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Godelier Maurice, 2021, L’interdit de l’inceste à travers les sociétés. Paris, CNRS Éditions, 120 p.

  • Patrick Kaplanian

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  • Patrick Kaplanian
    Chercheur indépendant

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Cover of La situation coloniale à la lumière des archives, Volume 48, Number 1, 2024, pp. 15-318, Anthropologie et Sociétés

Un petit livre vite lu en apparence. Il se présente sous la forme d’un entretien et fait le point de nos connaissances sur le sujet. Il intéressera les non-spécialistes qui veulent s’initier à l’un des thèmes cruciaux de l’ethnologie. Il intéressera aussi les spécialistes en ce qu’il rassemble clairement nos informations dispersées dans de nombreux ouvrages sur un sujet très vaste. Le texte se veut exhaustif, et c’est cette exhaustivité même qui fait ressortir la complexité du sujet. Ainsi apprend-on qu’une théorie assez répandue veut qu’il y ait inceste si deux personnes ont en commun une ou plusieurs composantes essentielles de leur être : sperme, lait, sang, chair, voire l’âme ou le nom (p. 17). Par exemple chez les Trobriand, l’irruption de l’esprit de l’ancêtre (qui désire se réincarner dans le corps de l’enfant) et le sang maternel sont les deux composantes du foetus. Donc si ça constitue un crime pour une mère de coucher avec son fils (issu de même sang), un père peut coucher avec sa fille, puisque son sperme n’est pas une composante à l’origine de sa conception (p. 17-18). Mais il faut compter avec d’autres théories. En Occident, l’inceste est prohibé parce que les rapports sexuels interdits font exploser l’autorité des aînés sur les cadets (p. 20), une théorie qui n’a rien à voir avec celle de la ou des composantes communes. Et il y en a bien d’autres. Mais, quelles que soient les personnes interdites, quelle que soit la théorie indigène qui fonde ces interdictions, le fait de la prohibition de l’inceste est là. C’est pour l’auteur l’un des quatre critères qui font la spécificité de l’espèce humaine dès l’apparition de l’homo sapiens : ces critères sont, outre la prohibition de l’inceste, la domestication du feu, la division du travail entre les sexes et le langage articulé (p. 84-85). Et plus tard viendra le développement de l’agriculture et de l’élevage (p. 87). Maurice Godelier se lance alors dans une comparaison avec les primates les plus proches de l’homme, les chimpanzés et les bonobos. Tous deux vivent en bandes. Les jeunes guenons quittent leur bande pour en intégrer une autre (p. 81). « Ce double mécanisme de sortie des bandes de jeunes femelles pubères et d’arrivée dans les mêmes bandes de femelles étrangères semble donc être associé non pas à un évitement de l’inceste mais à une régulation de la vie sociale des membres de chaque bande en éliminant la possibilité de conflits entre adultes mâles et jeunes mâles » (p. 82). Malgré une certaine proximité entre hommes et singes, il ne faut pas tomber dans l’anthropocentrisme. Si donc les jeunes femelles pubères quittent leur bande, il ne s’agit pas d’évitement de l’inceste. Godelier s’oppose donc à une lecture trop anthropomorphique du comportement des singes. Mais relisons sa phrase : « Ce double mécanisme […] semble donc être associé non pas à un évitement de l’inceste […] ». Or, si ressemblance avec le comportement des humains il y a, il est à noter que ce n’est pas avec la prohibition de l’inceste qu’il faut comparer le comportement simiesque, mais avec l’exogamie. Si les jeunes guenons quittent leur bande dès la puberté, le problème de l’inceste ne se pose pas, car il est noyé dans quelque chose de comparable à l’exogamie. Il s’agit de deux concepts différents : l’inceste ne concerne qu’un nombre très limité de parents voire d’alliés, alors que l’exogamie concerne tout un groupe. Et l’exogamie n’implique pas toujours une interdiction des relations sexuelles au sein du groupe d’unifiliation. Chez les humains, on quitte le groupe d’unifiliation après le mariage. Mais si certaines sociétés (les …