Abstracts
Résumé
Le projet de recherche Autres archives, autres histoires : les archives d’en bas en France et au Québec mené conjointement entre le Québec (Université Laval) et la France (Université d’Angers) étudie, dans une approche comparative et non institutionnelle, les relations entre archives et pouvoir ainsi que les modalités d’émergence, d’affirmation et d’animation de projets d’archivage alternatifs. Il s’agit de regarder les archives « par en bas », de décentrer le regard, de porter une interrogation dynamique et d’observer les processus d’émancipation et l’agentivité (la capacité d’agir) qui traversent certains projets d’archivage. Cette perspective a pour ambition d’étudier la manière dont les marges archivistiques sont habitées. Dans cet article, nous aborderons trois cas d’étude qui donnent corps à cette réflexion, à savoir les archives de communauté au Canada et au Québec, les archives des radios communautaires et les archives étudiantes en France. Ces différents points de vue ont pour objectif d’étudier la manière dont les archives structurent une identité, une mémoire, une histoire, un patrimoine et dont les pratiques s’articulent autour d’un objet, d’une communauté ou d’un thème.
Abstract
The research project Autres archives, autres histoires : les archives d’en bas en France et au Québec (Other Archives, Other Histories : Archives “from the Bottom up” in France and Quebec) undertaken jointly by Quebec (Laval University) and France (University of Angers) is studying, with a comparative, non-institutional approach, the relations between archives and power as well as the modalities of the emergence, affirmation and animation of alternative archival projects. They are looking at archives “from the bottom up,” decentering the gaze, bringing to bear a dynamic interrogation, and observing the processes of emancipation and agency (the capacity to act) which inform certain archives projects. The ambition of this perspective is to study the manner in which the margins of archives are inhabited. In this article, we discuss three cases which embody this reflection: community archives in Quebec and Canada, the archives of community radio, and student archives in France. The objective of these different points of focus is to study the way that archives structure identity, memory, history, and heritage, and the way these practices are articulated around an object, a community, or a theme.
Article body
Lors du 51e Congrès de l’Association des archivistes du Québec (AAQ) en mai 2022, Anne Klein, professeure agrégée au Département des sciences historiques à l’Université Laval, et Bénédicte Grailles, maîtresse de conférences en archivistique à l’Université d’Angers, ont présenté leur projet de recherche Autres archives, autres histoires : les archives d’en bas en France et au Québec. Un projet financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) dans le cadre des subventions de développement Savoir qui, comme son titre l’indique, vise à explorer « les modalités d’émergence, d’affirmation et d’animation de projets d’archivage alternatifs » (Klein et Grailles, 2022, p. 6) et à en déterminer les retombées sur les théories et les pratiques archivistiques.
À la suite de leur conférence, une table ronde a réuni trois chercheur(euse)s dont les travaux s’inscrivent dans la foulée du projet de recherche sous la direction d’Anne Klein et de Bénédicte Grailles, soit Simon-Olivier Gagnon, étudiant au doctorat en archivistique à l’Université Laval ; Jean-Philippe Legois, chargé de la valorisation de la recherche au laboratoire École Mutations Apprentissages à Cergy Paris Université, co-président de la Cité des mémoires étudiantes et étudiant au doctorat en archivistique à l’Université d’Angers ; ainsi qu’Annaëlle Winand qui, après avoir soutenu sa thèse de doctorat en archivistique à l’Université de Montréal en décembre 2021, était alors stagiaire postdoctorale à l’Université Laval au Département des sciences historiques. Dans le but « d’étudier la manière dont les archives structurent une identité, une mémoire, une histoire, un patrimoine et dont les pratiques s’articulent autour d’un objet, d’une communauté ou d’un thème » (Gagnon, Legois et Winand, 2022, diapo 2), la table ronde était organisée en fonction de « trois terrains et de trois questions ». Trois terrains, à savoir : les archives de communauté (community archives), les archives radiophoniques et les archives et mémoires étudiantes. Trois questions formulées comme suit : pourquoi s’intéresser à ces archives « d’en bas, alternatives, ou archives de communauté » ? Qui sont les acteurs et les producteurs, et quel est le rôle des archivistes dans ce contexte ? Quel est le résultat de ces initiatives d’archivage, de ces créations d’archives ?
Dans le présent article, les trois participant(e)s entendent faire un retour sur les points de vue qu’ils ont exprimés lors de la table ronde et, en recourant à l’écrit, assurer une plus large diffusion de leurs propos. Ainsi, dans un premier temps, Annaëlle Winand traite d’une question peu abordée dans l’archivistique québécoise, les community archives et les archives de communauté, et cherche à en comprendre les tenants et les aboutissants. Deuxièmement, à partir de la figure de « l’archiviste ad hoc » d’Hilary Jenkinson (1922), Simon-Olivier Gagnon fait état d’un autre domaine encore inexploré en archivistique au Québec, celui des archives radiophoniques. Enfin, dans un troisième temps, Jean-Philippe Legois s’intéresse à cette matière grandement instable que sont les archives étudiantes et aux initiatives telles que la Cité des mémoires étudiantes qui ont vu le jour en France.
1. Community archives et archives de communauté
1.1. Archives d’en bas, community archives et archives de communauté
Le motif de l’agir archivistique « par en bas » résonne avec certaines préoccupations qui traversent la discipline au Canada anglais au début des années 1980. Dans un article intitulé Archives from the Bottom Up: Social History and Archival Scholarship, Tom Nesmith s’interroge sur le rôle des archives dans l’histoire sociale, ainsi que sur les relations entre chercheur(euse)s et archivistes : « Over the last twenty years or so social history has been changing the way history is studied and profoundly affecting the relationship between archives and academic historical research »[1] (Nesmith, 1982, p. 5). Nesmith cristallise ici un moment important de l’archivistique canadienne-anglaise, durant lequel ses acteur(trice)s réfléchissent à la formation des archivistes, en lien notamment avec l’histoire. Au coeur de ces débats se trouve la « nouvelle » histoire sociale qui émerge dans les années 1970 et qui remet en question la notion de preuve et favorise l’utilisation de nouvelles sources (Mayer, 1985 ; Veysey, 1979). Dans ces réflexions, l’en bas se situe dans ce nouvel intérêt historique pour « ordinary people not usually accounted for in historical writing »[2] (Nesmith, 1982, p. 7). Les archivistes canadiens remarquent alors que le développement de nouvelles façons de faire l’histoire a des conséquences sur les archives et sur la manière dont elles sont conçues. La volonté d’étudier les personnes « ordinaires » se confronte en effet aux limites des archives qui, souvent, ne documentent pas l’entièreté du tissu social d’une société dans toute sa complexité.
If we examine the ‘totality’ of our archival heritage – that is both that which exists within the walls of mainstream archives, and that which lies outside in other spaces – we would surely find that most, though by no means all, of the stories of organisations, of government, of elites (in society, in business, in politics) were to be found in the formal archives, but that the voices of the citizen, the worker, the migrant, the marginal and of the community organisations that they created were generally not.
Flinn, 2007, p. 160[3]
Depuis les années 1960 et 1970, dans le monde anglophone, émergent donc des structures communautaires et sociales qui se concentrent sur les traces « “of the ordinary citizen” and in particular of BME [Black and Minority Ethnic] individuals and communities [that] are relatively scarce within the formal archives »[4] (Flinn, 2007, p. 160). L’identification et la préservation d’archives liées à l’histoire locale, aux mouvements des travailleur(euse)s, aux femmes, aux questions d’identité de genre, d’immigration ou encore de sexualité vont se développer à travers de nombreuses initiatives.
Community archives, local history projects, oral history and audio-visual records all give voice to those usually unheard, illuminate what happened in the workplace beyond the statistics of wages and production, shed light on the life and experiences in communities rarely mentioned in the official record, and open up family life in ways impossible to imagine using conventional sources.
Flinn, 2007, p. 160[5]
Ces projets traduisent une volonté de documenter, de créer ou de rassembler du matériel et des archives qui n’auraient par ailleurs pas été collectés par les institutions officielles de mémoire. Il s’agit non seulement de manifester l’existence de ces communautés au sein de la société, mais aussi de combler les lacunes des archives. En cela, ils s’inscrivent souvent dans des mouvements sociaux : les archives deviennent des ressources pour des actions militantes et des actes de résistance, liés à des projets historiques et mémoriels, mais aussi éducatifs et contestataires.
Bien que les questions soulevées par ce type d’initiatives partagent certaines réflexions développées par l’archivistique postmoderne dans les années 1980 et 1990 (représentations et construction des archives, relations de pouvoir desquelles elles émergent), ce n’est qu’un peu plus tard que la notion de community archives, en tant que telle, est abordée par l’archivistique anglophone[6]. C’est principalement à partir des années 2000 que les community archives occupent une place particulière au sein de la discipline. L’archiviste canadien Terry Cook identifie d’ailleurs l’émergence d’un paradigme contemporain des archives qui est ancré dans cette idée de communauté et d’archivage communautaire : « There is simply too much evidence, too much memory, too much identity, to acquire more than a mere fragment of it in our established archives »[7] (Cook, 2013, p. 116). À travers des études de cas et des recherches théoriques, plusieurs archivistes tentent alors de cerner les contours des community archives qui recouvrent des réalités complexes et multiples. Le terme est utilisé pour désigner, suivant le contexte : des archives locales ou encore des archives dont le terme « communauté » se réfère à un groupe qui s’auto-identifie suivant l’ethnicité, la foi, la nationalité, le genre, la sexualité, un intérêt partagé ou un mélange de plusieurs de ces critères. Andrew Flinn en propose une définition assez large, permettant d’inclure différentes réalités de terrain : « Community histories or community archives are the grassroots activities of documenting, recording and exploring community heritage in which community participation, control and ownership of the project is essential »[8] (Flinn, 2007, p. 153). Cette définition suggère plusieurs caractéristiques qui sont généralement communes aux projets d’archives de communauté : une indépendance plus ou moins grande par rapport aux institutions officielles de mémoire ; le projet est porté par la communauté pour la communauté ; le matériel collecté est varié (documents et objets) et souvent créé par la communauté (Flinn, 2007, p. 153).
1.2. Archives de communauté au Québec
Malgré cet engouement, les archives de communauté sont peu étudiées dans l’archivistique québécoise francophone. Bien que le Québec accueille des projets d’archivage qui correspondent aux critères généraux des community archives[9], il semble que la notion ne soit pas aussi présente dans les réflexions contemporaines des archivistes. Ce décalage entre archivistique anglophone et francophone peut être compris, dans un premier temps, comme le témoin d’une évolution différente de la discipline. Les fondements de l’archivistique québécoise francophone (comme nous la connaissons et l’étudions aujourd’hui) se sont développés au début des années 1980, puis consolidés dans les années 1990 autour de trois ouvrages : Les archives au XXe siècle. Une réponse aux besoins de l’administration et de la recherche (Couture et Rousseau, 1982), Les fondements de la discipline archivistique (Rousseau et Couture, 1994) et Les fonctions de l’archivistique contemporaine (Couture, 1999). L’archivistique s’y est donc développée de manière indépendante et relativement autonome, avec peu d’influence autre que, dans certains cas, celle des sciences de la gestion, de la bibliothéconomie et des sciences de l’information. De manière générale, la discipline n’a pas été marquée par les développements conceptuels qui ont influencé l’archivistique en Amérique du Nord depuis les années 1980, c’est-à-dire toute l’assimilation de champs d’études extérieurs aux archives (philosophie, études culturelles, études de genre, études décoloniales, critical race theory, etc.). Les questions prisées par l’archivistique québécoise privilégient toujours une vision plus administrative des archives, dans laquelle l’information organique et consignée, qui en est l’objet central, est avant tout une ressource à gérer (Winand, 2021).
Dans un deuxième temps, l’absence des archives de communauté dans la littérature archivistique québécoise peut aussi être située dans une compréhension distincte de la notion de communauté, dont la complexité de définition participe de la granularité et de la diversité que représente ce type d’archives. Il s’agit en effet d’un concept qui varie suivant le contexte dans lequel il est appliqué, notamment dans le temps et l’espace (Brilmyer, Gabiola, Zavala et Caswell, 2019). Il peut être généralement défini comme « a group who define themselves on the basis of locality, culture, faith, background, or other shared identity or interest »[10] (Flinn, 2007, p. 153). Toutefois, c’est dans les contextes locaux que la notion de communauté se complexifie. Au Canada, le terme de communauté a été défini à la fin des années 1970, à travers le travail de la Commission de l’unité canadienne qui avait pour mandat de cerner les problèmes qui concernent l’unité nationale et de conseiller le gouvernement sur les moyens de la renforcer (La Commission de l’unité canadienne, 1979). Dans le rapport issu de cette enquête, le terme de communauté est compris comme :
un groupe de personnes unies par la conscience de certaines caractéristiques qu’elles ont en commun (par exemple, l’ethnicité, la culture, la langue, la race, la religion, le territoire) et de certains intérêts (sociaux, économiques ou politiques) qu’elles partagent. Tous ces facteurs d’unité ne se rencontrent pas obligatoirement dans chaque communauté, mais chacune en comprend habituellement plus d’un, par exemple l’ethnicité et la langue. Le mot conscience est essentiel dans cette définition : une communauté est avant tout un état d’esprit collectif et un sentiment de partage. Tout Canadien appartient simultanément à plusieurs communautés – professionnelle, linguistique, ethnique, régionale, etc. Toutes n’ont pas nécessairement à ses yeux la même utilité ni la même valeur.
La Commission de l’unité canadienne, 1979, p. 3
Au-delà de cette définition relativement souple, au Québec, « on parlera souvent de communautés, en ajoutant à l’acception courante du terme le sens d’un groupe d’individus reliés les uns aux autres par un vécu commun. Ce peut être celui de vivre tous dans un lieu donné depuis des générations, mais aussi le partage de croyances, de pratiques sociales ou culturelles, voire la consommation de certains biens ou services, etc. » (Gagné, 2008, p. 6). Le terme de communauté peut également être associé aux communautés religieuses, et ce, d’autant plus quand il est question d’archives et de patrimoine. Plus largement, le communautaire au Québec est mis en relation avec l’action communautaire, sous la forme d’organismes d’action communautaire autonome, basés sur la participation volontaire des citoyen(ne)s et qui ont pour objectif des activités solidaires ou de défense des droits. Dans cette optique, « [l]a notion de “communautaire” n’a pas de sens en elle-même, elle n’est pas non plus une réalité sui generis, mais c’est dans les modalités de construction d’une réalité sociale qu’elle s’institue, à la fois comme formation explicite et comme signification prégnante dans le collectif » (Gagné, 2008, p. 9). Les organismes de l’action communautaire autonome trouvent leurs racines dans les comités de citoyen(ne)s et dans les groupes populaires qui se forment au Québec dans les années 1960 et 1970, puis dans les organismes communautaires des années 1980 « désireux d’intervenir sur un ensemble de problématiques sociales (santé mentale, hébergement, garderie, éducation, violence conjugale, etc.) auprès de communautés identitaires (jeunes, femmes, aînés, etc.) et de communautés territoriales pour répondre à la crise sociale et la crise des services publics » (Bourque, Grenier, Pelland et St-Germain, 2016, p. 32). C’est toutefois en 2001 que le Québec se dote d’une politique gouvernementale de reconnaissance et de soutien à l’action communautaire, reconnaissant le rôle de ces dernières dans la société (Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, 2001).
Aujourd’hui, l’action communautaire autonome regroupe environ quatre mille organismes qui répondent à des caractéristiques précises. Les organismes communautaires doivent être à but non lucratif, enracinés dans la communauté qu’ils servent, entretenir une vie associative et démocratique et être libres de déterminer leur mission, leurs approches, leurs pratiques et leurs orientations (Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, 2001, p. 21). De plus, ils sont considérés comme autonomes s’ils répondent aux quatre critères suivants : avoir été constitués à l’initiative des personnes de la communauté ; poursuivre une mission sociale qui leur est propre et qui favorise la transformation sociale ; faire preuve de pratiques citoyennes et d’approches larges axées sur la globalité de la problématique abordée ; être dirigé par un conseil d’administration indépendant du réseau public (Réseau québécois de l’action communautaire autonome, 2019). Bien qu’il n’y ait pas de secteur dédié aux archives (ou à une thématique associée : patrimoine, mémoire, etc.) au sein de l’action communautaire autonome, certaines initiatives ont pourtant pour mission de préserver des archives. Les archives gaies du Québec et les archives lesbiennes du Québec, à travers leur association au Conseil québécois LGBT, en sont deux exemples.
Il semble par ailleurs qu’un autre intérêt archivistique rejoignant cet agir par en bas se situe dans ces espaces communautaires. Il est en effet possible d’envisager la production documentaire de ces organismes comme une partie de ce qui pourrait être qualifié d’archives de communauté au Québec, bien qu’elles ne soient pas forcément revendiquées comme telles. Si l’on poursuit cette réflexion, on peut se demander où se situent les archives au Québec, quand elles ne sont pas conservées par des institutions officielles (Bibliothèque et Archives nationales du Québec et les centres agréés). À partir de ce point de vue, se développe un maillage complexe et diversifié de centres et services d’archives. Dans ce cadre, peuvent être intégrées à l’optique communautaire, par exemple, les sociétés d’histoire, en ce qu’elles documentent et préservent souvent la mémoire d’une communauté locale. Dans ce cas, les communautés sont animées par des archivistes, mais aussi des historien(ne)s, des chercheur(euse)s ou des passionné(e)s.
1.3. Perspectives
De manière générale, dans un contexte québécois, la question des archives de communauté reste à poser, tout autant que la notion à déterminer. Il est toutefois important de s’intéresser à ce phénomène et à la manière dont il se développe. Les archives de communauté représentent en effet des formes d’initiatives archivistiques qui se multiplient, y compris dans les espaces francophones[11]. Andrew Flinn suggère que cette évolution est due à différents facteurs : une prise de conscience des manques dans les institutions officielles de mémoire, l’impact continu de la migration, la désindustrialisation, le financement de projets patrimoniaux communautaires dans certains contextes, ainsi que le développement de la technologie (Flinn, Stevens et Shepherd, 2009, p. 74).
Pour les archivistes, les archives de communauté représentent un espace qui est générateur de nouvelles réflexions et pratiques archivistiques. L’archiviste américain Rick Prelinger explique que ce genre d’initiatives, justement parce qu’elles se situent en marge des archives officielles et institutionnelles (et dès lors ne sont pas soumises à leurs contraintes), sont un lieu privilégié d’innovation (Prelinger, dans Cook, Herrera et Robbins, 2015, p. 170). En marge des archives officielles, entre collection, documentation et archives, elles ont la charge d’assurer l’inscription mémorielle d’une communauté réunie autour d’une identité, d’un sujet, d’un objet : elles sont, avant tout, le lieu de préservation des documents et des objets, des traces, qui ne trouvent pas leur place dans les institutions traditionnelles de mémoire. Les archives de communauté permettent d’ancrer les discours archivistiques dans les réalités documentaires et sociales plus concrètes : parler des archives de communauté est l’occasion de se pencher sur la manière dont les identités se construisent à travers l’histoire et la mémoire. En ce sens, c’est également aborder les discours sur les archives dans une perspective interdisciplinaire, engagée et sociétale.
Des objets ou des pratiques qui ne sont pas traditionnellement considérés comme archives peuvent dès lors être collectés, tout autant que des documents qui ne sont pas produits ou reçus dans le cadre d’activités d’une personne, d’une collectivité. Les archives de communauté nous permettent ensuite de repenser nos principes et notions théoriques. Elles remettent en question la place centrale de la notion de fonds d’archives dans la hiérarchie archivistique : le principal mode d’acquisition est la collecte autour d’une thématique (la communauté). Ce sont donc des collections qui font archives et qui en constituent le noyau. Elles permettent par ailleurs de jeter une perspective nouvelle sur la notion de « producteur » des archives, en engageant les différents acteur(trice)s qui participent à la création des archives. De plus, les caractéristiques d’authenticité, de fiabilité et d’exactitude n’ont pas le même poids dans la valeur que l’on donne aux archives : par exemple, certaines archives de communauté peuvent collecter des copies de documents qui vont avoir autant de place et d’importance que les autres archives. Enfin, les archives de communauté bouleversent plus largement la notion de responsabilité et de garde des archives, ainsi que le rôle de gardien que s’est donné l’archiviste. Comme le soulignait déjà Terry Cook en 2013, la production documentaire contemporaine est tellement importante qu’il est impossible pour les archivistes de considérer pouvoir préserver l’entièreté des archives produites par une société. Il faut dès lors imaginer d’autres modèles de tutelle (physique et intellectuelle) des archives :
In this new digital, political, and pluralistic universe, professional archivists need to transform themselves from elite experts behind institutional walls to becoming mentors, facilitators, coaches, who work in the community to encourage archiving as a participatory process shared with many in society, rather than necessarily acquiring all the archival products in our established archives.
Cook, 2013, p. 114[12]
Dès lors, il ne s’agit pas d’opposer des modèles d’archives, mais de les faire collaborer à différents niveaux : « The challenge is to achieve more democratic, inclusive, holistic archives, collectively, listening much more to citizens than the state, as well as respecting Indigenous ways of knowing, evidence, and memory »[13] (Cook, 2013, p. 116).
2. Les archives radiophoniques et l’agir archivistique par en bas
2.1. Les archives radiophoniques à définir par en bas
« Document sonore », « document oral », « enregistrement radiophonique », « archives sonores » sont autant de termes utilisés pour désigner un objet d’étude dont les contours restent à définir. La radiodiffusion est étudiée par diverses disciplines : l’histoire des médias, la sociologie et, dans une moindre mesure, l’archivistique. Les recherches universitaires abordent le plus souvent la radio dans ses dimensions techniques et culturelles. Les rares fois où elles se penchent sur le thème des archives radiophoniques au Québec et au Canada, c’est en tant que sources pour l’écriture de l’histoire. Aux États-Unis, grâce au projet Radio Preservation Task Force de la Library of Congress, le document d’archives radiophoniques est depuis peu considéré comme un objet de recherche en soi (Shepperd, 2018, 2022 ; Shepperd et VanCour, 2020 ; Treat et VanCour, 2020 ; VanCour, 2016). Là-bas, on voit émerger une communauté de recherche cohérente autour des archives radiophoniques, alors qu’elles demeurent sous-théorisées dans la littérature archivistique canadienne.
À la fin des années 1970, deux chercheurs constatent un manque flagrant de connaissances quant aux archives des radiodiffuseurs canadiens. En 1978, dans une étude intitulée Canadian Broadcasting History Resources in English: Critical Mass or Mess? réalisée pour le Canadian Broadcasting History Research Project, le professeur torontois de communication John Twomey mentionne que « Canadian broadcasting’s past remains, in large measure, a hidden heritage » (Twomey, 1978, p. 8)[14]. Il déplore que la majorité des archives radiophoniques soient des documents officiels, liés en grande partie à la législation, à la réglementation et à l’administration de la radiodiffusion publique et que peu de place soit faite au contenu des émissions de radio et à leur impact culturel. Un an plus tard, Josephine Langham, archiviste audiovisuelle aux Archives publiques du Canada, écrit dans la revue canadienne d’archivistique Archivaria que les archivistes sous-estiment la valeur et l’importance de la documentation audiovisuelle et radiophonique (Langham, 1979).
Au Québec, hormis les archives de Radio-Canada, les Archives de folklore et d’ethnologie de l’Université Laval et quelques fonds de radios privées à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ)[15] ainsi qu’à Bibliothèque et Archives Canada (BAC)[16], la seule expérience d’envergure de conservation d’archives sonores et radiophoniques a été l’initiative de la Phonothèque québécoise/Musée du son. Entre 1989 et 2006, cet organisme s’est voué à sauvegarder, documenter et diffuser le patrimoine sonore québécois (La Rochelle, 2009). Depuis sa disparition, il n’y a plus d’efforts concertés pour assurer la conservation, la valorisation ou ne serait-ce qu’un inventaire sommaire des archives radiophoniques québécoises.
Dans ce domaine encore inexploré, il n’y a pas de constante : le sort des archives diffère chaque fois, au sein de chaque institution radiophonique, qu’elle soit publique, communautaire, universitaire ou privée. Elles sont dispersées ici et là dans différents locaux, entremêlées avec des documents d’autres organismes ou mélangées avec les collections musicales. Diverses contingences, dont certaines nous échappent encore, font varier le traitement réservé aux archives : priorités du personnel, ressources humaines ou financières disponibles, etc. L’acquisition de ce type d’archives est de fait complexe, en ce sens qu’elle requiert une expertise spécifique du personnel, de même que de l’équipement pour assurer la captation, la numérisation et la préservation de ces archives. Des institutions telles que BAnQ, BAC ou encore des services d’archives municipaux ou universitaires sont ainsi tout désignés avec leurs ressources (humaines, financières et techniques) pour capter et acquérir des archives sonores et radiophoniques.
À l’exception de la radio d’État, qui dispose davantage de ressources pour gérer sa production documentaire, les archives sont rarement la priorité des radios. Si dans certains cas, des archivistes ou des professionnel(le)s de la conservation sont parfois mandaté(e)s par l’administration d’une station pour les prendre en charge à l’interne, ce sont souvent des employé(e)s, des animateur(trice)s ou même des bénévoles qui prennent en charge les archives.
Dans les stations de radios communautaires et universitaires, ce sont des pratiques ordinaires, des gestes parfois anodins, parfois militants, qui permettent de constituer de manière alternative des documents d’archives. Plusieurs acteur(trice)s peuvent être impliqué(e)s, de manière plus ou moins consciente, à une étape ou une autre de ce que l’on pourrait nommer la chaîne de production, de constitution ou de patrimonialisation par en bas des archives radiophoniques. Il y a ainsi maints exemples de ce que l’on pourrait appeler une impulsion archivistique d’en bas, où des documents sont mis de côté, reconnus comme ayant une valeur et conservés de manière plus ou moins cohérente. On peine toutefois à penser la production des archives par des non-professionnel(le)s dans des espaces où il n’y a pas de services d’archives.
2.2. Autres acteur(trice)s, autres archives
En 1922, dans l’ouvrage A Manuel of Archive Administration, l’archiviste anglais Hilary Jenkinson avait utilisé le terme de « l’archiviste ad hoc » pour désigner une personne qui assure les responsabilités archivistiques que l’archiviste professionnel(le) n’est pas en mesure de prendre en charge (Jenkinson, 1922). En cherchant à définir ce qu’est un archiviste, Jenkinson se demande qui doit intervenir pour sauvegarder les archives lorsqu’il n’y a ni héritier désigné ni personne disposée à faire un dépôt officiel dans une institution patrimoniale archivistique.
More important still, since the official Archivist has very generally his hands full, can any public body, not being an official receiver of other people’s Archives, constitute itself an Archivist ad hoc ? And, if so, upon what conditions ?
Jenkinson, 1922, p. 39[17]
En se référant à la figure de l’archiviste ad hoc qui doit assumer des responsabilités en regard des archives, sans pour autant en étudier les tenants et les aboutissants, Jenkinson remettait à d’autres la tâche de s’intéresser à cette figure émergente. La figure de l’archiviste ad hoc est ainsi à documenter pour concevoir l’espace inarchivé des archives radiophoniques, dans la mesure où cette figure émergente au sein de l’archivistique semble jouer un rôle dans l’extension du domaine des archives, de leurs définitions et de leurs valeurs.
Les exemples de cette pratique d’archivage individuelle sont nombreux. Ce sont des individus, des amateur(trice)s, des passionné(e)s, qui font preuve d’un « sacrifice personnel important » et d’un « grand engagement émotionnel et politique envers les collections et leurs impacts » (Flinn et Gilliland, 2013, notre traduction). Des chercheur(euse)s l’ont assimilée au phénomène du « hacker/fan/amateur/pirate/volunteer » (De Kosnick, 2016), à la pratique du « citizen archivist » (Theimer, 2017) ou à une « pratique archivistique spontanée » (Marcilloux, 2013). Pour illustrer cela, notons quelques exemples relatifs aux radios communautaires québécoises ainsi qu’une initiative liée à certaines radios privées de la ville de Québec :
L’ouvrage Haïku de foudre du poète et animateur bénévole Jean Dorval, un ouvrage issu d’une émission de radio du même titre diffusée sur les ondes de la radio communautaire CKIA-FM de septembre 2004 à mai 2005. Constituée à partir de la retranscription des émissions enregistrées, cette publication est une illustration exemplaire d’exploitation et de constitution par en bas d’archives radiophoniques (Dorval, 2016).
Le site Internet Les Souverains Anonymes du réalisateur Mohamed Lotfi rassemble plus de trente années de productions radiophoniques, diffusées sur les ondes de plus d’une dizaine de radios communautaires, avec des personnes incarcérées au coeur de la prison de Bordeaux à Montréal depuis 1989. Les archives radiophoniques de cette émission, constituées par son propre producteur, donnent un autre éclairage du milieu carcéral et de la réinsertion sociale (Gagnon et Klein, 2023 ; Lotfi, 2019).
La coalition Sortons les radios-poubelles a créé une collection d’archives radiophoniques qui compile des milliers de documents audio sur ce style de radio controversé. En publiant quelques articles par jour sur son site Web et sur les médias sociaux, les militant(e)s anonymes de la coalition remettent en contexte, parfois sur un ton moqueur, ironique et provocateur, les propos des animateurs radio qui relèvent parfois de la diffamation ou de la désinformation (Gagnon, 2021).
En écho à cette figure émergente dans le domaine des archives, Florence Descamps discute du processus de patrimonialisation des archives orales dans son plus récent ouvrage. Elle y évoque une certaine diversité d’acteur(trice)s qui concourt au renouvellement de l’interprétation de la source orale. Si cette diversité s’applique à la source orale, aux archives orales, elle peut tout aussi bien s’appliquer aux praticien(ne)s des archives radiophoniques. Le renouveau d’intérêt pour l’oralité, le témoignage oral, pourrait s’observer dans le domaine de la radiophonie et de sa production documentaire.
La narration, la parole enregistrée ou filmée, sont des valeurs redécouvertes et utilisées pour leur richesse et leur efficacité relationnelle, émotionnelle, imaginative ou interprétative. Dans cette attribution de la valeur, les militants, « les médiateurs » et les experts de la source orale, même peu nombreux, jouent un rôle-clef : ils sont chercheurs ou conservateurs, militants associatifs ou radiophoniques, collectionneurs, artistes-interprètes, techniciens du son, érudits ou simples passionnés ; venant de tous les champs des sciences humaines et sociales, ils sont avant tout des praticiens de la source orale et des habitués du « terrain ».
Descamps, 2019, p. 94
À l’aune de ce passage où Descamps montre une diversité d’acteur(trice)s d’en bas jouant un rôle-clé dans le processus d’attribution de valeurs, le fait qu’elle reconnaisse le rôle des « militants associatifs ou radiophoniques » nous amène ainsi à nous questionner sur l’existence d’un agir archivistique en lien avec les archives radiophoniques, d’autres acteur(trice)s à considérer, tel(le)s que la figure de l’archiviste ad hoc.
2.3. Rôles des chercheur(euse)s et des archivistes en regard de l’agir archivistique par en bas
Pour saisir cet agir archivistique par en bas qui peut s’observer dans les radios universitaires et communautaires, tout comme dans d’autres associations et mouvements sociaux, l’archiviste et directeur des études à l’Institut national du patrimoine Christian Hottin propose des pistes intéressantes à explorer. Dans son ouvrage Des hommes, des lieux, des archives : pour une autre pratique de l’archivistique, Hottin présente un plaidoyer pour la recherche archivistique et il précise que des enquêtes pourraient « faire émerger d’autres formes de réalité de l’archive » (Hottin, 2009, p. 75). En s’appuyant sur ce dernier, qui tente de penser une « archivistique moins normative », on s’autorise ainsi à prendre « les archives comme objet d’étude à construire » (Hottin, 2009, p. 67). Prenant pour objet les archives radiophoniques, celles constituées par des archivistes ad hoc, non-professionnel(le)s, il faut alors chercher à saisir l’impulsion archivistique qui est à l’origine de cette volonté d’archiver. En cohérence avec les propositions de Christian Hottin, le motif de l’agir archivistique par en bas pourrait se saisir en recourant à une intervention archivistique ou une archivistique d’intervention.
Dans l’esprit qui vise à concevoir ce que signifie la constitution d’archives par en bas, intervenir ne consiste donc pas à prescrire des normes, à dicter les bonnes manières de faire ou à acquérir des documents pour les déposer dans un lieu de conservation, mais plutôt à décrire les diverses formes d’utilisation des archives au sein des communautés elles-mêmes. Ceci permet de connaître par-delà les institutions patrimoniales et les services d’archives quelle est la place accordée aux archives dans les milieux associatifs et communautaires.
Le degré zéro de l’intervention pour les chercheur(euse)s et les archivistes consiste en une présence physique sur un terrain de recherche. Suivant différentes modalités d’expériences sensorielles, le fait d’être présent permet de prendre connaissance de l’état dans lequel se trouvent les documents d’archives au sein d’un milieu, d’un « espace inarchivé » comme le nomme Annaëlle Winand (2021). Au commencement de l’intervention archivistique se trouve ainsi la présence des chercheur(euse)s, comme l’anthropologue Anne Both l’a incarnée dans une enquête au sein d’un service d’archives départementales (Both, 2017).
Le premier degré de l’intervention est de l’ordre d’un discours, d’une description alliant une approche ethnologique et archivistique. Cette première recherche d’intervention vise à produire une description qui rend compte des archives dans leur milieu, des conditions dans lesquelles elles se trouvent. Cette chronique descriptive consiste alors en une retranscription des faits qui enrichit la contextualisation – mondaine, quotidienne et sensible – des archives, tout en permettant d’actualiser leur situation et leurs significations dans l’espace et le temps où elles s’inscrivent.
Dans la même visée, le second degré de l’intervention est celui d’une entrée en dialogue autour des archives. En s’appuyant sur la démarche de Christian Hottin, mais aussi de Florence Descamps et de Bénédicte Grailles, l’approche de l’ethnologie archivistique amène à consigner des mises en récit et des mémoires – des archives orales (Descamps, 2001 ; Hottin, 2008) et des documents performés (Grailles, 2019, p. 126). La rencontre avec l’autre, au cours de la recherche empirique et d’entretiens ethnographiques, devient alors productive et l’entraîne à se mettre en récit et à parler de la vie des archives.
En regard d’un agir archivistique d’en bas, la responsabilité des chercheur(euse)s et des archivistes est de supporter ces initiatives à travers un commentaire, une chronique archivistique, en faisant entrer cette réalité toute singulière, celle de fabriques alternatives d’archives, dans le langage. Cette intervention permet de reconnaître d’autres acteur(trice)s, des faiseur(euse)s d’archives « radiophoniques », « étudiantes » et « de communautés », en plus de révéler d’autres sites de production de documents et d’archives. C’est exactement de cette démarche descriptive qu’il est question dans l’ouvrage Archiver le temps présent. Les fabriques alternatives d’archives (Fillieux, François et Hiraux, 2020). Cette autre pratique archivistique – une ethnologie archivistique qui considère l’agir d’en bas – permet ainsi de considérer des documents impensés par l’archivistique traditionnelle, des documents dans lesquels on y entend des voix ascendantes et des témoignages inédits.
3. Archives étudiantes et archives orales en France : d’en bas et/ou par en bas ?
3.1. Archives d’en bas et par en bas au prisme des archives étudiantes en France
En France, les archives d’en bas ou par en bas questionnent aussi la définition et la compréhension des archives, mais elles ont des contours encore à préciser. L’exemple des archives des engagements étudiants, écrites et orales, peut contribuer à établir ces contours.
La Cité des mémoires étudiantes, depuis 2008-2009, et ses préfigurations[18] ont pour objectif la sauvegarde et la valorisation des ressources documentaires et des archives des engagements étudiants, et ceci, quel que soit leur support (papier, audiovisuel, numérique) ou leur type de producteur (structures, mobilisations, militants) (Legois, 2001, 2002)[19]. La Cité se veut un pôle documentaire et patrimonial pilote basé sur deux piliers : « encourager la sauvegarde et le traitement des ressources et archives étudiantes, contribuer à amplifier leur valorisation tant par la recherche que par l’animation culturelle et citoyenne » (Legois et Kasapi, 2018, p. 6). Outre ces objectifs, les projets de l’initiative incluent également la collecte d’archives et de témoignages de militant(e)s. Les foyers de collecte étant encore trop rares ou trop récents, notamment dans les universités françaises, la Cité a dû pallier certains de ces manques. Elle est soutenue par les pouvoirs publics, des citoyen(ne)s et des structures privées.
On ne naît pas étudiant(e), on le devient, mais on ne le reste pas… De quelles mémoires collectives étudiantes est-il dès lors question ? Quelles sont les « communautés de mémoire » ? Quelles identités, quels patrimoines, quels héritages ? Ces interrogations sont d’autant plus pertinentes que les générations militantes étudiantes sont très courtes et ne durent que rarement plus de trois à quatre ans. Au sens de la loi du 10 juillet 1989[20], en France, les organisations étudiantes représentatives (ou à vocation représentative) sont actuellement au nombre de six. Depuis 1968, les mobilisations étudiantes dépassent souvent les structures préexistantes dans des assemblées générales et des coordinations nationales qui ont rythmé la vie universitaire hexagonale au gré des projets de loi (1973, 1976, 1986, 1994, 2003, 2006, 2007 et 2009). Les fonds d’archives de militant(e)s permettent de tenter de compléter le puzzle des archives étudiantes.
Dans ce cadre, l’impulsion archivistique qui caractérise la constitution des archives étudiantes vient, souvent, d’une situation de crise : scission, « réunification », déménagement, voire dissolution (Legois, 2001, 2002). Mais, si l’organisation étudiante se préoccupe de ses archives, il faut qu’elle puisse avoir des interlocuteur(trice)s : serait-ce l’université dans laquelle cette organisation étudiante se trouve ? Le ministère chargé de l’enseignement supérieur ? Un service d’archives territorial ? Ensuite, dans le traitement d’archives étudiantes, il nous faut reconstituer les poupées russes (matriochka) spatio-temporelles, les poupées gigognes qui structurent le fonds, être attentif au haut comme au bas de ces archives et mémoires fragiles, mais aussi aux entresols : « Il semble que nous observons ainsi une structure en gigogne, en miroir d’une hiérarchie archivistique : […] un document fait partie d’un dossier, lui-même partie d’une série, intégrée à un fonds qui est conservé dans des archives » (Winand, 2016, p. 48 ; voir aussi Côté-Lapointe, 2019, p. 78).
3.2. Retour aux sources : des archives pour la recherche
Contrairement à la majeure partie des syndicats de salariés en France (regroupés au sein du Collectif des centres de documentation en histoire ouvrière et sociale [CODHOS]), les organisations étudiantes n’ont pas assez de moyens et sont trop instables pour avoir (au moins) un(e) archiviste professionnel(le). De plus, un fonds peut être éclaté en différents lieux. À cette dispersion parfois kafkaïenne des archives, pouvant se retrouver dans d’autres configurations, s’ajoutent deux facteurs aggravants : les instances dirigeantes des organisations étudiantes se renouvellent rapidement et le statut social de l’étudiant est transitoire. La transmission des connaissances au sujet des archives de la structure ne se fait souvent que partiellement (voire pas du tout) lors d’un changement de direction (Legois, 2011).
En ce qui concerne la recherche, aux sources de la Cité des mémoires étudiantes se trouve un réseau associatif de chercheur(se)s : le Groupe d’études et de recherche sur les mouvements étudiants (GERME), lui-même créé en 1995 et qui, dès 2000, entame un programme de sauvegarde et valorisation des archives étudiantes. Dès sa création, la question des sources est pointée dans ses objectifs reprenant le second terme de la définition des archives de la loi refondatrice (en France) de 1979, à savoir « la documentation historique de la recherche » (Kasapi et Legois, 2017-2019 ; Legois, 2018a).
Face à cette dispersion, un autre agir professionnel a dû s’organiser comme « action volontaire et consciente de l’archiviste pour combler et compenser » (Marcilloux, 2013, p. 136). Cela a été parfois le cas d’archivistes d’université comme Marcel Caya qui, en 1998, dans son article Dis-moi ce que tu collectes, je te dirai ce que tu es, essaie de définir le mandat de « collecte pour les archives des universités » (Caya, 1998, p. 69). Responsable des Archives de l’Université McGill, puis responsable du programme de gestion des documents et des archives de l’Université du Québec à Montréal, il adapte au Québec le concept d’archivistique intégrale[21] qu’il définit ainsi :
Les archivistes ont la responsabilité sociale de constituer les sources qui permettront aux générations à venir d’avoir la vision la plus fidèle possible de la société dont ils sont les contemporains. Les archivistes ne sont pas les simples gardiens de la mémoire collective ni les seuls. Ils sont, par les choix qu’ils énoncent en concertation avec leurs partenaires, les architectes actifs de la construction de cette mémoire.
Caya, 2003, p. 47
Au Canada, le mandat de collecte de toute institution publique stipule que « les archives d’une institution acquièrent et conservent les archives de son administration et des fonds d’archives privées de tous supports documentaires provenant de personnes et d’organismes externes, mais reliés à ces activités » (Beyea, 1992, p. 12 citée dans Caya, 2003, p. 45). Malgré nos tentatives pour faire évoluer les traditions archivistiques françaises, ce concept d’archives intégrales, qui autorise les services d’archives à collecter des archives d’origine privée en rapport avec les activités des institutions publiques, ce qui permet de compléter les fonds publics et de préserver plus largement la mémoire sociale, économique et culturelle, a encore du mal à être repris par de jeunes services d’archives universitaires. Et, même au Canada, ce mandat de collecte large n’a pas toujours les moyens de ses ambitions et n’est plus toujours forcément appliqué.
Il est donc parfois nécessaire d’organiser une démarche archivistique spécifique. La Cité des mémoires étudiantes ne se veut pas un service d’archives intermédiaires, interface ou « rabatteur » (appeler au don direct de fonds privés auprès des services publics d’archives définitives ou historiques nationaux, départementaux, municipaux), mais un service d’archives de médiation, qui « provoque » des occasions de sauvegarde archivistique. D’autres secteurs de la société civile française connaissent des situations similaires : immigration (Génériques), féminisme (Centre des archives du féminisme et archives du féminisme), mouvements de jeunesse et d’éducation populaire (Pôle de conservation des archives des associations de jeunesse et d’éducation populaire [PAJEP]), éducation spécialisée (Conservatoire national des archives et de l’histoire de l’éducation spécialisée et de l’action sociale [CNAHES]). Pour ces têtes de réseaux thématiques et privées, l’enjeu est bien de se développer en tant que structures médiatrices à ne pas confondre avec de simples associations-relais. La Cité est, en soi, une structure de médiation documentaire.
3.3. Rôles des chercheur(euse)s et de la recherche en archivistique
Prônant à une époque « une seule solution, la valorisation » (Legois, 2002), puis à une autre une « anarchivistique participative » (Legois, 2011), nous en appelions, en 2016, lors du 45e congrès de l’AAQ, à une « archivistique d’intervention » (Legois, 2018b) que nous avons, depuis, ancrée dans la recherche, y compris la recherche en archivistique, tout en intensifiant la co-construction avec les militant(e)s (anciens et actuels) de ces organisations étudiantes.
Penser son intervention en tant que chercheur en archivistique, en l’occurrence doctorant, peut aller bien plus loin que les premiers degrés envisagés par Simon-Olivier Gagnon (cf. supra) et pourrait embrasser un spectre de 360 degrés. C’est notamment le cas pour les archives étudiantes, et encore plus le cas en matière d’archives orales. Une collecte d’archives orales embrasse non seulement le spectre des 4C (collecte, classement, conservation, communication), mais peut en entraîner d’autres, transformant le travail de mémoire en révolution documentaire permanente.
Cette image des 360 degrés de l’archivistique d’intervention ne doit pas apparaître comme la préconisation de nouvelles procédures, un degré devant suivre un autre degré et en précéder un autre, comme dans un pas-à-pas, mais plus simplement comme un appel à la pluralisation des modalités d’intervention, l’archiviste n’ayant pas qu’une seule couleur à sa palette[22].
Nous analysons cette intervention en termes de « dynamique institutionnelle » (Monceau, 2005, p. 467, 472) des mémoires collectives étudiantes dans le sens où le processus d’institutionnalisation est « le moment de la négation de la négation, celui où l’institué englobe l’instituant, lui reconnaît force de loi et l’intègre dans ses règles et ses normes » (de Saint-Martin, 2014, p. 114) et que ce processus peut être permanent.
À l’instar de Jacques Rancière parlant de Jean-Joseph Jacotot comme un « maître ignorant », le collectif de chercheurs en sciences humaines et sociales qui a organisé le colloque de mai 2013, « Les recherches-actions collaboratives. Une révolution silencieuse de la connaissance », s’est appelé « Les chercheurs ignorants » (2015). Dans le domaine des archives et de l’archivistique, notre recherche-action en matière d’archives orales concerne des archivistes, non pas inclassables, mais déclassant et reclassant, les chercheur(e)s en archivistique reclassant inlassablement les pratiques et normes du métier pour renforcer le « pouvoir de documenter » la recherche.
C’est ainsi que nous en arrivons à considérer le témoin tout autant co-producteur que le témoignaire[23] et que, si une structure médiatrice comme la Cité des mémoires étudiantes développe un fonds d’archives orales sous la forme d’une campagne permanente, ce fonds a des co-producteurs multiples, chaque témoin, et autant de sous-fonds que de témoignages. Cela pose la question, sur le plan théorique, d’une co-production asymétrique d’archives : un fonds d’archives orales est co-produit par un collecteur collectif et des témoins. Cela nécessite aussi, sur le plan pratique et pragmatique, le renforcement du positionnement en tant que « médiateurs » des témoignaires qui collectent les archives orales (Descamps, 2001, 2019).
Les archives ne se créent pas toutes seules, mais participent autant du producteur que de l’archiviste. Toute mémoire collective doit être co-construite avec les populations concernées : « the choice of what to record and the decision over what to preserve […] occur within socially constructed, but now naturalized frameworks that determine the significance of what becomes archives »[24] (Schwartz et Cook, 2002, p. 1).
Plus globalement, au-delà des archives orales, les archives étudiantes, par leur fragilité et éclatement intrinsèques, posent la question de la responsabilité des archivistes, chercheur(euse)s ou non, à développer un agir archivistique professionnel et/ou citoyen (ce qui est différent de militant, impliquant le partage d’une doctrine et/ou d’une démarche de groupe affinitaire) pour faire entrer ce patrimoine/matrimoine spécifique dans le système archivistique organisé ou pour développer une démarche archivistique explicite (au sein du même système) ou, encore, pour développer une même démarche « en dehors » dudit système. Il est difficilement concevable de se contenter de ce que Simon-Oliver Gagnon a appelé le premier degré de l’intervention : la description d’archives potentielles. Ne peut-on pas, ne doit-on pas aller plus loin même que de faire « parler de la vie des archives » ?
Les relations entre archives et pouvoirs, en démocratie, impliquent qu’une politique publique des archives soutienne financièrement et/ou logistiquement les contre-pouvoirs à faibles moyens pour sauvegarder/valoriser leurs archives, ce qui prolonge l’esprit de la loi du 7 messidor an II (25 juin 1794, Révolution française)[25] et pourrait même donner de la consistance aux « droits culturels » dans les politiques publiques des archives.
Conclusion
Que peut-on en conclure ? Que doit-on retenir des réflexions issues de ces différents terrains sur les archives d’en bas, soit les archives de communauté (community archives), les archives radiophoniques et les archives étudiantes ? Même si les archives de communauté constituent un phénomène peu étudié et encore mal défini au Québec, celles-ci n’en représentent pas moins une source de réflexion des plus pertinentes pour la pratique archivistique québécoise. En plus de faire prendre conscience du décalage existant entre la pratique archivistique canadienne-anglaise et québécoise, l’intérêt porté à la question des archives de communauté permet de réexaminer les fondements qui l’animent. En effet, la façon dont ces nouveaux lieux viennent combler les lacunes en matière de représentativité dans le réseau des centres et services d’archives amène par ailleurs à considérer les « principes et notions théoriques », à commencer par la définition de ce que sont les archives, « dans une perspective interdisciplinaire, engagée » qui est mieux à même de rendre compte d’une société complexe et plurielle, souligne Annaëlle Winand. Tout comme les archives de communauté, les archives radiophoniques demeurent un domaine peu exploré aussi bien dans le contexte canadien que québécois. Leur conservation, tout particulièrement celles en lien avec la production dans le domaine, est souvent le fruit d’initiatives individuelles, d’amateurs, de passionnés ou de militants. En somme, autant de figures de l’archiviste ad hoc qui, selon Hilary Jenkinson, vient suppléer aux responsabilités que l’archiviste professionnel n’est pas en mesure d’assumer. Toutefois, précise Simon-Olivier Gagnon, ces derniers ont néanmoins comme rôle d’encourager de telles initiatives, en établissant un dialogue, en cherchant à établir ce qui est le propre de ces « faiseur(euse)s d’archives » au sein des « fabriques alternatives d’archives ». « Les archives ne se créent pas toutes seules », rappelle à juste titre Jean-Philippe Legois. Et, les archives étudiantes en France en sont un parfait exemple. Compte tenu d’une multitude de facteurs, notamment le manque de moyens des organisations étudiantes, la rapidité de renouvellement de leurs instances, la faible transmission des connaissances à propos des archives et le flou persistant quant aux interlocuteurs institutionnels concernés, il est alors apparu au plan archivistique le besoin de développer un « agir professionnel ». D’une part, en procédant à la création d’un « service d’archives de médiation » comme la Cité des mémoires étudiantes qui, s’inspirant du concept d’archives intégrales, offre « des occasions de sauvegarde archivistique ». D’autre part, ajoute Legois, en privilégiant « une archivistique d’intervention ancrée dans la recherche » et en préconisant l’instauration d’une politique publique des archives qui soutienne autant les lieux alternatifs que les centres et services reconnus.
À l’évidence, les travaux menés par les trois chercheur(euse)s font la démonstration des importantes lacunes ou carences du milieu des archives quant à sa représentativité au plan social. Devant une telle situation, les archivistes se doivent d’élever la voix, de réclamer des changements, au risque sinon de contrevenir à leurs propres obligations. Mais, par ailleurs, ces travaux ne sont pas également sans rappeler aux archivistes une autre de leurs responsabilités premières au plan professionnel à savoir le devoir qu’ils ont de faire évoluer leurs pratiques et, pour y parvenir, la nécessité de jeter un regard critique sur les principes et théories qui les régissent, même si cela implique, comme nous l’avons constaté, de remettre en cause la nature même du rôle qu’ils ont l’habitude d’assumer.
Appendices
Notes
-
[1]
Depuis plus ou moins les vingt dernières années, l’histoire sociale a changé la façon dont l’histoire est étudiée et a profondément affecté la relation entre les archives et la recherche universitaire. Notre traduction.
-
[2]
Les personnes ordinaires qui ne sont généralement pas prises en compte dans les écrits historiques. Notre traduction.
-
[3]
Si nous examinons la « totalité » de notre héritage archivistique – tant celui qui existe dans les murs de nos archives traditionnelles que celui qui existe en dehors, dans d’autres espaces – nous pourrions certainement constater que la plupart, même si pas toutes, des histoires des organisations, du gouvernement, des élites (dans la société, les entreprises, la politique) se retrouvent dans les archives formelles, mais que les voix du citoyen, du travailleur, du migrant, du marginal et des organismes communautaires qu’ils ont créés ne s’y retrouvent généralement pas. Notre traduction.
-
[4]
… « du citoyen ordinaire » et en particulier des individus noirs et appartenant à une minorité ethnique et des communautés qui sont relativement rares dans les archives formelles. Notre traduction.
-
[5]
Les archives de communauté, les projets d’histoire locale, l’histoire orale et les documents audiovisuels, tous donnent une voix à ceux et celles qui ne sont généralement pas entendu(e)s, éclairent ce qui s’est passé sur les lieux de travail, au-delà des statistiques de salaires et de production, mettent en lumière la vie et les expériences des communautés qui sont rarement mentionnées dans les documents officiels, et décloisonnent la vie de famille de manière impossible à imaginer à partir de sources conventionnelles. Notre traduction.
-
[6]
Au Canada, la revue de l’Association des archivistes canadiens, Archivaria, publie plusieurs articles à ce sujet dès les années 1990. https://archivaria.ca/index.php/archivaria/issue/archive
-
[7]
Il y a simplement trop de preuves, trop de mémoires, trop d’identités pour en acquérir plus qu’un simple fragment dans nos archives établies. Notre traduction.
-
[8]
Les histoires ou les archives de communauté sont les activités populaires de documentation, d’inscription et d’exploration de l’héritage communautaire pour lesquelles la participation, le contrôle et la propriété de la communauté sont essentiels. Notre traduction.
-
[9]
Les Archives gaies du Québec http://agq.qc.ca, les Archives lesbiennes du Québec https://www.archiveslesbiennesduquebec.ca, les Archives passe-mémoire https://www.archivespassememoire.org ou encore les Archives révolutionnaires https://archivesrevolutionnaires.com n’en sont que quelques exemples.
-
[10]
Un groupe qui se définit sur la base de la localité, de la culture, de la foi, du contexte ou de tout autre identité ou intérêt partagé. Notre traduction.
-
[11]
Pour la France, voir Grailles (2019, 2022).
-
[12]
Dans ce nouvel univers numérique, politique et pluraliste, les archivistes professionnel(le)s ont besoin de se transformer d’expert(e)s d’élite derrière des murs institutionnels pour devenir des conseiller(ère)s, des facilitateur(trice)s, des accompagnateur(trice)s qui travaillent dans la communauté pour encourager l’archivage en tant que processus participatif, partagé avec de nombreux membres de la société, plutôt que nécessairement acquérir les produits archivistiques dans nos archives établies. Notre traduction.
-
[13]
Le défi est de parvenir collectivement à des archives plus démocratiques, inclusives, holistiques, en écoutant plus les citoyen(ne)s que l’État, tout autant qu’en respectant les notions autochtones de savoir, de preuve et de mémoire. Notre traduction.
-
[14]
Le passé de la radiodiffusion canadienne demeure, dans une large mesure, un patrimoine caché. Notre traduction.
-
[15]
Voir BAnQ, P199 Fonds CHOC MF, 1976-1983, Archives nationales à Saguenay ; BAnQ, Fonds P107 Radio-communautaire CIRC MF, 1976-1986, Archives nationales à Rouyn-Noranda.
-
[16]
Voir BAC, Fonds CKAC, 1923-1992, R9568-0-3-F ; Fonds CFCF, 1938-1990, R9153-0-2-E ; Fonds CIMF-FM, 1960-1992, R9540-0-9-F ; Fonds CFMB, 1967-1969, R8587-0-2-E ; Fonds CKCU Radio Carleton, 1970-2000, R8595-0-6-E.
-
[17]
Plus important encore, étant donné que l’archiviste officiel est généralement débordé, un organisme public, qui ne serait pas le destinataire officiel d’autres producteurs d’archives, pourrait-il se constituer en archiviste ad hoc ? Et dans ce cas, à quelles conditions ? Notre traduction.
-
[18]
La Mission CAARME s’est développée de 2004 à 2009, et les premières actions du GERME (Groupe d’études et de recherche sur les mouvements étudiants), en matière d’archives, depuis 2001. Pour plus d’information sur la Cité des mémoires étudiantes, voir Legois et Kasapi, 2018.
-
[19]
Pour en savoir plus, y compris sur la définition polysémique des mouvements étudiants, voir notamment le no 193 de La Gazette des archives (Legois, 2002) et, plus récemment, le no 221 Les archives des syndicats et des mouvements sociaux comprenant deux contributions sur Archives, événements et “commune étudiante” : prolonger et valoriser plusieurs collectes immédiates du mouvement social de mai-juillet 1968 de Blum, Legois et Marin (2011) et sur Un exemple de valorisation partagée : la presse syndicale étudiante grenobloise de Boulenc, Chalier et Legois (2011).
-
[20]
Voir Les Cahiers du GERME (2010-2011).
-
[21]
Sur la question des total archives, voir Laura Millar (1998, 1999). Voir aussi Terry Cook (2011).
-
[22]
Merci à Simon-Olivier Gagnon et à Yves A. Lapointe d’avoir poursuivi les échanges sur ce point au 30e congrès de l’ICA-SUV (Conseil international des archives, Section des Archives des Universités et des Institutions de Recherche) à Montréal en septembre 2022.
-
[23]
Claire Scopsi désigne le « témoignaire » comme « toute personne qui recueille le témoignage d’une autre personne, indépendamment de la finalité de l’opération » (Scopsi, 2021, p. 110, note 94).
-
[24]
… le choix de ce qu’il faut enregistrer et la décision sur ce qu’il faut conserver […] se produisent dans des cadres socialement construits, mais maintenant naturalisés, qui déterminent la signification de ce qui devient des archives. Notre traduction.
-
[25]
Loi précisant le rôle des Archives nationales et par laquelle la libre consultation des archives et l’accès aux documents deviennent un droit civique.
Bibliographie
- BLUM, F., Legois, J.-P. et Marin, A.-C. (2011). Archives, événements et « Commune étudiante » : prolonger et valoriser plusieurs collectes immédiates du mouvement social de mai-juillet 1968. La Gazette des archives, 221, 123-140. Repéré à https://doi.org/10.3406/gazar.2011.4780
- BOTH, A. (2017). Le Sens du temps. Le quotidien d’un service d’archives départementales (préface de C. Hottin). Toulouse : Anacharsis.
- BOULENC, A., Chalier, C. et Legois, J.-P. (2011). Un exemple de valorisation partagée : la presse syndicale étudiante grenobloise. La Gazette des archives, 221, 157-172. Repéré à https://doi.org/10.3406/gazar.2011.4782
- BOURQUE, M., Grenier, J., Pelland, D. et St-Germain, L. (2016). L’action communautaire autonome, mouvance des contextes, place et autonomie des acteurs : quelles perspectives ? Sciences & Actions Sociales, 2(4), 31-50. Repéré à https://www.cairn.info/revue-sciences-et-actions-sociales-2016-2-page-31.htm#article
- BRILMYER, G., GABIOLA, J., ZAVALA, J. ET CASWELL, M. (2019). Reciprocal archival imaginaries: The shifting boundaries of “community” in community archives. Archivaria, 88, 6-48. Repéré à https://archivaria.ca/index.php/archivaria/article/view/13695
- Caya, M. (1998). Dis-moi ce que tu collectes, je te dirai ce que tu es. Peut-on définir un modèle unique de collecte pour les archives des universités ? Janus, 2, 69-77.
- Caya, M. (2003). Au service de l’institution, au service de la société, le dilemme des archivistes universitaires. Dans C. Schoukens (dir.), Archives, universités, monde étudiant : une mémoire en construction (p. 41-48). Louvain-la-Neuve, Belgique : Academia-Bruylant.
- Cook, S., Herrera, B. B. et Robbins, P. (2015). Interview with Rick Prelinger. Synoptique: An Online Journal of Film and Moving Image Studies, 4(1), 165-191.
- Cook, T. (2013). Evidence, memory, identity, and community: four shifting archival paradigms. Archival Science, 13(2-3), 95-120. Repéré à https://doi.org/10.1007/s10502-012-9180-7
- Cook, T. (dir). (2011). Controlling the past: Documenting society and institutions: Essays in honor of Helen Willa Samuels. Chicago, Illinois, États-Unis: Society of american archivists.
- Couture, C. (dir.). (1999). Les fonctions de l’archivistique contemporaine. Sainte-Foy, Québec : Presses de l’Université du Québec.
- Couture, C. et Rousseau, J.-Y. (dir.). (1982). Les archives au XXe siècle. Une réponse aux besoins de l’administration et de la recherche. Montréal, Québec : Université de Montréal, Secrétariat général et Service des archives.
- De Kosnik, A. (2016). Rogue archives. Digital cultural memory and media fandom. Cambridge, Massachussetts, États-Unis : MIT Press.
- De Saint-Martin, C. (2014). Que disent les élèves de CLIS 1 de leur(s) places(s) dans l’école ? Un empan liminal [Thèse de doctorat, Université de Cergy Pontoise]. Theses.fr. http://www.theses.fr/2014CERG0702
- Descamps, F. (2001). L’historien, l’archiviste et le magnétophone : De la constitution de la source orale à son exploitation. Paris, France : Comité pour l’Histoire économique et financière.
- Descamps, F. (2019). Archiver la mémoire : De l’histoire orale au patrimoine immatériel. Paris, France : Édition de l’EHESS.
- Dorval, J. (2016). Haïku de foudre / La parole aux poètes. Québec, Québec : Le Promeneur des ondées.
- Fillieux, V., François, A. et Hiraux, F. (dir.). (2020). Archiver le temps présent. Les fabriques alternatives d’archives. Louvain, Belgique : Presses universitaires de Louvain.
- Flinn, A. (2007). Community histories community archives: Some opportunities and challenges. Journal of the Society of Archivists, 28(2), 151-176. Repéré à https://doi.org/10.1080/00379810701611936
- Flinn, A. et Gilliland, A. J. (2013, 28-30 octobre). Community archives: what are we really talking about ? Conférence d’ouverture, CIRN Prato Community Informatics Conference, Prato, Italie. Repéré à https://www.monash.edu/__data/assets/pdf_file/0007/920626/gilliland_flinn_keynote.pdf
- Flinn, A., Stevens, M. et Shepherd, E. (2009). Whose memories, whose archives ? Independent community archives, autonomy and the mainstream. Archival Science, 9(1-2), 71-86. Repéré à https://doi.org/10.1007/s10502-009-9105-2
- Gagné, J. (2008). Les organismes communautaires au Québec : vers une sociologie de la mémoire. Montréal, Québec : Université du Québec à Montréal.
- Gagnon, S.-O. (2021). Archiving trash radio in Québec city: The soundwork of the coalition Sortons les radios-poubelles. Resonance, 2(4), 636-649. Repéré à https://doi.org/10.1525/res.2021.2.4.636
- Gagnon, S.-O. et Klein, A. (2023). Les Souverains Anonymes : des archives carcérales du « dedans ». Criminocorpus [en ligne], (23). (À paraître).
- Gagnon, S.-O., Legois, J.-P. et Winand, A. (2022, 25-27 mai). L’agir archivistique par en bas. Autres archives, autres histoires : Les archives d’en bas au Québec et en France. Trois terrains, trois questions [table ronde]. Communication présentée au 51e Congrès de l’Association des archivistes du Québec, Saint-Hyacinthe, QC, Canada.
- Grailles, B. (2019). « Mes archives sont-elles queer ? » : des demandes d’archivage et de communication spécifiques aux militantes et militants féministes et queer. La Gazette des archives, 255, 115-127. Repéré à https://doi.org/10.3406/gazar.2019.5834
- Grailles, B. (2022). Comment définir les archives de communauté en France ? D’une grille d’analyse et de son application au cas des archives du féminisme. Dans S. Pequignot (dir.), Conflits d’archives (p. 137-154). Rennes, France : Presses universitaires de Rennes. Repéré à https://books.openedition.org/pur/162530
- Groupe d’Études et de recherche sur les mouvements Étudiants. (2010-2011). Représenter les étudiants (participation, élections, représentativité) [Dossier]. Les Cahiers du GERME, 29, 37-126. Repéré à https://www.germe-inform.fr/wp-content/uploads/2013/10/dossier-N%C2%B0-29.pdf
- Hottin, C. (2008). Archives (orales) et ethnologie : une relation particulière ? La Gazette des archives, 211, 169-179. Repéré à https://doi.org/10.3406/gazar.2008.4494
- Hottin, C. (2009). Des hommes, des lieux, des archives. Pour une autre pratique de l’archivistique (Les carnets du Lahic, No. 4). Lahic/ Ministère de la culture. Repéré à https://shs.hal.science/halshs-00505575/document
- Jenkinson, H. (1922). A Manual of archive administration including the problems of war archives and archive making. Oxford, Angleterre : The Clarendon Press.
- Kasapi, I. et Legois, J.-P. (2017-2019). Retour aux sources de la Cité des mémoires étudiantes : des archives pour la recherche ! Les Cahiers du GERME, 32, 43-48. Repéré à http://www.germe-inform.fr/wp-content/uploads/2021/06/Les-Cahiers-du-Germe-32.pdf
- Klein, A. et Grailles, B. (2022, 25-27 mai). L’agir archivistique par en bas : le projet Autres archives, autres histoires : les archives d’en bas en France et au Québec [résumé, séance M8, programme final]. Communication présentée au 51e Congrès de l’Association des archivistes du Québec, Saint-Hyacinthe, QC, Canada. Repéré à https://bit.ly/3Pk5rrh
- La Commission de l’unité canadienne. (1979). Définir pour choisir. Vocabulaire du débat. Ottawa, Ontario : Ministre des Approvisionnements et Service Canada. Repéré à https://publications.gc.ca/site/fra/9.643705/publication.html
- La Rochelle, R. (2009). Le patrimoine sonore du Québec : La Phonothèque québécoise. Montréal, Québec : Triptyque.
- Langham, J. (1979). Tuning In: Canadian Radio Resources. Archivaria, 9, 105-124. Repéré à https://archivaria.ca/index.php/archivaria/article/view/12564
- Legois, J.-P. (2001). Archives et mémoires étudiantes : enjeu historique et enjeux archivistiques. Les Cahiers du GERME, 19, 8-16. Repéré à https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02518331
- Legois, J.-P. (2002). Archives et mémoires étudiantes : état des lieux (actes des deux premières journées d’études organisées par le GERME [Groupe d’études et de recherche sur les mouvements étudiants], 23 février 2000 à Nanterre et 6 juin 2001 à Paris). La Gazette des archives, 193. Repéré à https://www.persee.fr/issue/gazar_0016-5522_2002_num_193_1
- Legois, J.-P. (2011). Archives et mémoires étudiantes : « non-lieu » de « mémoire » ? In Situ, 17. Repéré à https://doi.org/10.4000/insitu.2885
- Legois, J.-P. (2018a). Archives et mémoires étudiantes, retour aux sources. Dans J.-P. Legois, A. Monchablon et R. Morder (dir.), Etudiant·es en révolution ? (p. 125-136). Paris, France : Syllepse. Repéré à https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03226597
- Legois, J.-P. (2018b). Archivistes et utilisateurs des témoignages oraux, coacteurs de la construction de mémoires collectives : l’exemple de la Cité des mémoires étudiantes. Dans M. Cardin et A. Klein (dir.), Consommer l’information. De la gestion à la médiation documentaire (p. 41-55). Québec, Québec : Presses de l’Université Laval.
- Legois, J.-P. et Kasapi, I. (2018). Cité des mémoires étudiantes : des archives & ressources pour aujourd’hui & demain. La Cité des mémoires étudiantes. Repéré à https://cme-u.fr/Docs/Dossier2018_CiteDesMemoiresEtudiantes_DEF.pdf
- Les chercheurs ignorants (collectif). (2015). Les recherches-actions collaboratives. Une révolution de la connaissance. Rennes, France : Presses de l’EHESP.
- Lotfi, M. (2019). Souverains Anonymes. Repéré à https://www.souverains.qc.ca/
- Marcilloux, P. (2013). Les ego-archives. Traces documentaires et recherche de soi. Rennes, France : Presses Universitaires de Rennes.
- Mayer, D. C. (1985). The new social history: Implications for archivists. The American Archivist, 48(4), 388-399. Repéré à https://doi.org/10.17723/aarc.48.4.l107660916858k13
- Millar, L. (1998). Discharging our debt: The evolution of the total archives concept in english Canada. Archivaria, 46, 103-146. Repéré à https://archivaria.ca/index.php/archivaria/article/view/12677
- Millar, L. (1999). The spirit of total archives: Seeking a sustainable archival system. Archivaria, 47, 46-65. Repéré à https://archivaria.ca/index.php/archivaria/article/view/12697
- Ministère de l’Emploi et de la Solidarité Sociale. (2001). Politique gouvernementale sur l’action communautaire. Direction des communications, ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Repéré à https://www.mtess.gouv.qc.ca/sacais/action-communautaire/politique-reconnaissance-soutien.asp
- Monceau, G. (2005). Transformer les pratiques pour les connaître : recherche-action et professionnalisation des enseignantes. Revista Educação e Pesquisa, 31(3), 467-482.
- Nesmith, T. (1982). Archives from the bottom up: Social history and archival scholarship. Archivaria, 14, 5-26. Repéré à https://archivaria.ca/index.php/archivaria/article/view/10937
- Réseau québécois de l’action communautaire autonome. (2019). L’action communautaire autonome. Repéré à https://rq-aca.org/aca/
- Rousseau, J.-Y. et Couture, C. (dir.). (1994). Les fondements de la discipline archivistique. Sainte-Foy, Québec : Presses de l’Université du Québec.
- Schwartz, J. M. et Cook, T. (2002). Archives, records, and power: The making of modern memory. Archival Science, 2(1), 119. Repéré à https://doi.org/10.1007/BF02435628
- Scopsi, C. (2021). Documentalité des collectes de mémoires Identification d’un genre narratif, mémoriel, numérique et anthologique [Dossier pour l’habilitation à diriger des recherches]. Conservatoire national des arts et métiers. Repéré à https://hal.science/tel-03500201
- Shepperd, J. (2018). Media archival studies: Library of Congress’s radio preservation task force as a memory advocacy project. New Review of Film and Television Studies, 16(4), 426-433. Repéré à https://doi.org/10.1080/17400309.2018.1524967
- Shepperd, J. (2022). Understanding radio archives: coalitional historiography and sound memory work. Dans M. Lindgren et J. Loviglio (dir.), The routledge companion to radio and podcast studies (p. 59-68). Londres, Angleterre : Routledge Taylor & Francis Group.
- Shepperd, J. et VanCour, S. (2020). Radio preservation and the orphan agenda: Archival strategies. The Moving Image, 20(1-2), 19-41. Repéré à https://muse.jhu.edu/article/803443
- Theimer, K. (2017). Well, what came next ? Selections from ArchivesNext, 2007-2017. CreateSpace Independent Publishing Platform.
- Treat, L. et VanCour, S. (2020). Introduction: The state of radio preservation. Journal of Archival Organization, 17(1-2), 1-12. Repéré à https://doi.org/10.1080/15332748.2020.1787657
- Twomey, J. (1978). Canadian broadcasting history resources in english, “Critical mass or mess”. Toronto, Ontario : Ryerson Polytechnical Institute.
- VanCour, S. (2016). Locating the radio archive: New histories, new challenges. Journal of Radio & Audio Media, 23(2), 395-403. Repéré à https://doi.org/10.1080/19376529.2016.1224434
- Veysey, L. (1979). The « New » social history in the context of american historical writing. Reviews in American History, 7(1), 1-12. Repéré à https://doi.org/10.2307/2700953
- Winand, A. (2016). Matériau temporel et images tactiles : l’archive dans Western Sunburn de Karl Lemieux. Dans Y. Lemay et A. Klein (dir.), Archives et création : nouvelles perspectives sur l’archivistique. Cahier 3, (p. 35-50). Montréal, Québec : École de bibliothéconomie et des sciences de l’information (EBSI), Université de Montréal. Repéré à http://hdl.handle.net/1866/16353
- Winand, A. (2021). Entre archives et archive : l’espace inarchivé et inarchivable du cinéma de réemploi [Thèse de doctorat, Université de Montréal]. Papyrus. http://hdl.handle.net/1866/26403