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Fassin Didier, 2023, Sciences sociales par temps de crise. Paris, Éditions du Collège de France, 54 p.

  • Karine St-Denis

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  • Karine St-Denis
    École nationale des pompiers du Québec, Laval (Québec), Canada

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Cover of La situation coloniale à la lumière des archives, Volume 48, Number 1, 2024, pp. 15-318, Anthropologie et Sociétés

Cette leçon inaugurale, prononcée par Didier Fassin le 30 mars 2023 au Collège de France, offre au lecteur l’occasion de réfléchir aux apports des sciences sociales en temps de crise. Nos sociétés actuelles traversent des crises pandémiques, climatiques et sociales inusitées qui interpellent directement les scientifiques de toutes disciplines, incluant les sciences sociales. Quelles sont nos responsabilités scientifiques envers ces crises ? Comment penser le développement du savoir en temps de crise ? Pour mener ces réflexions, Fassin nous convie à reparcourir les voies tracées par nos prédécesseurs, dont, notamment, ceux qui ont vécu et réfléchi la crise de la Deuxième Guerre mondiale : Walter Benjamin, Claude Lévi-Strauss, Jürgen Habermas, et Theodor Adorno. Nous soulignons la qualité des références aux vécus et aux réflexions des prédécesseurs ; ces références, judicieusement choisies et racontées, humanisent et enrichissent l’exposé. Pour ce compte rendu, nous avons prioritairement retenu la définition de la crise utilisée par Fassin et la perspective critique qui oriente l’ensemble de la leçon. La crise, par son étymologie, est : « l’action de distinguer, de séparer, et l’action de décider, de juger » (Dictionnaire grec-français, cité dans Fassin, p. 19). Les mots crise et critique partagent donc la même étymologie et « [r]ésoudre une crise suppose un travail critique » (p. 20). En suivant Habermas, Fassin pose que la crise a deux composantes ; l’une analytique et l’autre, subjective : « Il ne suffit pas qu’un problème se pose à la société, encore faut-il qu’il soit appréhendé comme tel » (p. 28). En ce sens, la crise est « toujours une construction sociale. Qu’elle repose ou non sur des faits, elle a besoin d’agents qui la légitiment » (p. 32). Pour les sciences sociales, une critique de la crise doit se faire sous trois angles : le décret d’une crise sans fait empirique (p. 35), les carences de reconnaissance d’un état de crise devant des faits (p. 35) et, finalement, ce que la reconnaissance ou le déni de la crise autorise ou censure (p. 36). Ce sont donc les discours légitimant — ou niant — ces crises et l’affectivité qu’ils produisent qui doivent faire l’objet des analyses et des critiques des sciences sociales. Fassin en appelle ainsi à une analyse des questions morales et des enjeux politiques des crises, soit à étudier cette « frontière mouvante, incertaine » (p. 50) dans laquelle nous concevons ce qui — ou non — fait crises ainsi que les réponses que nous mobilisons — ou non — pour répondre à ces crises. Cette leçon inaugurale se veut concise et accessible. De nombreux exemples sont offerts pour illustrer les réflexions. Par exemple, bien que scientifiquement connu depuis le XIXe siècle, l’effet de serre est demeuré un fait objectif sans subjectivité, et ce, jusqu’à la création, en 1988, du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et la tenue du Sommet de Rio, en 1992. Ce n’est que très récemment que les enjeux climatiques engagent à l’action les décideurs et les communautés (p. 28-29). Cet engagement était impossible sans subjectivation, sans appel à l’affectivité. Certes, le format limité de cette leçon inaugurale, soit un court 54 pages, ne peut permettre l’approfondissement des conclusions de l’auteur. La richesse des notes biographiques comble plusieurs lacunes attribuables au format ; les lecteurs y trouveront de nombreuses références et précisions pour nourrir leurs réflexions. Cependant, nous aurions apprécié un approfondissement de l’affirmation : « Le sentiment de peur et le sens de l’urgence que suscite la crise — […] — fondent un consentement large aux logiques d’exception » (p. 38). Il semble y avoir ici un …

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