Abstracts
Résumé
Dans le Morbihan, un département français situé en Bretagne, les pratiques qui visent à la découverte de « soi » par l’intermédiaire des mégalithes locaux sont nombreuses. Les dispositifs que ces pratiques fournissent sont censés permettre au pratiquant de développer de nouvelles relations entre « soi et soi » et entre « soi et l’Autre », en utilisant son corps et ses sens comme des facteurs essentiels à une transformation identitaire. Au sein de ces pratiques, les acteurs sont invités à s’investir dans un parcours d’apprentissage sensoriel et à cultiver leur attention corporelle en se concentrant sur leur corps et leurs sensations, au moment de s’approcher des mégalithes et de les toucher. Dans cet article, j’analyse les processus d’apprentissage somatique et de transformation identitaire mis en place au sein de ces pratiques. Plus précisément, je m’arrête sur les trois éléments qui rendent compte de l’efficacité des pratiques et qui construisent le vécu des acteurs : l’apprentissage progressif d’un langage sensoriel, l’interprétation des imaginaires somatiques et l’exécution des techniques corporelles. Mes réflexions théorisées sur ces éléments mettent en exergue les mécanismes qui font de ces pratiques des espaces-temps où les expériences de nature « spirituelle » se manifestent comme des expériences somatiques.
Mots-clés :
- expérience somatique,
- technique corporelle,
- spiritualité,
- transformation identitaire,
- Morbihan
Abstract
In Morbihan, a department in the French region of Brittany, there are many “self” discovery practices involving the local megaliths. The schemes offered by these practices are thought to allow the practitioner to develop new relationships between the “self and self” and the “self and the other” by using their body and senses as factors essential to a personal transformation. At the heart of these practices, participants are invited to engage in a sensorial learning journey and cultivate their bodily attention by concentrating on their body and their sensations when they approach the megaliths and touch them. In this article, I analyze the somatic learning and personal transformation processes at the heart of these practices. More precisely, I focus on the three elements that account for the effectiveness of the practices and build the experience of the participants: the progressive learning of a sensorial language, the interpretation of somatic imagery, and the execution of bodily techniques. My theoretical reflections on these elements highlight the mechanisms that make these practices a continuum where “spiritual” experiences manifest as somatic experiences.
Keywords:
- Somatic experience,
- bodily technique,
- spirituality,
- identity transformation,
- Morbihan
Article body
Introduction
Dans le paysage mégalithique du Morbihan, dans l’ouest de la France, tiennent lieu des nombreuses rencontres qui visent à favoriser, d’un point de vue émique, la réalisation des potentialités de l’individu afin qu’il puisse rencontrer son « soi intérieur » par l’intermédiaire d’une agentivité « énergétique » accordée aux mégalithes locaux. Ces mises en scène particulières entremêlent des savoirs vernaculaires locaux qui ont émergé au XIXe siècle et qui se sont associées à l’utilisation thérapeutique des mégalithes (Boismoreau 1917) avec des techniques du corps propres aux spiritualités, dites « alternatives »[1]. Les pratiques se présentent comme des dispositifs invitant les protagonistes à s’engager dans un parcours d’apprentissage sensoriel progressif, dont la durée est généralement d’une journée, afin d’éprouver une expérience d’épanouissement personnel[2]. À l’instar d’autres pratiques rituelles, elles mobilisent une pédagogie particulière et invitent les participant à élaborer une expérience à la fois incarnée, intuitive, performative, conceptuelle et intersubjective (Dupuis 2018 ; Pierini 2016). Au sein des activités proposées, les participants accordent une attention particulière à leur corps et à leurs sens, ainsi qu’au corps et aux sens d’autrui. Revendiquant une conception holiste de la personne et des rapports entre humains et non-humains au sein du vivant, les dispositifs que ces pratiques fournissent sont censés permettre aux pratiquants d’utiliser leurs expériences somatiques comme des outils pour vérifier l’efficacité des pratiques[3]. L’effet recherché par les pratiquants est l’acquisition des états affectifs inscrits dans les régimes émotionnels promus au sein des pratiques New Age[4] et du développement personnel[5], lesquels sont susceptibles de générer les conditions « objectivement requises pour la pleine réalisation de l’être humain et de son potentiel » (Mossière 2018, 65).
Mon intérêt par les pratiques rituelles qui se réalisent dans les sites archéologiques a été nourri par une curiosité, toute personnelle, par la reconversion des lieux d’anciens rituels, tels que les sites mégalithiques européens, en lieux de culte par ceux qui adhèrent à des spiritualités New Age ou néopaïennes[6]. En cherchant à identifier les singularités discursives et techniques des pratiques spirituelles relatives aux mégalithes morbihannais, j’ai mené une enquête ethnographique dans le cadre de ma thèse de doctorat. Comme j’ai pu l’observer, ces pratiques ne sont jamais qualifiées de « spirituelles » ou de « rituelles » par les pratiquants. Elles se présentent comme des dispositifs invitant les protagonistes à s’engager dans des expériences d’ordre à la fois esthétique, ludique et thérapeutique. Néanmoins, pour ceux qui s’engagent, ces pratiques sont de véritables expériences qui structurent et produisent des subjectivités et des identités. La potentialité « spirituelle » attribuée à ces pratiques réside dans la qualité des relations et des expériences qu’elles sont censées produire : une rencontre avec soi-même et un changement de relation avec soi et les autres (Heelas 2009, 792), ainsi qu’une quête d’authenticité, de vérité et de transcendance inscrite dans la culture du bien-être et du développement personnel (Mossière 2018, 61). À l’instar d’autres pratiques rituelles dérivées des croyances New Age et néopaïennes analysées par Michael Houseman (2002, 533), elles sont porteuses de significations et leur symbolisme peut être interprété comme l’expression d’un certain nombre de valeurs et d’idées culturelles. Ces pratiques créent également des relations, réorganisent des éléments disparates en les rendant interdépendants (Houseman 2016, 214) et se caractérisent par leurs dynamiques intérieures (Handelman 2005, 10), orientées vers la production et la socialisation d’expériences somatiques spécifiques (Pierini 2016).
À fin d’analyser les éléments qui rendent compte du vécu de ces acteurs au sein des pratiques analysées, de 2015 à 2019, j’ai suivi 20 stages dans nombreux sites mégalithiques localisés dans le Morbihan. Les matériaux présentés dans cet article ont été recueillis en appliquant une méthodologie sensorielle (Pink 2009) basée sur des entretiens somatiques[7] (Samudra 2008, 670) et des participations sensorielles (Howes 2019). Cette approche m’a permis de collecter des données relatives aux expériences phénoménologiques et aux états affectifs des acteurs. Il m’a également demandé d’utiliser mes propres expériences sensorielles et corporelles comme des outils pour analyser le positionnement spatial des corps enquêtés, ainsi que la relation de leurs mouvements avec une certaine sensation corporelle.
En mettant en exergue les données recueillies, ainsi que les repères théoriques et ethnographiques des chercheurs ayant travaillé sur l’expérience sensorielle (Csordas 1990 ; 1993 ; 1994 ; Nizard 2020) et la transformation identitaire (Houseman et al. 2016), je propose ici d’analyser le processus de construction d’expériences considérées comme spirituelles qui se manifestent de manière somatique. Il s’agira pour moi d’éprouver l’hypothèse suivante : au sein des pratiques analysées, l’expérience somatique est le composant primordial de l’expérience de nature « spirituelle » vécue par les acteurs. Pour ce faire, une importance majeure sera donnée à la situation des corps des personnes enquêtées, ainsi qu’au milieu intersubjectif dans lequel leurs sensations s’inscrivent et s’engendrent. Suivant ces stratégies, je fournirai de nouvelles connaissances à propos du contenu de « l’expérience vécue » (Csordas 1994, 10) de mes interlocuteurs.
Contextualisation du paysage mégalithique du Morbihan : un espace investi par les spiritualités alternatives
Département français comportant plus de 5000 mégalithes, le Morbihan est un des hauts lieux de la préhistoire européenne. En raison de sa forte concentration en architecture néolithique[8] dont la construction remonte à environ 8000 ans, il constitue l’un des espaces les plus importants du mégalithisme dans le monde. La quantité de monuments qui s’y trouvent, leur taille, la singularité de leurs gravures et la richesse archéologique des objets qu’ils ont livrés est remarquable. Un grand nombre de ces mégalithes se trouve dans la commune de Carnac, où ils prennent la forme d’alignements qui s’étendent sur plusieurs kilomètres.
Dès le XVIIIe siècle, la région de la Bretagne, où se localise le Morbihan, a été considérée comme culturellement distincte du reste de la France (Bertho 1980, 45). À l’époque, des intellectuels bretons ont commencé à promouvoir le rapprochement entre la Bretagne et les pays celtiques[9] et à forger l’idée du pan-celtisme. Cette idéologie prône le maintien de liens étroits entre les populations qui parlent des langues celtiques et qui partagent des éléments culturels et historiques (McDonald 1986, 333). Conséquence de cela, la région s’est vu accoler l’étiquette de pays « celtique ». Mais les particularités du contexte culturel morbihannais ne s’arrêtent pas là. Bien que le catholicisme y ait été longtemps pratiqué avec ferveur, à la fin du XIXe siècle, des études folkloriques ont démontré l’existence d’éléments païens dissimulés dans les pratiques chrétiennes reliées aux mégalithes (Guénin 1936). Au début du XXe siècle, des recherches ethnologiques ont fourni des témoignages de paysans locaux qui, pendant les pèlerinages, se rendaient aux mégalithes et frottaient leur corps contre la surface des pierres dressées afin d’éviter la stérilité, ainsi que pour guérir la fièvre et la fatigue (Boismoreau 1917). Dans la seconde moitié du XXe siècle, ces savoirs locaux centrés sur les pouvoirs de guérison des mégalithes sont entrés en contact avec des corpus de connaissances ésotériques attachés à la mouvance New Age.[10] Ceux-ci étaient associés à des techniques supposées permettre à la personne de rencontrer son « vrai soi »[11] (Hanegraaff 1996, 215-218 ; Ivakhiv 2003, 108) et améliorer sa santé physique, mentale et spirituelle (Chryssides 2007, 22).
Les formes contemporaines des pratiques analysées commencent à apparaître dans le Morbihan autour des années 1970. Leur émergence répond au processus d’implantation en France des idées issues des mouvances New Age et néopaïenne[12]. En raison des imaginaires qu’elles mobilisent, notamment druidiques et celtiques, elles rappellent les expressions culturelles et identitaires propres au mouvement du renouveau celtique initié dans les années 1960 (Postic et al. 2003). Néanmoins, l’enquête menée à Carnac par Ellen Badone (1991) suggère qu’elles répondent plutôt à une quête de sens face à des maux que la médecine est incapable de soulager. Dans tous les cas, au début des années 1980, ces pratiques ne paraissent pas encore s’inscrire dans une logique de marché : seuls les résidents locaux de la classe moyenne y recourent soit pour se soigner eux-mêmes ou pour soigner les autres. Elles gagnent en importance dans le Morbihan au tournant des années 2000 en raison de la conjonction de plusieurs facteurs. Parmi eux, la propagation d’une littérature mystico-ésotérique se référant au paysage mégalithique local[13], l’apparition d’agents étrangers (émigrés britanniques), puis locaux, qui s’engagent dans un véritable travail de constitution des mégalithes en biens symboliques dans le cadre d’un marché spirituel alternatif (Dansac 2020a), et enfin, la diffusion d’un discours touristique stéréotypé sur le Morbihan et ses habitants (Bertho 1980).
Comme d’autres sites archéologiques qui ont été reconvertis en lieux de culte par ceux qui adhèrent aux spiritualités alternatives (Dansac 2021), le paysage mégalithique morbihannais fait aujourd’hui l’objet d’une démarche de re-sémantisation basée sur des conceptions qui lui accordent trois caractéristiques principales. Il est identifié comme un « paysage naturel sacré », un « haut lieu d’énergie »[14] et l’oeuvre d’« anciens bâtisseurs » qui avaient des connaissances « autres » sur leur environnement. Lors d’une rencontre à laquelle j’ai assisté en décembre 2015, la personne qui dirigeait les pratiques a repris certaines de ces conceptions pour me décrire ce territoire :
Le paysage naturel sacré du Morbihan, avec ses mégalithes, nous sert d’environnement pour équilibrer nos énergies. Nous pouvons alors aligner notre structure physique, mentale et émotionnelle en effectuant des exercices de respiration et des mouvements, ainsi que des bilans sur notre vie. À cause de sa puissance vibratoire et énergétique extraordinaire, ce paysage a été choisi par les anciens bâtisseurs comme l’endroit idéal pour réaliser une géométrie sacrée.
Éric, 13 décembre 2015
Cherchant à interagir avec ce paysage naturel peuplé d’énergies censées être capables d’agir sur nos corps et nos esprits, des groupes se rendent régulièrement sur place pour participer à des stages payants à visée spirituelle. Chaque stage propose un cadre d’interprétation différent. Les pratiques peuvent se baser sur la géobiologie,[15] la Tensegrity de Carlos Castañeda,[16] le néo-chamanisme[17] ou la guérison énergétique.[18] Les groupes sont hétérogènes, changent en permanence et se composent de deux types de participants principaux. Ceux-ci jouent des rôles spécifiques, respectent une structure hiérarchique verticale et maintiennent un ordre de genre qui assigne aux hommes et aux femmes des fonctions différentes. Le spécialiste est celui qui guide les participants à travers un protocole qui organise les pratiques et construit les récits qui leur confèrent du sens. Tous les spécialistes rencontrés étaient des hommes âgés entre 40 et 70 ans dont la plupart résidaient dans le centre du pays, en région d’Île-de-France et ayant fait des études supérieures. Le spécialiste peut se désigner lui-même comme un « géobiologue » ou un « coach spirituel », et rarement il est autodidacte. La plupart des spécialistes suivent des formations dans le domaine de la géobiologie. Le spécialiste propose des stages sur des sites Internet sur lesquels les personnes intéressées peuvent choisir parmi une large variété de pratiques qui se distinguent par leur durée, par le nombre de mégalithes à visiter et par les cadres d’interprétation proposés. Les participants sont ceux qui payent les frais demandés par les spécialistes qui oscillent entre 150 et 300 euros par jour. Ils se livrent à ces pratiques afin d’éprouver une expérience de courte durée agissant immédiatement sur la perception qu’ils ont d’eux-mêmes, des autres et de leur environnement. Les participants rencontrés étaient majoritairement des femmes âgées de 24 à 70 ans et ayant fait des études supérieures. Nombre d’entre elles résidaient dans le Morbihan. Les participants ont un intérêt commun pour l’occultisme ou le développement personnel, au sens large. Ils ne sont jamais rencontrés en amont et n’entretiennent pas des relations personnelles entre eux.
La mise en oeuvre d’une pédagogie somatique progressive
Tout au long de chaque stage, dès les premières minutes jusqu’à la fin, les participants sont sommés d’apprendre à bouger leur corps d’une certaine manière, à avoir un contrôle total de leurs mouvements et à faire attention aux sensations corporelles que ces mouvements provoquent. Ces actions s’inscrivent dans un processus que je nomme « pédagogie somatique progressive ». Elle est encadrée par un protocole composé de phases séquentielles linéaires qui guident la pratique, formant ainsi un modèle général que suivent tous les spécialistes rencontrés. D’abord, les participants marchent en groupe vers un mégalithe. Puis, ils se placent à proximité de la pierre pour exécuter collectivement des techniques corporelles. De manière individuelle, chaque participant se rapproche ensuite lentement du monument et le touche avec ses paumes, son torse, son front ou son dos. Finalement, les participants se mettent en cercle près du mégalithe et s’engagent dans des échanges verbaux afin de comparer leurs expériences somatiques entre eux. Le type de pédagogie mise en place par ce protocole s’appuie sur trois éléments principaux : l’apprentissage progressif d’un langage sensoriel, l’interprétation des imaginaires somatiques et l’exécution des techniques corporelles. J’examine ces éléments en les illustrant à travers le récit ethnographique d’une première partie d’un stage.
Trois mois avant le jour J (un samedi du mois de mai 2018), Philippe, un ex-comptable devenu géobiologue, proposait sur son site Internet un stage intitulé « Balade énergétique dans le Morbihan ». À l’instar des autres participants, j’ai payé les frais d’inscription sur le site, puis j’ai reçu un courriel de sa part avec les coordonnées du rendez-vous. À la date indiquée, je me suis rendue sur une petite aire de stationnement pour voitures à proximité des alignements de Carnac. Là, j’ai rejoint Phillipe, sa femme Julie et huit autres personnes : deux hommes et six femmes ayant entre 30 et 60 ans. Philippe nous a ensuite invités à former un cercle autour de lui et il nous a expliqué sa conception du paysage mégalithique local et des pratiques que nous allions suivre de la manière suivante : « Ce territoire est naturellement sacré, c’est un lieu hautement vibratoire. Il permettra à vos énergies de s’aligner. Ouvrez votre esprit et restez attentifs à votre corps ». Après son discours, Philippe a montré du doigt un sentier étroit et boueux qui s’enfonçait dans la forêt. Ce sentier reliait l’aire de stationnement à un mégalithe nommé « Le géant de Manio », localisé à environ un kilomètre de distance. Il s’agit d’un menhir[19] d’environ sept mètres de haut. Suivant ses pas, nous nous sommes lentement engagés dans le sentier. Au bout d’à peine quelques pas, Philippe nous a dit que ce sentier était traversé par plusieurs portes invisibles. Il nous a alors expliqué que leur présence pouvait nous faire ressentir des sensations corporelles. Ces effets somatiques étaient de l’ordre du picotement dans la peau ou d’une sensation de lourdeur dans les jambes au moment de se déplacer. À la suite de ces explications, j’ai observé que certains participants s’arrêtaient subitement pendant quelques secondes. Se tenant immobiles, ils indiquaient verbalement à Philippe, ainsi qu’au reste du groupe, l’endroit précis où, selon eux, ils sentaient la présence de ces barrières invisibles.
Nous avons poursuivi cette marche pendant 20 minutes, jusqu’à apercevoir le menhir géant. Mais au lieu de nous laisser nous approcher immédiatement du mégalithe, Philippe nous a demandé de nous mettre en cercle à environ 30 mètres de celui-ci. Ensuite, il nous a guidés dans l’exécution de plusieurs techniques corporelles qui servaient à identifier collectivement les diverses expériences sensorielles qu’on pouvait éprouver avec les mégalithes. Le premier exercice démarrait de la manière suivante : il fallait d’abord respirer calmement et profondément, en se concentrant sur les durées d’inspiration et d’expiration. Puis, nous devions lever nos mains et nos bras vers le ciel. Ensuite, nous baissions lentement les bras afin de poser nos paumes sur notre tête et nous les faisions finalement parcourir toute la longueur de notre corps jusqu’à nos pieds. Tout au long de cet exercice, certains participants arrêtaient leurs paumes à un endroit précis de leur corps pendant quelques secondes (la tête, la poitrine ou les genoux) avant de poursuivre le mouvement. Selon eux, ces pauses étaient provoquées par les énergies dégagées par leur corps et elles répondaient à des troubles dans leur état émotionnel, physique ou spirituel. Ces énergies étaient censées immobiliser momentanément leurs paumes lorsqu’ils suivaient les contours de leur corps.
L’expérimentation de cette technique corporelle ainsi que d’autres a duré environ une heure. À la fin, Philippe nous a invités à nous rapprocher du menhir de manière progressive et « comme si on marchait dans un labyrinthe » (Philippe, 12 mai 2018). J’ai observé que la plupart des participants marchaient en zigzag et semblaient adopter une attitude révérencielle, s’arrêtant quelques secondes avant de continuer à avancer vers la pierre dressée. Ce genre de comportements constituent des actes de sacralisation qui produisent des distinctions dans l’espace physique, créent des barrières visibles et invisibles et établissent des règles de comportement (Anttonen 2005, 198). Après avoir marché en zigzag comme les autres, je suis arrivée au menhir et je me suis placée à proximité de celui-ci. Une fois que tout le monde était là, Philippe nous a invités à nous mettre en cercle autour de la pierre dressée, puis il nous a dit de prêter attention à nos sensations corporelles. Encore une fois, il nous a signalé qu’au moment de se rapprocher du mégalithe, nous pouvions éprouver des picotements dans la peau et des sensations de froid, de chaleur, de légèreté et de lourdeur. Cette dernière sensation, je l’ai éprouvée notamment dans mes jambes au moment de marcher lentement vers la pierre dressée.
Le moment le plus significatif et, paradoxalement, le plus court de la rencontre, était enfin venu. Selon Philippe, tous les exercices que nous avions réalisés depuis le début du stage devaient préparer ce moment-là. Il s’agissait du corps-à-corps avec le géant de Manio. Avant de commencer, Philippe nous a donné pour seule consigne de nous rapprocher un par un de la pierre dressée. Il n’y avait pas d’ordre établi à l’avance. C’est ainsi qu’un participant s’est porté volontaire pour passer en premier. Se tenant immobile, il a touché la pierre avec les yeux fermés et il a mis ses paumes, son front et son ventre en contact direct avec la surface. Après trois ou quatre minutes, il s’est tourné pour toucher la pierre qu’avec son dos, les yeux toujours fermés. Puis, il a ouvert les yeux et s’est éloigné de la pierre pour rejoindre Philippe, avec qui il a discuté à propos de ses sensations corporelles. Parmi les personnes suivantes, certaines préféraient toucher la pierre avec une seule partie de leur corps, d’autres répétaient les mêmes techniques corporelles que le premier participant et l’une d’entre elles a essayé de serrer la pierre dans ses bras. J’ai été une des dernières à passer. Au premier contact, j’ai senti la surface rugueuse du menhir, puis le froid qu’il dégageait et qui m’a donné une sensation de fraîcheur. L’étape de la rencontre en solitaire avec ce mégalithe a duré environ 30 minutes. Avant de partir, Philippe nous a demandé de former une dernière fois un cercle autour de ce monument. Il nous a indiqué qu’il fallait remercier « le paysage sacré et les esprits de la nature qui habitent ici ». Certains participants ont chuchoté un « merci », d’autres l’ont articulé sans émettre de son. Puis, Philippe nous a indiqué qu’il fallait prendre le chemin du retour vers le stationnement pour récupérer les voitures et nous diriger vers le mégalithe suivant, où nous allions répéter toutes ces étapes.
La mise en place d’une enquête ethnographique au sein des pratiques comme celle que je viens d’illustrer précédemment, m’a permis d’identifier les mécanismes de mise en oeuvre d’une pédagogie somatique au sein du protocole rituel. Cette pédagogie entraîne l’apprentissage d’un langage sensoriel qui diffère de celui auquel le pratiquant est habitué dans sa vie quotidienne. Il est constitué d’un corpus de connaissances théoriques et pratiques relatives aux corps et aux sensations. Ce langage mobilise un cadre interprétatif spécifique relatif aux sensations corporelles et une hiérarchie des sens particulière. Ainsi, les sensations de froid ou de chaud sont réinterprétées comme des preuves de la pénétration dans le corps des énergies des mégalithes. Les sensations de lourdeur dans les membres deviennent pour les participants des preuves tangibles de la présence de ces énergies. Le toucher est, quant à lui, valorisé comme le sens primordial pour expérimenter l’efficacité de ces pratiques. Lorsque les participants appréhendent ce langage sensoriel, ils doivent respecter trois injonctions distinctes qui se juxtaposent lors des exercices individuels et collectifs. Le participant est incité à prendre « conscience de son corps » en ne le considérant pas comme un objet, mais comme un « corps vivant et sensible » (Andrieu 2010, 349). Simultanément, chaque pratiquant est censé « éveiller son corps » (Nizard 2020, 285) et développer son « attention corporelle » (Depraz 2014, 98) en prenant conscience du fonctionnement de son corps, de ses sensations corporelles, de sa respiration et de ses pensées[20].
Pour respecter ces trois injonctions, le participant doit réaliser tous les exercices, prendre en compte les consignes données par le spécialiste, imiter les mouvements et les gestes des autres et se concentrer sur ses sensations corporelles. De plus, il doit établir des relations précises entre les schémas kinesthésiques et le sens accordés à ces schémas. C’est pourquoi cette pédagogie inclut également l’incorporation des imaginaires somatiques qui se formulent en associant une technique corporelle à une sensation corporelle spécifique (Csordas 1990, 18). Ces imaginaires sont fournis par les spécialistes. Ainsi, avant de demander aux participants de marcher lentement vers un mégalithe, Jean (observation du 5 mars 2016), Stephan (observation du 20 mai 2017) et Pierre (observation du 5 mai 2018) les prévenaient du fait qu’ils allaient très probablement expérimenter une sensation de lourdeur au niveau de leurs membres supérieurs et inférieurs. Avant de toucher un mégalithe, ils les rendaient également attentifs au fait que des sensations de picotement et de fourmillement pouvaient être ressenties dans le corps au moment de toucher les pierres. Les données recueillies montrent que les spécialistes évoquent constamment ces imaginaires, du début des pratiques jusqu’à la fin de celles-ci. D’abord, les participants, qui sont pour la plupart des débutants, découvrent et assimilent ces imaginaires. Ensuite, ils les reproduisent en les mettant en mots afin de faire part aux autres de leurs sensations corporelles. En transmettant ces imaginaires somatiques, les spécialistes façonnent les expériences corporelles des participants, les encouragent à adopter un regard réflexif sur leur corps et les incitent à associer leurs sensations à la présence des entités évoquées. L’apprentissage de ces imaginaires somatiques permet à mes interlocuteurs d’inscrire leur corps dans le langage sensoriel propre à ces pratiques.
La primauté du sensoriel dans la construction d’une expérience de nature « spirituelle »
La mise en oeuvre de la pédagogie précédemment examinée a pour objectif de produire un corps sensible capable de repérer la présence et les effets des énergies émanant des mégalithes. Se pose alors la question de comprendre quelle relation existe entre cette démarche et l’expérience attendue par les acteurs. Ceux-ci considèrent ces pratiques comme des espaces d’introspection personnelle qui rompent avec le quotidien. Elles leur fournissent des outils pour s’investir dans une démarche que les spécialistes nomment « quête de soi ». Ce terme désigne un processus de transformation identitaire éprouvé comme une expérience intense, un bouleversement qui agit au sein de chaque acteur en lui permettant de remettre en question un certain nombre de certitudes concernant le fonctionnement de sa conscience, de son corps et de l’Univers (Quinn 2020, 138). Les acteurs qui s’y livrent sont incités à s’engager dans une posture réflexive, avec une sorte de retour répétitif sur soi-même, cela afin de se reconnecter à quelque chose d’antérieur, apparemment perdu, mais qui existe au sein du soi (Houseman et al. 2016, 84). En outre, comme l’illustreront les récits qui seront présentés ici, dans ce terrain, la notion de spiritualité est liée à une sémantique axée sur les énergies (telluriques, corporelles, émotionnelles) et tout s’articule à la question d’une guérison de type holistique censée permettre à la personne de renouer avec soi-même, avec les autres et avec l’Univers.
Âgée de 38 ans et résidant près des alignements de Carnac, Pascale a fait l’expérience d’une rencontre avec des énergies qui agissaient sur son corps de diverses manières. Au moment d’avancer lentement vers un mégalithe, ces énergies l’empêchaient d’abord de bouger son corps librement, mais elle s’est graduellement habituée à leurs effets corporels et a finalement réussi à les expérimenter dans son corps. Dans le récit qu’elle a livré juste à la fin d’un stage basé sur la Tensegrity de Castañeda, elle signale l’existence d’une sorte de circulation entre l’énergie de son corps et celle du mégalithe. Elle m’a fait part de ce vécu de la manière suivante :
J’ai commencé à avancer vers le mégalithe et, au bout de quelques pas, plus moyen de marcher. J’ai été prise par le ressenti d’une énergie tellement puissante. Mes jambes ne pouvaient pas bouger. J’étais tellement surprise par la puissance de l’énergie du lieu, que j’ai sûrement dû mettre une éternité à arriver au pied du menhir. Au bout d’un moment, je me suis habituée à cette énergie puissante. Ce stage tant attendu, lié à l’énergie des menhirs quelle que soit leur forme, est un privilège que je n’aurais jamais imaginé. J’ai pu tester l’énergie de nombreuses pierres. La sensation de l’énergie qui circule était importante, mais après le passage au menhir, je pense que rien ne pouvait plus m’étonner. En termes d’expériences énergétiques étranges et puissantes, c’était fini pour la journée. J’en ai vraiment pris plein les yeux et plein le coeur.
Pascale, 19 novembre 2016
Manon a également dit avoir éprouvé des sensations corporelles particulières durant la réalisation des exercices collectifs et individuels. Cette résidente locale âgée de 50 ans a décidé de se rendre à un stage basé sur des techniques néo-chamaniques. Au moment de partager ce qu’elle avait expérimenté auprès du groupe, elle a fait le lien entre son expérience personnelle et celle éprouvée autrefois par les druides qui, selon elle, se livraient à des rituels à Carnac :
Quant au paysage lui-même, il a pour point central le site de Carnac, qui est pour moi le plus énergétique. Un vortex s’y trouve. Je suis venue au stage pour m’y connecter, pour recevoir une belle énergie cosmique. On peut y déceler comme un petit cercle dans lequel, sans nul doute, les druides se consacraient à des rituels importants. On peut y travailler l’énergie du lieu comme le faisaient nos ancêtres, puisque Carnac ne parle que de cela : alignement et connexion à la terre, au ciel et au coeur.
Manon, 12 janvier 2019
Les retours de ces deux interlocutrices indiquent que les sensations corporelles constituent, pour ceux qui participent, un outil primordial pour atteindre de nombreux objectifs. Tout comme d’autres participants, Manon et Pascale les utilisent pour se relier au lieu, aux autres personnes présentes et aux énergies qui, selon elles, se retrouvent dans les mégalithes morbihannais. Elles se focalisent sur leur « ressenti corporel » (Csordas 1993, 138) pour améliorer leur maîtrise des techniques mises en oeuvre et elles considèrent leurs expériences somatiques comme des moyens primordiaux d’éveil d’un type de socialisation intérieure avec soi-même (Handelman 2002, 238). Les effets de l’investissement corporel dans ce processus de transformation identitaire sont encore plus clairs dans les récits recueillis parmi les acteurs quelques mois après leur passage par un stage. Pour Sara, une étudiante en psychothérapie âgée de 22 ans qui s’est rendue à un stage de guérison énergétique depuis Paris, le fait de se livrer à ces pratiques a provoqué des changements dans son état émotionnel. Elle souligne ainsi les effets de cette expérience dans sa vie quotidienne :
Depuis cette si merveilleuse expérience, et en à peine trois mois, les choses ont déjà énormément bougé pour moi. Mes désirs d’abondance, de zen attitude avec certaines personnes et l’intention de vivre mes rêves sont déjà en train de se réaliser. Ce sont des choses sur lesquelles je bloquais depuis des années. Maintenant, je me sens centrée, ancrée, posée et ressourcée.
Sara, janvier 2016
Nathalie, une pratiquante de yoga âgée de 40 ans qui réside dans la région, a d’abord accordé une importance majeure à ces sensations corporelles permettant d’éprouver les énergies. Puis, elle a évoqué l’effet qu’un stage de guérison énergétique a eu sur son quotidien :
Je sentais les énergies me guider. Mon corps me parlait, je me suis déplacée en fonction de mes sensations. J’en suis sortie toute transformée. Je ne regarde plus la nature de la même façon. J’ai fait la découverte de tous ces éléments qui nous entourent et dont on ne soupçonne ni la présence ni l’aide qu’ils nous apportent. Ma vie a pris une autre direction et mes yeux, mon coeur et mon esprit se sont maintenant ouverts. Je prends aujourd’hui un grand tournant dans ma vie et je continuerai à me former dans cet univers de connaissances merveilleuses.
Nathalie, juin 2017
Dans son discours, Sara mobilise des expressions telles que « centrée », « ancrée » et « posée » pour évoquer sa transformation identitaire. Comme s’il s’agissait d’une sorte de rééquilibrage émotionnel. Nathalie utilise le terme « transformée » en évoquant le fait que ces pratiques l’ont incitée à prendre un grand tournant dans sa vie. Ce terme semble désigner un changement radical de perception, quant à elle-même et aux autres. Bien qu’elles envisagent les effets affectifs des pratiques de manière différente, les deux soulignent le fait que, en dehors des stages, les techniques corporelles éprouvées continuaient d’agir. Dans les quatre récits présentés dans cette partie, l’expérience vécue par les participants ne prend pas une forme spécifique. Elle comprend une myriade d’émotions et de dispositions qui ont pour trait commun l’investissement corporel et émotionnel du participant dans un état perpétuel de renouvellement de soi et de transformation personnelle. La démarche de « quête de soi » est alors comprise comme une trajectoire individuelle ou un cheminement personnel appréhendé comme ayant une durée indéterminée et qui se développe en s’engageant dans un large éventail de pratiques comme celles que j’ai présentées. En effet, le fait de partir à la rencontre des énergies des mégalithes permet d’éprouver une expérience considérée comme transformatrice. À travers elle, les acteurs apprennent à établir avec le paysage une relation de type somatique et émotionnelle, en renouvelant leur identité.
Conclusion
Les données recueillies durant mon enquête ethnographique au sein des pratiques rituelles relatives aux mégalithes morbihannais ont mis en évidence l’existence d’un protocole qui organise ces pratiques et les divise en plusieurs étapes. D’une étape à l’autre s’opère une gradation mise en oeuvre par l’exécution de techniques corporelles qui préparent les acteurs à la rencontre ultime : le moment où le corps du pratiquant rentre en contact direct avec la surface d’un mégalithe. L’application de l’approche ethnographique m’a permis de constater que, à chaque étape, l’investissement sensoriel et corporel des acteurs est intense. L’importance que ces derniers attribuent à leurs sensations corporelles, les usages qu’ils font de leur corps et le regard spécifique qu’ils portent sur lui, sont constants. Plus précisément, ils se servent de leur corps et de leurs sens pour vérifier la présence des « énergies des mégalithes » et constater la potentialité de ces dernières. Pour eux, ces énergies sont des moyens pour atteindre une guérison holistique[21]. Au fur et à mesure de l’avancement de ma recherche, j’ai constaté que mes observations et les conclusions tirées des recherches portant sur les phénomènes religieux (Csordas 1990) et les spiritualités contemporaines (Fedele et Llera 2011) se rejoignaient : le contenu de l’expérience vécue était d’ordre somatique.
Les données de terrain exposés dans cet article semblent souligner le poids de l’expérience somatique dans la construction de l’expérience spirituelle des interlocuteurs. Dans les études consacrées aux éléments que valorisent les adeptes des spiritualités alternatives, les chercheurs proposent des points de vue différents. Certains attribuent un statut privilégié aux notions idéologiques (Heelas 1996), aux ordres de genre (Woodhead 2012), aux états affectifs (Houseman 2016), ou aux appartenances communautaires (Sutcliffe 2000), y compris en dehors de l’humain (Chamel et Dansac 2022). D’autres accordent la primauté aux techniques psychocorporelles et aux expériences somatiques (Pierini et al. 2023). Concernant ce dernier sujet, je souhaite proportionner deux remarques issues des réflexions exposés dans cet article. En premier lieu, les imaginaires somatiques promus au sein des pratiques analysées paraissent puiser dans des discours mobilisés au sein de rituels contemporains. Lors des stages de médiumnité (Voss 2011), de néo-chamanisme (Ostenfeld-Rosenthal 2011) et de néopaganisme (Rountree 2006) réalisés en Europe, les pratiquants apprennent à identifier des sensations corporelles spécifiques qui prouvent ou confirment leurs interactions avec des êtres non-humains invoqués, tels que les « énergies » et les esprits. Parmi ces sensations corporelles, des sensations de froid ou de chaud qui ne seraient pas dues à un changement de température dans l’environnement, ainsi que des sensations d’attouchements aux épaules, aux bras et aux mains sans qu’aucun contact physique n’ait eu lieu. En second lieu, apparemment les pratiques qui mobilisent ce type d’imaginaires somatiques incluent des éléments discursives et pragmatiques associés à l’animisme contemporain (Harvey 2013). Au coeur de ce courant spirituel, se trouve une idée du monde comme un espace qu’on partage avec des d’êtres non-humains lesquels ont le pouvoir de nous affecter somatiquement, émotionnellement et spirituellement, d’influencer nos vies et, parfois, de posséder notre corps et notre esprit.
Dans cet article, j’ai abordé la question de l’expérience spirituelle à partir d’une approche phénoménologique où le corps des acteurs est conçu comme « un système de systèmes voué à l’inspection du monde » (Merleau-Ponty 1969 : 110-111). Sous ce paradigme, la primauté du sensoriel dans la construction du vécu des acteurs devient l’un des traits spécifiques des pratiques analysées. Sans le bais d’un corps qui agit et se laisser agir, le contenu des expériences des acteurs resterait de l’ordre du subjectif. C’est pourquoi les expériences somatiques deviennent pour eux une donnée indubitable qui leur permettre de saisir une expérience difficile à appréhender autrement. Comme le souligne Roberte Hamayon (2006, 435), les exercices d’autoréflexion que les pratiquants des spiritualités alternatives exécutent lorsqu’ils éprouvent leurs expériences somatiques instaurent un état mental qui est de l’ordre du savoir : « je le sais car je l’ai vécu, je l’ai ressenti » ou « il n’y a pas à croire ou ne pas croire, cela se sent ». En s’appropriant de leurs sensations corporelles, mes interlocuteurs légitiment le contenu de leurs expériences et partagent avec les autres leur certitude dans des termes que les autres peuvent reconnaître.
Appendices
Notes
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[1]
Ensemble de pratiques à visée spirituelle et thérapeutique supposées permettre à la personne d’accéder à l’idée d’un « divin » acéphale, laïc et non institutionnel qui peut être présenté sous diverses formes (Sutcliffe et Bowman 2000, 9).
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[2]
J’utilise les termes « protagoniste(s) », « pratiquant(s) », « interlocuteur(s) » et « participant(s) » comme des synonymes.
-
[3]
Le terme « somatique » désigne ici un outil conceptuel pour saisir les manières dont les protagonistes éprouvent ces pratiques en utilisant leur corps culturellement construit (Csordas 1993, 138).
-
[4]
Héritier des sociétés théosophiques du XIXe siècle qui reformulèrent des traditions religieuses lointaines (Champion 1989, 158), le New Age est un phénomène socioreligieux complexe. Il englobe un grand nombre de pratiques et de croyances hétérogènes qui proposent des voies d’accès à une théorie holistique de soi, laquelle vise à l’évolution spirituelle de l’individu (Hanegraaff 1996, 296-297), le développement de la conscience spirituelle (Ivakhiv 2003, 108) et le développement personnel (Chryssides 2007, 22).
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[5]
Ces démarches mettent l’accent sur l’auto-amélioration de tous les aspects de la personne. Elles comprennent notamment la pratique de la pensée positive ainsi que la valorisation des potentiels (Chryssides 2007, 22).
-
[6]
Le terme « néopaganisme » englobe lui aussi une large quantité de croyances et de pratiques magico-religieuses hétérogènes tels que la Wicca ou sorcellerie moderne, le néo-druidisme et l’éco-paganisme. Les adeptes embrassent des cosmologies polythéistes et animistes et intègrent des éléments éclectiques issus du folklore local, de l’écologie et de l’ésotérisme (Rountree 2006).
-
[7]
Les entretiens somatiques intègrent des questions posées aux participants sur la manière d’exécuter un mouvement corporel, puis la mise en pratique de leurs indications pendant qu’ils me supervisent en train d’exécuter ce mouvement.
-
[8]
Dans l’Europe atlantique, la période préhistorique nommée « néolithique » a commencé environ 9000 ans avant notre ère (Demoule 2007, 173).
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[9]
Le territoire panceltique comprend de nos jours : l’Irlande, l’Ecosse, l’île de Man, le Pays de Galles, les Cornouailles et la Bretagne (McDonald 1989, 10)
-
[10]
Dans l’univers ésotérique, le New Age est représenté comme l’Ère du Verseau. C’est une ère de prospérité et de paix où « les humains percevront leur propre existence et celle du monde dans lequel ils vivent d’une manière nouvelle, plus amicale, plus harmonieuse » (Keller 1990, 7).
-
[11]
Le « vrai soi » a une configuration tripartite. Il comprend d’abord le soi essentiel qui est concentré dans l’aura de la personne. Ensuite, le soi multiple, qui peut prendre la forme des « esprits de la nature », des « énergies » ou des « gardiens ». Puis, le soi cosmique ou soi supérieur, qui est enraciné dans le cosmos et qui guide la personne vers le développement de sa conscience spirituelle (Hanegraaff 1996, 215-218 ; Ivakhiv 2003, 108).
-
[12]
À partir des années 1960, ces idées ont été véhiculées en France par des magazines ésotériques (Voisenat 2005, 23-24). Au sein de cette vague littéraire sont apparus des nombreux ouvrages consacrés aux « pouvoirs secrets des mégalithes », dont ceux de Fernand Niel (1976).
-
[13]
De nos jours, des ouvrages ésotériques et mystiques concernant les « énergies » des mégalithes, notamment ceux de Thierry Gauthier (2019), continuent à se multiplier.
-
[14]
Dans la mouvance New Age, les « hauts lieux d’énergie » sont des espaces d’ordre culturel ou naturel où l’homme peut accéder à la concentration des énergies telluriques et à ses bienfaits Ivakhiv 2003).
-
[15]
Derrière ce terme hybride qui évoque deux professions scientifiques, celle du géologue et celle du biologiste, on trouve une pratique issue de la sorcellerie traditionnelle et de la radiesthésie (Schmitz 2006).
-
[16]
Il s’agit d’un ensemble de techniques corporelles développées par Carlos Castañeda, un auteur et anthropologue polémique dont les ouvrages mettent en avant la figure d’un Autochtone qui montre à un anthropologue les moyens pratiques et théoriques d’accéder à « une autre réalité » (Traimond 2019).
-
[17]
Le néo-chamanisme est un phénomène culturel à visée thérapeutique renvoyant à tout un univers d’objets, d’usages et de discours liés à la quête des traditions « authentiques » (Lombardi 2012).
-
[18]
La guérison énergétique comprend un large éventail de techniques permettant de réparer les auras ou couches formes d’énergie qui entourent toute matière (Albanese 2000, 30-33).
-
[19]
Pierre allongée plantée dans le sol par son extrémité la plus pointue (Demoule 2007).
-
[20]
Pour une analyse plus approfondie de l’affinement, l’affichage et la verbalisation de l’attention corporelle au sein de ces pratiques, voir l’article de Yael Dansac (2020b)
-
[21]
Type de guérison qui prend en compte la personne dans son ensemble, c’est-à-dire son état physique, spirituel et psychologique, afin de l’aider à « retrouver un équilibre harmonieux au sein de son environnement » (Tighe et Butler 2007, 415).
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