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Introduction

Cet article repose sur une recherche effectuée au Mexique entre 2014 et 2018 sur les universités interculturelles (UI) mises en place par le gouvernement comme réponse aux revendications indigènes, notamment suite au soulèvement zapatiste de 1994. Après avoir présenté la problématique et la méthodologie, je dévoile le contexte historique de l’avènement de ces universités et leurs spécificités actuelles, en m’intéressant plus particulièrement à l’Université interculturelle maya du Quintana Roo (UIMQROO) et à l’Université interculturelle du Chiapas (UNICH). Ensuite, j’analyse les différents types de trajectoires des enseignants qui y interviennent, afin de montrer comment elles peuvent influencer leurs pratiques et leurs représentations, pour travailler de façon plus ou moins efficiente le modèle interculturel de ces UI.

Problématique

Les UI du Mexique ont été mises en place pour répondre aux revendications indigènes, notamment suite au soulèvement de l’armée zapatiste de libération nationale (EZLN) de 1994. Leur objectif consiste à faciliter l’accès de jeunes lycéens issus des populations rurales les plus défavorisées – principalement indigènes – à l’enseignement supérieur et de leur permettre, une fois diplômés, de participer au développement de ces zones marginalisées. Les moyens reposent sur des formations de quatre ans (licence ou ingéniorat) qui incluent l’apprentissage des langues originaires, permettent de confronter de manière dialectique les connaissances académiques aux savoirs culturels indigènes et s’articulent autour de recherches effectuées par les étudiants dans les communautés indigènes débouchant sur des projets intégrés apportant des solutions aux problèmes rencontrés. Il s’agit donc d’un modèle éducatif interculturel (Casillas Muñoz et Santini Villar, 2006 ; Schmelkes, 2008) qui a peu à voir avec les départements des Black Studies aux États-Unis (Rolland-Diamond, 2012), mais se rapproche davantage de celui des formations bilingues interculturelles au Brésil (Meunier, 2009 ; Tassinari et Gobbi, 2009) et de certaines universités indigènes d’Amérique latine comme en Équateur (Dávalos, 2008 ; Macas, 2000 ; Sarango, 2008) ou en Colombie (Bolaños et Pancho et collab., 2003 ; Piamonte Cruz et Palechor Aréval, 2011).

Pour mener à bien cette recherche, je me suis également intéressé aux langues et aux cultures originaires, ainsi qu’aux savoirs culturels indigènes et à ceux qui en sont plus particulièrement les dépositaires, en effectuant plusieurs enquêtes dans une partie des communautés indigènes[1].

Comme les enseignants et les étudiants qui arrivent dans une UI sont également porteurs de savoirs scolaires/généraux et culturels, cela suppose de mener d’autres enquêtes à la fois sur l’éducation familiale/communautaire et sur l’éducation scolaire sous ses différentes formes (publique, privée, autonome), notamment celles qui existent dans les communautés indigènes et dans les bourgs métis ou indigènes. Je considère donc que l’éducation ne se limite pas à la forme scolaire (Vincent, 1994), mais s’inscrit dans des pratiques familiales, sociales, culturelles qui la dépassent et qui visent à développer un ensemble de connaissances et de valeurs considérées comme fondamentales pour un groupe culturel ou une société donnée. L’éducation ne s’inscrit donc pas dans des limites temporelles ou spatiales, puisqu’elle dure tout au long de la vie, concerne différents espaces et relève de pratiques à la fois individuelles et collectives et donc d’interactions, de dialectiques interculturelles et transculturelles (Meunier, 2014).

Les enseignants étant les principaux acteurs des UI, nous allons – dans le peu d’espace que le format d’un article concède[2] – nous limiter à l’analyse de leurs trajectoires, afin de mieux saisir leurs capacités comme leurs difficultés à travailler un modèle éducatif interculturel. L’hypothèse qui va servir de trame à cet article est que l’approche interculturelle dans une UI dépend, certes, des programmes d’études qui la mobilisent, mais surtout de l’intérêt que les enseignants sont susceptibles de développer en fonction de leur trajectoire et de leur compréhension des problématiques indigènes. Ce ne serait donc pas tant le fait que les professeurs soient ou se considèrent indigènes ou non qui influencerait leur appétence à l’égard du modèle interculturel, mais leur propension à connaître les populations autochtones par des expériences ou recherches de terrain dans les communautés indigènes avec une réflexion critique et une posture praxéologique de nature anthropologique.

Méthodologie

Mon approche méthodologique relève de la socio-anthropologie de l’éducation (Meunier, 2009), où l’analyse des aspects qualitatifs est privilégiée – en s’inspirant de la Grounded Theory (Strauss, 1987 ; Strauss et Corbin, 1990) – même si elle résulte d’une catégorisation effectuée à partir de données quantitatives. J’ai donc privilégié d’une part l’observation, dans les salles de cours, les différents espaces des universités et les communautés, et d’autre part les entretiens. J’ai ainsi pu observer tous les cours et réalisé au moins un entretien avec chaque enseignant et un septième des étudiants, dans deux UI choisies du fait de leurs différences[3].

Je vais me limiter dans cet article à la présentation et à l’analyse des données d’une partie des enquêtes que j’ai effectuées auprès des enseignants entre 2014 et 2018 à l’UNICH et à l’UIMQROO (au total 9 mois de terrain non consécutifs). Néanmoins, certains éléments de mes recherches connexes pourront être mobilisés à certains moments pour expliciter, relativiser ou développer les propos des enseignants.

Contexte historique et spécificités des UI

Suite à la Révolution mexicaine (1910-1920), afin de renforcer une identité nationale correspondant aux valeurs de la classe dominante occidentalisée, la « désindianisation » pour constituer une société métisse homogène est alors considérée comme une nécessité, la diversité culturelle apparaissant comme un obstacle à la construction d’une identité nationale. Si auparavant les Indigènes étaient occultés de la société mexicaine, leur existence est enfin reconnue, mais en tant qu’éléments fondateurs de la nation mexicaine (Aguirre Beltran, 1957).

Cette orientation politique se traduit à partir des années 1930 – puis avec la création de l’Institut national indigéniste (INI) en 1948 – par la formation d’indigènes comme agents de cette désindianisation : instituteurs, infirmiers, techniciens agricoles, tout en exigeant d’eux qu’ils renient leur culture (Bonfil Batalla, 2017). Cependant, une partie de ceux qui vivent dans les communautés vont prendre conscience que les populations indigènes ne sont pas aussi « arriérées » que ce qu’on avait pu leur inculquer lors de leur formation. Ils vont alors remettre en cause la forme scolaire mexicaine en s’intéressant à d’autres manières de concevoir la scolarisation obligatoire, constituant des mouvements d’éducation alternative où les langues et les cultures indigènes sont davantage prises en considération à côté de l’enseignement de l’espagnol et de la culture nationale d’inspiration occidentale. Ils vont ainsi chercher à modifier les contenus et les méthodes d’enseignement imposés aux populations indigènes, participant notamment à différents projets permettant de mobiliser à l’école les savoirs autochtones ou considérés comme tels. Cependant, ces tentatives demeurent très localisées et souvent limitées dans le temps (Meunier, 2017b).

L’accès à l’enseignement supérieur demeure néanmoins extrêmement difficile pour les lycéens indigènes dans la mesure où ils ne disposent pas de la même qualité d’éducation scolaire dans les communautés que les métis qui sortent des établissements urbains. Les rares diplômés indigènes vont être divisés entre ceux qui aspirent au « Mexique imaginaire » et renient leur identité culturelle, et ceux qui vont au contraire chercher à la préserver ou à la redécouvrir en soutenant les organisations indigènes qui vont participer au soulèvement de 1994, principalement au Chiapas.

Les accords de 1996 qui en résultent vont permettre de disposer d’un cadre légal pour orienter les politiques éducatives et octroyer une autonomie plus importante aux peuples indigènes dans les décisions les concernant. Cependant, le système éducatif demeure socialement et culturellement inégalitaire plus de 10 ans après. Ce n’est qu’en 2016 que des filières bilingues interculturelles sont créées dans les Écoles normales pour le préscolaire et le primaire, mais avec un programme bilingue interculturel insignifiant (Meunier, 2017a). Aucun collège et la quasi-totalité des lycées[4] ne sont bilingues interculturels.

La plus grande avancée vers une éducation bilingue interculturelle concerne donc essentiellement les UI créées à partir du milieu des années 2000. Elles représentent en effet la principale opportunité pour les jeunes indigènes de pouvoir renouer avec leur langue et leur culture, ces dernières bénéficiant enfin de la reconnaissance d’une institution, non pas en tant qu’objets pouvant être étudiés à partir d’un regard extérieur, mais comme des thématiques de recherche culturelles et interculturelles qui se vivent, se pensent et se transforment, les étudiants et les enseignants étant acteurs de cette dynamique.

Les UI ont également pour ambition d’éviter le néo-indigénisme, consistant à valoriser uniquement ou de manière démesurée les langues et les cultures indigènes, raison pour laquelle elles sont dénommées « interculturelles » et non pas « indigènes ». En effet, les étudiants proviennent de différentes populations qui ne sont pas toutes indigènes, leurs objectifs communs étant non seulement d’apprendre une langue indigène et d’accéder aux connaissances des peuples premiers de la région où est installée l’UI, mais aussi de les mettre en dialectique avec d’autres formes de savoirs plus académiques comme il en existe dans d’autres universités, et ce, sans établir de hiérarchisation a priori entre elles ou chercher à occulter les premières.

Selon mon analyse secondaire des statistiques des UI, en 2015-2016, il y avait à l’UIMQROO 2,1 % de métis et 97,9 % d’indigènes (sur 560 étudiants), mais seulement 26,8 % de locuteurs de langue originaire (yucatèque) au moment de leur inscription. À l’UNICH, en 2017-2018, les locuteurs indigènes formaient 56,4 % des 1 543 étudiants mais, s’ils étaient majoritaires dans certaines antennes de l’UNICH comme celle d’Oxchuc avec 95 % de locuteurs tseltal, leur nombre était moindre dans le site principal situé à San Cristobal de las Casas, avec 56,8 % en 2015-2016, 53,2 % en 2016-2017 et 50,5 % en 2017-2018. Parmi les étudiants indigènes de ce site, les Tseltal y étaient les plus nombreux (26,3 %), suivis par les Tzotsil (18,6 %), les Ch’ol (2,3 %) et les Tojolabal (1,1 %).

Dans les UI, les orientations des différentes filières ont pour objectif de favoriser le développement économique des communautés indigènes en formant des étudiants capables d’y rester travailler (SEP-CGEIB, 2009). Mes enquêtes[5] ont cependant révélé que seuls moins de 10 % y exercent un travail post-licence en rapport avec leur formation. Par ailleurs, il existe des disparités importantes entre les filières : ce sont celles d’agroécologie et de développement durable qui s’avèrent les plus profitables, favorisant la mise en place de projets de développement dans la communauté avec une orientation écologique assumée.

Il s’agit également de permettre à ces jeunes, le plus souvent acculturés/déculturés du fait notamment d’une scolarité primaire et secondaire monolingue et monoculturelle, de s’inscrire dans un processus de revitalisation de leur langue et de leur culture. Nos enquêtes témoignent en effet de cette dynamique, qui permet aux étudiants de s’assumer davantage comme indigènes, de renouer avec le monde rural des communautés, de mieux connaître ce dont leur langue et leur culture sont porteuses dans les différents domaines de connaissance, notamment ceux en rapport avec leur formation. Deux modules obligatoires soutiennent cette orientation : celui portant sur l’apprentissage ou l’approfondissement d’une « langue originaire » et celui de « relation communautaire ». L’objectif consiste à amener les étudiants à effectuer un travail de terrain dans une communauté tout au long de leur parcours universitaire en étant capables de communiquer dans une langue indigène à cette fin. Cela permet à la plupart des étudiants indigènes de renforcer la maîtrise de leur langue maternelle (et d’apprendre son écriture) et pour les autres (les métis ou ceux qui se sont « faits métis » en oubliant ou en rejetant leur culture durant leur scolarité antérieure) d’apprendre une langue seconde.

Les autres matières propres à chaque formation sont censées intégrer une orientation interculturelle favorisant un rapport dialogique entre les savoirs présents dans les communautés indigènes et ceux des autres mondes, notamment dans les domaines scientifiques. Mes observations montrent cependant de grandes disparités. En effet, les cours qui relèvent davantage des sciences naturelles, de la médecine, des mathématiques appliquées à l’entrepreneuriat et à la gestion présentent peu d’ancrage culturel et donc interculturel : les ethnosciences (D'Ambrosio, 2000 ; Friedberg, 1997 ; Lenaerts, 2006 ; Schalley, 2008) n’y sont donc pas travaillées. En revanche, les enseignements de sciences humaines, des arts et surtout des langues sont plus souvent orientés dans une perspective interculturelle.

Si les UI accueillent une plus grande diversité socioéconomique et culturelle d’étudiants que les autres universités, comme dans tout système éducatif relevant de la discrimination positive (Kahlenberg, 1996 ; Martiniello et Rea, 2004) et de l’inclusion (Kohout-Diaz, 2018), les inégalités socioéconomiques des étudiants influent en interne sur l’orientation (choix de filière, parcours) et en externe sur les perspectives professionnelles. Il revient donc aux enseignants de prendre en considération cette diversité, notamment les étudiants indigènes les plus démunis par rapport aux attentes de l’université (Coulon, 1997) afin de mieux les accompagner. Cette posture est facilitée par les valeurs interculturelles mises en place dans les UI favorisant un climat propice, que l’on soit indigène, métis ou plus rarement européen.

Présentation des résultats : trajectoires des enseignants

Les professeurs des UI sont issus de différentes formations, les disciplines pouvant être assez éloignées d’une filière à l’autre. Le niveau de recrutement est généralement le master ou le doctorat, parfois la licence pour quelques anciens étudiants, voire aucun diplôme universitaire dans de rares cas (enseignants autodidactes principalement en langues originaires). Les professeurs ont pour trait commun de n’avoir pas reçu de formation spécifique pour dispenser leurs enseignements dans une UI. Parfois, comme à l’UNICH, des formations spécifiques dispensées par les professeurs les plus anciens sont organisées.

Ce ne sont que certains enseignants qui ont une connaissance des savoirs traditionnels des communautés indigènes car ce sont des matières différentes : certains travaillent sur la culture et l’environnement et donc avec les savoirs traditionnels et les sociétés, mais d’autres ont des matières qui ne sont pas directement reliées à ceux-ci. Pour ceux qui ne connaissent pas cette approche interculturelle, il y a des cours chaque semestre, ce qui permet de travailler le pourquoi nous sommes ici dans cette université. Ce sont les enseignants les plus anciens qui nous donnent ces cours, les fondateurs de l’université, ce sont les facilitateurs, et ils nous aident afin de nous puissions participer ensuite à l’amélioration du modèle interculturel de l’université.

UNICH PTC H[6]

Nous trouvons deux catégories de personnel enseignant dans les UI : Les « professeurs à temps complet » (effectuant l’intégralité de leur service : cours, tutorat, gestion académique, recherche et relation communautaire) et les « enseignants de discipline » (vacataires), qui subissent un roulement (turnover) important. Les trajectoires de ces deux catégories d’enseignants nous renseignent sur leurs profils, qui ne sont pas uniquement universitaires : leurs expériences professionnelles, associatives et politiques jouent également un rôle important pour leur recrutement et leur capacité à adhérer au modèle éducatif interculturel. C’est la raison pour laquelle nous considérons que leur expérience de terrain auprès des communautés indigènes de l’État où est implantée l’UI (et leur capacité à parler au moins une langue indigène de celui-ci) est bien plus importante que leur origine ethnique pour rendre leur enseignement efficient dans une perspective interculturelle.

Par ailleurs, les notions d’« indigène » ou de « métis » ont été galvaudées et ne peuvent pas être utilisées sans les requalifier du fait d’un processus historique de discrimination, de violence au moins symbolique (Bourdieu, 1970) et d’acculturation/déculturation des populations indigènes, notamment par le biais de la forme scolaire. En effet, si l’école primaire est implantée dans la plupart des communautés indigènes dans les années 2010, elle n’a pas – exceptées quelques rares écoles préscolaires et primaires bilingues interculturelles (Meunier, 2017a et 2017b) – pour ambition de répondre aux aspirations et aux besoins réels des populations indigènes, mais d’implanter une conception uniforme d’une culture mexicaine élaborée, planifiée, centralisée en dehors des réalités du pays par la minorité influente du « Mexique imaginaire » (Bonfil Batalla, 2017 : 179-180). Cette orientation schizophrénique, entraîne des dissociations chez les élèves entre le monde réel qu’ils côtoient quotidiennement et le monde imaginaire auquel ils devraient prétendre.

Ainsi, nous préférons affiner le profil des enseignants au-delà de leur origine ethnique (indigène, métis, étranger) en précisant notamment s’ils sont locuteurs ou non d’une langue originaire tout en le rapportant à leur statut (professeur à temps complet ou vacataire) et à leur expérience professionnelle antérieure dans une ou plusieurs communautés indigènes. Cela nous permet de montrer, à partir d’un échantillon de 78 enseignants (plus des 2/3 de la population, voir tableau 1), que nous avons, en moyenne pour ces deux universités, 71,8 % d’enseignants (42,3 % des professeurs à temps complet et 29,5 % des vacataires) qui disposent d’une expérience dans des communautés indigènes avant leur recrutement (73,3 % à l’UNICH et 69,7 % à l’UIMQROO). Si 38,5 % (44,6 % à l’UNICH et 30,3 % à l’UIMQROO) des professeurs sont des métis et des étrangers ne parlant aucune langue originaire, 50 % (48,9 % à l’UNICH et 51,5 % à l’UIMQROO) des enseignants indigènes en sont locuteurs.

D’après nos entretiens, les locuteurs indigènes correspondent aux premières générations de professeur à temps complet (les dernières étant plutôt composées de métis ou d’Indigènes ne parlant que l’espagnol recrutés avec des diplômes professionnels et une expérience dans le secteur privé) et aux effectifs importants de vacataires en langue originaire à l’UNICH du fait du contexte plurilingue du Chiapas. Les locuteurs sont davantage présents dans certaines formations spécifiques, comme langue et culture, développement durable et, d’une manière moindre, en tourisme alternatif et surtout en communication interculturelle. Les métis qui ne parlent aucune langue originaire concernent davantage les filières les plus récentes ou remaniées, comme celle de médecine-chirurgie, sage-femme obstétrique, gestion municipale et développement entrepreneurial.

Néanmoins, il convient également de relativiser la notion de « locuteur » qui regroupe une majorité d’enseignants capables de comprendre et de communiquer de manière basique dans une langue originaire (5/8), ceux qui peuvent l’utiliser de manière autonome dans une communauté indigène (1/4) et ceux qui maîtrisent ses différents registres ainsi que son écriture selon les normes linguistiques (1/8). De ce fait, l’enseignement dans les UI s’effectue en espagnol, les langues indigènes n’étant mobilisées que dans les cours de langue originaire et lors du travail de relation communautaire, mais pas de manière systématique, du moins selon mes observations.

Tableau 1

Répartition des enseignants selon leur statut et leur expérience dans des communautés indigènes et en fonction de leur origine ethnique et selon qu’ils sont ou non locuteurs d’une langue indigène

Répartition des enseignants selon leur statut et leur expérience dans des communautés indigènes et en fonction de leur origine ethnique et selon qu’ils sont ou non locuteurs d’une langue indigène

Abréviations : CI, ayant une expérience de travail en communauté indigène; ét., étranger ; EV, enseignant vacataire ; HC, ayant une expérience de travail hors communauté indigène; ind, indigène ; loc, locuteur d’une langue indigène ; mét, métis ; nloc, non locteur d’une langue indigène ; PTC professeur à temps complet; UI, Université interculturelle.

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Enfin, il faut noter que si une grande partie des enseignants se déclarent « indigènes », près de la moitié ont été scolarisés dans des villes métisses où ils ont souvent dû cacher leurs traits culturels indigènes – à commencer par l’usage de leur langue maternelle – pour ne pas souffrir de la discrimination et du racisme ambiant. Ce n’est souvent qu’une fois recrutés dans une UI qu’ils vont progressivement (ré)apprendre à assumer leur identité indigène.

Les trajectoires des professeurs à temps complet

Les trajectoires des professeurs indigènes les plus anciens témoignent de parcours universitaires et professionnels riches en expériences, avec souvent un engagement antérieur par rapport aux populations indigènes, les années 1990 ayant été pour eux la période où ils se sont impliqués dans différentes instances étatiques pour prendre en considération les demandes formulées par les différents mouvements indigènes. Leur cursus éducatif est scolaire et universitaire, mais également familial et communautaire quand les savoirs et la cosmovision indigènes y ont été préservés. Leur parcours de formation universitaire n’a généralement pas été linéaire et il apparaît souvent entrecoupé de responsabilités dans différents organismes d’État qui leur ont permis de mettre en pratique ce qu’ils avaient appris, de disposer d’une approche praxéologique, critique et réflexive leur permettant ultérieurement de bénéficier d’une vision assez claire de ce que devrait être une UI.

Je viens d’un village situé dans le municipe de Huixtan. J’ai effectué mes 4 premières années de scolarité primaire dans la communauté où je suis né. Le professeur pouvait parler tseltal, mais il était dans le système bilingue qui est en fait en espagnol. J’ai continué ma scolarité à San Cristobal. J’ai donc suivi une scolarité dans des écoles monolingues en castillan. Cela m’a permis de connaître les deux mondes sans oublier la langue, la culture, la cosmovision, l’environnement naturel, l’écosystème de ma communauté maya-tzotsil. Mais j’ai appris cela non pas à l’école, mais par le biais de mes parents, de la communauté. Cet apprentissage se transmet à partir des activités agricoles, tout ce qui implique la vie communautaire, la vie familiale, le système religieux. Avant de venir à l’UI, je travaillais au CELALI sur les questions de langues premières, puis de 2004 à 2008 pour le Fonds mondial sur l’environnement des Nations-Unies où j’étais sous-directeur du Corridor Nord, c’était en relation avec l’environnement, les corridors biologiques, le développement durable, ce qui avait à voir avec les projets de développement des communautés et la protection des ressources naturelles. En 2008, j’ai postulé ici pour un poste concernant la filière développement durable et depuis j’y travaille.

UNICH PTC H

Les professeurs à temps complet sont les plus investis dans ces universités. C’est généralement le cas pour les fondateurs, qui ont parfois quitté des postes plus intéressants pour leur carrière afin de participer à ce projet interculturel en construction.

Je travaillais à l’université de Berkeley, Californie, j’ai reçu une invitation pour venir travailler ici. L’idée de revenir dans cette université m’a plu. Je fais partie des enseignants fondateurs de l’université.

UIMQROO PTC H

Les professeurs de seconde génération ont généralement un doctorat après une formation conventionnelle, ne parlent pas forcément de langue indigène (souvent la comprennent, quand c’est leur langue maternelle), mais disposent d’expériences associatives et professionnelles à la fois dans le public et le privé, souvent dans plusieurs États mexicains. Leur profil, même s’il est au départ éloigné de l’interculturalité, intéresse les UI qui ont besoin de ressources humaines disposant d’une vision globale sur des questions propres à certaines filières et capables d’établir des partenariats avec des entreprises et des associations pour y envoyer les étudiants.

Je suis de Merida, Yucatan. Je ne parle que quelques mots de maya, mais mes origines sont totalement maya, je me sens maya. Ma scolarité a été entièrement conventionnelle, je suis allée à l’université du Yucatan me former en biologie, j’ai été volontaire pendant 5 ans dans le Corps de conservation du Yucatan : nous faisions du travail volontaire dans les communautés du Chiapas. Nous avions construit des serres, des terrasses pour la culture. Je pense que mon intérêt pour le travail dans les communautés vient de cette époque, de 1995 à 2000. J’ai travaillé ensuite au CINVESTAV sur les questions hydrologiques et l’éducation environnementale, puis pour PRONATURA comme responsable des guides de nature. J’ai effectué mon master de sciences et de ressources naturelles et de développement rural à l’ECOSUR où j’ai travaillé sur l’organisation et l’écotourisme dans les ejidos ; j’ai fait ma thèse dans trois communautés indigènes. Ensuite, je suis partie travailler à Oaxaca au centre régional des technologies hydrauliques, chargée de la partie environnementale, et puis je suis venue ici puisque tout s’ajustait pour moi : les thèmes, le tourisme, je connaissais le Quintana Roo, la péninsule. J’aimais le projet de l’université, je commençais à m’intéresser plus à l’interculturalité car le concours impliquait un test sur l’interculturalité : je me suis mise à lire davantage, à faire des recherches, et voilà je suis ici depuis 2008. Je fais partie des professeurs de la seconde génération.

UIMQROO PTC F

Certains professeurs de seconde génération se sont formés de manière autodidacte en suivant des formations selon leurs besoins, tout en occupant diverses fonctions professionnelles avec des statuts différents. Lors de l’avènement de nouvelles filières comme la gestion et le développement des arts de l’UIMQROO, la formation universitaire correspondante étant alors inexistante, ce sont des professionnels qui ont été sollicités, la diversité de leur expérience dans le domaine, notamment de management, étant davantage valorisée que leurs diplômes.

Je faisais de la danse contemporaine dans la ville de Mexico, mais je suis de Puebla. Après le collège, j’avais un intérêt pour les langues originaires, je suis venu dans le Quintana Roo à Cancun et j’ai participé à des politiques culturelles, et je me suis formé en animation, gestion et promotion culturelles, mais comme il n’y avait pas de formation pour les services culturels, j’ai pris les cours qui existaient, je me suis mis à jour, pendant que je travaillais dans des institutions du gouvernement comme conseiller ou directeur : cela m’a été utile quand je suis venu ici pour donner des cours, ils m’ont accepté pour le profil que j’avais.

UIMQROO PTC H

Les trajectoires des enseignants de discipline (vacataires)

Parmi les enseignants de discipline, nous retrouvons ceux qui dispensent des cours depuis l’ouverture de l’université et qui n’ont pas pu devenir professeurs à temps complet, leur candidature n’ayant pas été retenue lors des rares concours. Ils présentent des parcours de formation jusqu’au doctorat qui apparaissent souvent plus en rapport avec les attentes d’une UI, ayant cherché à orienter leur profil pour correspondre davantage à celle-ci.

J’ai une formation en sociologie, j’ai été en master dans le champ de l’éducation indigène et j’ai effectué une thèse sur l’éducation interculturelle bilingue dans une région ch’ol du Chiapas. Je donne des cours depuis que l’UI a ouvert ses portes en juillet 2005. Nous avons été plusieurs à concourir, mais je n’ai pas été retenu : cela n’a pas été possible de rentrer directement comme professeur.

UNICH EV H

Certains enseignants indigènes de discipline, disposant d’une expérience internationale, d’un engagement politique en tant qu’indigène et d’un doctorat, commencent généralement par dispenser quelques cours selon les besoins de l’université. Mais quand ils cherchent à s’investir dans d’autres tâches plus administratives, comme l’évaluation ou le montage d’une nouvelle formation, ils peuvent se voir confier la direction de cette dernière, comme la licence de sage-femme obstétricienne de l’UNICH.

Je suis ch’ol, cela fait plus de 30 ans que je suis à San Cristobal. Je suis anthropologue de formation, avec un master d’études de genre que j’ai fait en Équateur, j’ai fait une thèse de doctorat en anthropologie sur le thème des femmes indigènes et leur participation dans les mouvements. Depuis 1994, année où je suis entrée à l’université, durant le soulèvement zapatiste, j’étais à la faculté de sciences sociales de l’UNACH, j’avais un enseignant qui avait mis en place une autre manière de faire de l’anthropologie : être plus proche de la communauté, mais pas de celle que tu veux étudier, mais de celle qui a besoin d’aide. Et donc à partir de 1994 nous avons commencé à travailler avec des femmes indigènes des Hauts du Chiapas jusqu’à 1997. Cela a aussi à voir avec mes origines, mes parents sont ch’ol, je ne le parle pas mais je le comprends. Quand j’étais à l’UNACH, personne ne s’intéressait au fait que je sois ch’ol ou non, mais il y avait tout un processus d’invisibilité qui faisait que tu masquais ton identité pour pouvoir entrer à l’université. J’ai fait un master en Équateur avec une bourse de la fondation Ford, une bourse pour les populations indigènes. La politique de ces bourses était de nous permettre de retourner chez nous afin de pouvoir potentialiser nos connaissances. Je suis revenue au Mexique pour le doctorat. Je me suis mise en relation avec l’université et j’y suis depuis 2010 : j’ai donné des cours en langue et culture et en communication, puis j’ai participé au processus d’évaluation de l’université. Ensuite on m’a donné des responsabilités dans la formation de sage-femme pour la mettre en place : je ne méconnaissais donc pas tout quant aux modalités académiques ou administratives, mais avec la pratique j’ai appris.

UNICH EV F

Certaines matières demandent une très bonne connaissance à la fois du domaine enseigné et du terrain sur lequel les étudiants vont être envoyés en relation communautaire, comme le cours d’herboristerie médicale de médecine-chirurgie.

Je suis originaire de San Cristobal de las Casas, je suis licenciée en naturothérapie. Je suis ici car je parle tseltal et j’ai travaillé deux ans et demi dans 32 communautés : j’ai réussi à fournir des médicaments homéopathiques aux communautés et pas seulement la partie allopathique qui est la plus commune des agences de santé. Ensuite je suis restée en ville au dispensaire et cela m’a donné l’opportunité de donner des cours ici car ils ont été intéressés par mon expérience dans les communautés et donc aider les jeunes de ce côté. Je donne principalement des cours en herboristerie.

UNICH EV F

Comme certains professeurs à temps complet, une partie des enseignants de discipline ont été recrutés par l’université plus pour leur expérience professionnelle relative à la matière enseignée dans la filière concernée que pour leur niveau académique. Ils se trouvent davantage dans une posture de formation tout au long de la vie avec des emplois multiples qui leur ont apporté diverses expériences et un intérêt manifeste pour la matière qu’ils dispensent.

Je suis licencié en tourisme alternatif, mais j’ai aussi une trajectoire artistique depuis le lycée où j’ai commencé à m’impliquer dans la gestion culturelle, comment répondre aux besoins de la culture maya à travers des disciplines artistiques, dans les associations de jeunes, des ONG qui ont un intérêt pour les arts maya ; je donne aussi des cours privés en langue maya à la radio et la télévision. Ainsi tout ce parcours m’a permis de renforcer mes compétences, mes savoirs, mes expériences pour les vivre, les échanger, donner des cours et pouvoir défendre la langue et la culture maya à travers les expressions scéniques. C’est la raison pour laquelle je fais partie du département de gestion et de développement des arts.

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Certains enseignants métis recherchent à travers l’UI à retrouver leurs racines indigènes. Ils ont souvent la volonté de transformer le monde indigène, pensant qu’ils peuvent y apporter des améliorations du fait de leur expérience et des valeurs qu’ils ont pu assimiler à l’étranger.

J’ai étudié le tzotsil : je ne le parle pas, mais je le comprends. Ma famille vivait aux États-Unis même si ma mère était d’ici. Dans mon cours sur le genre, je suis proche des filles indigènes : je ne veux pas qu’elles ressentent que je veux qu’elles changent, mais je sais que c’est nécessaire qu’elles le fassent pour se réaliser.

UNICH EV F

On trouve également parmi les enseignants de discipline des anciens étudiants indigènes qui, après une ou plusieurs expériences professionnelles, cherchent à revenir à l’UI pour participer à l’effort collectif de préservation des langues et des cultures indigènes, ayant eux-mêmes subi un processus de discrimination dans les villes métisses. Leur posture vise ainsi à amener les étudiants à se servir de leur langue maternelle, mais aussi d’autres langues comme l’anglais qui représente pour eux également une ouverture interculturelle.

Je suis diplômée de la 1e génération de cette UI de la filière de langue et culture. Je donne des cours d’anglais et de maya. Je suis venue ici car je voulais revenir enseigner à l’université qui me forma, voir ce qu’elle devenait, mais aussi parce que la langue et la culture sont des choses qui se perdent : les jeunes avant d’entrer ici n’aiment pas parler la langue maya parce qu’ils ont honte, parce qu’ils ont peur d’être discriminés ou parce que leur famille ne leur a pas appris et qu’ils ne savent pas s’en servir. Ce sont les barrières qui font que les jeunes ne veulent pas apprendre le maya. Alors, quand ils viennent ici, on leur apprend un petit peu plus le maya, ils retrouvent le plaisir et la langue revient. Mais parfois, ils ont peur de l’utiliser, de le parler, principalement dans la ville, c’est de la discrimination seulement pour cela. L’anglais est aussi important pour ceux, cela leur permet de s’ouvrir sur le monde.

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D’autres licenciés de l’UI cherchent à y revenir, non seulement pour y enseigner, mais aussi pour renforcer leurs compétences dans des domaines qu’ils avaient étudiés tout en continuant leurs études.

Je suis originaire d’Oxchuc, locutrice tseltal, j’ai une licence de langue et culture de l’UNICH et actuellement je prépare un master en éducation. Cela fait deux ans que j’ai été diplômée de l’UNICH et j’ai voulu revenir ici. L’idée est de renforcer ma langue maternelle car en tant que locutrice, il me manque toujours quelque chose comme les questions grammaticales. Il faut revenir à la pratique pour renforcer et revitaliser car les langues originaires se transforment, sont mélangées avec le castillan.

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Discussion conclusive

Nous considérons que l’avènement des UI s’inscrit dans un cheminement historique de reconnaissance des cultures, des langues et des savoirs des populations les plus marginalisées et discriminées au Mexique, cheminement dont le soulèvement de l’EZLN en 1994 et les accords de San Andrés qui ont suivi en 1996 ont finalement amené l’État à choisir des orientations en rupture avec la politique indigéniste qu’il avait menée jusqu’alors. Sur le plan éducatif, s’il demeure encore des lacunes au niveau de l’enseignement préscolaire et primaire et surtout secondaire, la création des UI a bien permis une démocratisation de l’accès des Indigènes à l’enseignement supérieur tout en créant de nouvelles formations permettant de répondre aux problématiques des communautés.

Nous avons montré que les différents types de trajectoires des enseignants qui interviennent dans les UI influencent leur capacité à travailler de façon plus ou moins efficiente le modèle éducatif. Ainsi, si l’approche interculturelle est bien inscrite dans les parcours proposés, elle dépend surtout du degré d’implication que les professeurs peuvent développer selon leurs trajectoires et, à travers elles, leur compréhension des problématiques indigènes. Notre hypothèse a été vérifiée dans la mesure où ce n’est pas tant le fait que les professeurs soient indigènes ou non qui influencerait leur appétence à l’égard du modèle interculturel, mais plutôt leur propension à connaître les populations autochtones par des expériences professionnelles et des recherches.

En effet, notre présentation des principaux types de trajectoires des enseignants des UI montre que ce sont des professionnels dotés d’une formation générale sérieuse (le plus souvent titulaires d’un doctorat), des indigènes (qui, pour une partie importante, comprennent en plus du castillan au moins une langue originaire) ainsi que des métis et des étrangers qui présentent généralement un intérêt manifeste pour les langues et les cultures indigènes.

L’analyse de leurs trajectoires nous a permis de mieux comprendre leur capacité à travailler avec un modèle éducatif interculturel. En effet, même si la très grande majorité de ces enseignants ont été formés dans des universités conventionnelles après une scolarité monolingue et monoculturelle, la plupart – notamment les premières générations – disposaient déjà des prérequis nécessaires pour enseigner dans une UI lors de leur recrutement, ayant déjà effectué des recherches ou travaillé dans des communautés indigènes. Nous pouvons constater qu’ils ont généralement essayé d’adopter une posture praxéologique de nature anthropologique pour élaborer progressivement une réflexion permettant de mieux saisir les problématiques des peuples originaires en termes d’éducation et de formation et plus largement de développement des communautés.

Les trajectoires des premières générations de professeurs (années 2000) font apparaître également d’autres types de formation moins formels, par la famille et la communauté, par l’engagement politique et associatif, par l’expérience professionnelle durant les années 1990 dans différents projets à destination des populations indigènes : ils ont donc été embauchés avant tout pour leurs connaissances des communautés indigènes, de leurs problèmes et de leurs besoins spécifiques.

Les secondes générations (années 2010) sont également porteuses de formations générales de haut niveau, mais également d’expériences professionnelles dans le secteur privé – notamment dans la gestion et le management. Elles se sont donc moins impliquées dans les communautés indigènes, ce qui entraîne davantage de difficultés pour elles à travailler le modèle interculturel des UI. Néanmoins, elles viennent compléter les besoins des UI par rapport à des formations nouvelles ou remaniées, notamment dans certaines disciplines communes aux universités conventionnelles.