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L’élection de Donald Trump a fait couler beaucoup d’encre, puisque l’on veut savoir quels phénomènes auraient bien pu mener à l’élection de celui-ci. C’est dans ce contexte que Frédéric Boily entame une discussion ayant pour objectif global de comprendre l’évolution de la droite politique en Amérique du Nord (p. 7). L’auteur offre une introduction pertinente sur la montée du populisme de la droite politique, autant au sein du grand public, que des médias. Or, les politologues remarqueront que Boily spécifie que sa définition du populisme mobilisée dans l’ouvrage est ancrée dans l’usage commun plutôt qu’universitaire. Pour atteindre l’objectif du livre, celui-ci est divisé en cinq chapitres portant sur l’évolution de la droite politique et la « populisation » de la vie politique, les périodes temporelles de populismes différents aux États-Unis, le populisme canadien, la droite canadienne, et finalement l’analyse des journalistes de droite au Canada. En bref, dans cet ouvrage, le lecteur trouvera des récits cohérents quant à l’évolution de la droite en Amérique du Nord. Toutefois, un lecteur averti restera sur sa faim en ce qui concerne l’opérationnalisation théorique et conceptuelle de l’auteur.
Dans le chapitre premier, l’auteur demande « à quel point peut-on véritablement parler d’un retour de la droite et de la droitisation ? » (p. 12) M. Boily, à travers un survol des notions théoriques de la droitisation, montre son évolution dans le temps. Notamment, l’évolution de la droitisation, telle que l’évolution du clivage gauche-droite. Un exemple de cette évolution est que dans les années quatre-vingt, les anti-libre-échange étaient de gauche, tandis que cette même tendance est associée à la droite de nos jours.
Dans le chapitre deux, l’auteur se demande « à quel point on assiste à une “populisation” de la vie politique aux États-Unis en revenant dans le passé » (p. 13). Tout comme dans le chapitre précédent, il faut prendre en compte l’aspect temporel. Or, l’auteur distingue cinq périodes de populisme américain : 1) la période de 1920-1930 ; 2) la période décrite par Hofstadter, qui écrit après la Seconde Guerre mondiale ; 3) les réactions à Hofstadter ; 4) les années soixante, donc la période qui suit les travaux quantitatifs en science politique ; et 5) la contribution de Goodwin dans les années soixante-dix. Le chapitre conclut en affirmant que Trump est un populiste américain dans la mesure où il est un suprémaciste blanc, mais qu’il est loin du fascisme de la république de Weimar. L’auteur arrive à cette conclusion en comparant le présent aux cinq cycles de populisme américain.
On constate, dans le troisième chapitre, que Boily change le concept d’« opposition » (comme dans parti d’opposition) pour le concept de « populisme » lorsqu’il s’attarde à la question « à quel point peut-on parler de populisme au Canada ? » (p. 14) Or, c’est en substituant le concept d’« opposition » à celui de « populisme » que Boily peut postuler que le populisme canadien n’est pas radical. Il utilise notamment les exemples de Réal Caouette et de John Diefenbaker pour illustrer ses propos, pour ensuite discuter des droites partisanes dans les provinces de l’Alberta et du Nouveau-Brunswick. Il note que les provinces canadiennes voient l’émergence d’un populisme régional identitaire lorsqu’il y a de la tension avec Ottawa. Boily qualifie le discours de la droite canadienne de « flirt » avec le populisme, notamment lorsqu’on voit ses représentants se positionner contre les politiciens de carrière.
Dans le quatrième chapitre, « La droite fédérale au Canada : une nouvelle étape de son histoire », on devine que le populisme auquel l’auteur fait référence se manifeste dans un contexte électoral. C’est-à-dire qu’il parle d’électoralisme, tandis que le populisme ne s’y limite pas nécessairement puisqu’à la base le populisme est une idéologie. Bien que l’auteur ait spécifié son approche du concept de « populisme » au départ, il n’en demeure pas moins que son usage peut créer un certain malaise. Néanmoins, l’auteur répond à sa quatrième thématique, soit : « Quelle est la nature des droites canadiennes post-Harper ? Sont-elles engagées dans un processus de fragmentation similaire à celui qui est survenu dans le passé lorsque le Parti réformiste de Preston Manning est parti à l’assaut du Parti progressiste-conservateur ? » (p. 14) Premièrement, contrairement à leurs homologues européens, les différents partis conservateurs du Canada – Boily inclut ici les différentes fusions et divisions du Parti conservateur du Canada à travers les décennies – sont viables dans les élections. C’est-à-dire que le parti a été au pouvoir à plusieurs reprises. Le chapitre conclut en avançant que l’échec du Parti populaire de Maxime Bernier aux élections fédérales de 2019 est dû au fait qu’il n’y a pas suffisamment d’insécurité culturelle au Canada. Toutefois, cette conclusion aurait aussi pu être nuancée en ajoutant que le mode de scrutin uninominal à un seul tour a aussi eu de l’influence sur ce résultat. C’est-à-dire que les électeurs ne veulent pas perdre leur vote, alors ils votent pour les partis les plus susceptibles de gagner, soit les partis établis.
Dans le cinquième chapitre, portant sur les intellectuels de droite au Canada, on nous offre une analyse de six cents articles de journaux écrits par cinq journalistes, dont deux anglophones et trois francophones. Les journaux pour lesquels ces journalistes écrivent sont Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec, The Montreal Gazette, The National Post et The Financial Post. Les thématiques analysées traitent de l’élection de Donald Trump, et de l’islam politique et de l’islam radical. Sur l’élection de Donald Trump, ce qui ressort de l’analyse est surtout une quête de compréhension du personnage. De plus, ces journalistes avançaient qu’il fallait mieux le comprendre avant de s’attarder à le critiquer. Une journaliste, notamment, « estimait plutôt que le véritable danger, c’est l’islam et non Trump » (p. 171). L’islam est surtout traité par la couverture du projet de loi sur la laïcité de l’État déposé au Québec par le gouvernement de François Legault. Boily trouve de l’appui pour ladite loi dans les articles des journalistes anglophones incluses dans son analyse. Il avance aussi que l’approche des intellectuels à l’étude dans le chapitre s’aligne avec le républicanisme français. Le chapitre est éloquent, puisqu’on y témoigne des cohérences entre les francophones et les anglophones, qui vont à l’encontre du cliché des « deux solitudes » canadiennes.
En bref, l’ouvrage rassemble plusieurs interprétations qui suscitent des réflexions quant à l’influence de la droite et du populisme en Amérique du Nord. Ces analyses sont à la fois ancrées dans les théories, dites classiques, telles que celles de Gramsci, Adorno et Hofstadter, ainsi que dans l’évolution des périodes charnières pour la droite au Canada et aux États-Unis. C’est un ouvrage qui illustre le portrait d’un populisme à la définition malléable, en démontrant que ce phénomène historique se renouvelle à travers le temps.