La première partie, « La fabrique de l’état civil : genre, identité, institution », s’intéresse à l’évolution des normes et des pratiques d’enregistrement de la mention de sexe sur l’acte de naissance. Elle répond à la volonté de « proposer une réflexion large sur l’état civil des personnes, sur ses usages et ses évolutions en prenant pour focale la transidentité qui est l’un des lieux contemporains majeurs de son questionnement » (p. 10). La deuxième partie, « État civil et transidentité : des acteurs et des lois », se concentre sur les actrices et acteurs impliqués dans les procédures de changement de mention de sexe à l’état civil et ses réformes. Sun Hee Yoon retrace le rôle joué par les associations militantes dans l’adoption de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle (J21) en 2016 ; loi qui démédicalise la procédure de changement de mention de sexe. Un chapitre des coordinatrices et coordinateurs de l’ouvrage se penche sur les expériences de deux personnes trans ayant intenté des actions devant la Cour européenne des droits de l’homme, et ayant ainsi introduit la menace d’une condamnation de la France, ce qui a contribué à l’avènement de la réforme législative de 2016. Christine Dourlens s’intéresse à la manière dont les médecins ont aidé ou au contraire freiné ce mouvement d’autonomisation du droit vis-à-vis de la médecine. Ayant interviewé des magistrates et des avocats, Jérôme Courduriès montre cependant que, même en l’absence des expertises médico-psychiatriques qui étaient demandées jusqu’à la loi J21, le corps reste un critère central après 2016 : « en dernier lieu, l’issue d’une telle requête repose sur la capacité des juges à reconnaître dans la personne qui se présente à l’audience devant eux un homme ou une femme » (p. 159). La dernière partie de l’ouvrage, « Anatomie comparée des dispositifs juridiques et mobilisations sociales », offre une mise en perspective internationale. Benjamin Moron-Puech propose une analyse comparée des conceptions juridiques de la mention de sexe et de sa modification légale en vigueur aux Pays-Bas, en Allemagne, à Malte, en Belgique, au Québec, en Australie et en Inde. Nicole Gallus se penche sur la réforme apportée en 2017 en Belgique et s’intéresse plus particulièrement à la façon dont cette dernière a pris en compte des questions de filiation, contrairement à la législation française. Pascale Absi examine quant à elle la manière dont les collectifs LGBT et trans en Bolivie ont investi les politiques étatiques contre les discriminations et les instruments de participation citoyenne pour faire aboutir une loi permettant de modifier sa mention de sexe à l’état civil. Enfin, Emmanuel Theumer réalise une analyse sociohistorique de la revendication pour la reconnaissance de l’identité de genre qui a rendu possible l’élaboration et l’approbation de la loi sur l’identité de genre en Argentine en 2012. L’ouvrage couvre donc un large panorama de thématiques qui intéresseront différents lectorats. Quelques limites peuvent être soulignées. La question de la filiation, notamment de l’adéquation du statut parental (mère, père) et de l’identité de genre, reste marginale dans les contributions. Elle est essentiellement abordée dans un entretien avec une femme trans qui n’a pas été reconnue comme mère de sa fille, qui la documente plus qu’il ne l’analyse. On regrette également l’absence de travaux s’inscrivant dans le champ des études trans. Enfin, l’ouvrage n’accorde qu’une faible attention aux expériences concrètes des personnes trans vis-à-vis du changement d’état civil, ou aux rapports de pouvoir dans lesquels elles s’inscrivent. Il ne se penche pas sur les enjeux propres aux personnes mineures, ni sur les questions d’asile et de double nationalité ou sur la confrontation relative …
Appendices
Référence
- Hérault L. (dir.), 2018, État civil de demain et transidentité. Rapport final pour la Mission de recherche Droit et Justice. Paris, Mission de recherche Droit et Justice.