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Introduction

Eléments cliniques et conséquences physiologiques de la pathologie

La drépanocytose, maladie de type autosomique récessive, est la pathologie génétique la plus répandue dans le monde (Bardakdjian & Wajcman, 2004), et la plus fréquente aux Antilles Françaises (Saint-Martin et al., 2013). Elle est caractérisée par une falciformation des globules rouges, leur agglomération conduisant à une obstruction vasculaire très douloureuse (De Montalembert, 2000). Ces crises vaso-occlusives, associées à une anémie chronique et à des complications infectieuses parfois vitales, constituent les trois grands signes cliniques de la pathologie (Meremikwu & Okomo, 2011). Les complications graves de la maladie conduisent à placer la drépanocytose dans le groupe des maladies chroniques dites sévères et invalidantes (Galactéros, 2005).

Les jeunes vivant avec la drépanocytose, particulièrement sensibles au changement de température, à la déshydratation, aux risques infectieux, à l’effort et à l’altitude, font donc l’objet de préconisations médicales contraignant leurs activités sportives et de loisirs, et plus largement, l’organisation de leur vie quotidienne (HAS, 2010 ; De Montalembert et al., 2011).

Aspects psychosociaux de la maladie

L’expérience de la drépanocytose est, avant tout, l’expérience de la douleur chronique (Wilkie et al., 2010 ; Sil, Cohen & Dampier, 2016). Les risques d’atteinte de la santé mentale et de la qualité de vie des jeunes vivant avec la maladie sont étayés dans la littérature, montrant la prévalence des syndromes dépressifs et des troubles anxieux (Jerrell, Tripathi, & McIntyre, 2011 ; Myrvik, Campbell, Davis, & Butcher, 2012 ; Moody, Mercer & Glass, 2019), et plus généralement, une plus faible qualité de vie (Edwards et al., 2005 ; Dale et al., 2011 ; Graves, Hodge & Jacob, 2016 ; Poku, Caress & Kurk, 2018). Celle-ci est notamment liée au caractère imprévisible, répété et douloureux des crises qui provoquent une interruption des activités du quotidien, et impactent en particulier le parcours scolaire (Lemanek & Ranalli, 2009 ; Sahil, 2019 ; Dampier et al., 2010), avec des hospitalisations parfois très longues. Ceci a de lourdes conséquences sur leurs apprentissages, et leur réussite (Knight-Madden et al., 2011), d’autant plus que les difficultés médicales et neuropsychologiques s’ajoutent aux problématiques liées à la socialisation (Wang et al., 2001 ; Dale et al., 2011). La pathologie génère également un retard staturo-pondéral et pubertaire important, à une période cruciale de construction identitaire, où l’identification aux pairs est déjà difficile pour ces jeunes malades chroniques (Guitton, 2014 ; Santrock, 2015).

Approche sociologique : stigmate et stratégie de gestion de la maladie

Les travaux sociologiques s’inscrivant dans une approche interactionniste permettent d’appréhender le vécu de la drépanocytose sous l’angle de la stigmatisation et de l’exclusion, ou de l’auto-exclusion d’espaces sociaux, en considérant que le stigmate est ce qui, lors d’une interaction, affecte, en le discréditant, l’identité sociale d’un individu (Goffman, 1963).

La drépanocytose est une pathologie stigmatisée (Bougerol, 1994 ; Lainé, 2009 ; Bulgin et al., 2018) ; catégorisée comme « maladie du sang », sa représentation sociale véhicule des significations identitaires et symboliques questionnant la notion d’hérédité et de transmission (Bonniol & Benoist, 1994 ; Bonnet, 2001, 2009). Chez les jeunes guadeloupéens, les notions d’exclusion et de contagion s’inscrivent dans une perception complexe de la pathologie, porteuse d’éléments contrastés et produit d’un conflit entre un mal « reçu » et un mal « perçu » (Pruneau et al., 2009). Dans ce contexte, la stigmatisation opère alors à l’articulation des processus sociaux et identitaires, orientant les postures d’interactions comme les stratégies d’évitement.

Ainsi, voulant minimiser l’impact social de la maladie, les jeunes vivant avec la drépanocytose identifient tôt les enjeux liés au masquage des signes visibles de la maladie et dissimulent leur statut de malade en devenant « gardiens du secret » (Héjoaka, 2012, Atkin & Ahmad, 2001). Lorsqu’ils n’évitent pas certaines situations sociales, ils mobilisent des stratégies de maintien de leur « normalité » face aux pairs (Atkin & Ahmad, Ibid. ; Pruneau et al., 2008). Toutefois, les enfants souffrent aussi de la ‟minimisation” des effets de la maladie, et du risque d’être jugés plaintifs et de mauvaise volonté, particulièrement dans le champ scolaire, que ce soit de la part des pairs, ou des adultes (Bougerol, 1994 ; Dyson et al., 2010 ; Guitton, 2014).

Ces jeunes font l’expérience d’une diversité d’environnements – microenvironnement familial, environnement communautaire, macro-environnement sociétal – et d’une multitude de cadres de socialisation. En leur sein, ils évoluent avec leurs limites fonctionnelles ou leurs capacités particulières, qui façonnent la conscience de leur singularité. C’est pour saisir la complexité de ces situations, et la multitude des facteurs en jeu que l’appui théorique et méthodologique de cette étude sur un modèle systémique tel que le MDH-PPH2 démontre un potentiel heuristique, et présente un intérêt novateur pour la littérature scientifique.

Évaluer la participation sociale par un modèle systémique : le MDH-PPH

La participation sociale est un concept polysémique qui recoupe plusieurs définitions et applications (Raymond, Gagné, Sévigny, & Tourigny, 2008 ; Levasseur et al., 2022). La définition retenue ici est issue du Modèle du Développement Humain - Processus de Production du Handicap (MDH-PPH, Fougeyrollas, Boucher & Charrier, 2016).

Depuis les années 1980, les réflexions et travaux québécois ont renforcé une conception sociale du handicap qui s’ancre dans le mouvement de reconnaissance des droits humains des personnes en situation de handicap, et ont contribué au développement de politiques inclusives (Fougeyrollas, 2016). Le modèle de Processus de Production du Handicap a émergé en réaction aux classifications et aux modèles d’interprétation des conséquences de la maladie, et en particulier à la Classification Internationale des Déficiences, Incapacités et Handicaps (Wood & Badley, 1978). Cette approche, tout en considérant le handicap comme la conséquence sociale d’une incapacité, persiste à appréhender la relation entre déficience et handicap de façon linéaire. L’importance des environnements sociaux demeure ainsi en arrière-plan.

Le modèle conceptuel du MDH-PPH2 se définit comme explicatif des causes et conséquences des maladies, traumatismes et autres atteintes à l’intégrité et au développement de la personne (Fougeyrollas et al., 1998). L’interaction dynamique entre les facteurs individuels ou intrinsèques, et les facteurs externes, environnementaux, détermine la réalisation des habitudes de vie, opérationnalisation du concept de participation sociale. Une habitude de vie est « une activité courante ou un rôle valorisé par la personne ou son contexte socioculturel selon ses caractéristiques (l’âge, le sexe, l’identité socioculturelle, etc..) » (Fougeyrollas & Charrier, 2013 : 5), assurant son épanouissement. L’approche du MDH-PPH2 s’est enrichie progressivement en considérant les composantes identitaires au sein des facteurs personnels, et en distinguant au sein des facteurs environnementaux trois niveaux en interaction : le micro-environnement, le méso-environnement, et le macro-environnement. De plus, le MDH-PPH2 considère l’évolution temporelle des situations vécues et de l’interaction individu-environnement afin de comparer les variations de la participation sociale avec une perspective synchronique, mais aussi diachronique (Fougeyrollas et al., 2016, Fougeyrollas et al., 2018).

En s’appuyant sur ce modèle, cette recherche se propose d’évaluer la réalisation des habitudes de vie chez de jeunes guadeloupéens (6-16 ans) vivant avec la drépanocytose, comparativement à un groupe témoin. Rappelons qu’à ce jour, aucune étude n’a évalué la participation sociale dans le contexte spécifique de la Guadeloupe. Les variables socio-démographiques pertinentes (i.e., sexe, âge, lieu de résidence, catégorie socio-professionnelle des parents, situation maritale et familiale) ont également fait l’objet d’analyses pour connaitre leur influence respective et combinée sur les scores de participation sociale.

L’hypothèse opérationnelle soutenue est que les scores et sous scores de participation sociale seront plus faibles chez les jeunes vivant avec la drépanocytose que chez les sujets du groupe témoin.

Méthode

Devis de recherche et population

Le projet de recherche transdisciplinaire présenté est mené conjointement par des équipes en sciences sociales et l’Unité Transversale de la Drépanocytose (UTD)[1]. La cohorte de sujets initiale est constituée de jeunes vivant avec la drépanocytose (n = 102, de 6 à 16 ans, 49 filles, 53 garçons), porteurs d’un Syndrome Drépanocytaire Majeur SS ou Sβ0-thalassémie[2] et suivis à l’UTD. Pour être inclus dans l’étude, les sujets devaient avoir été dépistés en période néonatale ou natale, et avoir fourni leur non opposition à l'étude (également signée par le.s représentant.s légal.ux). Sur cette cohorte, notre échantillon de participants est de 81 sujets (M = 11,22, ET= 3,22, 37 filles, 44 garçons).

Un groupe témoin, composé d’enfants (n= 45, 6 – 16 ans, M = 10.55, ET = 2.93 ans, 22 filles, 23 garçons) sélectionnés aléatoirement via les réseaux de sociabilité et des écoles locales, ne souffrant d’aucune maladie chronique, a également été intégré à l’étude afin de neutraliser un éventuel effet lié au contexte culturel spécifique. Les niveaux de la participation sociale sont ainsi comparés entre jeunes malades et sujets sains du groupe témoin, afin de s'assurer que les différences observées soient bien imputables à la pathologie et non au contexte culturel. Les items spécifiques à la drépanocytose (e.g., réaction lors d’une crise vaso-occlusive) ont été retirés lors de l’analyse comparative. D’autres travaux relatifs à la participation sociale, essentiellement dans le champ des incapacités et des déficiences, en contexte québécois, états-unien et européen ont ainsi procédé en utilisant un groupe témoin (Sylvestre et al., 2013 ; Michelsen et al., 2014).

Outil de mesure

La participation sociale a été évaluée à l’aide de l’échelle de Mesure des Habitudes de Vie (MHAVIE pour enfants et adolescents, Fougeyrollas et al., 2003, version 4.0 révisée Fougeyrollas, Noreau & Lepage, 2014). Cette échelle est un instrument validé et présentant de bonnes qualités psychométriques (Bedel & Coster, 2008 ; Fougeyrollas et al, 2014). L’outil est un questionnaire auto-administré, mais dans le cas où le niveau de cognition du répondant est bas, la passation peut être réalisée par un répondant intermédiaire.

La MHAVIE évalue la perception de la personne quant à la réalisation de ses habitudes de vie, déclinées en douze catégories d’activités courantes et de rôles sociaux, et ce sur un continuum allant de la « situation de participation sociale optimale » à la « situation de handicap complète » (Fougeyrollas & Charrier, 2013).

Ce questionnaire évalue le niveau de participation aux activités courantes et aux rôles sociaux en considérant le niveau de difficulté (3 niveaux) lors de la réalisation des habitudes de vie et le niveau d’aide utilisé : elle peut être technique (i.e., support (non-humain) pour aider à l’accomplissement d’une habitude de vie, tel qu’un fauteuil roulant), renvoyer à un aménagement (i.e., modification dans l’environnement, telle qu’une rampe d’accès, ou de l’habitude de vie, telle qu’un temps supplémentaire alloué à sa réalisation), ou être de type humaine (i.e., une personne, e.g., proche, personnel soignant, aide à l’accomplissement de l’habitude de vie, telle que les proches, les amis ou les aides-soignants, Fougeyrollas et al., 2014). Pour chaque item, une mesure de la satisfaction est également proposée (échelle de Likert en 4 points, allant de « Très satisfait » à « Très Insatisfait »), mais elle ne contribue pas au calcul du score global de participation ; les réponses concernant la satisfaction sont plutôt utilisées pour documenter la qualité de la participation sociale (Fougeyrollas et al., 1998).

L’échelle d’accomplissement de la MHAVIE couvre les 12 domaines d’habitudes de vie proposés par le MDH-PPH2. Ces 12 domaines sont similaires à sept des neuf domaines proposés par la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS,1998). Les six premiers domaines sont reliés aux activités courantes incluant : la nutrition, la condition corporelle, les soins personnels, la communication, l’habitation et les déplacements. Les items restants concernent les rôles sociaux : les responsabilités, les relations interpersonnelles, la vie communautaire, l’éducation, le travail et les loisirs (Fougeyrollas et al., 1998).

Des modifications ont été apportées à cette échelle (Cholley-Gomez et al., 2020), car son utilisation soulève la question de son adéquation à des contextes culturels particuliers (Boucher et al, 2017). N’ayant jamais été utilisée en Guadeloupe, nous avons entrepris, en tenant compte du contexte local et des caractéristiques de notre population d’étude, une démarche d’adaptation de cet instrument, particulièrement valorisée dans les recherches sur le handicap et à visée inclusive (Ibid.)[3]. Il s’agissait de l’ajuster à l’expérience spécifique de la maladie chronique (e.g., Gérer la situation en cas de crise douloureuse), les résultats obtenus pouvant faire l’objet de comparaisons intragroupes (au sein de notre groupe de jeunes vivant avec la drépanocytose), mais aussi au contexte culturel de la Guadeloupe (ces données pouvant faire l’objet de comparaisons intergroupes, entre sujets drépanocytaires et sujets sains issus du groupe témoin). L’outil final comporte 80 items ; les 12 domaines (catégories d’habitudes de vie) et les échelles de réponse et leurs modalités n’ont pas été modifiées, afin de ne pas porter atteinte à sa structure et à sa validité (Boucher et al., 2017).

Lors de la passation du questionnaire, des informations complémentaires étaient recueillies. Elles portaient sur les variables socio-démographiques suivantes : le lieu de résidence, la profession des parents et leur situation maritale (en couple, séparés, parent veuf, famille recomposée), et le nombre de frères et soeurs (y compris ceux issus d’une ancienne ou nouvelle union de l’un des parents).

La passation de la MHAVIE s’est déroulée, pour la cohorte de jeunes vivant avec la drépanocytose, à l’UTD, au sein du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre (n= 76) ou, pour les patients suivis à Basse-Terre, au Centre Hospitalier de Basse Terre, CHBT (n=5). Pour le groupe témoin, la passation était réalisée dans les lieux de convenance des sujets, essentiellement au domicile. L’ensemble des données étaient conciliées dans un cahier d’observation électronique (electronic Case Report Form, eCRF)[4].

Variables considérées

Les variables indépendantes sont les suivantes : la pathologie drépanocytaire (2 modalités, présence : groupe de jeunes vivant avec la drépanocytose, vs absence de la maladie : groupe témoin), le sexe (2 modalités, M/F), l’âge (variable continue), le lieu de résidence (recodée en trois modalités : Grande-Terre, Basse-Terre et Zone Centrale[5]), la catégorie socioprofessionnelle (CSP) du père et de la mère (recodées respectivement en trois modalités : Inactif, Ouvrier-employé, Intermédiaire-supérieur, et Inconnu-décédé, cette dernière catégorie n’étant pas inclue dans l’analyse, les données sont considérées comme données manquantes. Enfin, la situation familiale (recodée en deux modalités qui considèrent la structure familiale dans laquelle évolue l’enfant au sein du foyer : parent isolé (i.e., situation monoparentale) vs parent·s en couple, y compris s’il s’agit d’une nouvelle union), et la fratrie (également recodée en deux modalités : enfant seul vs présence d’une fratrie, y compris s’il s’agit d’enfants issus d’une nouvelle union).

Les variables dépendantes de l’étude comportent le score de participation sociale, opérationnalisée dans le modèle du MDH-PPH2 comme la réalisation des habitudes de vie de l’individu. Le score total à la MHAVIE est obtenu en additionnant les scores de chaque item puis en divisant par le nombre d’items (calcul d’une moyenne). Ce score global peut être subdivisé en deux sous-scores, permettant de distinguer d’une part les activités courantes, et d’autre part les rôles sociaux. Pour ce faire, il suffit de calculer la moyenne des scores de la sous-échelle désirée (Desrosiers et al., 2003 ; Fougeyrollas et al., 1998). Chaque catégorie d’habitude de vie peut également faire l’objet d’analyse distincte et spécifique.

Analyses

Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide des logiciels Statistica et R. La normalité des distributions (visuellement par l’usage d’histogrammes, et statistiquement par le recours au test de Kolmogorov-Smirnov) a été vérifiée ; l’utilisation des tests paramétriques (T de Student, ANOVA) fut également contrainte par la taille des groupes et par le respect d’un nombre minimal d’observation pour chaque paramètre considéré. Pour L’ANOVA, l’homogénéité des variances fut également vérifiée à l’aide du test de Levene. Le seuil de signification retenu pour l’ensemble des analyses est de p < .05.

Pour les variables continues, les moyennes et écart-type sont indiqués, et les fréquences et pourcentages dans le cas de variables catégorielles. Des tests du Khi2 (dans le cas de comparaisons de pourcentages / effectifs) et du T de Student (dans le cas de variables continues) ont été effectués pour vérifier l’absence de différences entre les groupes. Pour vérifier les effets du lieu de résidence, de la catégorie socio-professionnelle du père, et de la mère sur les scores de participation et sous-scores de la MHAVIE, des analyses de variance ont été conduites. A la suite des analyses bivariées, en dernier lieu, ont également été menés des analyses multivariées. Les modèles de régression linéaire multiple descendants ont pour but d’identifier les variables ayant les effets les plus importants sur le score global de participation sociale, et sur les sous-catégories des activités courantes et des rôles sociaux.

Résultats

Les caractéristiques de l’échantillon sont détaillées dans le tableau 1, pour le groupe vivant avec la drépanocytose (n = 81) et le groupe témoin (n= 45).

Tableau 1

Comparaison des caractéristiques des participants à l’étude

Comparaison des caractéristiques des participants à l’étude

1 Résultats du T de Student (pour la comparaison de scores) ou du Khi2 (pour la comparaison d’effectifs)

2 Catégorie Socio-Professionnelle

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Comparaison des scores de participation sociale entre les groupes

Les résultats des tests du T de Student pour échantillons indépendants, entre le groupe vivant avec la drépanocytose (n = 81) et le groupe témoin (n = 45) sont rapportés dans le tableau 2. Les scores moyens considérés (écart-type entre parenthèses) portent sur chaque sous-catégorie de la MHAVIE (12 au total), la catégorie des activités courantes (comprenant les catégories suivantes : communication, déplacements, nutrition, bien-être physique et psychologique, soins personnels et de santé, habitation), la catégorie des rôles sociaux (responsabilités, relations interpersonnelles, vie communautaire et spirituelle, éducation, travail, loisirs), et enfin sur la participation globale (score brut ramené à un score sur une échelle de 0 à 10, où 0 représente une situation de handicap totale et 10, une situation de pleine participation).

Tableau 2

Scores moyens (écart-type entre parenthèses) des participants aux douze domaines composant la MHAVIE pour chaque groupe et résultats du T de Studenta

Scores moyens (écart-type entre parenthèses) des participants aux douze domaines composant la MHAVIE pour chaque groupe et résultats du T de Studenta

a ** test significatif à p < .01, NS non significatif

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Des différences significatives sont observées entre les jeunes vivant avec la drépanocytose et les participants du groupe témoin quant à leur participation sociale (i.e., l’accomplissement global de leurs habitudes de vie), mais également au regard de la réalisation de tous les domaines d’activités courantes, et de quatre (i.e., responsabilités, vie communautaire, éducation, loisirs) des six rôles sociaux. Les résultats quant à la catégorie travail (t (106) = 0.47, p = .63) ne permettent pas de conclure à un écart significatif entre les groupes. Cependant, pour les répondants les plus jeunes, deux des trois items (portant sur la recherche d’un travail, et sur la réalisation d’activités ou de services en échange d’une rémunération) ne sont pas applicables, la catégorie étant alors réduite à un item. Il est donc légitime de la considérer comme peu pertinente pour notre échantillon, et de la retirer des analyses futures.

Les analyses ne permettent pas non plus de conclure à une différence significative entre les groupes dans la réalisation de leurs habitudes de vie pour le domaine des relations interpersonnelles. Cependant, une analyse détaillée des items composant la catégorie permet de spécifier les diverses sphères (e.g., amicale, familiale, scolaire) dans lesquelles ces relations se déploient. Les résultats (rapportés dans le tableau 3) indiquent que les jeunes vivant avec la drépanocytose ont davantage de difficultés relationnelles (avec les pairs, et les adultes) et dans la gestion des conflits que les répondants du groupe témoin.

Tableau 3

Score moyen des participants (écart-type entre parenthèses) aux items composant la catégorie Relations interpersonnelles de la MHAVIE pour chaque groupe et résultats du T de Student

Score moyen des participants (écart-type entre parenthèses) aux items composant la catégorie Relations interpersonnelles de la MHAVIE pour chaque groupe et résultats du T de Student

a ** test significatif à p < .01, NS non significatif

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Les autres variables indépendantes ont également fait l’objet d’analyses (présentées de façon groupée en tableau 4). Chez les de jeunes vivant avec la drépanocytose comme au sein du groupe témoin, l'âge et le sexe des répondants n’ont pas d’effet sur le score global de participation sociale, ni sur les sous-catégories des activités courantes, ou des rôles sociaux.

L’analyse des effets simples montre un impact significatif du lieu de résidence sur les scores de participation, et d’accomplissement des activités courantes et des rôles sociaux, mais cet effet est uniquement vérifié chez les sujets du groupe témoin. Chez ces derniers, les tests post-hoc (LSD de Fisher) indiquent que les habitants de Basse-Terre ont une participation globale significativement plus faible que ceux résidants en zone centrale et sur Grande-Terre, ces deux derniers différant également entre eux, au profit de la zone centrale.

Les analyses des effets liés à la situation maritale des parents (ou du parent ayant la garde de l’enfant) sur la participation sociale de l’enfant indiquent que chez les jeunes drépanocytaires, la situation de couple contribue à améliorer la participation sociale globale, ainsi que la réalisation des activités courantes et des rôles sociaux. Au sein du groupe témoin, aucun effet n’a été identifié.

Enfin, chez les sujets du groupe drépanocytaire comme chez ceux du groupe témoin, les scores de participation, et les sous-scores relatifs aux activités courantes et aux rôles sociaux ne sont pas influencés par la présence ou l’absence d’une fratrie.

Des analyses ont été effectuées afin de vérifier l’effet des catégories socio-professionnelles du père et de la mère sur les scores et sous-scores de participation, et ce en intragroupe. Pour le groupe témoin, la taille d’échantillon de sujets dans une des modalités du facteur CSP du père (i.e., père inactif, n = 4) et CSP de la mère (i.e., mère inactive, n = 6), a nécessité l'utilisation du test de Kruskall-Wallis (test non paramétrique) en lieu et place de l’ANOVA. Seul un effet de la catégorie socio-professionnelle intermédiaire-supérieur de la mère sur le sous-score lié aux rôles sociaux et aux activités courantes a été mis en évidence au sein du groupe vivant avec la drépanocytose avec une tendance d’effet (p = 0.051) pour le score global de participation.

Tableau 4

Comparaison des scores moyens (écart-type entre parenthèses) obtenus aux domaines de la MHAVIE selon les différents facteurs socio-démographiques chez les enfants drépanocytaires et le groupe témoin

Comparaison des scores moyens (écart-type entre parenthèses) obtenus aux domaines de la MHAVIE selon les différents facteurs socio-démographiques chez les enfants drépanocytaires et le groupe témoin

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Identifier les variables explicatives des scores de participation : modèles multivariés

Les variables sélectionnées dans les modèles finaux sont les mêmes quel que soit le score analysé (tableau 5). Les résultats obtenus confirment et renforcent les patrons de résultats précédemment obtenus dans le cadre d’analyses bivariées. Le fait d’être de vivre avec la drépanocytose influence significativement la participation sociale (en la diminuant) et ses sous-scores, indépendamment de la valeur prise par les autres variables.

Tableau 5

Modèles de régression linéaire des paramètres en lien avec le score global de participation sociale, les activités courantes et les rôles sociaux

Modèles de régression linéaire des paramètres en lien avec le score global de participation sociale, les activités courantes et les rôles sociaux

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Discussion

L’objectif de cette étude était de comparer la participation sociale de jeunes vivant avec la drépanocytose (6-16 ans) vivant en Guadeloupe, avec celle d’un groupe témoin, constitué de sujets sains. Il s’agissait également d’identifier les situations de handicap que ces jeunes peuvent rencontrer dans l’accomplissement d’activités au sein de champs spécifiques (e.g., scolaire, sphère familiale, loisirs).

La comparaison des effectifs des deux groupes a révélé certaines différences significatives dans les variables socio-démographiques considérées. Un ensemble d’éléments explicatifs a été proposé afin de justifier ces écarts même si la taille de la population doit impliquer une prudence dans les explications avancées. Ainsi, le fait de vivre avec drépanocytose semble être corrélé avec des configurations familiales voire géographiques particulières : les drépanocytaires sont concentrés dans ce qui a été qualifié de zone centrale, peut-être pour des raisons de proximité des soins et d’accès à l’hôpital. Mais l’échantillon n’est pas assez important pour le dire avec certitude. D’autre part, sur le plan familial, la situation de parent isolé (concernant la mère, dans la majorité des cas) est surreprésentée chez les de jeunes vivant avec la drépanocytose.

On peut également noter la différence liée à la CSP maternelle, les catégories inférieures (comprenant les ouvrières et les employées) et inactives (femmes en recherche d’emploi ou sans activité professionnelle) étant surreprésentées chez les de jeunes vivant avec la drépanocytose. La pathologie des enfants induit des ruptures de carrière, des pertes d’emploi du fait des absences répétées, voire parfois l’impossibilité de maintenir une activité professionnelle lorsque la maladie est particulièrement symptomatique et que les conséquences (en termes de crises, d’hospitalisations et de problèmes de santé) sont importantes.

Enfin, concernant la CSP du père, notons qu’une part importante des jeunes vivant avec la drépanocytose (représentant 24% de l’échantillon) n’a pas renseigné la question (19 vs 1 sujet du groupe témoin). Dans de nombreux cas, les répondants ont précisé oralement n’avoir plus aucun contact avec leur père et ne pas connaître sa situation professionnelle actuelle. Or, cette catégorie n’a pas été considérée dans l’analyse de variance, puisqu’elle ne constituait pas une modalité et renvoyait à des données manquantes. Il semble qu’il ne serait pas pertinent de la considérer comme modalité à part entière puisqu’elle correspond davantage à la situation maritale (parent isolé) de la mère ayant à charge l’enfant. Ces éléments sont conformes à la littérature, qui montre l’impact de la drépanocytose sur la cellule familiale. La survenue, puis le vécu de la maladie conduisent à un éclatement du noyau parental (Bonnet, 2001, 2004 ; Beaudevin, 2013). La mère est souvent le seul parent à gérer le quotidien de l’enfant drépanocytaire (Pruneau et al., 2008 ; Marsch et al., 2011).

Il aurait été souhaitable que les groupes soient le plus proches possible sur le plan sociodémographique afin de permettre des comparaisons plus robustes, mais les différences observées, loin de constituer une faiblesse méthodologique, peuvent faire l’objet d’une analyse qualitative de l’impact de la drépanocytose sur la structuration familiale.

Concernant les analyses inférentielles réalisées (analyses bivariées puis multivariées), les résultats obtenus apportent une contribution empirique aux travaux portant sur les conséquences psychosociales de la drépanocytose chez les enfants et adolescents, et sur leur participation sociale. Elles valident notre hypothèse en indiquant des scores de participation globale, et de réalisation des activités courantes et des rôles sociaux, significativement plus faibles chez les sujets drépanocytaires, attestant qu’ils rencontrent des restrictions dans l’accomplissement des habitudes de vie qui devraient permettre leur épanouissement et leur bien-être psychosocial. Au regard de leurs pairs non-malades, ils ne font donc pas l’expérience d’une pleine participation et connaissent des restrictions significatives dans la quasi-totalité des sphères de leur existence, et de façon plus marquée (i.e., score le plus faible) dans celle relative au domaine des loisirs. A l’exception de la catégorie Travail qui a été considérée comme habitude de vie non pertinente pour notre population, et des Relations Interpersonnelles, tous les sous-domaines constitutifs de la MHAVIE démontrent des cotes inférieures chez les jeunes vivant avec la maladie.

Le fait qu’aucune différence significative entre les groupes pour le champ des relations interpersonnelles n’ait été identifiée peut sembler surprenant au regard de la littérature. Cependant, l’analyse détaillée des items composant cette catégorie permet d’apporter un éclairage consistant avec les travaux antérieurs en spécifiant les diverses sphères (e.g., amicale, familiale, scolaire) dans lesquelles ces relations se déploient. En effet, si les groupes ne se distinguent pas sur le plan des relations entretenues au sein de la cellule familiale et amicale proche, montrant que l’environnement familial et proche du drépanocytaire est protecteur (Pruneau et al., 2008), le passage d’une sociabilité « interne » à une sociabilité « externe » (Ibid.) est plus problématique. Les drépanocytaires ont davantage de difficultés lorsqu’il s’agit d’établir et de maintenir des liens avec les adultes de la sphère non familiale, et notamment avec les pairs. A cet égard, les groupes se différencient à nouveau sur le score lié à la vie communautaire et spirituelle, qui inclut les responsabilités dans le champ scolaire, l’implication dans des associations de loisirs[6] et les pratiques religieuses.

Certaines activités relevant de la vie quotidienne sont également affectées, qu’il s’agisse de la nutrition (i.e., choisir ses aliments, participer à la préparation des repas, et s’hydrater, sachant que l’apport en eau est le socle du traitement de la drépanocytose), de l’habitation (i.e., respecter les règles de sécurité à la maison, participer à l’entretien du lieu) ou encore des soins personnels et de santé (i.e., hygiène, habillement, soins et utilisation des services de santé). Pour ce dernier champ, les jeunes vivant avec la drépanocytose rencontrent d’importantes contraintes liées à la nécessité d’une attention permanente à l’hygiène pour éviter les risques infectieux auxquels ils sont plus sensibles (Galactéros, 2005). Ils doivent se couvrir et changer de vêtement dès humidification, afin d’éviter une crise vaso-occlusive (recommandations HAS, 2010). Engagés dans une « médicalisation » de leur existence par le biais d’un parcours de soins contraignant dès la petite enfance (e.g., visites régulières de suivi à l’UTD, protocole transfusionnel parfois mensuel, médicamentation lourde et quotidienne), soumis à des contre-indications et contraintes médicales fortes (liées aux pratiques physiques, aux voyages, à l’alimentation), les drépanocytaires disposent d’une faible autodétermination.

Le vécu de la pathologie influence fortement l’engagement scolaire (e.g., apprentissage, devoirs, suivi des cours d’Education Physique et Sportives) et le domaine des loisirs, qui intègre aussi bien les activités sportives (e.g., endurance, résistance, exposées et non exposées au soleil) et physiques plus générales (e.g., activités de baignade, de plein air, tourisme). Les Activités Physiques et Sportives constituent un domaine d’investissement privilégié de l’adolescent, lieu de socialisation et noyau central de son élaboration identitaire (Clément, 2000 ; Pruneau et al., 2008). Les activités aquatiques, que ce soit en mer ou en rivière, sont particulièrement problématiques pour les jeunes vivant avec la drépanocytose (HAS, 2010), et constituent pourtant une activité culturelle familiale essentielle en Guadeloupe (Pruneau et al, 2008.) Si les jeunes vivant avec la drépanocytose bravent parfois l’interdit de l’effort physique, l’activité sportive constituant un enjeu d’affirmation de la normalité face aux préconisations parentales et médicales (Pruneau et al., ibid.), nos résultats indiquent qu’ils sont confrontés à des restrictions de leur participation dans ce domaine. Ils ne permettent cependant pas de spécifier quelle est la part des contraintes physiques, des limitations parentales ou de l’auto-restriction dans ce moindre accomplissement des activités sportives et de loisirs.

Les analyses relatives à la structuration familiale indiquent que la situation maritale des parents (ou du parent ayant la garde) influence la participation sociale du jeune drépanocytaire, puisque la situation de couple contribue à une participation plus importante et à un meilleur accomplissement des activités courantes et des rôles sociaux. Si les catégories socioprofessionnelles des parents n’ont pas d’influence sur la participation et ses sous-scores chez l’enfant malade, la catégorie « intermédiaire-supérieure » de la mère contribue toutefois à les améliorer. L’hypothèse d’un environnement familial protecteur et compensateur des limitations peut ici être à nouveau formulée.

Conclusion

Si le modèle du MDH-PPH2 fut principalement utilisé dans la compréhension de l’expérience du handicap auprès de personnes ayant des incapacités de divers ordres (moteur, cognitif, sensoriel), les résultats présentés montrent la pertinence d’un tel ancrage conceptuel et méthodologique, dans la lignée des recherches récentes appliquant ce modèle à l’étude de pathologies chroniques (Ferez et al., 2019 ; Ferez et al., 2015 ; Lacroix, Boucher & Villeneuve, 2016).

Ce travail constitue un apport novateur au regard de la littérature existant sur le modèle du MDH-PPH2, mais également au regard des travaux portant sur la participation sociale des jeunes vivant avec la drépanocytose, en particulier les enfants d’âge scolaire. A ce jour, les travaux s’inscrivent en effet davantage sur une approche individuelle et psychologique de la maladie chronique privilégiant un étayage sur le concept de qualité de vie. Aucune étude n’a étudié la participation sociale de jeunes drépanocytaires à partir du MDH-PPH2, qui plus est dans un environnement socio-culturel tel que la Guadeloupe, où l’accomplissement de leurs habitudes de vie est soumis à des contraintes physiques (e.g., conditions climatiques, géographiques) et sociales (représentations et traitement social de la maladie) fortes. Il faut toutefois souligner une des limites de ce travail liée à la taille de l’échantillon, rendant difficiles les analyses lorsque le devis factoriel contient plus d’une variable. D’autres travaux, impliquant une population plus importante, devront donc compléter cette contribution empirique.

Pour ces jeunes guadeloupéens, vivre avec une telle maladie chronique contraint la réalisation de leurs habitudes de vie, qu’ils s’agissent des activités courantes – se déplacer, communiquer, se nourrir – ou des rôles sociaux – avoir des responsabilités, pratiquer des activités de loisir, maintenir des relations interpersonnelles. Soulignons que, dans la perspective du MDH-PPH2, rôles sociaux et activités courantes ne doivent pas être hiérarchisés, puisque l’accomplissement de celles-ci contribue aussi à l’exercice des droits d’un individu (Fougeyrollas, 2010). Prônant une distinction conceptuelle et empirique entre « aptitudes fonctionnelles » et « degré et modalité de réalisation effective en situation sociale », l’approche théorique de la construction culturelle du handicap et de la maladie implique de considérer que ces activités, telles que s’habiller, ou s’occuper de son hygiène, ne sont pas des caractéristiques personnelles mais des tâches dont la réalisation est socialement déterminée, impliquant les caractéristiques environnementales présentes dans le contexte.

A partir de cette perspective, les résultats de notre étude devront, en plus de nourrir la réflexion des chercheurs, alimenter l’intérêt et questionner les pratiques des professionnels et des acteurs locaux qui agissent à différents niveaux et dans diverses sphères du jeune vivant avec la drépanocytose : les personnels médicaux, scolaires et parascolaire, les membres d’associations locales, les décideurs politiques locaux, les institutions pertinentes (Maison Départementale des Personnes Handicapées - MDPH, Rectorat). L’école étant un vecteur d’insertion sociale essentiel, et la maladie ayant un retentissement fort sur la scolarité (e.g.., absentéisme, difficultés d’apprentissage et d’acquisition, difficultés relationnelles, Guitton, 2014), des actions de sensibilisation seraient particulièrement requises dans le champ scolaire. Elles permettraient d’améliorer les connaissances des équipes pédagogiques (et des pairs) quant aux effets de la maladie sur la scolarité et la vie quotidienne de ces jeunes, et ainsi contribuer à de meilleures pratiques. A terme, c’est la perspective d’une meilleure insertion socio-professionnelle à l’âge adulte qui peut ainsi être envisagée.

Enfin, de futures analyses complèteront ces premières données pour indiquer, à partir des résultats obtenus à la Mesure de la Qualité perçue de l’Environnement (MQE), ainsi que l’influence de l’interaction dynamique entre les facteurs environnementaux et individuels (e.g., manifestations cliniques de la maladie, troubles neuropsychologiques) sur la participation sociale de ces jeunes vivant avec la drépanocytose. Ces analyses participeront enfin à nourrir une réflexion déjà ouverte quant aux défis et perspectives offertes par la transdisciplinarité de ce projet (Ruffié et al., 2020).