait constituer une servitude réelle, puisque les véritables servitudes n’obligent le propriétaire du fonds servant qu’à une simple abstention[56]. Il ne saurait s’agir d’une charge grevant un héritage au profit d’un autre héritage, ce qui constitue la définition de la servitude réelle[57], dès lors que toutes les propriétés y sont soumises. Ainsi, explique Caron, ces prétendues servitudes légales sont plutôt des « obligations légales passives et universelles du respect du droit de propriété », puisque tous les fonds y sont soumis, le titulaire du droit de propriété n’étant tenu que propter rem[58]. Il faut alors plutôt y voir une limite au droit de propriété faisant partie du droit commun de la propriété[59].
L’analyse réelle ou propriétale est également présente en common law. Traditionnellement, la nuisance était décrite comme protégeant des intérêts propriétaires ou possessoires dans la terre[60]. C’est ainsi que, pour Blackstone, la nuisance privée pouvait être définie comme « anything done to the hurt or annoyance of the lands, tenements, or hereditaments of another[61] », ce qui constitue une vision fortement marquée par l’analyse réelle. La jurisprudence s’est souvent fait l’écho de cette conception, notamment dans l’affaire Royal Anne Hotel Co. Ltd. v. Ashcroft (Village), où le juge McIntyre a pu estimer que, dans un contexte de nuisance, « one is concerned with the invasion of the interest in the land[62] ».
L’analyse plus moderne et actuellement dominante en common law voit dans la nuisance un conflit entre droits d’usage et, plus précisément, une mise en balance d’intérêts propriétaires (proprietary interests)[63]. Il est ainsi usuellement admis, dans la common law contemporaine, que la fonction première de la nuisance est de trouver un équilibre approprié entre l’intérêt du défendeur à utiliser son fonds de terre et l’intérêt du plaignant relativement à l’usage et à la jouissance de son propre bien-fonds[64]. La nuisance est alors vue comme « the common law of competing land use[65] ». Selon cette conception, les cas de nuisance sont des hypothèses de compétition entre droits d’usage, et cela est analysé comme un conflit entre droits propriétaires — donc un conflit de propriété — puisque chaque droit issu du faisceau de droits est lui-même considéré comme un droit de propriété[66]. C’est ainsi que les juges analysent souvent les cas de nuisance en termes de mise en balance entre droits d’usage (in terms of balancing rights of use)[67].
L’analyse de la nuisance comme un conflit entre droits d’usage, et donc comme un conflit de droits de propriété, a été critiquée en doctrine, notamment par Penner. En effet, pour cet auteur, ces droits d’usage extraits de la propriété analysée comme un faisceau de droits (bundle of rights), ne sont pas des droits de propriété indépendants, mais seulement une expression trompeuse employée pour expliquer ce que la propriété d’un droit implique[68]. Dès lors, la nuisance doit plutôt être vue comme une atteinte à la propriété et à la possession exclusive[69] — ce qui rapproche ainsi d’autant la nuisance du trespass.
2.1.2 Évolution vers l’analyse personnelle ou obligationnelle
Nous observons une tendance à l’évolution des troubles de voisinage et de la nuisance, du droit des biens vers le droit des obligations[70]. La nuisance de la common law est historiquement liée à la propriété, tout comme en droit civil, l’analyse des troubles de voisinage s’est avant tout construite comme une limite à la propriété[71]. À l’origine, la nuisance privée était seulement une extension des actions en revendications d’intérêts propriétaires ou possessoires dans la terre[72]. Le caractère délictuel de l’action s’est par la suite développé, lorsque les tribunaux ont élargi l’étendue de l’action pour englober des atteintes indirectes et plus abstraites à l’usage et à la jouissance de la terre[73]. Le professeur Girard a montré que, depuis le milieu des années 70, il existe un mouvement dans la jurisprudence canadienne et anglaise qui tend à abandonner l’analyse en termes de propriété au profit d’une conception liée à la responsabilité[74]. Parallèlement, certains estiment que le droit civil québécois s’est détaché d’une explication fondée sur l’article 1053 du Code civil du Bas Canada et sur la preuve d’une faute, pour se rapprocher de la common law, dans le sens d’une responsabilité sans faute[75].
Contrairement à l’analyse réelle (ou propriétale), selon l’analyse personnelle (ou obligationnelle), la responsabilité découlant des troubles de voisinage résulte de rapports personnels et non de rapports entre les fonds[76]. Dans un article intitulé « La protection du voisinage », Marie-France Nicolas a soutenu que les rapports de voisinage sont des rapports personnels et non des rapports entre fonds et qu’« ils ne sauraient sans erreur être rattachés à la propriété[77] ». Pour cette auteure, cette explication ne tient pas, car, si la responsabilité du trouble de voisinage était liée au droit de propriété, la réparation devrait peser dans toutes les hypothèses sur le propriétaire du fonds, ce qui n’est pas le cas, notamment lorsqu’un trouble est causé par un locataire. Elle en tire alors la conclusion que la responsabilité du trouble de voisinage doit être rattachée aux rapports personnels[78]. Le principal avantage de l’analyse personnelle est que l’action devient automatiquement envisageable pour tous les occupants des fonds, quel que soit leur statut, ce qui diminue, d’un point de vue pratique, le nombre de recours à intenter — notamment puisque le locataire n’a pas à s’adresser à son propriétaire, mais peut intenter une action directement contre l’auteur du trouble[79].
Une analyse personnelle de la nuisance est également présente en common law. Selon cette conception, la propriété n’est pas nécessaire pour rendre compte du droit d’action en nuisance. Dès lors, il suffit, pour expliquer la nuisance, de la considérer sous l’angle de la responsabilité et, plus précisément, d’une responsabilité stricte ou sans faute[80]. C’est ainsi qu’un auteur comme Richard Epstein considère simplement la nuisance comme faisant partie du droit de la responsabilité (tort law)[81]. L’analyse purement obligationnelle est toutefois surtout présente en common law américaine, du fait de la présence du Restatement (Second) of Torts[82]. Cela a néanmoins eu tendance à influer sur le reste de la common law, ce qui a semé ainsi davantage de confusion dans la notion[83]. Sous réserve de cette spécificité de la common law américaine, cette évolution vers l’obligationnel ne supprime pas, selon nous, le lien traditionnel à la propriété, mais elle se superpose plutôt au fondement réel.
2.1.3 Fondement mixte : fondement réel mâtiné d’obligationnel
Nous proposons de retenir un fondement mixte, réel (ou, en common law, propriétal), mais teinté d’obligationnel, pour rendre compte des troubles de voisinage et de la nuisance. En dépit d’une certaine évolution de cette notion vers l’obligationnel dans les deux traditions, cela ne supprime pas son lien traditionnel avec le droit des biens et un fondement unique — qu’il soit réel ou personnel — est insuffisant pour expliquer les troubles de voisinage et la nuisance.
Ni le droit de la responsabilité ni le droit des biens, pris de façon isolée, ne sont parfaitement aptes à rendre compte de la situation de voisinage et de nuisance. D’une part, le droit de la responsabilité n’est pas totalement approprié pour expliquer cette situation. En effet, il ne s’agit pas d’une responsabilité pour faute, ce qui constitue pourtant le droit commun de la responsabilité à la fois en droit civil[84] et en common law, à travers le délit de negligence[85]. De plus, il est difficile de retrouver le droit commun de la responsabilité dans le fait générateur de responsabilité pour troubles de voisinage, tous les troubles n’étant pas réparables, mais seulement ceux qui excèdent les inconvénients normaux — si bien qu’un seuil est créé dans le dommage[86]. Finalement, la réparation n’est pas toujours due par ceux qui sont à l’origine des troubles — ce qui est le cas en droit civil français et, plus exceptionnellement en common law, dans une situation de location[87]. D’autre part, le fondement réel ne peut rendre compte à lui seul de la situation juridique dans un contexte de voisinage. Comme Anne-Marie Patault l’a justement souligné, « [l]a propriété absolue suppose, pour sa plénitude, un propriétaire sans voisin ». Or, « [l]’espace frontière entre deux propriétés ne peut fonctionner concrètement sans s’altérer d’obligations réciproques[88] ».
Il est possible de concevoir un fondement mixte aux troubles de voisinage, principalement réel, pour tenir compte de l’origine de l’action et de son pouvoir explicatif fort, mais teinté d’analyse personnelle, ce domaine ne pouvant être totalement détaché du droit de la responsabilité[89]. L’explication des troubles de voisinage par un fondement mixte, à la fois réel et personnel, est parfaitement conforme au droit civil québécois. En effet, aux termes de l’article 976 du Code civil, « [les] voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux ».
Cet article est le premier à figurer au chapitre iii, qui a pour titre « Des règles particulières à la propriété immobilière », lui-même situé sous le titre 2 du Code, intitulé « De la propriété »[90].
Il semble délicat dans un système civiliste de faire complètement fi de la place que le législateur québécois a donné aux troubles de voisinage au sein du Code civil. Dès lors, le fondement réel des troubles de voisinage s’impose, d’autant plus que les termes mêmes de l’article 976 du Code civil font référence aux « fonds ». Il n’en reste pas moins qu’un aspect obligationnel est également présent en la matière, dès lors que les voisins, en leur qualité de propriétaire ou d’ayants cause, ont droit à la jouissance paisible de leur bien, mais également l’obligation corrélative de respecter le droit à la jouissance paisible de leur bien par le propriétaire voisin et ses ayants cause. De plus, l’aspect obligationnel des troubles de voisinage s’observe dans la présence d’une responsabilité civile imposée au propriétaire ou au voisin au sens large.
Une partie de la doctrine civiliste a analysé les limites à la propriété dans le contexte du voisinage en termes d’obligations réelles[91] — droit mixte s’il en est[92]. Ainsi, pour Capitant, les obligations de voisinage constituent des obligations réelles ou propter rem, « qui sont pour ainsi dire inhérentes aux fonds et qui ne grèvent la personne que parce qu’elle est et tant qu’elle est propriétaire[93] ». Ces obligations sont attachées à la propriété, comme l’hypothèque l’est à la créance[94]. Cette position est proche de celle de Planiol et Ripert, qui considéraient les obligations de voisinage comme des obligations réelles, qui « n’existent qu’à raison de la propriété de la chose[95] ». L’idée d’obligation réelle est également présente dans la doctrine civiliste québécoise, notamment chez Lucie Laflamme, qui a analysé le rapport de voisinage en s’appuyant sur la notion d’obligation réelle[96].
Dans l’affaire Ciment du Saint-Laurent, la Cour suprême a eu à se prononcer sur la pertinence d’un recours collectif pour troubles de voisinage liés à l’exploitation d’une cimenterie. Le recours avait été intenté par les résidents qui se plaignaient de problèmes liés à la poussière, aux odeurs et aux bruits causés par l’exploitation de la cimenterie. La plus haute cour du pays a rejeté l’analyse en termes d’obligation réelle pour étendre la protection au voisin locataire[97], ce qui constitue la marque d’une prise en considération de l’aspect relationnel et obligationnel du trouble de voisinage. La notion de voisin dans le contexte d’un trouble de voisinage peut en effet s’entendre dans un sens plus ou moins large. Si, dans un sens restrictif, elle ne désigne que le propriétaire, cette notion peut aussi être comprise dans un sens large, pour inclure le titulaire d’un autre droit réel ou le simple détenteur[98]. La Cour suprême a donc adopté ici une position généreuse, qui a pour effet de ne pas priver de protection celui qui, tel le locataire, n’est pas titulaire d’un droit réel[99]. Il existe une solution similaire en droit civil français, où la théorie des troubles de voisinage s’étend à tout voisin victime, qu’il soit un propriétaire, locataire ou simple occupant[100]. De même, en common law, un locataire[101] ou une personne autre qu’un propriétaire peut avoir une action en private nuisance, puisque toute personne qui a un intérêt dans la terre (interest in land) peut bénéficier d’une telle action[102].
Le rejet circonstancié de la théorie de l’obligation réelle ne rend pas pour autant sans aucune pertinence la référence à l’obligation réelle[103], pas plus qu’il ne constitue, selon nous, une condamnation de tout lien avec le droit des biens. Si une compréhension large du voisin se justifie pour des raisons pratiques, notamment dans le contexte d’un recours collectif[104], il n’en reste pas moins que, d’un point de vue théorique, l’obligation de voisinage correspond parfaitement à la définition de l’obligation réelle, dont une personne est tenue en raison de sa qualité de titulaire de droit réel[105]. Ce lien avec le droit des biens apparaît à plusieurs endroits de la décision, qui contient d’ailleurs — et ce n’est pas un hasard dans cette affaire de troubles de voisinage — des développements importants sur la propriété et ses limites.
L’argument selon lequel l’action doit profiter à d’autres que le propriétaire et pouvoir être intentée directement par un locataire ou un occupant n’est pas dirimant pour écarter tout fondement réel à l’action. En effet, les troubles de voisinage peuvent être analysés comme constituant une action rattachée à la propriété et donc conférée au propriétaire qui, par extension, peut être octroyée à ses ayants cause. Comme le soulignait déjà le doyen Carbonnier, « [p]ar-delà les immeubles […] ce sont les propriétaires eux-mêmes qui sont entraînés dans cette communauté ; il existe entre eux des obligations de voisinage[106] ». Et le savant auteur de poursuivre :
[L]a communauté de voisinage en soi est indépendante de la propriété ; les rapports de voisinage peuvent se concevoir a priori entre des locataires ou entre des fermiers, aussi bien qu’entre des propriétaires. Il faut souvent entendre, lorsque des droits sont reconnus, des obligations imposées, à un propriétaire foncier dans les rapports avec les propriétés voisines, que ces droits pourront être exercés, ou ces obligations exécutées, par les locataires et fermiers, ses ayants cause[107].
Cependant, rappelait Carbonnier, « historiquement, c’est bien comme des limitations de la propriété qu’elles sont apparues, et l’on peut dire que les locataires y sont aux droits des propriétaires[108] ». Le même raisonnement peut être étendu aux autres ayants cause du propriétaire.
Si la notion de voisin et de voisinage peut avoir un sens large a priori, le rapport de voisinage est pourtant pris en considération par le législateur québécois d’abord dans sa dimension réelle. Cela n’empêche pas, notamment pour des raisons pratiques, d’étendre le droit d’action à des ayants cause du propriétaire. Il reste que le lien au fonds est essentiel dans un contexte de voisinage et que le locataire n’a, selon nous, un droit d’action qu’en tant qu’ayant droit du propriétaire qui, quant à lui, est lié réellement. Cette interprétation permet de respecter l’intention du législateur québécois qui a été d’envisager les relations de voisinage en termes de propriété, de même que les besoins pratiques d’alléger les actes de procédure et de donner, le cas échéant, un recours direct au locataire.
L’idée d’un fondement mixte de la nuisance paraît également bien rendre compte de la situation en common law. Dans une étude intitulée « Exclusion and Property Rules in the Law of Nuisance », Henry Smith a souligné le caractère mixte de la nuisance[109]. Pour cet auteur, la nuisance est un hybride entre différentes méthodes de délimitation des droits. Parfois, elle s’analyse comme une mise en balance de coûts et d’avantages entre différents usages, ce qui la rapproche d’un régime de responsabilité. Parfois, au contraire, la nuisance a un aspect de « protection de l’exclusivité » et ressemble dans ce cas au trespass, ce qui la rapproche du droit des biens et de la propriété[110].
Finalement, c’est sans doute également parce que les troubles de voisinage ont un aspect réel que l’on ne passe pas, dans un tel contexte, par l’entremise de la responsabilité de droit commun pour faute en droit civil[111], ou par le tort de negligence en common law[112]. Autrement dit, le fondement au moins partiellement réel de l’action peut être vu comme une justification du régime d’une responsabilité sans faute (strict liability). L’analyse des sanctions de l’action confirme par ailleurs la conception mixte des troubles de voisinage et de la nuisance proposée ici.
2.2 Le fondement mixte des sanctions des troubles de voisinage et de la nuisance
Le caractère mixte des troubles de voisinage et de la nuisance se vérifie dans leurs sanctions. S’agissant des sanctions envisageables dans un contexte civiliste de troubles de voisinage, le professeur Lafond mentionne la cessation de l’activité nuisible, sa modification ou encore la démolition de l’élément dommageable, tant par la voie d’une injonction ou d’une action possessoire que d’une indemnité pécuniaire[113]. De façon très similaire, en droit civil français, le trouble de voisinage est sanctionné par des dommages-intérêts pour le préjudice passé et futur, mais surtout par une réparation en nature, par exemple, la suppression d’un ouvrage ou d’une exploitation. De plus, il est fréquent d’obtenir une interdiction pour le propriétaire de causer des actes dommageables à l’avenir[114]. Or, si les dommages-intérêts sont la sanction typique en droit de la responsabilité et en droit des obligations en général, l’injonction et la réparation en nature sont plutôt du ressort du droit des biens et de la propriété. L’analyse des sanctions en matière de troubles de voisinage dans un contexte civiliste souligne donc, ici encore, le fondement mixte de l’action.
La situation est très proche sur ce point également en common law. Dans cette tradition juridique, la nuisance procure généralement un recours contre des atteintes à la propriété qui ne constituent pas un trespass. L’action de trespass implique des situations dans lesquelles une personne envahit physiquement la propriété d’une autre personne[115]. La nuisance, quant à elle, procure plutôt un recours contre des atteintes à la propriété qui constituent un usage de son propre fonds, mais qui influent négativement sur l’usage ou la jouissance d’une propriété voisine, par exemple, le bruit, l’odeur, la fumée ou la poussière[116]. Bien qu’il y ait une tendance au rapprochement entre les deux actions[117], le trespass protège l’intérêt à une possession exclusive, alors que la nuisance protège l’intérêt à l’usage et à la jouissance de son propre bien-fonds[118]. De plus, alors que toute invasion physique constitue une atteinte à l’intérêt du propriétaire à une possession exclusive, la nuisance ne sera pas sanctionnée dans tous les cas mais seulement dans les hypothèses où les conduites causent un préjudice non raisonnable à l’usage ou à la jouissance d’un bien[119].
Dans un article souvent cité en common law américaine, Guido Calabresi et Douglas Melamed ont proposé une analyse mixte des sanctions dans un contexte de nuisance. Ces auteurs ont classé les différents types de recours dans un tel contexte — injonction, absence de recours, dommages-intérêts ou rachat d’une injonction — en recours propriétaires et en recours en responsabilité[120]. Les deux premières sanctions sont décrites comme des recours propriétaires, car elles assignent des droits et permettent aux parties de décider de conserver ou de vendre leurs droits. Au contraire, les deux derniers recours permettent au préjudice d’être commis ou d’être prévenu, en payant une compensation pécuniaire, et sont donc des règles de responsabilité impliquant l’octroi de dommages-intérêts par un tribunal[121]. Cette classification correspond ainsi parfaitement à la nature hybride de la nuisance. De plus, sous réserve du rachat d’une injonction, propre au droit américain, cette analyse mixte des sanctions, fondées à la fois sur la propriété (injonction) et sur la responsabilité (dommages-intérêts), vaut également en common law canadienne.
L’étude des sanctions des troubles de voisinage et de la nuisance confirme donc leur fondement mixte. Le passage du droit des biens vers le droit des obligations montre qu’un domaine du droit classiquement associé à la propriété a dérivé progressivement vers le droit des obligations, sans toutefois perdre ses racines qui restent ancrées dans le droit des biens et la propriété. Ainsi, le droit des biens s’ouvre sur le droit des obligations et ne peut être totalement compris sans être complété par lui. Cette tendance, dans les deux traditions juridiques, à faire passer les troubles de voisinage ou la nuisance du droit des biens vers le droit des obligations constitue la marque d’une transition d’un droit de propriété, vu comme traditionnellement absolu, à un droit davantage considéré comme relationnel et socialement limité.
3 Les conséquences du fondement mixte des troubles de voisinage et de la nuisance
Le caractère mixte du fondement des troubles de voisinage et de la nuisance met en exergue le caractère relationnel de la propriété (3.1) et pourrait être le signe de la présence de devoirs de la propriété, tant en droit civil qu’en common law, l’opposition entre une propriété absolue en droit civil et une propriété relative en common law étant moins nette que ce qui est souvent présenté (3.2).
3.1 La mixité du fondement des troubles de voisinage et de la nuisance comme mise en exergue de l’aspect relationnel de la propriété
Le rapport de voisinage souligne le caractère relationnel de la propriété à un double niveau. En premier lieu, la propriété immobilière suppose le plus souvent un voisin, à tout le moins dans nos sociétés contemporaines, contrairement à la propriété absolue, qui est pensée de façon abstraite, en dehors du contexte concret du voisinage[122]. La théorie de la propriété immobilière devrait tenir compte de cet autrui qu’est le voisin, ce qui implique minimalement de reconnaître un certain aspect relationnel à la propriété en droit civil.
Ce constat, lorsqu’il est fait, n’est toutefois pas interprété par la doctrine civiliste dominante comme remettant en cause la notion de droit réel vue comme un rapport direct avec la chose. Il existe toutefois un second palier relationnel dans le contexte des troubles du voisinage — qui apparaît dans la confrontation du droit civil et de la common law — susceptible de faire reconnaître au juriste civiliste que tout rapport avec les richesses reconnues par l’État est en réalité une relation entre personnes. Cette seconde idée, qui se trouve couramment exprimée en common law[123], est souvent méconnue en droit civil. Nous en trouvons cependant la trace chez Planiol et les personnalistes, qui ont déjà observé ceci : « Un rapport d’ordre juridique ne peut pas exister entre une personne et une chose, parce que donner à l’homme un droit sur la chose équivaudrait à imposer une obligation à la chose envers l’homme, ce qui serait une absurdité. Par définition, tout droit est un rapport entre les personnes. C’est la vérité élémentaire sur laquelle est fondée toute la science du droit[124] ».
Dès lors, le droit réel, comme tous les autres droits, « a nécessairement un sujet actif, un sujet passif, et un objet[125] ». Dans le droit réel, « c’est toutes les autres personnes qui sont tenues d’une obligation purement négative : cette obligation consiste à s’abstenir de tout ce qui pourrait troubler la possession paisible que la loi veut assurer au titulaire du droit[126] ». Les personnalistes ont ainsi reconnu une obligation passive universelle reposant sur toutes les autres personnes, hormis le propriétaire, de respecter son droit[127]. La différence entre le droit réel et le droit personnel réside alors principalement dans le nombre de sujets passifs[128].
D’un point de vue transsystémique, si l’on délaisse le jus in re tel qu’il est défini classiquement en droit civil — à savoir comme un droit absolu portant directement sur une chose — pour y voir un rapport entre personnes, la question se pose alors de savoir ce que cela implique en matière de troubles de voisinage. Il est fort probable que les conséquences qui en découlent aillent plus loin que ce qui est pressenti par Anne-Marie Patault, notamment lorsqu’elle constate que, dans le contexte du voisinage, le droit réel s’altère d’obligations réciproques[129]. Il se pourrait alors que la notion de devoir de la propriété s’impose, y compris dans un contexte civiliste et, à tout le moins, dans le contexte du voisinage, pour désigner quelque chose d’inhérent à la propriété, susceptible d’imposer une ou plusieurs obligations au propriétaire.
3.2 La mixité du fondement des troubles de voisinage et de la nuisance comme signe de la présence de devoirs de la propriété
Si la présence de devoirs de la propriété apparaît clairement en common law (3.2.1), la question se pose de savoir si la présence de devoirs de la propriété peut également être observée en droit civil (3.2.2).
3.2.1 Les devoirs de la propriété en common law
En common law, les tribunaux ont parfois débattu de la question du fondement de la responsabilité dans le contexte de la nuisance, en ayant recours à la notion d’obligations inhérentes à la propriété[130]. Pour rendre compte du fait qu’un propriétaire peut, en common law, être tenu responsable dans les limites d’une action en nuisance même s’il ne l’a pas commise[131], une partie de la doctrine et une tendance jurisprudentielle ont invoqué l’idée de devoirs de la propriété. Certains ont pu ainsi estimer que la responsabilité potentielle du propriétaire, en dépit de son absence de participation à la nuisance, implique une théorie de la propriété qui reconnaisse des « incidence of liability [in] nuisance[132] ».
Cette approche correspond très bien à la conception de la propriété en common law. Comme nous l’avons vu, la common law voit la propriété moins comme un droit absolu de contrôle sur une chose que comme une relation entre personnes relativement à des choses[133] et, plus précisément, comme le faisceau de droits le plus complet que le droit reconnaît à un propriétaire[134]. La définition de la propriété comme un faisceau de droits, actuellement dominante en common law nord-américaine[135], souligne que la propriété est immédiatement associée à ses limites et aux responsabilités qu’elle engendre[136]. La propriété de la common law est ainsi souvent décrite comme un droit relatif[137].
L’idée selon laquelle la propriété est assortie de plusieurs devoirs ou obligations n’est pas nouvelle en common law[138]. Le professeur Lametti a ainsi souligné que la propriété comporte un aspect social, en ce qu’elle met en forme certaines des valeurs collectives d’une société en ce qui concerne la relation des individus avec les objets[139]. L’idée de devoir de la propriété a notamment été mise en valeur par la récente théorie américaine de l’obligation sociale (social obligation theory). Selon cette théorie, la propriété a une dimension éthique et doit être envisagée comme conférant des droits et pouvoirs, mais aussi en considérant l’impact que l’exercice de ces droits et pouvoirs a sur autrui[140]. Dès lors que la propriété concerne des relations entre les personnes, il est normal, selon cette conception, que les propriétaires aient des obligations en même temps que des droits[141]. Puisque l’exercice du droit de propriété influe sur les autres personnes, le propriétaire n’est d’ailleurs pas libre d’ignorer les externalités de la propriété, telles que le caractère du voisinage dans lequel son fonds de terre est situé[142].
Dans leur article « Properties of Community », Gregory Alexander et Eduardo Peñalver ont proposé une théorie de la propriété fondée sur l’épanouissement humain (human flourishing) et relativement proche de la théorie aristotélicienne, dans laquelle le droit de recevoir et l’obligation de donner sont liés, en raison de la relation de dépendance des individus à l’égard de la communauté[143]. Déjà, dans son article « The Social-Obligation Norm in American Property Law », le professeur Alexander affirmait que la propriété sert de nombreuses fonctions sociales et que le droit de la propriété et le droit des biens doivent encourager l’épanouissement humain et la dignité humaine, ce qui passe par l’encadrement de relations humaines faites de réciprocité, au sein d’une communauté[144]. Cela implique une certaine responsabilité sociale du propriétaire[145], voire une obligation morale de ce dernier[146]. Sans aller jusqu’à reconnaître une responsabilité morale du propriétaire, il se pourrait que le droit civil reconnaisse une certaine responsabilité sociale dans un contexte de propriété.
3.2.2 Des devoirs de la propriété en droit civil ?
L’idée de devoir de la propriété semble a priori éloignée du droit civil. Au contact de la common law, la question se pose toutefois de savoir si cette idée existe, au moins à l’état latent, dans le contexte de voisinage, y compris au sein des systèmes civilistes.
Il est courant d’opposer à une conception relative de la propriété en common law une conception absolue de la propriété en droit civil. L’opposition est pourtant moins tranchée qu’il n’y paraît au premier abord. Traditionnellement en droit civil, la propriété était décrite comme le droit réel le plus fort, impliquant le droit de jouir de la chose de la manière la plus absolue[147]. En vertu du Code civil du Québec, cette conception s’est néanmoins trouvée atténuée par rapport à l’ancienne formulation du Code civil du Bas Canada, qui reprenait celle du Code Napoléon. Le droit québécois ne décrit plus aujourd’hui la propriété comme le droit le plus absolu mais, plus plutôt, comme un droit libre et complet[148].
L’idée d’une propriété limitée est souvent occultée en droit civil. Pourtant, les restrictions et les limitations à la propriété en droit civil se développent[149], ce qui trouve notamment à s’illustrer dans le contexte de voisinage, où ces limites apparaissent de façon criante. Il a d’ailleurs déjà été soutenu en doctrine que ce que font de nos jours les tribunaux dans le contexte des troubles de voisinage constitue un arbitrage entre intérêts conflictuels, ce qui est lié à une conception non absolutiste de la propriété, qui contraste avec une analyse en termes de faute — cette dernière analyse étant plutôt rattachée à une conception absolue de la propriété[150].
Dans l’affaire Ciment du Saint-Laurent, la Cour suprême a estimé qu’il existe un régime de responsabilité civile sans faute en matière de troubles de voisinage, distinct de l’abus de droit et du régime général de la responsabilité civile, fondé non pas sur le comportement de l’auteur du préjudice, mais sur le caractère excessif des inconvénients subis. Elle a du même coup affirmé que le droit de propriété n’est un droit qu’apparemment absolu[151]. Dans un certain sens, la Cour suprême a ainsi remis indirectement en cause la définition civiliste de la propriété comme le plus absolu des droits réels.
L’un des mérites de l’affaire Ciment du Saint-Laurent a sans doute été de rappeler au juriste civiliste que la propriété est un droit essentiellement « social », nécessairement limité par la reconnaissance concomitante des droits d’autrui. La Cour suprême renoue en cela avec les théories de grands civilistes français tels que Jhéring[152] ou Josserand. Ce dernier notait déjà, à propos de l’abus de droits, ce qui suit :
[C]ette fonction sociale de la propriété que le code civil avait laissée dans l’ombre, notre jurisprudence a su la retrouver et la rejoindre en faisant appel au concept de l’abus ; elle a causé ce droit prétendument absolu et souverain ; [elle en a fait le centre d’obligations positives qui incombent, de plus en plus nombreuses, à son titulaire ;] elle l’a assoupli et socialisé en lui attribuant une finalité propre, en fonction du milieu dans lequel il est appelé à se réaliser et en considération de l’objet sur lequel il porte[153].
Cette position de la Cour suprême se rapproche également d’un courant important de la doctrine civiliste québécoise, qui a souligné les limites de la propriété. Outre l’article phare d’Albert Mayrand sur l’abus de droit[154], plusieurs études ont déjà été consacrées à la relativité du droit de propriété[155]. Certes, ce n’est pas la première fois qu’un tribunal rappelle les limites de la propriété[156]. Cependant, l’affirmation prend ici valeur de symbole. Elle a d’autant plus de poids qu’elle vient du plus haut tribunal du pays et qu’elle est faite avec une force particulière en « conclusion » du raisonnement de la Cour suprême sur la responsabilité sans faute[157].
L’affaire Ciment du Saint-Laurent devrait avoir pour effet de mettre l’accent sur ce que les civilistes ont tendance à oublier, à savoir la deuxième partie de la définition de la propriété donnée dans l’article 947 du Code civil : « La propriété est le droit d’user, de jouir et de disposer librement et complètement d’un bien, sous réserve des limites et des conditions d’exercice fixées par la loi » (l’italique est de nous). Nous avons montré ailleurs que l’idée d’une propriété relationnelle n’est pas totalement absente en droit civil, et qu’elle existe notamment à travers les travaux de Planiol et des personnalistes[158]. Or, la conception relationnelle de la propriété prend davantage en considération les limites de la propriété[159]. En insistant sur ces limites, la Cour suprême a ainsi créé un rapprochement supplémentaire entre la propriété civiliste et la propriété en common law.
Les juristes civilistes ont souvent parlé de « droit égoïste » pour désigner la propriété[160]. Cette affirmation semble pourtant de moins en moins justifiée, tant il est vrai que le propriétaire doit tenir compte non seulement de l’intérêt de la société en général, mais aussi de l’intérêt d’une partie plus délimitée de la société, autrement dit, de sa communauté et en particulier de son voisinage — donc des personnes avec qui il entre en contact en raison de la proximité géographique de leurs fonds respectifs. C’est ainsi que le doyen Carbonnier écrivait que le « principe […] n’est point l’obligation de réparer les inconvénients anormaux, mais bien l’obligation de supporter les inconvénients normaux. C’est là l’idée maîtresse de la communauté de voisinage[161]. » Or lorsque l’accent est mis sur l’obligation de supporter les inconvénients normaux, il y a insistance sur les limites de la propriété — ou, en d’autres termes, sur les devoirs de la propriété — l’obligation de réparation n’étant alors que la sanction du dépassement des limites de son droit.
En droit civil également, il existe donc, au moins à l’état latent, l’idée selon laquelle la propriété peut obliger[162]. La notion de devoir de la propriété semble avoir été au moins indirectement évoquée par des auteurs tels que Caron[163] ou Lucie Laflamme[164], la notion d’obligation réelle — obligation à laquelle une personne est tenue en sa qualité de titulaire de droit réel, et en l’occurrence en sa qualité de propriétaire — contenant implicitement cette idée. La jurisprudence québécoise s’est également déjà fait l’écho de cette tendance. Nous en trouvons notamment la trace dans l’affaire Katz c. Reitz, où l’idée d’une obligation inhérente à la propriété a été mentionnée en ces termes : « L’exercice du droit de propriété, si absolu soit-il, comporte l’obligation de ne pas nuire à son voisin et de l’indemniser des dommages que l’exercice de ce droit peut lui causer. Cette obligation existe, même en l’absence de faute, et résulte alors du droit du voisin à l’intégrité de son bien et à la réparation du préjudice qu’il subit, contre son gré, de travaux faits par autrui pour son avantage et profit[165]. »
Ainsi peut-on se demander si l’idée de devoir de la propriété, clairement présente en common law, est tout à fait inconnue du droit civil.
Conclusion
La situation particulière des troubles de voisinage et de la nuisance participe à la remise en cause du mythe de la propriété absolue, y compris en droit civil. Alors que la notion de droit réel décrivait la propriété civiliste comme un droit absolu et illimité de la personne sur la chose, l’idée de devoir de la propriété — qui s’infiltre progressivement, y compris en droit civil — insiste davantage sur l’aspect relationnel de la propriété, celle-ci étant alors plutôt considérée comme une relation entre personnes vis-à-vis d’un bien. Dans le contexte du voisinage, la propriété apparaît clairement dans son aspect relationnel, comme une relation d’exclusivité socialement limitée. Une telle conception de la propriété est d’ailleurs en accord avec la théorie de l’obligation sociale proposée récemment par certains théoriciens du droit.
Traditionnellement en droit civil, les limites de la propriété sont reconnues mais acceptées à la marge et ne font pas véritablement partie de la définition de la propriété. Elles apparaissent plutôt comme l’exception qui confirme la règle, la limite qui ne fait que mieux souligner le principe. Au Moyen Âge, la propriété était divisée et la Révolution a voulu rompre avec ce modèle en rejetant toute forme d’obligations. Pourtant peut-être les juristes sont-ils allés trop loin dans le rejet de l’ancien modèle, en oubliant que la propriété reste un droit essentiellement social. L’obligation n’est toutefois plus due à un supérieur — le roi ou le seigneur — mais à un égal, le propriétaire et, par extension, à un autre citoyen voisin, qui a une égale prétention à la jouissance et au libre exercice de ses droits.
Appendices
Remerciements
L’auteure exprime sa gratitude au Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, qui a subventionné sa recherche sur le présent sujet. Cette dernière a également bénéficié du soutien d’une subvention Wainwright. L’auteure remercie vivement le juge Nicholas Kasirer et le professeur Roderick A. Macdonald pour leurs commentaires avisés sur une version provisoire de cet article. Elle remercie également sincèrement Mmes Régine Tremblay, Sarah Messerli et Maria Sawaf pour leur contribution à cet article à titre d’assistantes de recherche. Une version provisoire de cette réflexion a également bénéficié de commentaires de participants lors d’une conférence à l’Université Laval le 26 janvier 2010. La thèse défendue dans cet article n’engage toutefois que son auteure.
Notes
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[1]
Les systèmes juridiques étudiés ici sont le système civiliste québécois, le système civiliste français, la common law canadienne, la common law anglaise et, dans une moindre mesure, la common law américaine, en raison de sa relative spécificité issue du Restatement (Second) of Torts § 822 et suiv. (1979).
-
[2]
Sur le transsystémisme, voir notamment : H. Patrick Glenn, « Doin’ the Transsystemic : Legal Systems and Legal Traditions », (2005) 50 R.D.McGill 863 ; Daniel Jutras, « Énoncer l’indicible : le droit entre langues et traditions », R.I.D.C. 2000.4.781 ; Nicholas Kasirer, « Bijuralism in Law’s Empire and in Law’s Cosmos », (2002) 52 J. Legal Educ. 29.
-
[3]
Notre objectif n’est pas de trouver le plus petit dénominateur commun entre les traditions juridiques, mais plutôt d’envisager les grandes idées sur lesquelles ces traditions reposent.
-
[4]
Sur l’idée de communauté propre au voisinage : Marcel Planiol revu et complété par Georges Ripert avec la collaboration de Jean Boulanger, Traité élémentaire de droit civil, 3e éd., t. 1 « Principes généraux. Personnes – Biens », Paris, L.G.D.J., 1946, no 3027 et suiv. Voir aussi Jean Carbonnier, Droit civil, vol. 2 « Les biens. Les obligations », coll. « Quadrige », Paris, Presses universitaires de France, 2004, p. 1741.
-
[5]
Pour une approche générale, hors du contexte de voisinage, voir Yaëll Emerich, « Regard civiliste sur le droit des biens de la common law : pour une conception transsystémique de la propriété », (2008) 38 R.G.D. 339.
-
[6]
Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, [2008] 3 R.C.S. 392, par. 42, 54 et 76 et suiv. (j. LeBel et Deschamps). Voir déjà sur cette idée de rapprochement des traditions juridiques dans un contexte de voisinage : Drysdale v. Dugas (1896), 26 R.C.S. 20, 23 ; Canada Paper Co. v. Brown (1922), 63 R.C.S. 243, 247.
-
[7]
Robert P. Godin, « Limitations à l’exercice du droit de propriété – Abus de droit et troubles de voisinage », dans JurisClasseurQuébec, Biens et publicité des droits, coll. « Droit civil », fasc. 8, Montréal, LexisNexis Canada, feuilles mobiles, par. 4.
-
[8]
Henri Capitant, « Des obligations de voisinage et spécialement de l’obligation qui pèse sur le propriétaire de ne causer aucun dommage au voisin », R.C.L.J. 1900.29.156, 157 (l’italique est de nous).
-
[9]
Gérard Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, 7e éd., Paris, Presses universitaires de France, 2005, s.v. « Trouble de voisinage ».
-
[10]
Paul-André Crépeau (dir.), Dictionnaire de droit privé et lexiques bilingues. Les obligations, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, s.v. « Trouble de voisinage ». Voir aussi Hubert Reid, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2004, s.v. « Trouble de voisinage » : « Trouble de fait [par exemple, causé par une personne qui ne revendique aucun droit sur le bien qui en fait l’objet] causé par une personne à son voisin, qui dépasse les inconvénients normaux qui doivent être normalement tolérés compte tenu de la nature ou de la situation de leurs fonds ou, encore, des usages locaux. »
-
[11]
Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64. En ce sens : Benoît Moore, « La théorie des sources des obligations : éclatement d’une classification », (2002) 36 R.J.T. 689, 708 et suiv. ; Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, La responsabilité civile, 7e éd., vol. 1, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, nos 1-235 et suiv., p. 198 et suiv. ; Sylvio Normand, Introduction au droit des biens, Montréal, Wilson & Lafleur, 2000, p. 101 et suiv. Voir aussi : Québec,Office de révision du Code civil, Rapport sur le Code civil du Québec. Projet de Code civil, vol. 2, Québec, Éditeur officiel, 1977, p. 630, art. 976 ; Québec, Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice. Le Code civil du Québec. Un mouvement de société, t. 1, Québec, Les Publications du Québec, 1993, p. 569 et suiv.
-
[12]
En ce sens : Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, préc., note 6, par. 38 et 75.
-
[13]
Pierre-Claude Lafond, Précis de droit des biens, 2e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2007, no 1039, p. 414. Sur l’idée selon laquelle le trouble de voisinage comporte un double élément, soit, d’une part, un préjudice causé par un voisin (élément objectif) et, d’autre part, un point de rupture dans l’équilibre des rapports de voisinage (élément subjectif), voir Lucie Laflamme, « Les rapports de voisinage expliqués par l’obligation propter rem », dans Sylvio Normand (dir.), Mélanges offerts au professeur François Frenette. Études portant sur le droit patrimonial, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2006, p. 229, à la page 241.
-
[14]
Art. 976 C.c.Q. ; P.-C. Lafond, préc., note 13, no 1044, p. 416.
-
[15]
Sur la distinction entre les troubles de voisinage et l’abus de droit en droit français, voir notamment : Nadège Reboul-Maupin, Droit des biens, 2e éd., Paris, Dalloz, 2008, nos 324-359 ; François Terré et Philippe Simler, Droit civil. Les biens, 7e éd., Paris, Dalloz, 2006, nos 315-331, p. 255-267, nos 712-713, p. 615-617. Voir aussi Henri Mazeaud et autres, Leçons de droit civil, 9e éd. par François Chabas, t. 2 « Obligations. Théorie générale », vol. 1, Paris, Montchrestien, 1998, no 459.
-
[16]
Christian Atias,Droit civil. Les biens, 9e éd., Paris, Litec, 2007, nos 538-545, p. 327-330.
-
[17]
Civ. 3e, 24 oct. 1990, Bull. civ. III, no 205, p. 118. Pour un historique des premiers arrêts en la matière, voir Georges Appert, « Des droits du propriétaire vis-à-vis de ses voisins », RTD civ. 1906.5.71, 75 et suiv.
-
[18]
C. Atias, préc., note 16, nos 538-545, p. 327-330.
-
[19]
Louis Josserand, Cours de droit civil positif français, t. 1 « Théorie générale du droit et des droits. Les personnes. La famille. La propriété. Et les autres droits réels principaux », 3e éd., Paris, Recueil Sirey, 1938, nos 1499 et 1500, p. 826 et 827.
-
[20]
Id., no 1500, p. 827.
-
[21]
Philip H. Osborne, The Law of Torts, 3e éd., Toronto, Irwin Law, 2007, p. 360. Voir aussi Louise A. Halper, « Untangling the Nuisance Knot », (1998-1999) 26 B.C. Envtl. Aff. L. Rev. 89, 96.
-
[22]
Voir notamment : Gregory S. Pun et Margaret I. Hall, The Law of Nuisance in Canada, Markham, LexisNexis, 2010, p. 5 ; Conor Gearty, « The Place of Private Nuisance in a Modern Law of Torts », (1989) 48 Cambridge L.J. 214, 216.
-
[23]
Lewis Klar, Tort Law, 4e éd., Toronto, Thomson/Carswell, 2008, p. 715 ; P.H. Osborne, préc., note 21, p. 359 ; C. Gearty, préc., note 22, 214 ; L.A. Halper, préc., note 21, 97.
-
[24]
P.H. Osborne, préc., note 21, p. 359.
-
[25]
Voir, sur ce point, James E. Penner, « Nuisance and the Character of the Neighbourhood », (1993) 5 J. Envtl. Law 1, 4.
-
[26]
Winfield & Jolowicz. Tort, 17e éd. par William V.H. Rogers, Londres, Sweet & Maxwell, 2006, p. 646. Cette définition est reprise, à peu de choses près, par Francis Caballero, qui voit dans la nuisance privée de la common law « une atteinte illégale à l’usage ou à l’agrément qu’une personne retire de sa propriété immobilière ou à quelque droit sur elle ou en rapport avec elle » : Francis Caballero, Essai sur la notion juridique de nuisance, Paris, L.G.D.J., 1981, p. 2.
-
[27]
Voir Allen M. Linden et Bruce Feldthusen, Canadian Tort Law, 8e éd., Markham, Butterworths, 2006, p. 559.
-
[28]
Ciment du Saint Laurent inc. c. Barrette, préc., note 6, par. 77. Voir aussi l’affaire RoyalAnne Hotel Co. Ltd. v. Ashcroft (Village) (1979), 95 D.L.R. (3rd) 756, par. 9 (B.C.C.A.), [1979] B.C.J. no 2068 (ln/ql) : « [t]he essence of the tort of nuisance is interference with the enjoyment of land » – ce qui représente l’état du droit au Canada : G.S. Pun et M.I. Hall, préc., note 22, p. 7. Voir également Francis H. Newark, « The Boundaries of Nuisance », (1949) 65 Law Q. Rev. 480, 490 : « the true nuisance is a tort to the enjoyment of rights in land ».
-
[29]
P.H. Osborne, préc., note 21, p. 359.
-
[30]
Id., p. 360.
-
[31]
G.S. Pun et M.I. Hall, préc., note 22, p. 66.
-
[32]
Ciment du Saint Laurent inc. c. Barrette, préc., note 6, par. 77 (citant Linden). Ces critères d’appréciation figurent dans la jurisprudence civiliste en matière de troubles de voisinage, bien qu’ils ne soient pas énoncés dans la loi.
-
[33]
W.V.H. Rogers, préc., note 26, p. 71.
-
[34]
Ciment du Saint Laurent inc. c. Barrette, préc., note 6, par. 77. Voir aussi : P.H. Osborne, préc., note 21, p. 360 ; G.S. Pun et M.I. Hall, préc., note 22, p. 5 et 6. L’affirmation selon laquelle la conduite de l’auteur du dommage n’a pas d’importance en matière de nuisance doit toutefois être nuancée pour la common law américaine depuis l’adoption du Restatement (Second) of Torts § 822-831 (1979), qui tient compte de la conduite. Voir aussi Gerald H.L. Fridman, « Motive in the English Law of Nuisance », (1954) 40 Va. L. Rev. 583, qui défend l’idée selon laquelle l’intention devrait faire partie de la définition de la nuisance.
-
[35]
P.H. Osborne, préc., note 21, p. 360.
-
[36]
En droit civil, voir notamment : François Frénette, « Les troubles de voisinage », dans Service de la formation permanente, Barreau du Québec, vol. 121, Développements récents en droit immobilier (1999), Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1999, p. 145, à la page 149 ; en common law : G.S. Pun et M.I. Hall, préc., note 22, p. 66.
-
[37]
Voir les Oeuvres de Pothier. Annotées et mises en corrélation avec le Code civil et la Législation actuelle, t. 4 « Du contrat de société », 2e éd. par Jean-Joseph Bugnet, Paris, Cosse & Marchal, 1861, p. 328. Voir aussi sur l’idée d’un droit subjectif : Civ. 3e, 28 janv. et 15 avr. 1975, D. 1976.Jur.221, note Agostini et Lamarque ; Gérard Mémeteau, Droit des biens, 3e éd., Orléans, Paradigme, 2005, p. 83 et suiv.
-
[38]
Ces explications incluent les idées suivantes : limites de la propriété, servitude, théorie de l’empiètement ou immixion (immissio) ou expropriation privée partielle. Voir notamment, sur ces variations réelles, Paul Leyat, La responsabilité dans les rapports de voisinage, thèse de doctorat, Toulouse, Faculté de droit, Université de Toulouse, 1936.
-
[39]
Ces explications incluent les idées suivantes : faute (obligation préexistante ou coutumière de voisinage), responsabilité objective fondée sur le risque créé ou responsabilité objective et autonome, engagée en l’absence de faute sur la simple preuve d’un trouble anormal du voisinage. Sur ces différentes conceptions personnelles et leur évaluation : Jacques Ghestin (dir.), Traité de droit civil. Les conditions de la responsabilité, 2e éd. par Geneviève Viney et Patrice Jourdain, Paris, L.G.D.J., 1998, p. 1063 et suiv. ; F. Terré et P. Simler, préc., note 15, nos 315 et suiv., p. 215 et suiv., nos 712-713, p. 615-617.
-
[40]
Par exemple, Denys-Claude Lamontagne, Biens et propriété, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, no 228, p. 174.
-
[41]
Élise Charpentier et Benoît Moore, « Responsabilité civile et rapports de voisinage. Responsable ou obligé ? Commentaire de l’arrêt Ciment du St-Laurent c. Barrette », (2009) 43 R.J.T. 467, 475 et 480, voient dans l’article 976 du Code civil « la source d’une obligation légale distincte » et « complémentaire de la responsabilité civile ». Voir aussi sur l’obligation propter rem notamment : L. Laflamme, préc., note 13 ; Yves Caron, « Les “servitudes légales” sont-elles des servitudes réelles ? », (1962) 12 R.J.T. 123.
-
[42]
Par exemple, François Langelier, Cours de droit civil de la province de Québec, t. 3 « Articles 754 à 1078 », Montréal, Wilson & Lafleur, 1907, p. 463. Voir aussi, sur l’idée d’« un grand principe de vie en société », : Adrian Popovici, « La poule et l’homme : sur l’article 976 C.c.Q. », (1996-1997) 99 R. du N. 214, 221 et suiv. (nos 5 et 6), 252 et suiv. (no 19). Cet auteur de même que le professeur Lafond se sont posés en ardents défenseurs de la thèse de la responsabilité sans faute : id., 217-231 (nos 2-8) ; Pierre-Claude Lafond, « L’heureuse alliance des troubles de voisinage et du recours collectif : portée et effets de l’arrêt Ciment du Saint-Laurent », (2009) 68 R. du B. 385, 402 et 403.
-
[43]
En common law, les discussions sont moins axées sur l’opposition droit réel/droit personnel, en raison d’une présence moins développée de cette distinction. Sur ce point, voir Yaëll Emerich, La propriété des créances : approche comparative, coll. « Bibliothèque de droit privé », Paris, L.G.D.J., 2008, no 10, p. 6.
-
[44]
La terminologie « propriétale » plutôt que « réelle » semble plus adaptée dans le contexte de la common law, où la distinction des droits réels et des droits personnels a une importance moindre qu’en droit civil.
-
[45]
Guy Courtieu et Denis Courtieu, Les troubles du voisinage, Paris, Litec, 2002, no 2, p. 5.
-
[46]
Gabriel Baudry-Lacantinerie et Émile Chauveau, Traité théorique et pratique de droit civil, vol. 3 « Des biens », 3e éd., t. 5, Paris, Librairie de la société du recueil Sirey, 1905, no 217, p. 164 (l’italique est de nous).
-
[47]
H. Capitant, préc., note 8, 234 (l’italique est de nous).
-
[48]
Id.
-
[49]
Traité de droit civil du Québec, t. 3 par André Montpetit et Gaston Taillefer, Montréal, Wilson & Lafleur, 1945, p. 106. Voir aussi D.-C. Lamontagne, préc., note 40, no 222, p. 172.
-
[50]
Pierre-Basile Mignault, Le droit civil canadien basé sur les « Répétitions écrites sur le Code civil » de Frédéric Mourlon, avec revue de la jurisprudence de nos tribunaux, t. 5, Montréal, C. Théorêt Éditeur, 1901, p. 363.
-
[51]
Voir notamment : Ciment du St-Laurent inc. c. Barrette, 2006 QCCA 1437, par. 102-130, [2006] R.J.Q. 2633, [2006] J.Q. no 13603 (ln/ql) (mais rejeté par la Cour suprême) ; J.-L. Baudouin et P. Deslauriers, préc., note 11, nos 1-235, p. 198.
-
[52]
Voir notamment Jean-Bernard Blaise, « Responsabilité et obligations coutumières dans les rapports de voisinage », RTD civ. 1965.63.261, 286 (no 37). Sur cette tendance en common law : C. Gearty, préc., note 22, 216 ; F.H. Newark, préc., note 28, 480. Voir aussi L.A. Halper, préc., note 21, 98, qui explique cette tendance par des raisons historiques, et plus précisément par l’ancienne action assize of nuisance, qui sanctionnait l’interférence avec les droits de jouissance dans la terre, y compris l’atteinte à une servitude. Sur l’idée de nuisance comme accessoire de la terre, voir Cecil H.S. Fifoot, History and Sources of the Common Law. Tort and Contract, Londres, Stevens & Sons, 1949, p. 8 et 9. Voir aussi Janet Loengard, « The Assize of Nuisance : Origins of an Action at Common Law », (1978) 37 Cambridge L.J. 144.
-
[53]
Marcel Planiol et Georges Ripert, Traité pratique de droit civil français, t. 3 « Les biens », Paris, L.G.D.J., 1926, p. 395 ; L. Josserand, préc., note 19, no 1486, p. 821.
-
[54]
Voir notamment, P.-B. Mignault, préc., note 50, p. 12. Pour de plus amples développements sur ce point, voir Y. Caron, préc., note 41.
-
[55]
R.P. Godin, préc., note 7, no 41, p. 27. Voir aussi Georges Ripert, De l’exercice du droit de propriété dans ses rapports avec les propriétés voisines, Paris, A. Rousseau, 1902, p. 170.
-
[56]
En ce sens en droit français : Marcel Planiol, Traité élémentaire de droit civil, 11e éd., t. 1, Paris, L.G.D.J., 1928, no 2367 ; en droit québécois : Y. Caron, préc., note 41, 126. Voir aussi l’affaire Ciment du St-Laurent inc. c. Barette, préc., note 51, par. 102-106. Pour une critique de l’analyse en matière de servitude en droit civil français, voir notamment Charles Aubry et Charles Rau, Cours de droit civil français d’après la méthode de Zachariae, 5e éd., t. 2, Paris, Marchal & Billard, 1897, p. 302.
-
[57]
Voir l’article 1177 C.c.Q. :
La servitude est une charge imposée sur un immeuble, le fonds servant, en faveur d’un autre immeuble, le fonds dominant, et qui appartient à un propriétaire différent. Cette charge oblige le propriétaire du fonds servant à supporter, de la part du propriétaire du fonds dominant, certains actes d’usage ou à s’abstenir lui-même d’exercer certains droits inhérents à la propriété.
-
[58]
Y. Caron, préc., note 41, 126. Voir infra, section 2.1.3, sur cette analyse en fait d’obligation réelle.
-
[59]
Id.
-
[60]
L. Klar, préc., note 23, p. 723. Voir aussi la définition du doyen Prosser, qui voyait dans la nuisance « a civil wrong, based on a disturbance of rights in land » : William L. Prosser, Handbook of the Law of Torts, St. Paul, West Publishing, 1941, p. 552.
-
[61]
William Blackstone, Commentaries on the Laws of England. A Facsimile of the First Edition of 1765-1769, vol. 3 « Of the Rights of Things », Chicago, University of Chicago Press, 1979, chap. 13 « Of Nuisance », p. 215.
-
[62]
RoyalAnne Hotel Co. Ltd. v. Ashcroft (Village), préc., note 28, par. 9. Voir aussi l’affaire Walker v. The McKinnon Industries Limited, [1949] O.R. 549, [1949] O.J. no 468 (ln/ql).
-
[63]
Voir J.E. Penner, préc., note 25, 4 et suiv.
-
[64]
P.H. Osborne, préc., note 21, p. 360.
-
[65]
Joel Franklin Brenner, « Nuisance Law and the Industrial Revolution », (1974) 3 J. Legal Stud. 403, 406.
-
[66]
J.E. Penner, préc., note 25, 19 et 20.
-
[67]
Id., 20. Penner cite notamment les cas suivants : Sedleigh-Denfield v. O’Callaghan, [1940] A.C. 880, par. 903 (H.L.) ; Miller v. Jackson, [1977] 3 All E.R. 338 (C.A.).
-
[68]
J.E. Penner, préc., note 25, 20.
-
[69]
Id., 21.
-
[70]
Philip Girard, « An Expedition to the Frontiers of Nuisance », (1979-1980) 25 R.D.McGill 565, 597.
-
[71]
Voir supra, section 2.1.3.
-
[72]
John P.S. McLaren, « Nuisance in Canada », dans Allen M. Linden (dir.), Studies in Canadian Tort Law, Toronto, Butterworths, 1968, p. 320, aux pages 333 et suiv.
-
[73]
Id., à la page 333.
-
[74]
P. Girard, préc., note 70, 565. Voir, par exemple, l’affaire Penno v. Government of Manitoba (1975), 64 D.L.R. (3rd) 256 (Man. C.A.).
-
[75]
P. Girard, préc., note 70, 595 ; J.-L. Baudouin et P. Deslauriers, préc., note 11, nos 1-235, p. 198.
-
[76]
En ce sens, voir notamment G. Viney et P. Jourdain, préc., note 39, p. 1066 et suiv.
-
[77]
Marie-France Nicolas, « La protection du voisinage », RTD civ. 1976.74.673, 676, 681 (no 14).
-
[78]
Id., 678-681 (nos 10-14).
-
[79]
Pour une discussion sur ce point : Rémy Libchaber, « Le droit de propriété, un modèle pour la réparation des troubles du voisinage », dans Mélanges Christian Mouly, t. 1, Paris, Litec, 1998, p. 421, no 15, à la page 434 ; S. Normand, préc., note 11, p. 105.
-
[80]
Ronald I. Cohen, « Nuisance : A Proprietary Delict », (1968) 14 R.D. McGill 124, 135.
-
[81]
Richard A. Epstein, « Nuisance Law : Corrective Justice and its Utilitarian Constraints », (1979) 8 J. Legal Stud. 49.
-
[82]
Restatement (Second) of Torts § 822-831 (1979). Voir notamment le paragraphe 822, qui énonce la règle générale :
One is subject to liability for a private nuisance if, but only if, his conduct is a legal cause of an invasion of another’s interest in the private use and enjoyment of land, and the invasion is either (a) intentional and unreasonable, or (b) unintentional and otherwise actionable under the rules controlling liability for negligent or reckless conduct, or for abnormally dangerous conditions or activities.
-
[83]
Voir, en ce sens, G.S. Pun et M.I. Hall, préc., note 22, p. 5.
-
[84]
Voir l’article 1457 C.c.Q. et l’article 1382 du Code Napoléon.
-
[85]
W.V.H. Rogers, préc., note 26, p. 71-75.
-
[86]
Sur cette idée, voir Gérard Cornu, Droit civil. Introduction. Les personnes. Les biens, 12e éd., Paris, Montchrestien, 2005, no 1078-1123, p. 460-474.
-
[87]
Voir, par exemple, Civ. 3e, 30 juin 2004, Bull. civ. III, no 133, p. 119. En common law, voir l’affaire Banfai v. Formula Fun Center Inc. (1984), 51 O.R. (2d) 361 (Ont. H.C.J.), où un propriétaire a été condamné pour une nuisance faite par un locataire. Voir cependant contra, en droit civil québécois, l’affaire Lamarche c. Pépin, 2007 QCCQ 3267, par. 58-62, EYB 2007-118404. Voir aussi sur ce point : Pierre-Gabriel Jobin, Le louage, 2e éd., coll. « Traité de droit civil », Centre de recherches en droit privé et comparé du Québec, 1996, Droit civil en ligne (DCL), EYB1996LOU11, nos 97-99.
-
[88]
Anne-Marie Patault, « La propriété absolue à l’épreuve du voisinage au xixe siècle », dans Jean-Louis Harouel (dir.), Histoire du droit social. Mélanges en hommage à Jean Imbert, Paris, Presses universitaires de France, 1989, p. 457, à la page 457. Voir aussi, pour une critique du fondement personnel des troubles de voisinage et sur l’idée selon laquelle le fondement réel possède un pouvoir explicatif bien supérieur au fondement personnel, R. Libchaber, préc., note 79, aux pages 421 et suiv. et 423 et suiv.
-
[89]
R. Libchaber, préc., note 79, à la page 423. Voir aussi en droit québécois pour la proposition d’une analyse mixte, R.P. Godin, préc., note 7, no 30, p. 20. Voir également, J.-L. Bergel, obs. sous Cass. 2e civ., 23 oct. 2003, R.D. imm. 2004.26.275, cité par R.P. Godin, préc., note 7, no 31, p. 21 : « Cette théorie des troubles anormaux de voisinage a plutôt un fondement dual, car elle “s’analyse, à la fois, comme une méconnaissance des limites de son droit de propriété quand ces troubles sont le fait du propriétaire voisin et comme la responsabilité objective de l’auteur d’une activité dommageable dans les autres cas” ».
-
[90]
Voir notamment, à titre comparatif, Philippe Simler, Les biens, 3e éd., Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2006, p. 82.
-
[91]
Voir notamment P.-A. Crépeau (dir.), préc., note 10, s.v. « Obligation réelle » (syn. obligation propter rem) : « Obligation dont une personne est tenue uniquement en raison de sa qualité de titulaire d’un droit réel. »
-
[92]
Sur la nature juridique mixte de l’obligation réelle, voir notamment Hassen Aberkane, Essai d’une théorie générale de l’obligation propter rem en droit positif français. Contribution à l’étude de la distinction des droits de créance et des droits réels, Paris, L.G.D.J., 1957, p. 14.
-
[93]
H. Capitant, préc., note 8, 160.
-
[94]
Id., 162.
-
[95]
M. Planiol et G. Ripert, préc., note 4, no 3025.
-
[96]
L. Laflamme, préc., note 13, aux pages 233 et 234 : « L’obligation de bon voisinage revenant au titulaire d’un droit de propriété seulement, elle devient une charge pour celui-ci, autrement dit une obligation propter rem. »
-
[97]
Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, préc., note 6, par. 81-84.
-
[98]
Voir sur ce point : S. Normand, préc., note 11, p. 104 et 105 ; P.-C. Lafond, préc., note 13, nos 1028 et 1029, p. 409 et 410 ; R.P. Godin, préc., note 7, no 11, p. 9 et 10. Voir aussi, sur cette distinction entre « voisinage au sens strict, c’est-à-dire dans les rapports entre fonds voisins » et « rapports de voisinage au sens large, envisagés comme des rapports entre individus, entre co-locataires par exemple », J.-B. Blaise, préc., note 52, no 36, p. 286.
-
[99]
Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, préc., note 6, par. 83. Voir aussi J.-L. Baudouin et P. Deslauriers, préc., note 11, no 1-235, p. 198.
-
[100]
Sophie Druffin-Bricca et Laurence-Caroline Henry, Droit des biens, 2e éd., Paris, Gualino éditeur, 2007, p. 62.
-
[101]
Toutefois, en common law, le bail crée un intérêt dans la terre : Bruce Ziff, Principles of Property Law, 4e éd, Toronto, Thomson/Carswell, 2006, p. 266 et suiv.
-
[102]
G.S. Pun et M.I. Hall, préc., note 22, p. 86 et suiv. Voir aussi, pour une application jurisprudentielle, l’affaire Terasen Gas Inc. v. Alpha Manufacturing Inc., 2010 BCSC 90, par. 362 et suiv., [2010] B.C.J. no 116 (ln/ql). Voir aussi l’affaire Sutherland v. Canada (A.G.), 2001 BCSC 1024, par. 220 et suiv., notamment aux paragraphes 230-232.
-
[103]
Voir infra et, dans le même sens, B. Moore et É. Charpentier, préc., note 41, 478 : « Qualifier l’obligation de ne pas faire subir des inconvénients anormaux à ses voisins d’obligation propter rem ou d’obligation réelle demeure néanmoins pertinent. »
-
[104]
Voir, sur ce point, l’affaire Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, préc., note 6, par. 84, qui critique l’interprétation de la Cour d’appel limitant le recours à l’exercice de droits appartenant à des personnes.
-
[105]
Voir la définition de l’obligation réelle dans : P.-A. Crépeau (dir.), préc., note 91 ; Ciment du St-Laurent inc. c. Barrette, préc., note 51, par. 165.
-
[106]
J. Carbonnier, préc., note 4, p. 1741.
-
[107]
Id. (l’italique est de nous).
-
[108]
Id., p. 1790 (l’italique est de nous).
-
[109]
Henry E. Smith, « Exclusion and Property Rules in the Law of Nuisance », (2004) 90 Va. L. Rev. 965, 967. Voir aussi, dans le même sens, P. Girard, préc., note 70, 566, qui parle d’un hybride sui generis réel-personnel.
-
[110]
H.E. Smith, préc., note 109, 970 et 971.
-
[111]
Voir notamment l’article 1457 C.c.Q.
-
[112]
Sur cette idée en common law, J.E. Penner, préc., note 25, 19-21. Le tort de negligence est couramment analysé comme le délit de droit commun. Voir, par exemple, James A. Henderson Jr., « Why Negligence Dominates Tort », (2002-2003) 50 UCLA L. Rev. 377.
-
[113]
Pierre-Claude Lafond, « L’exercice du droit de propriété et les troubles de voisinage : petit Code (civil) de conduite à l’intention des voisins », (1999) 33 R.J.T. 225, 270-273. Voir aussi S. Normand, préc., note 11, p. 106 et 107, qui identifie la sanction habituelle en des dommages-intérêts, à laquelle se substitue ou s’ajoute parfois une injonction.
-
[114]
F. Terré et P. Simler, préc., note 15, nos 315-331, p. 255-267, nos 712-713, p. 615-617 ; Charles Aubry et Charles Rau, Droit civil français, 7e éd., t. 2, Paris, Librairies techniques, 1961, no 194, p. 330.
-
[115]
C. Gearty, préc., note 22, 216.
-
[116]
Joseph William Singer, Introduction to Property, 2e éd., New York, Aspen Publishers, 2005, p. 99. Voir aussi J.P.S. McLaren, préc., note 72, à la page 338. La question de savoir si le préjudice à la terre du voisin, dans le contexte d’une nuisance, doit être ou non matériel est débattue en doctrine : C. Gearty, préc., note 22, 217 et 218.
-
[117]
Les tribunaux admettent parfois des actions à la fois sur le fondement du trespass et de la nuisance : J.W. Singer, préc., note 116, p. 99.
-
[118]
Id., p. 100. Voir aussi Thomas W. Merrill, « Trespass, Nuisance, and the Costs of Determining Property Rights », (1985) 14 J. Legal Stud. 13, 29.
-
[119]
J.W. Singer, préc., note 116, p. 101.
-
[120]
Guido Calabresi et A. Douglas Melamed, « Property Rules, Liability Rules, and Inalienability : One View of the Cathedral », (1971-1972) 85 Harv. L. Rev. 1089, 1092.
-
[121]
J.W. Singer, préc., note 116, p. 111.
-
[122]
Voir supra, A.-M. Patault, préc., note 88.
-
[123]
Voir, sur ce point, David Lametti, « The Concept of Property : Relations Through Objects of Social Wealth », (2003) 53 U.T.L.J. 325, 326. D’un point de vue transsystémique, comparer la définition du droit réel de Planiol et du right in rem chez Hohfeld, qui y voit un ensemble de droits personnels entre individus : Wesley Newcomb Hohfeld, Fundamental Legal Conceptions as Applied in Judicial Reasoning and Other Legal Essays, New Haven, Yale University Press, 1923, p. 67. Pour Hohfeld (comme pour Planiol) tous les droits sont nécessairement entre des personnes, la seule différence entre les droits réels et les droits personnels étant le nombre de personnes touchées. Sur la question de la nécessité de la présence d’autrui pour construire un droit des biens et un droit des obligations, voir Nicholas Kasirer, « Le droit robinsonien », dans N. Kasirer (dir.), La solitude en droit privé, Montréal, Éditions Thémis, 2002, p. 1.
-
[124]
M. Planiol et G. Ripert, préc., note 4, no 2602. Voir aussi, sur ce point en droit civil, Roderick A. Macdonald, « Relational Ownership », dans Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec, Colloque du Trentenaire. 1975-2005. Regards croisés sur le droit privé, tenu à la Faculté de droit de l’Université McGill les 22 et 23 septembre 2005, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, p. 167.
-
[125]
M. Planiol et G. Ripert, préc., note 4, no 2602.
-
[126]
Id., no 2603.
-
[127]
Marcel Planiol et Georges Ripert, Traité pratique de droit civil français, t. 3 « Les Biens », Paris, L.G.D.J., 1926, no 37, p. 41. Pour de plus amples développements sur la théorie personnaliste et ses différentes ramifications, Y. Emerich, préc., note 43, no 330 et suiv, p. 188 et suiv.
-
[128]
Voir, sur ce point, Henri Michas, Le droit réel considéré comme une obligation passivement universelle, Paris, A. Pedone, 1900, p. 128.
-
[129]
Voir supra, A.-M. Patault, préc., note 88.
-
[130]
Voir, notamment, l’affaire Sedleigh-Denfield v. O’Callaghan, préc., note 67. Dans cette affaire, le juge Maugham parle d’obligations positives prenant leur source dans l’occupation de la terre, et même de la possibilité d’avoir l’obligation de prendre des mesures raisonnables pour ne pas nuire à ses voisins.
-
[131]
Voir, par exemple, l’affaire Banfai v. Formula Fun Center inc., préc., note 87.
-
[132]
Wolfgang G. Friedmann, « Incidence of Liability for Nuisance », (1940-1941) 4 Mod. L. Rev. 139, 142.
-
[133]
Voir supra, section 3.2.1.
-
[134]
J.W. Singer, préc., note 116, p. 2 et 3.
-
[135]
Crawford B. Macpherson, « The Meaning of Property », dans C.B. Macpherson (dir.), Property. Mainstream and Critical Positions, Toronto, University of Toronto Press, 1978, p. 1, à la page 3. Pour de plus amples développements sur ce point, Y. Emerich, préc., note 5, 346 et suiv. (nos 11 et suiv.).
-
[136]
James E. Penner, « The “Bundle of Rights” Picture of Property », (1995-1996) 43 UCLA L. Rev. 711, 713 ; Kevin Gray et Susan Francis Gray, Land Law, 5e éd., Oxford, Oxford University Press, 2007, p. 32. Voir aussi, pour la common law américaine, le Restatement of Property § 1-5 (1936). Pour une perspective sur l’analyse de la propriété par Blackstone et la prise en compte des limites de la propriété même chez cet auteur : Carol M. Rose, « Canons of Property Talk, or, Blackstone’s Anxiety », (1998-1999) 108 Yale L.J. 601, 603 ; David B. Shorr, « How Blackstone Became a Blackstonian », (2009) 10 Theor. Inq. L. 103, 107.
-
[137]
Barbara Pierre, « Classification of Property and Conceptions of Ownership in Civil and Common Law », (1997) 28 R.G.D. 235, 254 et 255 ; Y. Emerich, préc., note 5, 350 et 351 (no 17). L’idée de droit absolu pour définir la propriété n’est pourtant pas totalement absente en common law. Voir, notamment, Blackstone et sa définition traditionnelle de la propriété comme « that sole and despotic dominion which one man claims and exercises over the external things of the world, in total exclusion of the right of any other individual in the universe » : W. Blackstone, préc., note 61, vol. 2 « Of the Rights of the Things », chap. 1 « Of Property in general », p. 2. Voir aussi les travaux de Langdell, Pollock et Holland, désignés comme les principaux représentants de la théorie conceptualiste absolue de la propriété au xixe siècle : Robert G. Bone, « Normative Theory and Legal Doctrine in American Nuisance Law : 1850 to 1920 », (1985-1986) 59 S. Cal. L. Rev. 1101, 1117.
-
[138]
Voir, notamment, D. Lametti, préc., note 123, 326. Voir aussi, Eric T. Freyfogle, « The Construction of Ownership », [1996] U. Ill. L. Rev. 173, 178 et 179.
-
[139]
David Lametti, « The Objects of Virtue », dans Gregory S. Alexander et Eduardo M. Peñalver (dir.), Property and Community, New York, Oxford University Press, 2009, p. 1, à la page 3. Voir aussi David Lametti, The Deon-Telos of Private Property. Ethical Aspects of the Theory of Private Property, thèse de doctorat, Oxford, Faculté de droit, Université d’Oxford, 1999, p. 17.
-
[140]
Joseph W. Singer, « Democratic Estates : Property Law in a Free and Democratic Society », (2008-2009) 94 Cornell L. Rev. 1009, 1048.
-
[141]
Gregory S. Alexander, Commodity & Propriety. Competing Visions of Property in American Legal Thought 1776-1970, Chicago, University of Chicago Press, 1997, p. 2.
-
[142]
J.W. Singer, préc., note 140, 1048.
-
[143]
Gregory S. Alexander et Eduardo M. Peñalver, « Properties of Community », (2009) 10 Theor. Inq. L. 127. Rapprocher ce texte de D. Lametti, préc., note 123.
-
[144]
Gregory S. Alexander, « The Social-Obligation Norm in American Property Law », (2008-2009) 94 Cornell L. Rev. 745, 760 et suiv. Voir aussi Eduardo M. Peñalver, « Land Virtues », (2008-2009) 94 Cornell L. Rev. 821.
-
[145]
G.S. Alexander, préc., note 144 : l’auteur soutient que les individus ont une obligation, à l’égard des autres personnes dans leur communauté, de promouvoir les facultés (capabilities) qui sont essentielles à l’épanouissement humain. Voir aussi, sur cette idée, Hanoch Dagan, « The Social Responsibility of Ownership », (2006-2007) 92 Cornell L. Rev. 1255, qui soutient qu’il faudrait incorporer un élément de responsabilité sociale dans le concept de propriété. Voir également John E. Cribbet, « Concepts in Transition : The Search for a New Definition of Property », [1986] U. Ill. L. Rev. 1, 4.
-
[146]
Voir notamment les travaux de Bruce Ackerman, tels qu’ils sont commentés par Joseph W. Singer, « The Reliance Interest in Property », (1987-1988) 40 Stan. L. Rev. 611, 660 et suiv. Voir aussi : D. Lametti, préc., note 123 ; D. Lametti, « The Objects of Virtue », préc., note 139. Voir également sur ce point Thomas W. Merrill et Henry E. Smith, « The Morality of Property », (2006-2007) 48 Wm & Mary L. Rev. 1849.
-
[147]
Voir notamment : C. Atias, préc., note 16, no 69, p. 50 ; en droit québécois : S. Normand, préc., note 11, p. 77.
-
[148]
Comparer l’ancien article 406 C.c.B.C. (« [l]a propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements »), qui constituait l’exacte réplique de l’article 544 du Code civil français, avec l’article 947 C.c.Q., aux termes duquel le droit de propriété s’exerce « librement et complètement » sur le bien. La doctrine québécoise tient d’ailleurs compte de cette évolution. Voir notamment : S. Normand, préc., note 11, p. 92 ; P.-C. Lafond, préc., note 13, nos 657 et suiv., p. 259 et suiv.
-
[149]
Voir notamment : Roderick A. Macdonald, « Reconceiving the Symbols of Property : Universalities, Interests and Other Heresies », (1994) 39 R.D. McGill 761 ; Gérald Goldstein, « La relativité du droit de propriété : enjeux et valeurs d’un Code civil moderne », (1990) 24 R.J.T. 505, 507. Voir aussi Jean-Louis Bergel, Le droit des biens, coll. « Que sais-je ? », Paris, Presses universitaires de France, 1983, p. 37-47.
-
[150]
Voir en ce sens, d’un point de vue historique, A.-M. Patault, préc., note 88, aux pages 458-460.
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[151]
Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, préc., note 6, par. 86 (l’italique est de nous) :
Malgré son caractère apparemment absolu, le droit de propriété comporte néanmoins des limites. Par exemple, l’art. 976 C.c.Q. établit une autre limite au droit de propriété lorsqu’il dispose que le propriétaire d’un fonds ne peut imposer à ses voisins de supporter des inconvénients anormaux ou excessifs. Cette limite encadre le résultat de l’acte accompli par le propriétaire plutôt que son comportement.
Voir aussi le paragraphe 24 du même jugement où à propos de l’abus de droit, la Cour suprême évoque « le principe de la relativité des droits, y compris d’un droit en principe aussi absolu que le droit de propriété ».
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[152]
Rudolf Von Jhéring, « Des restrictions imposées aux propriétaires fonciers dans l’intérêt des voisins », dans Oeuvres choisies, trad. par Octave de Meulenaere, t. 2, Paris, Librairie A. Marescq, 1893, p. 101, à la page 114 : « l’emploi d’un fonds implique régulièrement l’usage antérieur, simultané ou subséquent des fonds avoisinants ». Jhéring soulignait ainsi l’impossibilité d’une propriété totalement absolue.
-
[153]
Louis Josserand, De l’esprit des droits et de leur relativité. Théorie dite de l’Abus des Droits, Paris, Dalloz, 1927, no 32, p. 41 (l’italique est de nous). Voir aussi, Georges Ripert, « Abus ou relativité des droits. À propos de l’ouvrage de M. Josserand : De l’esprit des droits et de leur relativité, 1927 », R.C.L.J. 1929.49.33, où l’auteur expose que la conception d’un droit abstrait du milieu social dans lequel il s’exerce est un non-sens, une prérogative sociale ne pouvant s’exercer que socialement. Voir également sur l’abus de droit en common law : Jason W. Neyers, « Rights-Bases Justifications for the Tort of Unlawful Interference with Economic Relations », (2008) 28 L.S. 215, 225 et suiv. ; et Jason W. Neyers, « Abuse of Rights at Common Law ? » (à paraître).
-
[154]
Albert Mayrand, « L’abus des droits en France et au Québec », (1974) 9 R.J.T. 321, 322, a notamment souligné que, paradoxalement, « [l]e droit de propriété a été le berceau de la théorie de l’abus des droits ».
-
[155]
Voir principalement : Serge Pichette, « La relativité du droit de propriété », (1990) 24 R.J.T. 529 ; André Cossette, « Considérations sur le droit de propriété et son évolution », (1967-1968) 70 R. du N. 277 ; Gérald Goldstein, préc., note 149. Voir aussi, dans le même sens, J.-L. Baudouin et P. Deslauriers, préc., note 11, nos 1-234, p. 197.
-
[156]
Voir, par exemple, l’affaire Abitibi (Municipalité régionale de comté) c. Ibitiba Ltée, [1993] R.J.Q. 1061, 1066 (C.A.), où le juge Baudouin écrivait ceci à propos de la protection de l’environnement : « le législateur, protecteur de l’ensemble de la collectivité présente et future, limite, parfois même sévèrement, l’absolutisme de la propriété individuelle […] Le droit de propriété est désormais de plus en plus soumis aux impératifs collectifs. »
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[157]
Voir l’affaire Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, préc., note 6, par. 86, avant que la Cour applique les principes qu’elle a énoncés aux faits de l’espèce.
-
[158]
Yaëll Emerich, « Propriété, relation et exclusivité : étude de droit comparé », R.R.J. 2009.129.1841. Voir aussi Shalev Ginossar, Droit réel, propriété et créance. Élaboration d’un système rationnel des droits patrimoniaux, Paris, L.G.D.J., 1960, p. 33.
-
[159]
En ce sens : G.S. Alexander, préc., note 141, p. 2 ; J.W. Singer, préc., note 140, 1048.
-
[160]
Par exemple, G. Mémeteau, préc., note 37, p. 83-94, 145-148. Opposé à cette idée et sur l’idée de « droit fonction », voir Raymond Martin, « De l’usage des droits et particulièrement du droit de propriété », RTD civ. 1975.73.52, 57 (no 11).
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[161]
J. Carbonnier, préc., note 4, no 834, p. 1790 (l’italique est de nous).
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[162]
H. Capitant, préc., note 8, 157 ; A. Popovici, préc., note 42, 217 et suiv. (no 2).
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[163]
Y. Caron, préc., note 41, 123.
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[164]
L. Laflamme, préc., note 13.
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[165]
Katz v. Reitz, [1973] C.A. 230, 237. Voir aussi l’affaire St-Louis c. Goulet, [1954] B.R. 185, 191 (CA, j. Pratte) : « Le droit pour le propriétaire d’user de sa chose comme il l’entend comporte l’obligation de ne pas exercer ce droit d’une manière qui empêche le voisin de jouir lui aussi de sa propriété » (cité dans l’affaire Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, préc., note 6, par. 45).