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Il y a déjà quatre ans, le Réseau franco-latino-américain de recherche sur le handicap (FRLA), l’équipe de recherche « Participation sociale et villes inclusives » (PSVI) et le Réseau international sur le Processus de production du handicap (RIPPH) amorçaient conjointement l’organisation du IVe colloque franco-latino-américain de recherche sur le handicap à l'Université de Laval, au Québec (Canada). Rapidement confrontés aux incertitudes générées par les pratiques de régulation de la pandémie du Covid-19, les partenaires ont pris la décision de basculer l’organisation du colloque en format virtuel. Comme bien d’autres collègues dans la même situation, nous nous sommes retrouvés à expérimenter de nouvelles modalités d’interaction et d’échange avec lesquelles nous étions pour la plupart d’entre nous peu familier. Malgré les aléas de la technologie et de la distance, cet événement a été couronné de succès avec la présence d’environ 90 conférencier.ères et 150 autres participants. Dans ce numéro de la Revue Aequitas, nous partageons quelques éléments qui nous ont été soumis en réponses aux interrogations initiales de ce colloque.
La compréhension du phénomène du handicap à travers les liens sociaux, ainsi que les conditions de production et de transformation des relations sociales tissées par les personnes en situation de handicap sont des enjeux contemporains partagés par les acteurs civils, gouvernementaux et académiques dans le domaine du handicap. Dans cette quatrième édition du Colloque franco-latino-américain de recherche sur le handicap, nous avons exploré la question du vivre-ensemble au regard des positions sociales occupées par les personnes en situation de handicap dans des sociétés très différentes sur le plan social, culturel, économique et politique. L’objectif était d’interroger la manière dont ces cultures construisent le handicap et favorisent un certain type de relations sociales avec les personnes en situation de handicap, mais aussi la manière dont les personnes en situation de handicap elles-mêmes participent à la construction des espaces sociaux et des territoires auxquels elles appartiennent. Comment, depuis les mouvements des années 1970 revendiquant l’autodétermination, notamment au travers de slogans tel que « Rien à notre propos sans nous », ces personnes participent-elles aux décisions qui les concernent? En ce sens, le regard se déplace vers des enjeux liés à l’exercice des droits des personnes en situation de handicap, de culture Sourde ou, plus généralement, faisant l’objet d’un processus de minorisation. Ainsi, nous souhaitions interroger la tension qui se joue dans les sociétés contemporaines entre l’appartenance à un territoire et l’affirmation de droits spécifiques, à la fois individuels et collectifs.
La compréhension des modalités d'exercice de ces droits nécessitait de saisir l’ancrage dans lequel se situent les personnes quelles que soient leur identité sociale, afin de retracer les manières dont les personnes en situation de handicap et/ou de culture Sourde peuvent investir les différents espaces sociaux. En ce sens, les expériences et les identités sont à la fois transformées par ces actions, mais aussi par une inscription dans un territoire donné. Cela implique la saisie de la relation complexe entre les collectifs et leur environnement, fortifiée par l’interrelation des rapports sociaux et spatiaux.
Cette quatrième édition du colloque de recherche sur le handicap proposait justement d'aborder les enjeux théoriques et pratiques liés à l'analyse des identifications et des expériences de discrimination, en favorisant l'exposition de travaux de recherche, d’analyses de pratiques professionnelles et de retours d’expérience dans les contextes francophones ou latino-américains.
Dans cette perspective, nous partageons dans ce numéro spécial des textes qui relèvent tantôt de l’espace expérientiel, tantôt des espaces académiques, catégories constitutives de la revue Aequitas. Ainsi d’entrée de jeu, nous soulignons avec insistance les intérêts dont ont fait preuve nos conférencier.ère.s invités en acceptant de partager leurs positions quant aux enjeux formulés dans ce colloque. Vous trouverez dans le propos du philosophe Henri-Jacques Stiker des arguments soutenant la nécessité d’interroger la situation des personnes en situation de handicap sous l’angle prometteur de « condition », approche qui suscite une toute nouvelle réflexion. Pour sa part, l’anthropologue Charles Gaucher nous fait pénétrer dans le monde des entendants en posant un regard interrogateur concernant les dynamiques familiales et sociales qui animent la reconnaissance des langues signées en insistant sur les enjeux auxquels les parents sont parfois confrontés dans les décisions relatives à leur enfant.
Tour à tour, Marie Cholley-Gomez et SophieDalle-Nazébi nous ouvrent l’espace académique en présentant et discutant de résultats de recherche originaux. Ainsi, la première rend compte d’une réalité peu connue, soit celle de la participation sociale des jeunes guadeloupéens âgés de 6 à 16 ans vivant ou non avec la drépanocytose alors que la seconde nous invite à considérer les innovations en matière de médiation communicationnelle pour les personnes aphasiques en France. Pour leur part, Mariama Kaba et Gaëlle Lefer Sauvage dévoilent les résultats de leurs études concernant les conditions des jeunes ayant des incapacités. Kaba analyse l’expérience des jeunes ayant bénéficié de formation au sein d’institutions spécialisées suisses, en nuançant la contribution de ces formations à leur intégration sociale. Dans un registre un peu différent, Lefer Sauvage illustre les résultats de ses travaux relatifs à la construction de l’identité vocationnelle ou professionnelle parmi les collégien.ne.s mahorais ayant une différence intellectuelle et les difficultés qu’elles et ils rencontrent dans la formulation d’un projet d’emploi suite à la réalisation d’un stage.
Ce numéro comporte deux articles en espagnol et deux en portugais. Les articles en espagnol proviennent du cône sud, c’est-à-dire de l’Argentine et du Chili. L’article de Matias Bonavitta explore l’univers du désir amoureux d’une femme ayant une différence intellectuelle. L’auteur engage une réflexion approfondie sur les préjugés et interdictions sociales qui conduisent à une vision restreinte du désir (qui peut désirer qui) et à la sélection des corps jugés désirables. Pour leur part, Paola Arroyo Fernández et Luis Vera Fuente-Alba proposent une nouvelle forme de résistance à l’idéologie capacitiste-capitaliste, hégémonique dans nos sociétés, la « Dissidence fonctionnelle ».
Les articles en portugais, qui viennent du Brésil, se penchent sur deux problématiques différentes concernant les personnes ayant une différence intellectuelle. À partir de l'analyse de l'institution de l'(in)capacité civile et de son instrumentalisation par l'action de définir la tutelle, l’article d’Alessandra Moraes de Sousa vise à comprendre la manière dont le sens se construit en Droit autour de l'attribution de l'(in)capacité aux personnes qui ont une différence intellectuelle. Pour sa part, Libéria Neves explore la formation des enseignants pour l'éducation spéciale et l'inclusion scolaire, en se concentrant sur le cas du système scolaire public municipal de la ville de Belo Horizonte, Brésil.