Abstracts
Résumé
L’enseignement supérieur constitue une étape décisive d’autonomisation et de réalisation de l’inclusion. Les enquêtes menées depuis 2016 sur notre campus, doublées du constat d’une exploration faible du terrain de l’accessibilité universitaire, ont stimulé l’émergence du projet Gulivers Campus. Comment faire de l’université un modèle d’inclusion, un stimulateur de l’action, un exemple de démocratie spatiale ? L’Université de Lille a été le coeur d’un réseau d’acteurs soucieux de concevoir une recherche inclusive basée sur de nouvelles méthodes d’investigations qualitatives. Les travaux sur le campus Cité scientifique ont contribué à l’invention de solutions qui conjuguent innovations sociales et innovations technologiques. Issu de de cette recherche, l’outil numérique Uptimizy permet une évaluation globale et une visualisation des ruptures. Il a été construit à partir des normes et des critères d’usages. Il permet de datavisualiser les niveaux d’accessibilité des voiries, des bâtiments, des équipements. L’étude a été révélatrice de l’interdépendance des domaines d’action. Au-delà des aménagements et des contraintes légales, la réalisation d’un campus inclusif se heurte à des obstacles fonctionnels spécifiques à chaque territoire. La mise en oeuvre de l’inclusion nécessite de nouveaux outils transversaux. Un SCOT-U (Schéma de Cohérence Territoriale Universitaire) est expérimenté avec une perspective de diffusion sur d’autres universités.
Mots-clés :
- Inclusion,
- Université,
- handicaps,
- datavisualisation,
- démocratie spatiale
Abstract
Higher education is a critical step in empowering and achieving inclusion. The surveys carried since 2016 out on our campus, coupled with the observation of a weak exploration of the field of accessibilty in universities, stimulated the emergence of the Gulivers Campus project. How to make the University a model of inclusion, a stimulator of action, an example of spatial democracy? The University of Lille has been the heart of a network of actors concerned with designing inclusive research based on new methods of qualitative investigation. Work on the Cité Scientifique campus has contributed to the invention of solutions that combine social innovations and technological innovations. The digital tool Uptimizy (global evaluation and visualization of uses) was built from the standards and criteria of use. It makes it possible to data visualize the levels of accessibility of roads, buildings and equipment. The study was revealing of the interdependence of the fields of action. Beyond the arrangements and legal constraints, the creation of an inclusive campus comes up against functional obstacles specific to each territory. The implementation of inclusion requires new transversal tools. A SCOT-U (University Territorial Coherence Scheme) has been tested with the prospect of dissemination to other universities.
Keywords:
- Inclusion,
- University,
- disabilities,
- datavisualization,
- spatial democracy
Article body
Introduction
« Quand on est handicapé, on est toujours sur le fil entre l’acceptation et le refus. Mais le refus vient souvent de l’extérieur. Si tout est bien fait, on ne sent plus le handicap, quelque soit la déficience ».
Une des « phrases Totems » du projet Gulivers Campus, co-rédigées avec les étudiants, les personnels et l’association Handifac (2020, Université de Lille)
Après 25 années de recherche sur le handicap, après avoir recueilli la parole de celles et ceux qui sont empêchés dans leurs mobilités, après avoir enquêté auprès des populations fragilisées, après avoir constaté que le handicap est levé par un aménagement inclusif, et que, malgré les législations successives et le militantisme, en 2023 des pans entiers d’accès aux échanges sociaux, aux savoirs, aux savoir-faire et au savoir-être restent à conquérir… nous avons été obligés d’admettre que notre propre territoire, celui de l’université, haut lieu de l’autonomisation, de l’empowerment et des mobilités multi-échelles n’offrait toujours pas les conditions d’une accessibilité optimale. Des étudiant.e.s arrêtent encore leurs études, à cause de l’inaccessibilité aux équipements. Pourtant, l’enjeu est crucial, puisque deux phénomènes se conjuguent : d’une part, le vieillissement général de la population, qui va demander la formation de professionnels sensibilisés et aguerris ; et, d’autre part, la scolarisation des élèves handicapés en milieu dit “ordinaire”, et par voie de conséquence l’arrivée massive d’étudiant.e.s en situation de handicap sur les campus français. En France, cette ouverture, associée aux nouvelles législations sur l’accessibilité (1975-2005), a provoqué une augmentation quasi exponentielle des étudiant.e.s en situation de handicap inscrit.e.s, et la courbe s’est accélérée à partir de l’année 2005-2006 (Figure 1). Ces chiffres sont à prendre avec précaution, puisqu’il ne s’agit que des étudiant.e.s « déclarés » en situation de handicap. A ce phénomène quantitatif s’ajoute également, pour tous et toutes les étudiant.e.s, une volonté d’être acteurs et actrices de leurs cursus, une montée du militantisme et une demande forte d’accompagnement humain, technologique et structurel. L’université est-elle à la hauteur pour répondre à ces revendications, qui sont en fait un rappel de ses missions fondamentales ? Pour tenter de comprendre la situation et expérimenter des solutions avec les personnes concernées, nous avons investi notre lieu de travail et de vie. Le périmètre de notre étude est donc localisé sur l’un des campus de l’Université de Lille dans les Hauts de France : la Cité Scientifique.
Une équipe pluridisciplinaire (géographes, urbanistes, ethnologue, informaticiens, ergothérapeute) du laboratoire TVES (Territoires, Villes, Environnement, Société) ont coordonné le projet « Gulivers Campus en partant de questions qui renversent la perspective : est-ce la personne qui est handicapée ou l'environnement, dans ses caractéristiques architecturales et urbanistiques, qui est handicapant pour tous les usagers ? Au-delà de cette perspective, les fonctionnements économiques et sociaux ne sont-ils pas les plus puissants freins à la mise en oeuvre de l’inclusion ? S’il est difficile de bousculer les habitudes en matière de comportements, ne faut-il pas repartir de l’éducation et de la formation pour espérer aboutir à des progrès notables ? En 2021, des espaces bâtis laissent toujours de côté les plus vulnérables : personnes handicapées, personnes âgées, malades… Comment s'affranchir du "hand in cap", le jeu de l'inégalité et du hasard ? Comment contribuer à l’égalité d’accès aux biens, aux services et à la citoyenneté ? Comment favoriser une démocratie propice à l'inclusion ? Les obstacles sociaux, économiques, culturels, organisationnels sont à surmonter. La solution est-elle unique ? S’adapte-t-elle dans une créativité collective ? Faut-il un chemin pour tous ou de multiples voies qui se croisent pour se rencontrer et accéder aux mêmes biens, aux mêmes services, aux mêmes chances ?
Notre étude se déploie sur un terrain d’expérimentations complexe : un campus universitaire, lieu de l’apprentissage, mini-ville dans la ville marquée par des activités et des réalités multiples soumises à l’autorité d’un millefeuille territorial (Etat, Université, CROUS, Métropole Européenne de Lille, Ville de Villeneuve- d’Ascq). Sur la Cité scientifique localisée à Villeneuve-d’Ascq, près de Lille (Nord de la France), comme dans de nombreuses universités, les difficultés de repérage, tout comme la perception floue des possibilités offertes, concernent aussi bien les personnes en situation de fragilité, que les personnes valides. Depuis les années 1970, le campus connaît une expansion pour absorber la démocratisation des études supérieures. La complexification des usages se conjugue à celle du bâti construit par à-coups. De plus, les volontés d’inclusion se heurtent aux contraintes normatives, aux différentes échelles de décision et aux paradigmes parfois contradictoires ou dominants de prises de décision : impératif de sécurité, biodiversité, conservation patrimoniale, inclusion. La segmentation des actions accentue la difficulté d’une réponse globale. Effacer les obstacles pour les personnes circulant en fauteuil roulant peut signifier retirer les repères pour ceux qui ne voient pas… Les uns avancent, les autres se perdent.
« Face aux injonctions contradictoires : normes de sécurité, normes environnementales, normes d’accessibilité, comment éviter les conflits d’usage et la paralysie de l’action ? »
Une des « phrases Totems » du projet Gulivers Campus
Comment imaginer des campus du futur qui répondent aux besoins des usagers, aux missions d’accès à la connaissance, d’intégration professionnelle de tous les étudiants, d’accessibilité universelle, de cadre de vie ? Comment redonner au mot « université » un sens fort ? Un campus universitaire devrait par excellence présenter les caractéristiques d’un territoire démocratique inclusif.
Cinq enjeux principaux orientent le projet Gulivers Campus :
Observer les processus d’inclusion ou de non-inclusion sur le terrain;
Coconcevoir l’avenir de l’université par la conception collective de solutions concrètes;
Rendre accessibles les campus français par la diffusion des résultats;
Contribuer à l’égalité des chances;
Socialiser et former les étudiants à la perspective inclusive durable afin de l’appliquer dans leurs futures pratiques professionnelles et en entreprise.
Nous nous situons au croisement des investigations sur l’accessibilité universelle et sur les “smarts territories”. En postulant, comme Jeremy Rifkin (Rifkin, 2012), que nous entrons dans la Troisième Révolution Industrielle, nous étudions la manière dont les technologies numériques reconfigurent notre rapport au territoire. Nous nous appuyons d’une part sur les potentialités de la datavisualisation, et d’autre part sur les innovations participatives pour contribuer à résoudre des problématiques sociales et économiques. En ce sens, nous rejoignons Tewfic Hammoudi sur la ville 2.0 et les aptitudes citoyennes (Hammoudi, 2016). Cependant, notre équipe préfère parler de « territoires connectés » que de « smart cities » pour marquer le principe d’une responsabilité humaine par rapport à l’usage des technologies et une égalité d’accès à tous les types d’environnements devenus interdépendants (urbains et ruraux).
Le projet « Gulivers Campus » s’est appuyé sur plusieurs travaux pour croiser les apports conceptuels et méthodologiques et construire la notion de « recherche inclusive ». La vision de l’accessibilité structurelle (Sanchez, 1992), comme élément de rupture architecturale et de frontière du handicap, prolonge le concept d’accessibilité universelle (Mace, 1985; Imrie, 2012). L’analyse critique de Sylvie Rocque (Rocque, 2011) dégage sept grands principes (équité, flexibilité à l’usage, utilisation simple et intuitive, information perceptible, tolérance à l’erreur, effort physique minimal, dimension et espace libre pour l’approche à l’usage). Nous y avons intégré la proposition de Patrick Fougeyrollas (Fougeyrollas et al., 2015) « d’accès inclusif » permettant d’englober l’ensemble des dimensions d’un territoire, au-delà de ses réalités physiques. Notre étude s’inscrit également dans l’axe de l’urbanisme inclusif, qui vise à dépasser la stricte échelle de l’individu et ses incapacités pour questionner le rôle de l’environnement, de l’éducation et des fonctionnements sociaux. Il ne s’agit plus seulement d’intégrer les populations fragilisées comme un acte social, parfois évoqué comme une contrainte, mais de contribuer au bénéfice de toutes et de tous et à une démocratie inclusive. L’expertise usagère devient un angle d’analyse pour optimiser l'espace, et préconise la participation des personnes concernées. Ce tournant s’est opéré dans les sciences humaines dans les années 1980, à partir des recherches canadiennes, puis aux Etats-Unis et au Japon. Au début des années 2000, le concept trouve des applications dans les aménagements et la formation, et se réalise avec les lois sur l'accessibilité en France (2002, 2005 et 2009). Cet apport s’est traduit dans l’action, par l’obligation de diagnostic et la recherche de solutions techniques pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public. Parallèlement, l’élan a aussi mis à jour le manque d’outils de diagnostics, et de référentiels. La Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU marque une prise de conscience internationale (2006, ratifiée par la France en 2010).
Patrick Fougeyrollas postule que : « l’accès est une qualité des divers éléments de l’environnement, soit les aménagements (architecturaux et urbanistiques), les technologies (équipements et biens de consommation), les infrastructures publiques (réseaux de transport et de communication, services publics), les espaces communautaires et relations interpersonnelles (réseaux sociaux, attitudes et représentations sociales) et les services (sociaux, sanitaires, culturels, éducatifs, de loisirs et de sports, etc.) » (Fougeyrollas, 2014). L’intégration du principe d’accessibilité permet d’agir sur les modalités de conception de l’environnement, qu’il soit matériel, culturel, économique, politique ou social. Susanne Iwarsson et Agneta Stahl (Iwarsson et Stahl, 2003) définissent l’accessibilité comme une notion « parapluie », recouvrant un grand nombre de paramètres dans le parcours de vie des populations.
Dans le prolongement de ces réflexions, la mise en place du projet Gulivers Campus a permis de conceptualiser la notion de « recherche inclusive ». Elle comprend l’expérimentation avec tous les usagers, et favorise la co-production de résultats efficients permettant l’inclusion. Nous restituons donc ici les premiers résultats d’une recherche qui se déclinent à la fois sous une forme scientifique, opérationnelle avec la diffusion d’un livret d’expériences et de solutions, et la création d’un logiciel de diagnostics et de visualisation de l’accessibilité, et économique par la valorisation et le transfert de technologie. Par conséquent, le projet a demandé la coordination de nombreux acteurs. En premier lieu, les usagers du campus : étudiants.e.s, membres du personnel, visiteurs, chercheurs et ingénieurs du Laboratoire TVES, les services de l’Université de Lille , le bureau de la vie étudiante et handicap (BVEH), et l’association Handifac. Le projet a été lauréat de la FIRAH (Fondation Internationale de Recherche Appliquée sur le Handicap) pour la partie recherche appliquée et de la BPI, I-Site et du dispositif Start Airr de la Région Haut de France pour la partie valorisation des résultats et transfert vers la société civile qui se réalise avec la SATT Nord (Société d’Accélération et de Transfert de Technologie). Gulivers Campus bénéficie aussi du soutien du CCAH (Comité national Coordination Action Handicap), d’entreprises (AG2R et Pro BTP). Des collaborations régulières avec des chercheurs de l’Université Laval (Québec, Canada), le CIRRIS (Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale-Québec/Canada). Cette démarche inclusive a permis au projet d’être retenu comme « POC » (Proof Of Concept) par Lille 2020, Capitale Mondiale du Design, et a bénéficié de l’expertise d’une designer : Tiphaine Dejonge et son entreprise Maalai.
Notre article se propose de vous présenter les réalités de l’inclusion au sein d’une université française, la Cité Scientifique de l’Université de Lille, afin de bien appréhender les processus qui aujourd’hui permettent d’envisager une mise en place opérationnelle de l’inclusion sur le principe de l'accessibilité structurelle. Au sein de l’Université de Lille, quelle est la situation d’inclusion des usager.e.s en situation de handicap ? Face aux obstacles recensés, peut-on considérer le handicap comme un élément clef de l’accessibilité de la conception architecturale, au bénéfice de toutes et tous ? Il s’agit ici de comprendre les mécanismes sociaux, physiques, administratifs et techniques des politiques d’inclusion et de mieux cerner la réalité de l’accessibilité sur le campus de la Cité Scientifique de l'Université de Lille. Notre étude, sur la base d’une méthodologie inclusive, a permis de relever les fonctionnements et les problématiques dans l’objectif de soumettre de nouvelles solutions. Afin d’orienter la conception des outils du diagnostic, d’identification des ruptures de mobilité et d’utilisation des services universitaires, les chercheurs ont organisé des mises en situation, et engagé un schéma méthodologique de co-construction avec les usagers handicapés et non handicapés. La situation de la Cité scientifique n’est pas un cas isolé, au contraire. La mise en évidence des résultats obtenus et les solutions d’investigations ont été pensées dans une perspective d’application sur d’autres territoires universitaires. Du Schéma de Cohérence Territoriale Universitaire (SCOT-U) au livret de solutions et d’expériences, en passant par la conception d’un logiciel de diagnostic d’accessibilité, cet article présente une recherche compréhensive et applicative menée par les chercheur.se.s du laboratoire TVES (Territoires, Villes, Environnement et Société) de l'Université de Lille dans le cadre du projet multi-partenarial Gulivers Campus.
I. Un déficit de la recherche sur le handicap ? Vers une forme inclusive de l’investigation scientifique
De nombreuses études scientifiques en arrivent à la même conclusion : une partie de la population ne bénéficie pas d’une accessibilité optimisée et se confronte à une forme durable de discrimination spatiale. Il nous a fallu comprendre pourquoi, du Design For All à la Conception Universelle en passant par la Haute Qualité d’Usage ou encore par la Conception Humano Évolutive, les sociétés et les législateurs en sont encore au stade de la réglementation pour faire de la personne handicapée un citoyen à part entière. Favoriser une démocratie inclusive, l’accès aux savoirs et à la justice spatiale suppose donc d’inventer des méthodologies et de se saisir des innovations numériques comme d’un levier pour inverser cette tendance. Comment les potentialités technologiques peuvent transformer des politiques d’aménagement, les processus de prises de décisions, et optimiser les usages de toutes les populations ?
Les résultats des premières investigations nous ont poussés à réorienter l’exploration afin d’inventer et expérimenter des outils de diagnostics numériques permettant d’identifier les ruptures d’accessibilité aux populations fragilisées par des déficiences visuelle, auditive, cognitive et motrice, de proposer des solutions d’urbanisme inclusif, de quantifier les coûts et de constituer une aide réelle à la décision. Au-delà de cette action d’aménagement, l’autre objectif est de permettre d’optimiser les mobilités, de favoriser la rencontre entre citoyens et de stimuler l’inclusion entre toutes les catégories de populations usagères des lieux universitaires.
A. Les obstacles physiques et sociaux persistants à l’inclusion opérationnelle
A. 1. La construction collective pour dépasser les logiques contradictoires, les cloisonnements et les enjeux de priorisation
Le terrain nous a imposé une première contrainte de taille, un frein révélateur, qui n’est pas physique : la rencontre entre décideurs, concepteurs, professionnels et usagers n’a rien d’évident dans les faits. Nos enquêtes auprès des services, à l’Université de Lille comme dans les collectivités démontrent qu’en France, l’action reste cloisonnée par les champs professionnels ou par disciplines. Les jargons, les cultures et les pratiques distinctes constituent des obstacles quand il s’agit d’agir dans des domaines qui s’entrecroisent.
Un autre constat, dans la même logique, ouvre un vaste chantier pour trouver un équilibre entre des enjeux majeurs aux injonctions contradictoires. Les piliers du développement durable (écologie, société, économie) produisent normes, règles, préconisations qui peuvent s’opposer. A ce grand défi s’ajoutent ceux du patrimoine et de la sécurité. Le déficient visuel voudra une barrière contrastée, le spécialiste de la biodiversité préférera du bois intégré. L’historien souhaitera garder les pierres ancestrales, les pavés au sol, l’aménagement d’origine. Parfois un obstacle spatial offre un accès temporel au passé ou un esthétisme médiéval.
A. 2. L’incohérence des temps : le paysage, le bâti, l’élu, les techniciens, les usagers, les chercheurs
A l’université, comme sur tous les terrains de l’action politique et citoyenne, l’un des obstacles les plus puissants reste l’incohérence des temps. Le paysage et le bâti s’imposent dans la longue durée, au sens défini par Fernand Braudel (Braudel, 1969), et dessinent des structures dans lesquels les humains agissent : « Une structure est sans doute un assemblage, architecture, mais plus encore une réalité que le temps use mal et véhicule très longuement. Certaines structures, à vivre longtemps, deviennent des éléments stables d'une infinité de générations : elles encombrent l'histoire, en gênent, donc en commandent, l'écoulement. D'autres sont plus promptes à s'effriter. Mais toutes sont à la fois soutiens et obstacles. Obstacles, elles se marquent comme des limites (des enveloppes, au sens mathématique) dont l'homme et ses expériences ne peuvent guère s'affranchir. Songez à la difficulté de briser certains cadres géographiques, certaines réalités biologiques, certaines limites de la productivité, voire telles ou telles contraintes spirituelles : les cadres mentaux aussi sont des prisons de longue durée. » Cette citation s’adapte facilement aux campus construits en France dans les années 1960 et 1970 : sur un environnement à la fois stable (en particulier le plan de circulation et l’urbanisme de base) et mouvant (construction successives de bâtiments pour amortir la démocratisation des études). Cependant, certains pans de l’architecture et de l’espace se situent dans la moyenne durée, avec des matériaux qui s’abîment et qui supportent mal l’épreuve du temps. À Villeneuve- d’Ascq, comme dans d’autres universités de province ou de la banlieue parisienne, les campus sont issus des innovations et des concepts pour lier la reine automobile au modèle américain ou anglais des parcs universitaires. D’autres mouvements, d’autres impératifs sont venus se greffer à l’existant, avec la ville nouvelle, et l’arrivée du métro. Cette temporalité longue et moyenne se conjugue aux temporalités de générations de personnels, ou de temps plus courts de générations d’étudiants. Enfin, elle se confronte au temps du mandat des élus de l’université et des collectivités, introduisant des logiques électorales et des objectifs à court terme afin de rendre visibles les actions. Cette incohérence des temps et ce contraste entre la temporalité des lieux et celle de la décision, ont tendance à desservir la continuité des politiques et l’action de fond.
A. 3. Fusion et confusion : le paradoxe de la simplification et de l’inexorable inaccessibilité des décideurs
Afin de pouvoir figurer en bonne place des classements internationaux et se donner plus de poids face à une concurrence universitaire de plus en plus féroce dans le recrutement des étudiants, dans le rayonnement international, dans l’obtention des financements, dans la production de résultats scientifiques et dans le transfert de technologie, les universités françaises ont subi deux grands changements qui interrogent leurs missions et aiguisent les inégalités :
La loi LRU : Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités maladroitement appelée « loi sur l’autonomie des universités » qui poussent les établissements à entrer dans des logiques libérales de concurrence et de compétition par un désengagement de l’Etat dans le domaine de la gestion des budgets, des biens immobiliers et des ressources humaines.
Le mouvement big is beautiful a largement posé son empreinte dans le système universitaire français, tout comme dans le paysage territorial (fusion de communes, communautés de communes, nouvelles régions,…). Un cercle vicieux qui recompose la philosophie universitaire.
La tentative d’établir la carte d’un maillage égalitaire d’accès aux études supérieures se métamorphose en pragmatisme de l’inégalité et de la course au classement. Le point ultime consiste à fusionner afin d’affronter la concurrence et dans l’espoir de réaliser des économies d’échelle.
L’enquête menée pendant le projet Gulivers Campus (2016-2022) correspond à la période de réalisation de la fusion de l’Université de Lille. Concrétisée en 2018 : les trois anciens campus, dispersés géographiquement dans la métropole lilloise, ne font dorénavant qu’une unité. Le mouvement se poursuit avec l’intégration d’autres écoles d’enseignement supérieur. Passée les valses des déménagements de services et de personnels, les entretiens montrent, qu’actuellement, la fusion de l’Université de Lille a renforcé l’effet de jungle administrative et les difficultés à trouver les interlocuteurs. Les lourdeurs administratives se traduisent par des symptômes de paralysie de l’action. La proximité de la décision a laissé place non seulement à une distanciation, mais aussi à une illisibilité des circuits. Bref, le territoire universitaire semble de plus en plus handicapé pour maîtriser son avenir et ses transformations. En plus de ce constat relevé lors de l’enquête, ces phénomènes ont été confirmés par l’audit de la situation budgétaire de l’Université de Lille, (note d’étape n°1, IGAENR, 2018-083, juillet 2018) et le rapport annuel de la Cour des Comptes de 2019. Ainsi, une salariée en fauteuil nous raconte que pendant ses études sur le même site dans les années 1980, des aménagements avaient été possibles car les étudiant.e.s pouvaient travailler directement avec les vice-président.e.s et le bureau des élu.e.s de l’université. Elle avait ainsi participé à la réalisation de sanitaires adaptés sur le site de la Cité Scientifique. Aujourd’hui, il s’avère compliqué d’accéder aux niveaux administratifs et politiques de la décision. L’expertise d’usage n’intervient que très difficilement dans les environnements « big », portant préjudice aussi bien à la prise de décision qu’aux usagers. Ainsi, probablement par bonne intention et manque de connaissances, les toilettes aménagées dans les années 1980 ont été divisées en deux sanitaires dans les années 2000. Le constat est dramatique : la Cité scientifique ne comporte plus actuellement de toilettes à très haut niveau d’accessibilité et l’espace se fragmente par la mise en place de rupture d’accessibilité.
Dans la série des complexités paralysantes, la compétence sur l’espace n’est pas partagée par la même entité : certains éléments du bâti sont gérés par l’université et le CROUS, des éléments de la voirie par la Métropole Européenne de Lille, et d’autres par la Commune de Villeneuve-d’Acsq, sans que des opérateurs identifiés puissent coordonner ou donner une cohérence à l’action de transformation du territoire. Ainsi, l’une des plus grandes difficultés de l’enquête a résidé dans l’impossibilité d’obtenir une carte de représentation des compétences sur les éléments du territoire. Même les services directement concernés avouaient ne pas posséder un tel document pour faciliter la cohérence des actions.
Au-delà d’une carte des compétences, même les plans de la Cité scientifique, condition absolue de l’organisation du travail, et de l’analyse des ruptures, se sont révélés inaccessibles. L’argument de la sécurité nous a été opposé, et a été répété à propos de nos expérimentations sur les visites virtuelles. Les circuits de la décision complexes se mêlent à la prise de responsabilité dispersée, et donc la crainte de la prise de décision. Enfin, les enjeux de concurrence s'ancrent dans la maîtrise de la réputation, et tendent à minimiser les problèmes, ne permettent pas de les poser clairement, et donc de les résoudre.
A. 4. Université : du règne de la voiture à la tentative écologique, en passant par le tout sécuritaire
Les paradigmes dominants d’une époque favorisent certaines problématiques. L’un des obstacles producteur de handicap se résume en un paradoxe : le grand règne de la voiture individuelle, objet symbole d’hyper mobilité et d’autonomie, qui a façonné l’aménagement de nombreuses universités, a produit l’effet inverse (emprise, priorité sur les cheminements piétons, encombrement). L’aménagement a été pensé pour les circulations automobiles aux abords, comme à l’intérieur de la Cité scientifique. Conçus à la fin des années 1960, de larges avenues et des parkings prennent le pas sur les circulations dites « piétonnes ». L’injonction de sécurité qui s’est imposée dans les années 1990 et 2000 (post 11 septembre), puis renforcée suite aux attentats de 2015, a intensifié les effets d’inaccessibilité en imposant des obstacles aux voitures qui se garent partout (pierres au milieu des chemins, barrières réduisant les accès). La sécurité ajoute ses barrières, ses clefs, ses codes, ses horaires. Ce phénomène a aiguisé des inégalités entre personnels munies d’accès vers l’intérieur, et étudiants. Les personnes en situation de handicap doivent donc multiplier les démarches pour entrer leur véhicule. Ainsi, le campus baptisé « cité » en vertu de son ouverture et de sa capacité à produire la rencontre, l’échange et le progrès, a eu tendance à se refermer sur lui-même et former « une bulle » au coeur de la ville. Le pilier écologique du développement durable domine, à tel point que des étudiant.e.s travaillant sur le projet et l’inclusion peinent à comprendre l’exercice et proposent des aménagements, certes respectueux de la nature, mais impraticables pour toute une partie de la population. Lors d’un travail sur l’accessibilité, un groupe a proposé d’intégrer des cheminements alternant au sol des poutres et des passages en herbe, rendant l'espace vert inutilisable pour une partie des usager.e.s. Pour les étudiant.e.s, la préservation et les matériaux naturels primaient sur la possibilité de profiter des lieux, comme si les deux s’excluaient… Le communautarisme de l’action s’aiguise, apportant un ralentissement à la nécessité de s’interroger sur une synthèse cohérente.
B. L'épreuve de la mise en situation comme paradigme méthodologique
B. 1. La recherche inclusive : tous les domaines, tous les contextes, toutes les parties prenantes
L’intention de ce projet est de positionner l’acteur fragilisé comme moteur d’une dynamique d’échanges, de concertation, de production de connaissances avec l’objectif de favoriser l’accès aux lieux et aux savoirs, d’optimiser la mise en accessibilité des aménagements et de permettre une citoyenneté affirmée par le principe d’inclusion. Ce concept, initié notamment par le sociologue allemand Niklas Luhmann (Luhmann, 1995), caractérise les rapports entre les individus et les systèmes sociaux. Le processus s’appuie sur une observation des pratiques et un recueil des besoins des populations handicapées sur le territoire universitaire (cheminements, services, bâtiments, transports, connexions) et des pôles de mobilité et de services (stations de métro, réseaux de bus, commerces et services) à proximité immédiate des structures universitaires. Il faut permettre l’accès à l’éducation, créer des chaînes d’accessibilité sans rupture, stimuler les rencontres multi-usagers, optimiser les liens entre Établissements recevant du public (ERP), voirie et système de déplacement afin de créer les conditions du vivre ensemble et du faire société.
Le projet s’appuie sur un processus continu de co-construction de la recherche et des outils. L’idée est d’impliquer les personnes en situation de handicap dès la phase de conception. La production et la réalisation du projet se construisent avec tous les partenaires qui se réunissent à la fois pour concevoir l’étude et la réaliser. Le groupe qui porte ce dossier est constitué de personnes reconnues en situation de handicap et de personnes dites valides, de chercheur.e.s, d’étudiant.e.s et de personnels. Associés à l’expérience de la commune de Villeneuve-d’Ascq, particulièrement active, ces partenariats sont les garants de l’implication des étudiants, enseignants et personnels touchés par une déficience. L’objectif est certes d’activer l’accélération du processus de mise aux normes obligatoire, mais c’est surtout de sortir du critère normatif en construisant les critères avec les personnes en situation de handicap, et en les plaçant comme des acteurs de la construction des lieux et des pratiques collectives. Tous les participants croisent leurs compétences, leurs connaissances des obstacles, formulent des besoins, analysent l’espace et proposent des solutions.
Les constructions des critères, les diagnostics, et la réalisation de l’outil ont été réalisés avec les partenaires, des étudiants dits « valides » et des étudiants en situation de handicap. Le projet intégrait une dimension pédagogique, une sensibilisation à l’accessibilité et une professionnalisation indispensable à la transformation de notre environnement en véritables territoires inclusifs. Les étudiant.e.s des cursus en aménagement de la Licence 1 au Master 2 de l’IAUL (Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de Lille), de Licence 1 de sociologie et de Master 1 d’infocom ont contribué à l’étude autant qu’ils se sont formé.e.s à l’aménagement inclusif.
Les membres de l’association Handifac ont des profils variés et représentent une grande partie des formes de déficiences visuelles, auditives, cognitives et motrices. Avec le Relais handicap de l’université, ils sont des acteurs forts de la mobilisation d’un public varié et représentatif. Toutes les étapes se sont poursuivies dans une démarche inclusive avec notre groupe de travail :
Conception des objectifs, de la méthode, du projet;
Comité de pilotage et comité de travail;
Construction des critères;
Diagnostics sur le terrain, principe du binôme : une personne valide/une personne en situation de handicap;
Enquête et entretiens;
Conception de l’outil Uptimizy / préconisations ergonomiques;
Réalisation du livret de préconisations/fiches techniques;
Communication, organisation, intervention et participation aux journées Handimension.
Les phrases totem du projet présentes dans l’article ont été rédigées avec le groupe de travail et ont été utilisées lors de l’exposition sur la « Ville collaborative » portée par Lille 2020, capitale mondiale du design. Sur le terrain du diagnostic, des profils de binômes de terrain ont été mis en place avec un expert handicapé et un expert non handicapé de façon à permettre un échange constructif de la collecte de la donnée de terrain, la recherche de solutions adaptées et une estimation des coûts associée. Le travail en co-construction se poursuit autour de l’ergonomie, l’architecture, les fonctionnalités d’un logiciel de diagnostic accessibilité des espaces construits, tout comme la réflexion sur les solutions d’aménagements inclusifs. La notion de « projet de territoire », présentée dans un document co-construit nommé le « SCOT-U (Schéma de Cohérence Territoriale Universitaire), lie l’aspect spatial aux dimensions sociales, économiques, politiques et évite de plaquer des « recettes toutes faites ».
La démarche de recherche inclusive se définit par la participation de toutes les parties prenantes sur un territoire spécifique pour anticiper et améliorer les usages de tous. Elle dépasse donc une vision inclusive sur les mobilités pour cerner tous les obstacles à la vie collective. Ce principe produit une communication entre acteurs/système/valeurs/actions. Autour d’un projet se discutent les expertises techniques, scientifiques, politiques, économiques et usagères. La recherche devient opérateur de coopérations à la fois distinctives et inclusives, de traduction des langages, de conjugaison des complexités vers une simplicité, une action libérée, un accès à tous, par tous. La recherche inclusive complète l’observation distanciée, les contenus dits « fondamentaux» contribuant à la connaissance et la compréhension, en ajoutant une dimension de mise en situation partagée et d’application qui suppose une relation soutenue aux réalités d’un terrain particulier. La recherche n’est plus seulement « hors de », tout en restant distanciée méthodologiquement; elle n’est plus seulement « au service de », au sens d’oeuvrer « pour » les usagers, et « pour » le progrès, elle coconstruit, c’est à dire qu’elle oeuvre « avec » et construit le progrès. La recherche inclusive réconcilie l’esprit et le terrain, les chercheurs et les acteurs, le fondamental et l’application.
B. 2. La mise en situation : voyage immersif de l’handimension
Cette démarche s’est appuyée sur le concept d’« handimension » qui a révélé une efficacité scientifique et qui a été mesuré à travers des retours de questionnaires. Il consiste à passer par la mise en situation (fauteuils roulants manuels, cannes blanches, casques anti-bruit, lunettes déformantes et floutées), la prise en compte, par le corps et l’esprit, des difficultés de certains usagers. A contrario des enquêtes quantitatives ou de la distanciation scientifique, l’handimension passe par la subjectivité et l’expérience pour prendre conscience des enjeux de l’inclusion au travers de rencontres. La réflexion collective permet d’agir concrètement sur l’espace social et territorial. L’handimension consiste à redimensionner l’espace au regard des différentes formes de handicaps/déficiences et conduire des principes d’aménagements accessibles non discriminants.
Cette immersion a été initiée en 1995 au Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) en Normandie. Dans le cadre d’une thèse soutenue en 1999 à l’Université de Caen (Bodin, 1999), l’handimension prend la forme de voyages imaginaires qui consistent à se mettre dans la peau de personnes en situation de handicap. Cette méthodologie permet une prise de conscience que la mobilité n’est pas la même pour toutes et tous. Avec l’avancée des technologies, l’handimension est complétée par d’autres méthodes (diagnostic numérique, prise de mesures précises, témoignages) et l’action passe par la mise en application de la Conception Humano Evolutive (CHE) et l’utilisation des handicateurs (Bodin, 2006).
Dans le cadre du projet Gulivers Campus, nous avons établi un parcours méthodologique précis. Il consiste à sortir les participant.e.s de leurs habitudes (150 étudiants de master 2 en urbanisme et géographie sur trois ans), et à leur faire vivre une expérience transformatrice à la fois individuellement et collectivement. Les sessions commencent par un temps en plénière, où nous interrogeons l’assistance sur l’inclusion. Les réactions sont très peu nombreuses. Les étudiant.e.s semblent distants, timides, voire non concernés. Des personnes en situation de handicap sont présentes, mais restent observatrices (12 encadrants dont 8 touchés par une déficience et 4 sans déficience). La journée se poursuit avec une succession d’ateliers de discussion thématiques et de mise en situation (fauteuil, canne, masque, casque), avec les personnes en situation de handicap qui deviennent des guides de visite ou des guides de réflexion. Pendant ces parcours in situ et ces ateliers, des problématiques et des besoins seront identifiés, catégorisés et analysés comme des vecteurs de reconnaissance des droits non assouvis et de rupture d’accès. A la fin des sessions, l’attitude des participants a changé. Ils expriment l’intensité de leurs expériences et leur étonnement d’avoir été confrontés à cette problématique aussi tardivement dans leurs cursus. Ils racontent : « pour moi, avant, ça n’existait pas ». La séance continue bien après l’heure de fin prévue. Le besoin d’extériorisation se traduit par des discussions prolixes. Nous avons recueilli de nombreux témoignages aussi bien pendant l’expérience, que lors de questionnaires post-handimension. Quatre grandes réactions se dégagent : l’expression d’une prise de conscience, la volonté de s’engager, voire de militer pour l’inclusion, la projection de l’handimension dans leurs futures pratiques professionnelles d’urbanistes et le déficit de formation sur l’accessibilité dans les métiers de la construction publique et privée.
L’objectif est aussi l’échange de savoirs et d’expertises, ainsi qu’une socialisation de tous les étudiants à la solidarité et la coopération. Les personnes en situation de handicap et personnes valides se transmettent respectivement des connaissances. Les uns apportent leur vision d’aménageurs, avec les contraintes, les logiques, les matériaux; les autres révèlent des obstacles, des logiques d’organisation et de cohérence. Cette prise de conscience révèle aussi des aberrations sur toutes les pratiques usagères (file d’attente devant une porte d’accès, obstacles dangereux si on porte un carton, rupture dans un parcours de mobilité). Les étudiants vivent l’espace et acquièrent des compétences en aménagement inclusif qu’ils pourront utiliser dans leurs pratiques professionnelles.
« La mise en situation, c’est pas juste un regard différent, c’est un corps différent. On ne se rend compte des difficultés d’une personne handicapée que lorsque l’on en devient une. »
Une des « phrases totems » du projet
B. 3. Handicateurs : prise de conscience technique du niveau d’accessibilité
Les handicateurs sont formulés avec les usagers et permettent d’attribuer un niveau de gêne (0 : aucune gêne, 3 : gène rédhibitoire) associé à un critère réglementaire ou un critère d’usage, déficience par déficience. Les handicateurs composent les critères de diagnostic terrain sous l’angle de la perception et du besoin des usagers, vecteurs de reconquête des espaces construits au profit du confort d’usage des citoyens handicapés ou non handicapés. Les handicateurs permettent de visualiser tous les éléments structurants du campus, du cheminement aux mobiliers en passant par les bâtiments, les services, et ainsi co-construire un cadre spatial et social accessible pour tous. L’objectif consiste à concevoir une application numérique de collecte de la donnée terrain qui offrira un support interactif intégrant les informations actualisées par les usagers, et fournira aux autorités compétentes les moyens d’engager des actions d’aménagements et de communication.
II. Les enjeux de l’autonomisation : premiers pas vers l’inclusion en milieu universitaire
A. L’université et ses objectifs d’accès universel aux savoirs, aux espaces, aux compétences
A. 1. Le temps des cours, la course des temps. Accessibilité et universités : un campus comme tant d’autres…
La spécificité de la Cité Scientifique, comme d’autres universités en France, est d’avoir été construite ex nihilo sur des espaces agricoles. Après 50 ans, les bâtiments sont plantés dans 150 hectares d’un parc arboré. Ce potentiel n’est pas encore exploité et les espaces verts semblent morcelés, sous-utilisés. Cette situation est un atout pour inventer une université pilote du développement durable. Et pourtant… Dès sa conception, la Cité scientifique, comme son nom l’indique, est conçue comme une véritable ville où se déploie l’ensemble des services et des aménagements pour poursuivre des études ou des recherches. Elle condense tous les éléments urbains : voiries, espaces de travail et de vie, loisirs, transports, logements, espaces verts. Le campus a subi des ajouts successifs qui interrogent, comme on peut le constater sur les photos ci-dessus, sa cohérence et sa logique. Ce territoire, particulièrement difficile à appréhender, décrit comme un labyrinthe par tous ses usagers, constitue un défi et multiplie les situations, et donc les solutions de cohérence à trouver.
Par définition, ce lieu de construction de la recherche et de la connaissance se prête à l’expérimentation. Sa taille, ses propriétés et ses conditions de travail à proximité des chercheurs, des étudiants et des gestionnaires ont facilité le projet. L’idée est d’élaborer un territoire-laboratoire, un centre d’expérimentations où le mot « université » prend tout son sens : un lieu qui appartient à tous, où les domaines de connaissances se croisent et qui se conçoit collectivement.
Le périmètre du projet aborde essentiellement le campus nommé « Cité Scientifique » qui se situe à Villeneuve-d’Ascq, dans la métropole lilloise. Conçu dans les années 1960 et doté du nom de « cité » pour affirmer un rapport ouvert et collaboratif à la science et à la métropole, le site universitaire a subi des ajouts au fil des années, avec aujourd’hui 150 hectares et une centaine de bâtiments. Les mises en situation et les diagnostics effectués révèlent de multiples obstacles en matière d’accessibilité, que ce soit dans les anciennes constructions ou dans les bâtiments plus récents : ruptures d’accessibilité, discontinuités des cheminements, services et équipements peu ou pas en adéquation avec les nécessités sociales, culturelles et éducatives des populations touchées par une déficience visuelle, auditive, cognitive ou encore motrice. L’arrivée en 2016, et le succès du Learning Centre (gratuit et ouvert à tous les publics) au centre du campus renforcent la nécessité de repenser les aménagements et les cheminements pour redonner une cohérence et une logique globale au campus. Plus généralement, le périmètre du projet s’attache à prendre en compte les réalités de la vie quotidienne des étudiants en situation de handicap. L’environnement du campus a donc été inclus au projet après une enquête sur les pratiques (transports, courses, loisirs, sports, services, démarches administratives…). En ce sens, le partenariat avec la commune de Villeneuve-d’Ascq est essentiel.
« Les campus sont souvent des labyrinthes, des jungles spatiales et administratives. C’est compliqué pour tout le monde, que l’on soit handicapé ou non ! ».
Une des phrases totems du projet
Un premier diagnostic a été réalisé grâce à une carte participative où les étudiant.e.s sensibilisés et les membres de l’association Handifac ont recensé les ruptures d’accessibilité. Très vite, nous avons réalisé que cette carte allait être saturée, et qu’il fallait procéder par type d’espace pour identifier les obstacles récurrents et apporter les solutions. Ce diagnostic rejoint les commentaires dans les entretiens, ainsi que les audits :« L’Université de Lille s’avère exposée à une dispersion géographique de son patrimoine immobilier et à un nombre de bâtiments fortement dégradés, pouvant nuire gravement au bon déroulement de ses activités de recherche et de formation. Cette alerte concerne plus particulièrement le site de la cité scientifique, dont seulement 40 % des 263 000 m 2 sont recensés comme étant dans un état satisfaisant[1] »
A. 2. Organisation du terrain selon les spécificités des usages
Le groupe de travail a dégagé huit thématiques, qui ont servi de fil rouge à la recherche ont structuré les résultats et la diffusion des solutions. Il s’agit de s’adapter aux spécificités des usages du territoire universitaire et de simplifier l’application des changements.
Les bâtiments, salles de cours et amphithéâtres;
Les bibliothèques universitaires;
Les restaurants universitaires;
Les services et les sanitaires;
Les espaces verts;
Les espaces de loisirs et le sport;
La voirie et la mobilité;
Les stationnements.
A. 3. Des résultats inquiétants : l’inaccessibilité aux premières nécessités
Toutes les réunions et les moments de travail prennent en compte les conditions nécessaires aux acteurs impliqués. Même les moments de travail ont révélé les difficultés, contraintes et ruptures qui gênent études et usages du campus (accès, sanitaires, matériels...). La difficulté d’organisation a confirmé par l’expérience les témoignages des entretiens du groupe de travail. Ainsi, le chargé de mission handicap de la commune de Villeneuve-d’Ascq avait alerté les participants au projet sur une dimension fondamentale : des étudiant.e.s prenaient rendez-vous avec lui pour lui exposer un problème : ils devaient abandonner leurs études car non seulement le campus n’apportait pas les conditions d’accessibilité optimale pour aller en cours, mais surtout parce qu’ils ne pouvaient pratiquer les espaces au quotidien. La cause : l’absence de sanitaires suffisamment accessibles dans un certain nombre de bâtiments d’enseignement, de restauration, ou encore une conception défaillante des bâtiments comme le Learning Centre inauguré en 2016. En 2022, des personnes en situation de handicap ne peuvent poursuivre leurs études pour des caractéristiques techniques aussi basiques et réglementaires que la présence d’un sanitaire équipé selon la réglementation de 2005. Lors des préparations des réunions des groupes de travail ou des événements, la partie la plus chronophage consistait à s’assurer de la possibilité de la participation de toutes et tous. Ascenseurs à actionner à l’aide de clefs dont personne ne sait qui peut les donner, WC inadaptés pour les transferts, ou existants mais soumis à des horaires d’ouverture très restreints (des restaurants universitaires par exemple), sanitaires fermés et réservés à une partie du personnel qui en possède la clef, étages inaccessibles… Il fallait faire preuve d’ingéniosité et de patience pour permettre la tenue d’un travail réellement collectif.
Les méthodes qualitatives de mise en situation, d’observations, d’enquête d’entretiens ont été croisées avec des schématisations (croquis de synthèse, cartes mentales, coupes transversales…).
L’enquête a mis au jour la posture constante d’anticipation par les personnes en situation de handicap. Ils préparent leurs itinéraires, se projettent dans les difficultés… Nous avons donc cherché des solutions pour faciliter la projection et l’anticipation en s’appuyant sur les possibilités technologiques : la datavisualisation, la numérisation des diagnostics et les visites virtuelles.
B. Solutions et concepts : un moteur pour résoudre les obstacles
B.1. Adaptation et handicipation : les leçons des échanges
Cette recherche a montré que nous pouvions apprendre de ceux qui ont des difficultés : le constat d’une grande capacité d’anticipation et la volonté de participation collective des personnes en situation de handicap ont ouvert un rapport renouvelé aux usages de l’espace universitaire. Le terrain nous a conduit à dégager le concept d’« handicipation ». Handiciper, c’est anticiper, et participer pour construire les enjeux d’une accessibilité qui nous concerne toutes et tous. C’est solliciter son corps et sa tête pour stimuler la réflexion collective et la transformation du monde, pour anticiper l’avenir. Handiciper (Laidebeur, 2018) vise la participation de tous aux questions de l’accessibilité et à la préparation des espaces et des valeurs de demain. Handiciper, c’est ne pas réduire le handicap à l’immobilité induite par l’environnement, mais au contraire, agir et l’inscrire dans le mouvement social commun. Handiciper, c’est aussi accompagner les personnels et les chercheurs à l’accueil des populations touchées par une déficience. Cet accompagnement suppose une formation et une confrontation aux réalités de vie et de mobilité des personnes concernées par la rupture architecturale et par le comportement excluant.
B. 2. Livret d’expériences et de solutions
La rédaction d’un « livret d’expérience et de solutions » est apparue comme un mode de diffusion des résultats et des bonnes pratiques. La partie « expérience » est une application de l’handimension par l’écrit. Non seulement nous restituons les résultats de la recherche, mais nous consacrons une large part aux entretiens afin de faire comprendre par le témoignage le parcours du combattant imposé par l’espace universitaire aujourd’hui. Ce livret comportera aussi une partie méthodologique (entretiens, observation de parcours, élaboration des critères). L’autre partie a une vocation opérationnelle. Elle décrit les solutions envisagées pour les espaces universitaires, sous forme de fiches. Les gestionnaires et les usagers des autres universités pourront donc compulser ce livret pour participer au mouvement de mise en accessibilité des études supérieures.
B. 3. Le SCOT-U accessibilité : un outil de programmation des projets, et l’accessibilité en principe d’inclusion structurant
Aujourd’hui, une nécessité s’impose : il faut recréer des liens entre les différents sites, des liens avec le tissu urbain, des passerelles physiques en termes d’aménagement, des traits d’union entre les usagers en termes de services et d’événements. Le SCOT-U se penche sur le territoire pensé de manière transversale.
Un « SCOT-Ua », Schéma de Cohérence Territoriale Universitaire, volet Accessibilité (F. Bodin), en cours de réalisation, est un document d’urbanisme et d’orientation. Il décline des objectifs à moyen terme (10 à 15 ans). Il donne une vision globale et stratégique de l’aménagement des universités. Il doit stimuler la cohérence par l’harmonisation et la coordination des politiques universitaires en matière d’aménagements, d’équipements, de services, de logements étudiants, d’accueil des enseignants extérieurs, de commerces, d’offre culturelle, de transports collectifs, de mode doux, de stationnement, de gestion des mobilités, de l’environnement et des nouvelles pratiques écologiques. Il s’applique à des espaces universitaires et leurs environnements interdépendants liés à un bassin de vie, à un bassin de recherche en lien avec les institutions publiques et les entreprises locales, départementales, régionales, nationales et internationales. Le SCOT-U accessibilité de l’Université de Lille est une première européenne. Pour une véritable fusion universitaire et pour un co-développement avec son environnement, le SCOT-Ua doit fournir des orientations, des principes communs, des projets concertés et programmés. Le SCOT-U a défini les grandes orientations des politiques publiques en matière d’aménagements durables, d’inclusion et d’accessibilité.
C. Des outils d’handicipation pour les gestionnaires et les usagers
Le projet Gulivers Campus nous a conduit à imaginer un nouvel outil de datavisualisation et à concevoir une application de diagnostic pour faciliter la gestion de l’accessibilité et prioriser les actions de transformation. Uptimizy offre la possibilité d’une évaluation globale des niveaux d’accessibilité et une visualisation des ruptures en fonction des usages. Il a été conçu et développé progressivement avec les tests terrain, les retours des utilisateurs et une équipe de développeurs informatiques. Entre 2019 et 2022, le logiciel prend la forme d’une plateforme numérique capable de réaliser des diagnostics, d’identifier les ruptures d’accessibilité réglementaires et de haute qualité d’usage (HQU), de proposer des solutions d’aménagements.
Au logiciel de diagnostic viennent s’ajouter d’autres apports issus des technologies numériques afin de faciliter les mesures (numérisation de l’espace par le scanner BLK 360 de Leïca) ou offrant une projection propice à l’anticipation et à la compréhension de l’espace dans le réel (visite virtuelle qualitative avec la Camera Matterport). Les équipes de chercheurs tentent ainsi d’ouvrir le spectre des possibilités dans l’objectif de qualifier les niveaux d’accessibilité d’un objet, de préparer un parcours ou un itinéraire, ou de faciliter également le dialogue de co-construction entre acteurs de culture technique hétérogène.
Ces nouveaux outils ouvrent des voix de dialogue entre acteurs et une transformation cohérente et adaptée des territoires. Ces modalités de communication et d’interaction, par leurs formes et leur plasticité, doivent rendre possibles et effectives la co-construction, la pluridisciplinarité et la prospective. Ces outils technologiques peuvent aussi avoir leurs limites et leurs contraintes. Le choix technologique et le recours à une pratique numérique des diagnostics supposent, pour éviter l’obsolescence, un constant suivi des progrès techniques et technologiques afin de permettre d’actualiser les fonctionnalités et formats informatiques utilisés. La maîtrise des outils, dans leur développement, nécessite des compétences dans les domaines du codage et du respect de l’accessibilité numérique. Les équipes de chercheurs restent vigilants au principe de l’utilisation des nouvelles technologies comme support de progrès des droits humains. L’intelligence artificielle, si elle facilite l’articulation des idées, la pratique des diagnostics et l’analyse quantitative des données collectées sur les terrains de la Cité Scientifique dans le cadre du projet Gulivers campus, ne peut se passer de l’analyse qualitative réalisée par les chercheurs, des enquêtes auprès des usagers et de l’apport essentiel des populations ayant l’expérience vécue du handicap. Pourtant, avec les technologies avancées du numérique, il apparaît également que la mise en place d’une politique globale d’inclusion s’en trouve facilitée : diagnostics automatisés, visites virtuelles des lieux (équipements, bâtiments), intégration dans le logiciel des réglementations multiples en matière d'accessibilité (voirie, ERP, logement, transport, code du travail) sont un gage d’avancée technique et d’engagement de l’action en matière d’inclusion. Tout dépend ici des objectifs poursuivis !
La réalisation d’un démonstrateur ouvre une nouvelle étape du projet : la valorisation socio-économique et de transfert de technologie.
Conclusion
Le projet Gulivers Campus se penche sur les universités comme symbole de la démocratie et de l’accès aux connaissances et aux compétences. L’équipe a souhaité répondre à une question simple mais dont la réponse, au fil des années, a montré sa lenteur et sa difficulté d’application : comment faire du territoire universitaire un lieu de démocratie, d’accessibilité propice à l’inclusion et à la possibilité d’exercer le droit d’accès aux savoirs et à la justice spatiale ?
En 2022, après une vision contraignante de l’accessibilité imposée par le législateur, le vieillissement de la population et les déficits d’accès, les normes « handicap » deviennent un support de diagnostic indispensable à la haute qualité d’usage (HQU) prônée par Régis Herbin, architecte grenoblois (Herbin, 2014). De la contrainte normative mal acceptée et mal maîtrisée, on passe à la volonté d’une mise en cohérence des fonctionnements socio-économiques, condition et vecteur d’aménagements optimisés. Ce processus se nomme CHE, la Conception Humano Evolutive (Bodin, 2003). En s’appuyant sur un certain nombre de valeurs (intégration, autonomie, citoyenneté), le champ de l’accessibilité investit une dimension parallèle à l’espace : le co-développement de l’individuel et du collectif. La nécessité de considérer ensemble l’analyse scientifique, l’expertise usagère et la réalisation concrète dans l’action stimule l'interaction et l’innovation.
« Lever le handicap, c’est faire acte de justice spatiale, de démocratie, et faire société. Ne pas se soucier du handicap, c’est une forme de dictature architecturale d’exclusion. »
Une des phrases totems du projet
Appendices
Note
-
[1]
Rapport de l’IGAENR, Opus Cit., juillet 2018, p. 21
Bibliographie
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