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Introduction

Le processus d’immigration a longtemps été étudié à travers les expériences de personnes hétérosexuelles et cisgenres, et sans prendre en compte l’influence de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre dans la structuration de maints aspects de l’expérience migratoire (Gopinath, 2018 ; Luibhéid, 2004 ; Peumans, 2018). Le but de cet article est d’analyser les relations de pouvoir qui découlent de l’imbrication de l’identité LGBTQ, du parcours migratoire et de l’ethnicité (voir Juteau, 2015, pour une définition de l’ethnicité) et la manière dont ces relations influencent certains aspects de la vie de personnes ayant migré au Québec.

D’abord, nous passons brièvement en revue les écrits sur l’immigration des personnes queers. Ensuite, nous rappelons que l’intersectionnalité est née de la préoccupation de femmes noires qui s’opposaient à ce que l’expérience des femmes ne soit conceptualisée qu’à travers le vécu des femmes blanches, en négligeant ainsi le racisme. Les rapports de pouvoir qui affectent les personnes situées à l’entrecroisement de multiples identités sont au coeur de cette approche. L’intersectionnalité pose ainsi un regard critique quant aux effets de normalisation et d’homogénéisation qui se produisent lorsque les identités sont appréhendées de manière essentialisante, et sa mobilisation est fondamentale dans la compréhension de l’expérience migratoire, vécue à travers divers aspects identitaires. Finalement, après une brève section méthodologique, nous analysons certaines dimensions de l’expérience post-migratoire de sept immigrant·e·s LGBTQ de différentes origines ethnoculturelles qui habitent à Montréal, en traçant un panorama de l’emprise des rapports de pouvoirs dans deux sphères de leurs vies : leur relation avec la société d’accueil et l’intégration au marché de travail.

Les études sur l’immigration queer

L’immigration a longtemps été étudiée à partir de cadres théoriques qui insistaient surtout sur l’aspect économique du phénomène, sur les enjeux liés à la (re-)construction de l’identité culturelle en contexte post-migratoire, sur les relations interethniques se déployant entre les communautés culturelles et sur les conséquences dans la société qui reçoit ce flux important de personnes (Castles, De Haas et Miller 2013 ; Gold et Nawyn, 2013). Depuis le début des années 2000 (Luibhéid, 2008), plusieurs recherches en contexte étasunien se sont penchées sur une autre composante identitaire, longtemps négligée dans l’analyse : l’orientation sexuelle des immigrant·e·s. Ce champ d’études, connu depuis comme celui de l’immigration queer [queer migration], met en avant la sexualité comme facteur structurant de maints aspects de l’expérience migratoire (Luibhéid, 2004) et de la reconfiguration des pratiques identitaires (Asencio, 2009) dans la société d’accueil. Plusieurs textes centraux dans ce champ mobilisent l’approche intersectionnelle et placent la sexualité comme un axe de pouvoir en l’analysant dans son imbrication avec d’autres aspects identitaires comme l’origine ethnoculturelle, la classe sociale, la religion et la « race ». Le mot sera toujours employé entre parenthèses dans ce texte pour dénoter son inexistence sur le plan biologique et sa construction sur le plan social.

La plupart des recherches empiriques portent sur les personnes du Sud global qui ont migré vers le Nord global. Une telle division ne fait pas référence à un espace géographique, « mais à un espace-temps politique, social et culturel. C’est une métaphore des souffrances humaines injustes causées par l’exploitation capitaliste, la discrimination raciale et la discrimination sexuelle » (Santos, 2020, p. 15, traduction libre). Le Nord global désigne les pays responsables d’imposer le colonialisme et l’impérialisme sur le Sud. Il s’agit d’un système de pouvoir structuré globalement qui accorde aux pays du Nord un lieu de supériorité symbolique et matérielle vis-à-vis des pays du Sud global. Ainsi, les écrits tant théoriques qu’empiriques sur l’immigration queer portent un regard critique sur les relations de pouvoir qui découlent de la période coloniale et qui laissent une empreinte, encore de nos jours, dans la vie de ceux et celles qui sont issus des anciennes colonies.

Certains auteurs attirent l’attention sur les limites du discours narratif de la rédemption à propos de la migration des personnes LGBTQ, selon lequel le pays d’origine serait invariablement oppresseur et contraignant vis-à-vis des personnes queers alors que la société d’accueil représenterait leur sauvetage (Peumans, 2018 ; Luibhéid, 2008 ; Guðmundsdóttir et Skaptadóttir, 2017). Pour Peumans, ce type de discours narratif selon lequel les pays du Nord global sont considérés comme une terre démocratique où règne la liberté sexuelle masque les obstacles comme la discrimination et le racisme que ces immigrant·e·s peuvent subir de la part de la société en général ainsi que de la population LGBTQ locale. Tandis que certains pays du Sud global imposent des contraintes liées à une orientation sexuelle et à une identité de genre non normatives, la société d’accueil est réputée pour procurer plus de liberté dans ce domaine. Or, si certaines possibilités s’ouvrent sur le plan de la sexualité ou de l’affirmation du genre, des difficultés surgissent dans la vie des personnes dont l’origine ethnoculturelle porte un marqueur qui les place à l’intérieur d’un rapport de pouvoir avec le groupe majoritaire.

Qu’en est-il des immigrants queers du Nord global, catégorie presque inexistante dans les études sur l’immigration queer ? Dans un article présentant une revue de littérature sur l’expérience post-migratoire des gais et lesbiennes (Fournier, Brabant, Dupéré et Chamberland, 2018), on constate que la grande majorité des recherches recensées porte sur les personnes du Sud, dont l’immigration serait en partie motivée par une prétendue liberté offerte par le Nord global sur le plan des droits des personnes LGBTQ. Outre une certaine homogénéisation des parcours migratoires qui postule une direction univoque (du Sud vers le Nord), ces études délaissent une dimension importante du phénomène, vu que l’obtention des droits des personnes LGBTQ ne s’est pas déroulée de la même manière partout au Nord global et que certains droits ont été d’abord obtenus au Sud global. Les enjeux juridiques relatifs aux droits civils des personnes homosexuelles sont complexes, et notre but n’est pas ici d’examiner cette dimension. Pour ne donner qu’un exemple, l’Argentine a reconnu le mariage entre personnes du même sexe en 2010, soit avant certains États des États-Unis, pays où il n’a été reconnu qu’en 2015 sur l’ensemble du territoire.

Lorsque les études sur l’immigration queer mettent en exergue le processus d’ethnicisation auquel les personnes du Sud global sont assujetties dans les sociétés du Nord global (Fechter et Walsh, 2010 ; Fournier et al., 2018), tout en tenant à l’écart les déplacements à l’intérieur du Nord global, une série de problématiques relatives à ce phénomène migratoire demeure méconnue, notamment les différences entre les différentes sociétés du Nord global et les privilèges concrets dont disposent les individus qui en proviennent. Dans notre étude, l’échantillon comprend deux participant·e·s du Nord global et cinq du Sud. Leurs histoires de vie nous montrent comment le pays d’origine exerce une influence majeure sur l’intégration dans la société d’accueil. En étudiant le phénomène à travers le vécu d’immigrant·e·s LGBTQ d’origines variées, nous verrons que la construction de leurs histoires de vie repose sur des interactions quotidiennes où les rapports de pouvoir s’imposent de manière diversifiée.

L’approche intersectionnelle pour un groupe à identités multiples : les personnes immigrantes LGBTQ

L’intersectionnalité trouve ses racines dans le féminisme noir confronté, aux États-Unis et en Grande-Bretagne, à l’impossibilité de mener une lutte aux côtés des hommes noirs, qui se battaient surtout contre le racisme, mais aussi aux côtés des femmes blanches, dont l’antagoniste principal était le patriarcat (Cooper, 2015). Ce féminisme a montré que les expériences des femmes noires ne pouvaient pas être comprises seulement à travers leur vécu en tant que femmes ou en tant que noires, que la complexité de leurs vies requérait de prendre en compte l’imbrication de plusieurs systèmes de pouvoir, en particulier le racisme, le sexisme, le capitalisme et l’hétérosexisme (Combahee River Collective, 1977). L’approche intersectionnelle renvoie donc à un ensemble de travaux théoriques et empiriques qui analysent l’articulation située et historicisée d’une série de catégories de pouvoir comme la « race », le sexe, le genre et la sexualité (Bilge, 2014 ; Chamberland et Théroux-Séguin, 2014 ; Guidroz et Berger, 2009).

Le refus de l’essentialisation des expériences des individus qui partagent une même identité sociale forme le socle de l’approche intersectionnelle. Les différences présentes à l’intérieur d’un groupe donné doivent être prises en compte afin de démontrer la façon dont les systèmes de pouvoir s’imbriquent et se constituent mutuellement. Les personnes ayant une identité commune peuvent faire face à des imbrications de pouvoirs distinctes. C’est le cas de la population analysée ici, soit les personnes LGBTQ qui sont passées par le processus d’immigration. Les enjeux auxquels elles font face diffèrent principalement selon leur lieu d’origine (notamment entre Nord global et Sud global), leur orientation sexuelle, leur identité de genre, leur « race », leur classe sociale et le contexte sociohistorique dans lequel elles se présentent.

La relation entre l’identité et l’intersectionnalité a maintes fois été analysée (Alcoff, 2000 ; Cooper, 2015 ; Collins et Bilge, 2016 ; Hames-García, 2006 ; Luft et Ward, 2009 ; Sánchez, 2006). La distinction entre essentialisme et constructivisme (Alcoff, 2006 ; Chamberland, 1997) ainsi que la clarification établie par rapport au fait que l’intersectionnalité n’est pas une théorie des identités multiples reviennent souvent dans les écrits sur ce sujet. Certes, l’intersectionnalité reconnaît la subjectivité des individus qui expriment une combinaison variée de leurs facettes identitaires (genre, « race », sexualité, religion, etc.). Néanmoins, l’approche intersectionnelle va au-delà d’une analyse des identités personnelles et vérifie comment certaines identités constituent des catégories de pouvoir qui placent la vie des individus, et cela malgré eux, dans une position sociale défavorable, traversée par des systèmes de pouvoirs imbriqués. Ici, il n’est pas question de s’identifier ou non avec un groupe ni d’avoir ou pas une conscience politique en lien avec une identité donnée. Car, quoi qu’il en soit, cela ne change pas la manière dont l’individu est perçu par la société majoritaire lors d’une interaction quelconque, ni n’efface les rapports sociaux de pouvoir auxquels il est assujetti par le fait de présenter telle ou telle caractéristique.

Méthodologie

Cet article se base sur des entrevues réalisées dans le cadre du projet SAVIE-LGBTQ. Le volet qualitatif du projet a fait appel à la méthode des récits de vie, collectés en deux temps, afin de faire ressortir les moments déterminants de la trajectoire de vie des participant·e·s. Une première rencontre visait à tracer un panorama de leur vie à l’aide de blocs de questions thématiques concernant la famille, le travail, l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les réseaux sociaux de soutien. Avec les informations alors fournies, l’intervieweur·euse construisait un calendrier de vie du ou de la participant·e. Lors d’une seconde rencontre ayant pour but de cerner les épisodes les plus marquants d’inclusion et d’exclusion, la personne interviewée validait le calendrier puis choisissait entre trois et cinq moments importants de sa vie en lien avec son orientation sexuelle ou son identité de genre. Elle était ensuite invitée à expliquer ses choix, les impacts que chacun des événements retenus avait exercés sur sa vie et à relater si, au-delà de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, d’autres aspects identitaires, comme l’origine ethnoculturelle, la « race », l’âge, etc., avaient exercé une influence sur les moments d’inclusion et d’exclusion identifiés.

Au moment de la réalisation de cet article, l’échantillon du projet-SAVIE-LGBTQ comptait sept personnes avec un parcours migratoire. Ces entrevues ont été soumises à une analyse thématique, en prévision d’identifier et regrouper (Paillé et Mucchielli, 2012) les thèmes transversaux à l’expérience migratoire. Vu que certains thèmes n’étaient présents que chez les participant·e·s du Sud global, les récits ont ensuite été réunis sous la catégorie « nationalité » afin de comparer les récits des personnes du Sud global et du Nord global.

Chaque regroupement, thématique et par catégorie, a été évalué à travers la mobilisation de l’approche intersectionnelle, l’objectif étant de cerner comment les expériences de vie se rapportent aux structures sociales, comme les systèmes et les opérateurs de pouvoirs, qui se manifestent à l’intérieur des contextes sociaux dans lesquels les individus transitent (Bilge, 2009 ; Cuádras et Uttal, 1999). L’absence d’extraits, chez les deux participantes du Nord global, en lien avec certains thèmes identifiés, notamment le discours altérisant ou renvoyant à l’ethnicité, a permis une analyse identifiant de quelle manière les structures sociales privilégient, de manière symbolique et matérielle, ces sujets.

Notre analyse se fonde sur les récits de vie de sept personnes. Par rapport à l’identité de genre, l’échantillon comporte trois femmes cisgenres, un homme cisgenre, une personne marimacha (voir tableau 1 pour la définition) et deux personnes non binaires. Leur orientation sexuelle se décline ainsi : une personne pansexuelle, deux personnes lesbiennes, trois personnes bisexuelles et une personne queer. En ce qui concerne le pays d’origine, chacune a des origines ethnoculturelles distinctes, sauf pour les deux compatriotes d’origine française. Tous sont très scolarisés, ayant atteint le niveau collégial (2/7) ou universitaire (5/7). Au moment de l’entrevue, tous résidaient à Montréal. Filomena est née au Québec de parents autochtones péruviens, étant ainsi la seule immigrante de deuxième génération. Nikita est né en Israël, mais ses parents sont d’origine ukrainienne, comme iel l’explique : « les deux [ses parents], ils parlent russe et ukrainien. Avec nous [iel et sa soeur], ils parlent plus russe. Ils se sentent plus soviétiques qu’ukrainiens. » Comme on le verra, cela exerce une grande influence dans sa vie. Le tableau 1 présente leur portait sociodémographique, avec le pseudonyme de leur choix. L’orientation sexuelle et l’identité de genre sont présentées telles que les personnes interviewées les définissent.

Tableau 1

Caractéristiques sociodémographiques de l’échantillon (n = 7)

Caractéristiques sociodémographiques de l’échantillon (n = 7)

a Nikita nous a demandé d’utiliser le pronom iel et d’être genré au masculin.

b Filomena explique que marimacha est l’équivalent en espagnol de gouine. Le terme est une insulte qui véhicule l’idée de féminin et masculin à la fois et elle veut se l’approprier : « Dans ma tête, j’aimais ça, c’est mon genre. C’est marimacha, parce que ça ne marche pas, ça ne cadre pas dans la norme. C’est être femme aussi, mais c’est justement de ne pas être femme, c’est le contraste qui est supposé être une femme ».

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Il va sans dire qu’il s’agit d’un échantillon très diversifié, les dénominateurs communs étant l’appartenance à la diversité sexuelle ou de genre et le parcours en tant qu’immigrant de première ou, dans un cas, de deuxième génération. Cet échantillon ne peut donc pas être considéré comme représentatif d’une catégorie spécifique de population. L’objectif ici n’est pas de faire une recherche positiviste ni de décrire un modèle type de parcours de vie selon l’orientation sexuelle, le pays d’origine, ou n’importe quelle autre dimension de la vie des participants, mais plutôt de faire une analyse qui dresse un panorama des rapports de pouvoir qui s’imposent quand plusieurs identités sont présentes dans la vie d’un individu.

Résultats : l’origine ethnoculturelle et les défis relevés dans la société d’accueil

Deux thèmes centraux seront traités dans l’analyse des entrevues. Nous abordons d’abord la représentation stéréotypée et négative de l’origine ethnoculturelle des participant·e·s du Sud global et son influence dans leurs interactions avec la société d’accueil. Ensuite, il sera question de montrer comment les défis d’intégration au marché de travail sont différents selon le pays d’origine, les participant·e·s du Nord global ne rencontrant pas les mêmes obstacles que ceux du Sud.

Une bienveillance condescendante provenant de la société d’accueil

Les participant·e·s du Sud global témoignent que dans certaines interactions, leur origine ethnoculturelle fait jaillir un discours condescendant, mais qui se veut bienveillant, de la part des personnes hétérosexuelles et LGBTQ de la société d’accueil. Des commentaires couramment entendus à la suite de la divulgation de leur pays d’origine, expriment l’idée préconçue qu’ils viennent d’un pays où la majorité, voire toute la population, est homophobe :

On dirait que les gens aussi assument que parce que tu viens des pays du Sud, ça va être plus homophobe, que c’est des pays plus arriérés à ce niveau-là, donc ça s’alimente à ce niveau-là.

Filomena

Mais sinon, je trouve qu’il y a aussi de l’exclusion de la part de Blancs d’ici envers les personnes russes, parce que : « Ah ! Ils sont homophobes ! » Ou ils essaient de te dire à quel point tu es opprimé, toi. Et c’est comme « ta gueule ! »

Nikita

Avec le déplacement géographique que les participants du Sud global ont fait vers un pays du Nord global, iels passent par un processus d’ethnicisation. Autrement dit, la société majoritaire leur attribue une série de caractéristiques essentielles qu’elle voit comme inhérentes à leur origine ethnoculturelle. Leurs propos corroborent l’analyse de Eberhard et Rabaud : « On ne naît ni Noir, ni Arabe, ni racisé, ni — plus globalement — minoritaire, mais on le devient au terme d’un processus d’apprentissage des classements sociaux, c’est-à-dire des statuts et des rôles dévolus ou assignés par la mise en minorité » (2013, p. 85).

Comme on le voit avec les prochains extraits, ce processus qui s’impose aux immigrant·e·s des pays du Sud global ne se manifeste que pour eux. Selon la perception des deux participantes du Nord global, la société française serait plus homophobe que la québécoise. Cependant, à aucun moment pendant l’entrevue, elles n’ont signalé avoir vécu une interaction avec un Québécois ou une Québécoise pendant laquelle une vision tendancieuse et limitante de la France était présente.

Puis, j’habitais aussi dans une ville très conservatrice. Déjà rien que le fait qu’il y ait une boîte de nuit pour les gais et lesbiennes, c’était déjà énorme ! On risquait de se faire taper dessus quand on sortait, oui. C’était un milieu très conservateur, catholique.

Mirabelle

Ici, c’est très bien reçu. Mais en France, c’est… Je le dis [son orientation sexuelle] mais il faut que je sache que je suis dans un endroit sécuritaire. Des fois, ça s’est passé que ce n’était pas dans un endroit sécuritaire et qu’au final le gars était homophobe. Là bien, j’étais avec mon ex qui ne laisse pas sa langue dans sa poche, donc ça a mal fini cette soirée… Après, je sais qu’il y a des gens que ça a gênés, après ils nous parlaient plus.

Frédérique

Souvent, c’était bien parce que je parle avec des personnes ouvertes d’esprit, ici, donc je peux être moi-même pour ça. Mais avant [en Algérie], je ne parlais pas.

Cirta

Le dernier extrait provient de l’entrevue de Cirta, un participant du Sud global qui dit sensiblement la même chose que Frédérique. Or, s’ils partagent un vécu semblable en ce qui touche leur orientation sexuelle, soit le sentiment d’être plus en sécurité pour parler de leur orientation sexuelle au Québec que dans leur pays d’origine, cette similitude ne se reflète pas dans d’autres aspects de leurs vies. Leur origine ethnoculturelle leur confère des positionalités différentes au Québec. Parce qu’il est originaire du Sud global, Cirta ne profite pas des mêmes privilèges que Frédérique lorsqu’il est en interaction avec les membres de la société majoritaire, comme on le verra plus en détail dans la section sur le marché de travail.

Les propos tenus par Zinna témoignent eux aussi du processus d’ethnicisation auquel elle est assujettie après son immigration. En arrivant au Québec, dans une ville de taille moyenne, elle a décidé de participer à l’association LGBTQ de l’université qu’elle fréquentait, mais rapidement elle s’est aperçue qu’elle s’identifiait comme LGBTQ, mais pas comme blanche, alors que les autres membres de l’association avaient une interprétation occidentalo-centrée de son vécu :

Je l’ai senti parce que rapidement, quand je parlais de mes parents, ou quand je parlais de la société dans laquelle je vivais, rapidement il y avait juste l’étiquette homophobie, sans comprendre les nuances d’effet de société, le fait que j’avais vécu plein de choses là-bas… c’était… Il y a le racisme qui embarquait et l’homophobie qui embarquait. L’étiquette homophobie par défaut.

Zinna

Mirabelle n’a jamais fait son coming out à ses parents vivant en France et nous relate la situation qui l’a dissuadée de le faire :

Donc je ne sais pas comment la conversation est arrivée, mais je me rappelle, ma mère était à ma gauche, mon père était à ma droite. Puis mon père a dit « tu pourras te marier avec qui tu voudras, un Noir, un Asiatique, un Arabe, je m’en fous, mais jamais une femme à la maison. Tu ne ramèneras pas une femme à la maison. Il n’y a pas de ça chez nous. » […] Pour moi, c’est une rupture. C’est comme si toute une somme de possibilités se fermait, de rapports avec mes parents, de dialogues, d’honnêteté, de confiance, c’était fini. C’est ça, c’était mort puisqu’avec cette phrase, c’est comme s’il m’interdisait d’être moi-même.

Mirabelle

Ces deux témoignages mettent en relief le caractère géohistorique des relations de pouvoir. Pour les personnes de l’association LGBTQ universitaire, il n’y avait que la manière occidentale de faire partie de la diversité sexuelle ou de genre. Bien que leur attitude puisse avoir été irréfléchie, elle dénote un manque d’ouverture envers les personnes LGBTQ du Sud global. Leurs commentaires reflètent une lecture simpliste du vécu de Zinna, qui s’est sentie exposée à des propos racistes et à des jugements négatifs sur sa société et ses parents, les deux étant étiquetés comme homophobes.

Malgré le conservatisme de la société française, dont nous font part Mirabelle et Frédérique, ce type d’interaction caractérisée par une altérisation ne fait pas partie de leur vécu. Aucune des deux ne témoigne de l’occurrence d’un discours condescendant de la part de la société d’accueil lorsque leur origine ethnoculturelle devient un thème de conversation. Même si les parents de Mirabelle ont des préjugés envers les personnes LGBTQ et qu’elle dit venir d’une ville conservatrice, son origine française offre un blindage à une interprétation réductrice et biaisée de son vécu.

Certaines analyses qui portent sur la construction de l’ethnicité prétendent que les marques qui définissent les frontières ethniques sont établies d’après l’existence d’un rapport social entre la société majoritaire et les personnes appartenant aux minorités ethnoculturelles (Juteau, 2015). Les expériences post-migratoires des participant·e·s démontrent que ces rapports sociaux à l’intérieur de la société dérivent des rapports de pouvoir transnationaux. Certain·e·s auteur·e·s avancent que les rapports entre Nord et Sud ont donné naissance à des processus sociaux responsables de racialiser les personnes immigrantes issues des anciennes colonies et de privilégier celles originaires des pays colonisateurs (Eid, 2018 ; Kebabza, 2006). Ainsi, les immigrants issus de ces derniers pays bénéficient des privilèges découlant des rapports de domination instaurés dans la période de colonisation, qui a structuré maints aspects de l’histoire des sociétés contemporaines et des relations qui se tissent entre elles et leurs habitants (Eid, 2018 ; Hall, 1992 ; Santos, 2020).

L’intégration au marché de travail

Selon la conception de Collins et Bilge (2016), les catégories de pouvoir (sexe, classe, « race », etc.) s’insèrent dans des domaines de pouvoir plus larges. Sur les quatre domaines de pouvoir qui y sont définis, nous nous focaliserons ici sur le domaine culturel. Celui-ci reflète un ensemble de croyances soutenant l’idée que tous partent du même point de départ et ont donc la même chance d’atteindre leurs objectifs. Par rapport à l’accès au marché du travail, les témoignages des participant·e·s nous montrent le fonctionnement d’une série d’opérateurs de pouvoir qui privilégient certains individus et en défavorisent d’autres. Voyons d’abord les récits de quelques participant·e·s du Sud global.

En tant que personne immigrante, je n’ai pas vraiment de connexion. J’ai vraiment l’impression que c’est à cause de ça que je ne peux pas trouver d’emploi. Puis en plus, on ajoute le fait que je ne passe pas pour un gars, je suis gros et tout ça, en première impression, ça fait que tes chances d’être engagé sont plus petites. […] Un autre été, j’ai fait un mois d’entrée de données. Ça, c’est parce que je connaissais la fille du monsieur qui était l’employeur. Donc ça, c’est comme une seule connexion qui m’a servi. […] Le travail, c’est tellement une sphère que je trouve beaucoup plus conservatrice, même si je ne sais pas à quel point mes impressions sont fondées. Comment dire ? À moins que je travaille dans un organisme que je sais qui a des personnes LGBT, j’utilise mon nom légal et je ne dis rien. Je préfère juste subir les microagressions que personne ne sait qu’il cause et avoir mon argent. C’est soit se faire mettre à la porte parce que les gens ne veulent pas dealer avec ça, c’est trop compliqué de respecter un nom, soit c’est juste être inconfortable puis bon… C’est triste, mais je suis habitué à ne pas être confortable et s’il le faut, il le faut.

Nikita, bisexuel et non binaire

Nikita considère qu’iel est en désavantage dans la recherche d’un emploi pour plusieurs raisons. D’abord, en tant qu’immigrant, iel considère ne pas connaître suffisamment de personnes pour lui fournir une recommandation favorable. L’un des rares étés pendant lesquels iel a travaillé, c’était grâce à un contact. Ensuite, Nikita mentionne être gros, explicitant que la grossophobie est un obstacle pour l’obtention d’un emploi. Finalement, iel détaille les défis liés à son identité de genre en milieu de travail : soit Nikita ne révèle pas son identité de genre et subit des microagressions venant de ses collègues de travail qui présument de son genre de manière cisnormative, soit iel révèle être non-binaire et demande l’utilisation de ses prénom et pronom choisis, ce qui finit par ne pas être respecté ou bien par générer de l’inconfort. Dans cet extrait, on voit comment l’imbrication de la cisnormativité, de la grossophobie et de l’ethnicité exerce une influence négative sur les possibilités d’emploi de Nikita.

En Algérie, Cirta a fait un baccalauréat et une maîtrise en droit. Il était enseignant dans une université. Une fois arrivé au Québec, il a fait une autre maîtrise et dit avoir des difficultés à trouver un travail dans le domaine qu’il souhaite. Au Québec, Cirta a déjà travaillé comme préposé aux bénéficiaires et il était au chômage lors de l’entrevue. Il nous raconte avoir trouvé un emploi dans une petite ville en Colombie-Britannique comme moniteur de langue française dans une école primaire grâce à un programme gouvernemental fédéral, mais son expérience n’a pas été positive, étant donné qu’il a été congédié sans vraiment comprendre ce qui lui est arrivé :

Je suis allé dans cette école, j’ai commencé à travailler. J’ai senti une sorte de méfiance dès le premier jour [de la part] des professeurs. […] Le problème, des fois, ils savent mon orientation sexuelle. Mais moi, j’ai comme trop de facteurs, des fois je me dis : est-ce que c’est à cause de mon orientation sexuelle ? Est-ce que c’est à cause de mon origine arabe musulmane ? Il y a trop de facteurs […] Pour moi, ce n’était pas clair.

Cirta

D’abord, notons la différence significative entre ce qu’il faisait en Algérie et ce qu’il a trouvé comme emploi au Canada : de professeur universitaire à moniteur de langue française dans une école primaire. Ensuite, les mots de Cirta rejoignent le concept de l’intersectionnalité qui insiste sur le fait que les différents aspects de la vie sociale ne peuvent pas être dissociés de manière claire et indubitable (Brath et Phenix, 2004). Cirta reconnaît posséder plusieurs marqueurs qui peuvent être la source des préjugés subis à l’école, comme son orientation sexuelle, son origine ethnoculturelle et sa religion, mais il n’est pas capable d’identifier s’il y a eu un facteur central. Il a porté plainte contre l’école à une instance chargée de faire respecter les droits de la personne.

Zinna possédait elle aussi un bac et une maîtrise obtenus au Maroc et elle y avait amorcé une carrière en journalisme. Elle a eu une bourse du gouvernement marocain pour faire un doctorat au Québec, qu’elle a terminé en quatre ans. Questionnée sur son emploi actuel, elle nous dit « continuer à galérer avec un diplôme de doctorat ». En attendant de trouver un travail dans le milieu de la recherche, elle avait, au moment de l’entrevue, un contrat d’auxiliaire de recherche avec son directeur de thèse.

Sandra nous raconte qu’au Brésil, elle était propriétaire d’un condo dans un quartier aisé, elle avait un bac et une carrière bien établie. Mais, en arrivant au Québec, elle a dû travailler dans un dépanneur, retourner aux études et après quelques années, elle a obtenu un emploi d’agent de bureau dans la fonction publique. Aujourd’hui, elle travaille comme professionnelle, mais ça lui a pris quelques années avant d’obtenir le poste.

[…] mais la vraie vie ici, c’est très difficile… j’ai travaillé dans un dépanneur, pour payer le loyer et pour pratiquer mon français. […] Donc… je commençais vraiment au bas de l’échelle pour entrer [à la fonction publique]… C’était très bien, j’ai passé 4 ans comme agente de bureau, mon salaire suffisait pour payer mes choses.

Sandra

Ensuite, il y a le témoignage de Filomena, née au Québec et y ayant fait ses études, mais qui porte un nom de personne racisée. Voici ce qu’elle nous dit :

Déjà que pour les emplois, ce n’est tellement pas le fun. Tu vis tellement de rejet. Je voyais des différences avec, mettons, une amie qui cherchait en même temps, une amie blanche, en fait, qui avait plus de réponses. En fait, maintenant, je sais que j’ai des ami·e·s racisé·e·s qui changent leur nom de famille sur leur CV. Maintenant, pour des petites jobs, c’est quelque chose que je ferai dans le futur. Dans tous les cas, c’est déjà comme un peu pas le fun.

Filomena

Les théoriciens critiques de la « race » Solórzano et Yosso (2002) qualifient d’« histoire majoritaire » [majoritarian stories] les histoires qui sont toujours racontées du point de vue des personnes situées au sommet de la pyramide des privilèges, soit les hommes blancs, hétérosexuels, cisgenres et de classe moyenne ou supérieure, lesquelles histoires finissent par désigner ces positionnements sociaux comme des points de références naturels ou normatifs. Elles fonctionnent comme un cycle perpétuel qui maintient l’invisibilité des personnes qui n’occupent pas ces positions privilégiées dans la société et masque des rapports sociaux de pouvoir spécifiques auxquels certaines personnes font face, comme c’est le cas des personnes ethnicisées à l’intérieur de la communauté LGBTQ. Le vécu de Nikita et des autres participant·e·s originaires du Sud global diffère des histoires majoritaires, qui défendent l’existence d’une méritocratie où, grosso modo, tous peuvent atteindre leurs buts en travaillant fort et en faisant le nécessaire pour le mériter. La méritocratie ignore le fonctionnement d’une série d’opérateurs de pouvoir qui créent des inégalités.

Pour finir, voyons la situation des participantes françaises. Frédérique travaille dans le milieu de la mode et, au moment de l’entrevue, elle était en train de créer sa propre entreprise. Quand on lui a demandé si elle avait déjà eu des difficultés à trouver un emploi, Frédérique a répondu que cela est arrivé dans sa ville natale sans aucunement mentionner Montréal. De son côté, Mirabelle, arrivée au Québec à l’âge de 33 ans, n’est pas retournée aux études depuis et n’a pas eu de difficulté à se trouver un emploi. Elle travaille toujours dans le même domaine qu’avant son immigration. On voit que pour Mirabelle, la quête d’emploi dans la société d’accueil s’est déroulée sans anicroche :

Quand je suis arrivée au Québec en 2008, là je suis rentrée dans ce centre de documentation. J’y ai travaillé jusqu’en 2012. Ensuite, j’étais moins du côté bibliothèque, mais développement professionnel dans le milieu de la formation des adultes, salariée et à mon compte, comme travailleuse autonome à partir de 2015. Et puis, donc, j’ai été travailleuse autonome trois ans, puis je viens juste de commencer à retravailler dans ce centre de documentation.

Mirabelle

Les rapports des participantes d’origine française nous montrent que leur position dans le marché de travail est demeurée intacte, malgré l’immigration. Autrement dit, le déplacement géographique n’a pas exercé d’influence sur le type de poste auxquels elles ont accès. Leur situation diffère considérablement de celles des autres personnes de l’échantillon qui, elles aussi, n’ont pas fait leurs études au Québec, soit Sandra, Zinna et Cirta. Ces dernières avaient déjà un parcours scolaire, professionnel et une carrière établie dans leur pays d’origine, et l’immigration a modifié la place qu’elles occupaient dans le marché de travail — leurs acquis antérieurs n’ont pas été valorisés. Elles ont dû entreprendre des démarches plus ou moins fructueuses dans le but de s’insérer dans le marché de travail. Les frontières ethniques construites socialement (Anthias et Yuval-Davis, 1992 ; Barth, 1998 [1969] ; Juteau, 2015 ; Jenkins, 2008), imposent des conséquences réelles et matérielles dans la vie des individus altérisés par cette construction.

Conclusion

L’analyse des entrevues des personnes LGBTQ de différentes origines ethnoculturelles a montré un clivage dans l’expérience migratoire entre celles et ceux venus du Sud global et celles et ceux du Nord global. Dans le témoignage des enquêté·e·s du Sud global, nous pouvons identifier plusieurs aspects en commun, en ce qui concerne leur vécu, traversé par l’imbrication de certaines catégories de pouvoir comme l’orientation sexuelle, l’ethnicité, la « race » et l’identité de genre. L’approche intersectionnelle a rendu possible l’identification des systèmes de pouvoirs contraignants auxquels sont confrontés les participants lors de diverses interactions avec les membres de la société majoritaire et dans l’intégration au marché de travail.

L’entrevue de type parcours de vie nous a permis d’appréhender l’acteur dans sa globalité, de cerner son insertion sociale, d’examiner les mécanismes externes qui influencent sa trajectoire et de situer son expérience dans un contexte sociohistorique plus large (Bertaux, 2010). L’analyse a démontré que la prise en compte de l’entrecroisement de plusieurs identités permet d’approfondir la compréhension des défis soulevés par l’immigration. L’intersectionnalité semble traverser la frontière théorique et devenir palpable lorsque les participants font état d’un sentiment de captivité au croisement de toutes ces catégories de pouvoir si visibles pour celles et ceux qui les subissent et si invisibles pour les autres, qui ne reconnaissent pas occuper un lieu privilégié, comme le décrit si bien Zinna :

Donc des fois, c’est racisme, des fois sexisme, des fois homophobie… Il y a du travail, je te dis. Alors quelle carte tu veux ? [rires] […] Des fois, je suis victime de préjugés ou de « isme », donc je ne sais pas ce que c’est et je ne sais pas si on agit comme ça avec moi parce que je suis une femme, ou parce que je suis arabe […] parce que je suis LGBT. Je ne sais jamais, des fois, c’est tout à la fois.

L’absence de propos narratifs des participantes d’origine française en lien avec certaines sphères analysées ici est assez révélatrice. Malgré leur parcours d’immigration, les deux enquêtées du Nord global ne sont pas renvoyées à une forme d’altérisation comme c’est le cas des participants du Sud global. Notre analyse a démontré que la frontière ethnoculturelle entre Québécois et Français semble plus fluide que celle qui s’impose aux populations immigrantes du Sud global.

Certaines études sur l’immigration ont déjà remis en cause le regard souvent posé sur les personnes du Sud global qui migrent vers le Nord global. Les auteures Fechter et Walsh (2010) soutiennent que ce type d’analyse limite la compréhension de l’immigration et elles encouragent les analyses qui, comme les leurs, abordent le phénomène sous un autre angle, soit les déplacements faits du Nord global vers le Sud global, dans l’objectif d’examiner « the ‘whiteness’ of migration » (p. 1198), autrement dit le privilège dont disposent les immigrants blancs du Nord global lorsqu’ils se déplacent vers le Sud global. Nous croyons que les analyses sur l’immigration queer gagneraient à être développées en examinant l’immigration faite à l’intérieur du Nord global, comme nous l’avons fait dans cet article. En analysant les processus de racialisation et d’ethnicisation que subissent les personnes LGBTQ du Sud global lorsqu’elles émigrent au Nord global, les études sur l’immigration queer ont négligé d’examiner les mécanismes qui engendrent le privilège des individus des sociétés colonisatrices et impérialistes lorsqu’ils se déplacent d’un pays du Nord global à l’autre. La comparaison entre l’expérience post-migratoire d’individus du Nord global et du Sud global a permis de dévoiler des processus continus et matériels d’ethnicisation pour les personnes du Sud et de maintien de privilèges pour les personnes du Nord.

Lorsque les études sur l’immigration queer se concentrent uniquement sur les déplacements du Sud vers le Nord, elles renforcent la conception erronée d’un Nord global formant un ensemble homogène, dont toutes les composantes seraient sur un pied d’égalité pour tout ce qui touche les droits des personnes LGBTQ, et contribuent ainsi à perpétuer la hiérarchisation entre le Nord libérateur et le Sud oppresseur, tant critiquée dans ce type d’études. Cette représentation peut être remise en cause à travers une analyse qui démontre que le conservatisme, très souvent imputé aux seuls pays du Sud global, est aussi présent dans certaines sociétés du Nord global.