Abstracts
Résumé
Cet article se propose d’aborder la formation des professionnels dans le domaine du théâtre gestuel à partir d’une étude centrée sur la pédagogie de la compagnie française du Théâtre du Mouvement, qui s’appuie sur les principes du mime corporel d’Étienne Decroux ainsi que sur des techniques somatiques. Nous nous demandons dans quelle mesure cette pédagogie, axée sur des connaissances anatomiques et physiologiques, apporte un vocabulaire de jeu pour un acteur conscient et autonome, tout en s’articulant à des principes de créativité pour le mouvement dramatique. Cette étude s’appuie sur un travail de terrain in situ que nous menons depuis 2009 auprès de la compagnie.
Abstract
This paper addresses the training of professionals in the field of physical theatre, focusing on the teaching method of the French company Théâtre du Mouvement, based on Étienne Decroux’s principles of corporeal mime as well as on somatic techniques. We seek to understand how this pedagogy, rooted in anatomical and physiological knowledge, provides an acting vocabulary for a conscious, autonomous actor, while being linked to the principles of creativity for dramatic movement. This study is based on the field work we have been doing since 2009 with the company.
Article body
Cet article aborde un exemple de formation des professionnels dans le domaine du théâtre gestuel à partir d’une étude centrée sur la pédagogie de la compagnie du Théâtre du Mouvement. Installée en Île-de-France et codirigée par Claire Heggen et Yves Marc depuis le milieu des années 1970, la compagnie propose une pédagogie de l’acteur qui s’appuie sur les principes du mime corporel d’Étienne Decroux (1898-1991) ainsi que sur des techniques somatiques (eutonie de Gerda Alexander, méthode Feldenkrais) et explore les rapports entre corps, objet, marionnette et texte. Enseignant auprès de comédiens mais également de marionnettistes et de circassiens dans de nombreuses écoles professionnelles – en France, notamment à l’École supérieure d’art dramatique de Paris (ESAD), à l’École nationale supérieure des arts de la marionnette (ENSAM) de Charleville-Mézières, comme à l’étranger, entre autres au Theatre Institut d’Amsterdam, à l’Athanor Akademie en Allemagne ou invités à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) –, Claire Heggen et Yves Marc sont également à l’initiative, depuis 2008 en France, d’un mouvement soutenu par le ministère de la Culture et le Centre national du théâtre (CNT) qui tente de regrouper les artistes et compagnies françaises s’inscrivant dans l’héritage des maîtres du mime du XXe siècle sous l’appellation Arts du mime et du geste[1]. Des rencontres entre artistes-pédagogues ont lieu régulièrement quant aux questions de formation et de transmission des savoir-faire dans ce domaine[2].
La compagnie du Théâtre du Mouvement transmet ainsi aux artistes de différents horizons des fondamentaux corporels – sur la respiration, le tonus postural, le regard – et des outils techniques pour aborder le mouvement dramatique. Les pédagogues de la compagnie – Claire Heggen, Yves Marc et quatre artistes associés formés auprès d’eux – interviennent par ailleurs depuis de nombreuses années auprès d’enfants dans des ateliers d’école ou des conservatoires (notamment en Île-de-France et à Avignon). Inversement, nombre de professionnels, enseignant le théâtre auprès d’enfants dans le cadre d’ateliers ou dans des conservatoires d’art dramatique, viennent régulièrement suivre des stages de la compagnie pour approfondir leurs connaissances sur le mouvement.
Nous nous demanderons ainsi dans quelle mesure cette pédagogie, fondée sur des connaissances anatomiques et physiologiques, apporte un vocabulaire de jeu pour un acteur conscient et autonome tout en s’articulant à des principes de créativité pour le mouvement dramatique. Nous présenterons plus particulièrement des situations d’explorations proposées aux stagiaires dans le cadre d’ateliers de formation. Cette étude s’appuie sur un travail de terrain in situ que nous menons depuis 2009 auprès de la compagnie en suivant une méthodologie ethnographique[3].
Une connaissance du corps par le mouvement
Nommer pour mieux connaître son corps
Lors des stages de formation donnés par la compagnie, les participants sont amenés à accéder à une meilleure conscience et connaissance de leur corps. Ce processus relève d’un apprentissage conscient guidé par des interactions discursives avec le pédagogue. La prise de conscience et la meilleure connaissance du corps passent notamment par la nomination des parties anatomiques. Les premières séances de travail constituent donc bien souvent une période de découverte de certaines parties anatomiques pour les stagiaires. En effet, pour la région du bassin par exemple, le coccyx, le sacrum, les ischions, le périnée, les sphincters, les lombes – ces muscles et ces os souvent mal connus – sont autant de curiosités linguistiques qui trouvent peu à peu leur place dans la chair de l’apprenti. Anselm Strauss, reprenant les philosophes pragmatistes John Dewey et Arthur Bentley, souligne à ce titre l’importance de nommer pour situer : « Nommer revient à connaître et l’on connaît dans la mesure où l’on nomme » (Strauss, 1992 : 21). Par ailleurs, des cartes d’anatomie sont régulièrement présentées et commentées aux participants, en particulier des cartes élaborées par Blandine Calais-Germain, spécialiste d’une Méthode d’anatomie pour le mouvement© avec qui Claire Heggen et Yves Marc ont eu l’occasion de collaborer.
Prenons pour exemple un mouvement proposé régulièrement en début de séance dirigée par Yves Marc et consacrée justement à cette région anatomique qu’est le bassin. La partie du bassin est souvent abordée au début des formations, car elle constitue la région centrale du corps impliquée dans le mouvement. Il s’agit, à plat dos au sol, les yeux fermés, de laisser naître un mouvement au niveau du bassin de manière imperceptible pour un observateur extérieur en suivant « le chemin de contacts sur le sol[4] ». C’est un mouvement lent et continu qui part du bassin dans un des trois plans de l’espace (inclinaison, rotation, plan antéro-postérieur) et va se transmettre progressivement aux jambes et au buste. Le participant doit ainsi accueillir les différentes sensations qui arrivent – les différents contacts plus ou moins appuyés sur le sol, les tensions et relâchements musculaires, la respiration – comme autant d’indications de mouvements à suivre. Yves Marc donne souvent l’image du « voyage » pour qualifier ce protocole : « un voyage entre Paris et Nice », expliquant que plus le chemin est lent, mieux on verra le paysage tout au long du voyage. Il souligne ainsi que, dans cette proposition, l’important est l’exploration : « là je suis au-dessus du sacrum, puis là je passe sur le coccyx, je poursuis vers une crête iliaque... ». Il s’agit progressivement d’amener le stagiaire à sentir les liaisons entre le bassin et les jambes, comme entre le bassin et la cage thoracique.
Cette exploration propose ainsi, par un mouvement lent et continu, une prise de conscience des parties anatomiques en jeu pendant l’exécution du mouvement, parties nommées par le pédagogue et qui peuvent ainsi être progressivement mémorisées par les stagiaires. L’apprenti peut donc prendre conscience de ce qui se passe tout en laissant le corps faire son mouvement, il s’agit de « s’observer faire » d’une certaine manière, en évitant tout volontarisme ou décision. Nous constatons, notamment avec l’évocation du « voyage entre Paris et Nice », que l’accent est mis sur le chemin, sur l’exploration plus que sur le but à atteindre dans l’exercice. L’aphorisme d’Étienne Decroux, « manière de faire vaut plus que faire », souvent repris lors des séances de travail, prend ici toute sa résonance. La lenteur demandée par le pédagogue permet en effet d’apprendre à mieux percevoir son corps en mouvement à partir du bassin et par là d’apprendre à mieux sentir cette région. Dans son ouvrage La conscience du corps, Moshe Feldenkrais évoque en ce sens l’importance de retrouver une perception globale de son corps :
Si quelqu’un se couche à plat sur le dos et tente délibérément de sentir ou d’analyser les sensations qu’il perçoit dans tout son corps, c’est-à-dire s’il tourne son attention vers chaque membre et chaque partie de son corps […], il constatera qu’il est facile de sentir les uns, alors que d’autres restent insensibles ou muets, et hors de sa perception […]. Les parties de son corps, dont il est le plus conscient, sont celles dont il se sert le plus tous les jours, alors que les parties muettes ou insensibles ne jouent dans sa vie qu’un rôle secondaire, et lorsqu’il agit, sont à peine présentes dans son image de soi
Feldenkrais, 1971 : 56-57
La région du bassin fait certainement partie de ces régions insensibles dans la vie quotidienne pour nombre de personnes. Les subtils mouvements du bassin proposés dans l’exploration évoquée donnent ainsi accès à une sensibilité auparavant muette. Il s’agit là d’un affinement de la sensibilité proprioceptive. Cette sensibilité dite profonde se rattache aux récepteurs sensoriels situés dans les muscles, les tendons et les articulations et permet de renseigner sur la position, le mouvement propre du corps et la force (Schmidt, 1999)[5]. Yves Marc se réfère par ailleurs aux travaux de Danis Bois, en somato-psychopédagogie[6], pour qui « la lenteur de réalisation du mouvement […] est porteuse d’un potentiel perceptif maximum » (Bois, 2001 : 65). En privilégiant la lenteur comme outil pédagogique, l’apprenti pourra ainsi prendre conscience de l’organisation de son corps dans la réalisation du mouvement et découvrir plus particulièrement de nouvelles contractions ou détentes musculaires jusque-là « imperçues » (Bois, 2001 : 65), notamment au niveau du bassin. La lenteur favorise en ce sens une attention perceptive aiguë.
Vers une qualité du mouvement
L’exploration proposée permet ainsi d’initier les participants à une meilleure conscience de leur corps, mais aussi à la précision du mouvement en lenteur[7]. Hubert Godard souligne cette importance en distinguant le mouvement lent, qui permet de corriger le geste tout au long de son exécution, et le mouvement rapide, qui rend la correction en cours de route difficile. Il affirme à ce titre que « l’élaboration d’un programme pédagogique devrait privilégier la lenteur dans la demande des précisions formelles du geste » (Godard, 1990 : 22). Un stagiaire rencontré nous a confié apprécier cette façon d’aborder le travail :
Se rendre disponible à ce qui vient, oui, comme il [Yves Marc] dit, être juste dans l’instant et puis si tu te trompes tu recommences, tu retournes en arrière… c’est vraiment l’idée de voyage, c’est vachement chouette, c’est poétique et juste au moins comme façon d’appréhender le travail. Se dire, je voyage dans mon corps, dans mon imaginaire, dans mes états[8].
Ces propos nous montrent que ce type de mouvement provoque l’imaginaire de l’apprenti. Cette proposition, alors même qu’elle pourrait présenter un caractère d’« échauffement », s’associe rapidement à une dimension ludique. Elle constitue d’une certaine manière une initiation à la lenteur comme principe de jeu. Yves Marc propose en effet la lenteur afin que les stagiaires contrôlent leur mouvement, mais il insiste également sur sa finalité créative :
Dans la lenteur, il y a une vraie dimension poétique […]. Elle amène à une déshumanisation intéressante à explorer après en création. Elle permet d’être dans la polysémie corporelle permanente, [car] le spectateur peut porter des sens différents[9].
Nous pouvons appréhender ici la dimension créative associée à la proposition de mouvement en lenteur. Les pédagogues de la compagnie insistent en effet pour que les stagiaires associent rapidement la dimension ludique au mouvement proposé et qu’ils ne restent pas dans une répétition du mouvement, qui aurait pour risque de devenir mécanique. Un mouvement en extrême lenteur continue, parce qu’il diffère catégoriquement du rythme de mouvement quotidien, peut être chargé d’étrangeté pour celui qui le regarde. En cela la lenteur est porteuse de « déshumanisation » poétique que les apprenants pourront explorer plus tard à leur guise dans une écriture de mouvements. Nous pouvons également saisir dans ses propos qu’un mouvement lent est porteur de sens multiples pour un observateur. Lors d’un entretien à la suite d’une répétition du spectacle Bugs, Yves Marc précise ce point en prenant l’exemple d’un geste de la main :
Si ma main monte lentement [il monte lentement sa main vers le cou], je pourrais très bien me saisir à la gorge, comme je pourrais très bien m’essuyer la bouche, bâiller, me masquer les yeux. Finalement non, je préfère me toucher les cheveux. Si vous voulez, moi à ce moment-là, je ressens les sens [qui passent], c’est un peu tout ce qu’on appelle l’impression corporelle, et le spectateur, lui, projette. Il y a une espèce d’attente du spectateur qui est un espace de doute […] et cela crée une tension dramatique simplement parce qu’il y a une projection du spectateur[10].
Il est possible d’imaginer la même chose pour ce type de mouvement dans la région du bassin : l’acteur va-t-il basculer sur le côté, se retourner, soulever le bassin du sol? La proposition relatée constitue également un entraînement à l’accomplissement d’un mouvement « organique », au sens, pour ces pédagogues, d’un mouvement qui suit « l’organisation logique du corps[11] ». Il est à noter que la notion d’« organicité » renvoie pour Jerzy Grotowski, selon Thomas Richards, « à quelque chose comme […] un courant quasi biologique qui vient de “l’intérieur” et qui va vers l’accomplissement d’une action précise » (Richards, 1995 [1993] : 153). Dès lors, il apparaît qu’accéder à un mouvement plus organique participe à une qualité du geste et passe par un travail préalable de relâchement des tensions musculaires, tel qu’on peut l’observer dans la proposition donnée. La qualité du mouvement dit organique, exécuté avec lenteur, va guider le participant dans la suite du travail portant sur ce qui est appelé au Théâtre du Mouvement « des fenêtres », c’est-à-dire des espaces « intracorporels » entre deux parties du corps, ou des espaces entre une partie du corps et le sol (espace qui peut se former entre le bras et le sol par exemple). En agrandissant le mouvement, en soulevant des parties du corps, le stagiaire va progressivement trouver ces « fenêtres intracorporelles », s’engager à l’intérieur, gagner en mobilité et poursuivre en une exploration des possibilités de mouvements en tentant de rester en équilibre sur un minimum d’appuis et cela jusqu’à ce que, progressivement, il se retrouve debout.
Une exploration de « la comédie du muscle »
Une mise en jeu du tonus musculaire
Lors des stages de formation donnés par la compagnie, nous pouvons également observer différents protocoles d’exploration du tonus musculaire. Le tonus musculaire est cet état de légère tension ou de contraction musculaire permanente qui constitue la base de toute activité motrice et posturale (Richard et Orsal, 2001 [1994] : 329). Dans la mesure où le niveau tonique permet la production efficace d’un geste (Bonnet, Ghiglione et Richard, 1989 : 135), la familiarisation aux jeux du tonus musculaire, c’est-à-dire aux variations des contractions, des relâchements musculaires et de leur intensité, est indispensable à tout novice praticien d’une technique corporelle. Hubert Godard souligne en ce sens l’intérêt que doivent porter les danseurs à la fonction tonique (Godard, 1994 : 72). Mise en évidence par Henri Wallon, la fonction tonique regroupe trois aspects fondateurs de la qualité d’un geste : selon Hubert Godard, « elle organise les processus gravitaires, régulant ainsi le tonus des muscles posturaux; elle réagit à la manière dont est perçue la situation du moment et sa coloration affective; elle coordonne, enfin, l’action des muscles dynamiques propres à l’exécution d’un mouvement » (Godard, 1994 : 72). Pour maintenir une posture, produire un mouvement ou exprimer une réaction face à une situation, le tonus musculaire du sujet est toujours engagé.
Pour partir d’un exemple concret, prenons le récit d’un protocole d’exploration du tonus musculaire pratiqué par la compagnie :
Il est environ 10h30, la séance a débuté par un échauffement personnel vers 10h. Les stagiaires portent une tenue souple et sont pieds nus. Claire Heggen leur propose un protocole qu’elle explique tout en montrant de quoi il s’agit. Une personne va se mettre en boule au sol. Un partenaire se place derrière et exerce sur elle de légères poussées de droite à gauche, en commençant au niveau des lombes, pour la faire basculer. Cette dernière se laisse faire, elle peut effectivement basculer sur le côté jusqu’à se mettre à plat dos pour se détendre complètement avant de se replacer en boule, mais le mouvement de bascule peut s’arrêter avant. Les stagiaires forment des groupes de deux avant de commencer. La pédagogue marche dans la salle en passant près d’eux et apporte des précisions au fur et à mesure de l’expérience. Elle s’adresse notamment aux manipulateurs : « Changez les amplitudes, les rythmes, que votre partenaire ne sache pas dans quelle partie du corps ça va avoir lieu, qu’il soit toujours dans l’imprévisibilité ». Il s’agit en effet pour les manipulateurs d’inviter leur partenaire à une plus grande réceptivité en faisant varier les points de poussée – au niveau du bassin, des fesses, ou encore des épaules – comme leurs forces. Elle poursuit : « Écoutez aussi ce que cela demande chez vous de mise en tension pour pousser, ce n’est pas juste : “je manipule l’autre”, c’est une relation qui est instaurée. Écoutez le niveau d’appui dans le sol nécessaire et la tonicité qui est engagée pour faire basculer l’autre »[12].
Un peu plus tard, elle demande aux manipulés : « Écoutez les postures dans lesquelles vous vous trouvez à la fin de la poussée, gardez un temps d’immobilité et écoutez cette posture. Chaque posture est différente, elle exprime quelque chose de différent ». Ceux-ci sont souvent en équilibre plus ou moins précaire, plus ou moins au bord de la chute sur le côté. Puis, ils échangent les rôles.
Vers 11h15, la même chose leur est demandée, mais seul, avec le souvenir des poussées exercées par le partenaire. Claire Heggen continue de les guider, ses propos sont entrecoupés de temps de silence où elle observe : « D’où part l’impulsion? Écoutez la musique. Est-ce que c’est la même musique à chaque fois? Jusqu’où je bascule? Essayez de rester un temps au bord de la chute, vous retenez et après hop ça lâche. Je vous promets l’accident… et puis je le retiens. Écoutez dramatiquement ce que cela vous raconte de passer de la plus grande alerte à la détente complète. Sentir qu’on peut se ressaisir d’un coup. Oui, voilà, l’image de l’arrêt est plus aiguë. Ce qui m’intéresse, c’est que vous sentiez le moment où la corde se tend et après on lâche, c’est ce qui est de l’ordre de la comédie du muscle ».
La même chose se poursuit debout. À la fin de l’expérience les stagiaires s’allongent au sol. « Au niveau musculaire c’est intense », lance une voix. « Oui ça fatigue, comme si on était traversé par une eau glacée », y répond quelqu’un. « En même temps c’est félin », remarque un troisième. Une stagiaire se met à rire : « je sens que j’ai un corps! ». Certains vont boire, d’autres prennent des notes ou marchent dans l’espace en s’étirant. Une pause paraît donc nécessaire, il est environ 12h30.
La pédagogue Claire Heggen propose ainsi aux stagiaires, sous la forme du protocole exposé[13], une exploration en binôme des jeux musculaires. En intervenant par son discours tout au long de l’expérience, elle guide les apprenants, leur apporte des repères. Ce dispositif didactique incite le sujet à se poser des questions dans son processus d’apprentissage (Cadopi et Bonnery, 1990 : 169). Les stagiaires sont ainsi conduits tout au long de la proposition à chercher leurs propres réponses[14]. Dans un premier temps, alors que l’expérience se déroule par deux, Claire Heggen précise que le manipulé comme le manipulateur sont actifs et doivent être attentifs à leur état musculaire de manière globale. Elle incite en effet les manipulateurs à porter attention à leurs appuis au sol et à la manière dont leur corps s’organise pour exercer la poussée. Dans un second temps, les apprenants explorent seuls, empreints de la mémoire de ce qui s’est produit précédemment. La contraction du corps dans l’arrêt, son saisissement et le temps d’immobilité demandé avant la chute sur le côté permettent une expérience de contraction et de relâchement musculaires qui concerne le corps en entier. L’image du « félin » proposée par un stagiaire à la fin de la matinée évoque l’état de saisissement de l’animal, immobile mais sur le qui-vive, prêt à sauter sur sa proie, état reconnu pour sa tonicité élevée[15]. Le fait qu’une autre stagiaire confie « je sens que j’ai un corps! » manifeste l’intensité du travail musculaire effectué durant les différentes étapes de la proposition. Enfin, dans l’exploration finale de poussée et de résistance à la poussée, qui débute en posture debout, les stagiaires sont amenés à affiner leur perception de l’organisation tonique nécessaire à ces situations de résistance. Ils résistent à la poussée avec l’ensemble du corps, de manière globale, en s’aidant des appuis des pieds au sol, et non en repoussant la main du partenaire au point de contact, c’est-à-dire d’une manière locale. Ils apprennent donc à percevoir comment leur corps s’organise de manière globale pour résister à la poussée, quelle intensité doit être donnée et quelle répercussion cela crée sur les appuis des pieds au sol – voire sur le regard et la respiration, comme cela a pu être demandé dans d’autres situations[16].
Pour aider les apprenants à développer une écoute intérieure des jeux musculaires – c’est-à-dire à affiner leur sensibilité proprioceptive –, la pédagogue utilise des métaphores dans son discours telles que « sentez ces courants internes », « écoutez la musique », « la corde se tend et lâche », et produit parfois une formule sonore pour les accompagner. Yves Marc, lors d’une autre séance où il proposa un protocole similaire, demanda aux stagiaires d’écouter « le spectre tonique, les mélodies internes ». Ces formules imagées font référence à une activité intérieure qui parcourt le corps et à ses variations d’intensité, illustrées comme des variations musicales[17]. Par ces expressions, nous pensons que ces pédagogues se réfèrent tous deux à la notion de « synergie musculaire ». Le concept de synergie que l’on doit à Nikolai A. Bernstein signifie étymologiquement travailler (ergos) ensemble (syn) (Berthoz, 2008 [1997] : 167) et fait référence à l’activation simultanée d’une série de muscles. Les synergies posturales assurent le maintien de l’équilibre (Latash, 2002 : 190), les synergies motrices, quant à elles, sont à la base des mouvements (Berthoz, 2008 [1997] : 167).
Les apprenants affinent ainsi leur sensibilité musculaire et prennent conscience de l’organisation globale de leur corps dans le maintien d’une posture. Dans ces interactions tactiles[18] et discursives avec le pédagogue et le partenaire, le novice apprend à découvrir des nuances perceptives, dans la mesure où l’apprentissage sensoriel se construit socialement (Becker, 1985 [1963])[19]. Aussi le ressenti du sujet se façonne-t-il à partir d’une action partagée et l’interprétation intersubjective qui en est donnée (Faure, 2000 : 164). Si chaque novice peut apprendre à percevoir ce jeu d’organisation tonique physiologique – pour maintenir une immobilité ou résister à une pression extérieure – et à ajuster sa posture, chacun en aura pourtant une expérience singulière[20], qu’il pourra nommer de manière différente[21].
« Je vous promets l’accident… et puis je le retiens » : la comédie du muscle
Nous pouvons remarquer dans le discours de la pédagogue des indications de jeu. En parallèle de l’écoute musculaire, il est en effet demandé aux stagiaires de porter attention aux postures dans lesquelles ils se retrouvent et ce qu’elles expriment. Les apprenants sont ainsi formés dès ce stade de l’initiation à associer les variations toniques vécues à des états. L’arrêt maintenu en contraction musculaire renvoie à un état d’alerte, de qui-vive, tandis que le relâchement total renvoie à un état de détente. Claire Heggen lance dans son discours la situation suivante : « Je vous promets l’accident… et puis je le retiens ». La contradiction entre le « je vais chuter » et le « je me retiens en arrêt » est avant tout une contradiction physique, musculaire. Mais celle-ci peut prendre une couleur métaphorique et exprimer le conflit intérieur, la contradiction de la pensée. Ce jeu de résistance est désigné comme une « comédie du muscle » par Étienne Decroux. Dans un entretien, Claire Heggen explique ce lien :
Par « comédie du muscle », Decroux entendait la mise en jeu par l’acteur de cette contradiction entre mise en mouvement et interdiction de mouvement. Celle-ci produit de la tension, de la résistance et des variations toniques, de plus ou moins grande intensité à l’intérieur du mouvement. Tension physique métaphorique d’un conflit, entre vouloir et pouvoir, et leurs multiples déclinaisons et nuances. La « comédie du muscle », qui se joue dans le corps même de l’acteur, traduit, révèle, nourrit et métaphorise le débat interne qui l’habite sur une autre scène
Huthwohl, 2012 : 46
Dans le maintien des postures en arrêt, l’apprenant explore le jeu musculaire interne nécessaire pour maintenir sa position. Cet affinement proprioceptif lui permet de s’initier à ce qui se joue dans l’immobilité si chère au mime corporel. Decroux portait effectivement l’immobilité comme un de ses principes fondateurs[22]. Il insistait : « Ne pas bouger n’est pas assez, il faut vouloir ne pas bouger » (Pezin, 2003 : 198) – un aphorisme cité régulièrement au Théâtre du Mouvement et avec lequel Étienne Decroux décrivait l’aspect actif de l’immobilité, l’action interne dans l’inaction apparente[23]. Par cet apprentissage du jeu musculaire, l’acteur reste présent dans son immobilité. Claire Heggen, lors d’une autre séance, a pu utiliser l’expression d’« immobilité habitée » pour qualifier cet état de présence. Le metteur en scène Eugenio Barba évoque précisément dans son traité d’anthropologie théâtrale, Le canoë de papier, la force de la présence immobile et vivante de l’acteur, en faisant référence au shite, l’acteur principal de nô japonais, qui, assis inerte, semble pourtant danser intérieurement. Barba emploie l’expression de « technique maîtrisée » (2004 [1993] : 57) pour qualifier cette posture, ce qui souligne précisément la nécessité d’un apprentissage de l’immobilité.
Il faudrait ajouter que l’acteur-mime aime jouer de l’imprévisibilité dans l’arrêt, ce paramètre favorisant des postures asymétriques. Pour les praticiens héritiers du mime corporel, le corps dramatique n’est en effet jamais symétrique : c’est le déséquilibre, la contradiction qui porte le drame. Thomas Leabhart, pédagogue et ancien assistant de Decroux, rapporte en ce sens l’admiration du maître pour l’équilibre précaire : « Decroux nous implorait de nous installer dans l’instable ou d’aller vers le bord du précipice ou de placer la pyramide sur sa pointe » (Leabhart, 2003a : 389; souligné dans le texte original). Des études en physiologie ont par ailleurs montré que, lors de la réalisation de tâches d’équilibre postural statique comme dynamique, les sujets novices sont plus dépendants de la vision que les sujets experts (en gymnastique, danse, acrobatie) qui, eux, ont une meilleure discrimination proprioceptive en raison de l’expertise de leur pratique (Robin, Toussaint et Blandin, 2001). De la même manière, dans leur formation, les acteurs-mimes sont amenés à développer une expertise proprioceptive relative au contrôle de l’équilibre pour incorporer le principe de « comédie musculaire » et jouer de l’immobilité en équilibre précaire.
À travers les propositions présentées au sein d’ateliers de formation de la compagnie du Théâtre du Mouvement, nous avons pu observer l’articulation entre l’attention portée aux principes physiologiques et les principes de jeu. D’abord, le travail de mouvement du bassin en lenteur décrit plus haut amène le stagiaire à une meilleure conscience et connaissance de son anatomie en mouvement – notamment par la nomination des parties anatomiques et un affinement proprioceptif –, mais l’initie également à la qualité organique du mouvement lent et à sa portée créative. La lenteur apparaît ainsi comme un outil pédagogique pertinent, tant pour l’apprentissage du mouvement que pour le développement créatif. Ensuite, nous avons suivi un travail d’exploration portant sur le tonus musculaire et initiant l’apprenti aux principes de « comédie du muscle » et d’« immobilité », notions fondamentales dans la pratique du mime corporel.
Ces protocoles sont accessibles à un large panel de publics, de tous âges et de tous horizons artistiques, dans la mesure où ils se fondent sur une approche eutonique articulée à une dimension ludique, initiant par là les participants à une dramaticité du mouvement. Nombre de praticiens de théâtre mettant en avant le corps de l’acteur-danseur comme matériau premier de la création s’appuient aujourd’hui sur des connaissances anatomiques ou physiologiques – voire sur des données propres aux neurosciences – pour nourrir leur pédagogie[24]. Initier les enseignants de théâtre à cette dimension, non seulement physique, mais anatomique et physiologique, paraît ainsi pertinent pour mener divers publics (enfants, adolescents, jeunes acteurs ou acteurs expérimentés) à une meilleure connaissance de leur corps en mouvement, nécessaire dans leur quotidien comme à leur engagement dans le jeu dramatique.
Appendices
Note biographique
Véronique Muscianisi est doctorante en Esthétique, sciences et technologies des arts (option théâtre et danse), et attachée temporaire d’enseignement et de recherche (ATER) au sein du Département d’études théâtrales de l’Université Paris 8. Elle est rattachée au Laboratoire « Scènes et savoirs » et à l’équipe Ethnoscénologie de la Maison des sciences de l’Homme Paris-Nord. Ses recherches portent sur les modalités de l’affinement sensoriel dans l’apprentissage de l’acteur dans les arts du mime et du geste en France, en particulier au sein de la compagnie du Théâtre du Mouvement. Elle a notamment publié dans la revue Les Chantiers de la création en 2011 et dans l’ouvrage Prospettive su teatro e neuroscienze dirigé par Clélia Falletti et Gabriele Sofia en 2012. Elle est cofondatrice et responsable associée de la revue en ligne Cultures-Kairós : revue d’anthropologie des pratiques corporelles et des arts vivants.
Notes
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[1]
Plusieurs manifestations ont eu lieu, en 2008 à Paris au Théâtre du Vieux-Colombier, en 2010 dans le cadre du Festival In d’Avignon, en 2012 au Festival Mimos de Périgueux et en 2013 à l’International Visual Theatre (IVT) à Paris.
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[2]
Nous suivons et participons notamment aux discussions de la commission pédagogique du Collectif des Arts du mime et du geste.
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[3]
Cette étude s’inscrit dans une perspective ethnoscénologique, qui croise les études théâtrales et la méthodologie ethnographique et où – comme pour les autres disciplines en ethnologie des arts vivants (ethnomusicologie ou anthropologie de la danse) – le statut du chercheur est aussi celui d’un praticien. La méthodologie que nous suivons comporte ainsi des observations et des descriptions de séances de formation au sein de la compagnie, des entretiens avec les pédagogues et stagiaires ainsi que notre participation pratique lors de stages. L’immersion du chercheur sur le terrain, y compris en s’initiant à la pratique qu’il étudie, est source de lien de confiance avec le groupe et d’une meilleure compréhension in vivo des discours et praxis mobilisés. François Laplantine renvoie à ce mode de connaissance spécifique que constitue l’ethnographie : « l’observation rigoureuse, par imprégnation lente et continue, de groupes humains minuscules avec lesquels nous entretenons un rapport personnel » (Laplantine, 2002 [1996] : 11). Nous renvoyons ainsi à son ouvrage La description ethnographique (2002 [1996]) ainsi qu’à celui dirigé par Christian Ghasarian, De l’ethnographie à l’anthropologie réflexive (2004), en ce qui concerne les réflexions épistémologiques au sujet de la subjectivité du chercheur dans l’enquête de terrain. Par ailleurs, nous nous appuyons dans cet article sur une terminologie issue de la physiologie, d’une part, parce que les pédagogues rencontrés, de par leur formation, utilisent un vocabulaire empreint de termes appartenant à ce champ disciplinaire auquel nous avons dû nous initier et, d’autre part, parce que traiter de la question de l’apprentissage du mouvement requiert à un moment ou à un autre d’y faire référence (nous renvoyons notamment aux travaux menés en danse par Hubert Godard [1990 et 1994]).
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[4]
Expression utilisée par Yves Marc.
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[5]
La coopération de ces capteurs sensoriels, associés à la vue et aux capteurs vestibulaires, nous donne « le sens du mouvement » ou sens kinesthésique – qualifié par Alain Berthoz (2008 [1997]) de « sixième sens » – et nous permet ainsi de percevoir le mouvement de notre corps dans l’espace.
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[6]
Danis Bois est professeur à l’Université Fernando-Pessoa de Porto. Il est fondateur de la fasciathérapie et de la somato-psychopédagogie.
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[7]
Il faut souligner que nombre de techniques du corps, comme le tai-chi chuan ou le butô, privilégient la lenteur pour la réalisation du geste. Il faut également préciser que plusieurs pédagogues associés au Théâtre du Mouvement utilisent des mouvements issus de la méthode Feldenkrais ou du butô dans leur séance de formation.
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[8]
Chanteur lyrique et danseur professionnel, ce stagiaire de quarante ans vit en Belgique. Pendant une dizaine d’années, il s’est intéressé au mouvement lors d’ateliers de conscience corporelle avec un psychomotricien et a pratiqué différents styles de danse, notamment le bharata natyam. Entretien du 2 février 2009, aux Lilas (Île-de-France, 93) après une séance de stage.
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[9]
Propos d’Yves Marc au cours d’un stage, le 29 janvier 2009.
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[10]
Propos d’Yves Marc tirés du documentaire « À propos de Bugs », dans Bugs, captation du spectacle édite par la compagnie, 1992.
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[11]
Expression souvent utilisée lors des stages.
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[12]
Ce récit est issu de nos notes prises au cours de la séance du 9 octobre 2009 dirigée par Claire Heggen, lors d’un stage portant sur « la musicalité du mouvement et la théâtralité », donné au studio de la compagnie à Montreuil (Île-de-France, 93). Ce jour-là, nous étions en position d’observatrice – assise dans un coin de la salle avec cahier et stylo –, mais nous avons eu l’occasion de participer à une proposition similaire plus tard, lors d’un autre stage, en position d’apprenante. Le stage de formation s’adresse à des artistes professionnels de tous horizons. Si une majorité de comédiens suivent les formations de la compagnie, ces dernières comptent également des danseurs, des circassiens et des marionnettistes.
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[13]
Les praticiens de la compagnie préfèrent parler de « protocole », d’« exploration », de « recherche » et non d’« exercice », pour insister sur l’activité consciente de l’apprenant et pallier ainsi au risque de la répétition mécanique. Il faut également préciser qu’une variété de situations peut être proposée dans les formations de techniques corporelles pour mettre en jeu le tonus musculaire. Chaque situation pose un point de vue pédagogique particulier. Pour ces praticiens, par exemple, il est impensable de faire faire des séries d’abdominaux.
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[14]
En ce sens la recherche demande du temps, le protocole durera près de deux heures.
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[15]
La fonction tonique est associée à l’état de vigilance du sujet (Bonnet, Claude, Rodolphe Ghiglione et Jean-François Richard, 1989 : 135). Il faut également mentionner qu’Étienne Decroux évoquait dans ses cours l’immobilité active du chat prêt à sauter sur une souris (voir en particulier Thomas Leabhart, 2003b : 478).
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[16]
Les modulations toniques agissent sur le regard et la respiration.
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[17]
Au sujet de l’utilisation des métaphores dans l’apprentissage du mouvement, voir notamment Faure, 2000, pour le processus d’incorporation en danse.
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[18]
Ces interactions tactiles pourraient être qualifiées d’« attentives », car Claire Heggen insiste, dans son discours, sur la relation du toucher établie avec le partenaire.
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[19]
Howard Becker souligne en effet dans son ouvrage Outsiders : études de sociologie de la déviance (1985 [1963]), prenant l’exemple du fumeur, que l’apprentissage perceptif se construit en interaction avec d’autres pratiquants plus expérimentés.
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Certains auront par exemple plus de facilité dans l’extrême tension que dans le relâchement, et inversement.
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[21]
Nous remarquons que les images qui ressortent dans les discours des stagiaires à l’issue de l’expérimentation sont très différentes : « un félin », « de l’eau glacée », « j’ai un corps ». Chaque personne nommera ainsi son ressenti de manière singulière. David Le Breton (2006 : 31) souligne en ce sens la difficulté de mettre en mots un ressenti et l’effort d’imagination nécessaire à l’individu pour en traduire la finesse.
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[22]
Il confiait : « Le mime, c’est l’immobilité », reprenant les propos de Charlie Chaplin (voir Decroux, 2001 [1978] : 35).
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[23]
Au regard de ce qui précède nous pourrions préciser : l’activité motrice dans l’immobilité. Pour un développement sur la question de l’immobilité au Théâtre du Mouvement, nous renvoyons à Muscianisi, 2011.
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[24]
Nous pouvons mentionner à ce titre Eugenio Barba, Phillip Zarrilli ou encore Alexandre del Perugia.
Bibliographie
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