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Introduction
Au cours des dernières années le Québec a amorcé un débat de fond sur la réforme de sa fiscalité. En 2014, le gouvernement du Québec a mis sur pied la Commission d’examen de la fiscalité québécoise (CEFQ) qui a publié ses recommandations il y a déjà plus d’un an. Bien que certaines aient déjà été appliquées, le rapport lui-même fait toujours l’objet de débats tant parmi les élus que dans les cercles académiques. D’autre part, le gouvernement fédéral a récemment considéré apporter certaines révisions à sa propre fiscalité. Dans ce contexte, il nous apparaissait opportun d’inviter plusieurs économistes à partager leur expertise et leurs suggestions quant à un éventuel réaménagement de la fiscalité du Québec.
L’objectif de ce symposium est de dégager des leçons du passé, d’identifier et de discuter des avenues de réformes souhaitables pour la fiscalité québécoise et de proposer une réflexion sur les outils économiques les plus utilisés pour aborder les questions fiscales. La fiscalité sera abordée à la lumière de la théorie de la taxation, des modèles macroéconomiques d’équilibre général dynamique ou encore les modèles d’équilibre général calculables. On y propose aussi de nouvelles avenues de recherche et une réflexion sur le financement des études postsecondaires au Canada.
Ces ajustements permettent d’être plus en lien avec le contexte actuel (associé aussi à la date de publication du numéro), sans violer ni l’esprit, ni la lettre des textes ayant contribué au Symposium. La publication de ce symposium coïncide aussi avec le cinquantième anniversaire du rapport Carter (1966). Celui-ci allait marquer durablement le régime fiscal canadien et continue d’en être l’inspiration principale, malgré les modifications à la pièce qui y ont été graduellement apportées. Depuis ce temps, l’économie de la taxation a évolué considérablement, tout comme les paradigmes scientifiques qui la définissent, tant sur les plans théorique, empirique, qu’éthique. Par exemple, on peut penser au modèle canonique de taxation optimale non linéaire qui n’a fait son apparition qu’en 1971.
Ce symposium s’ouvre avec l’article de Garon et Paquet, qui passe en revue les principaux concepts et outils traditionnellement utilisés pour évaluer l’efficience d’un système fiscal. L’accent est mis sur des avenues de réformes en visant à réduire les distorsions fiscales. Les auteurs discutent de changements passés appliqués à la fiscalité québécoise et canadienne, de même que de propositions de réformes majeures à l’étranger, notamment au Royaume-Uni et en Australie. La taxation des rendements du capital est abordée, de même que celle du revenu de travail des particuliers et des profits des sociétés. De plus, on y propose une discussion étoffée sur la taxation de la consommation, qui va bien au-delà de la simple taxation indirecte sur la valeur ajoutée. En particulier, les auteurs mettent à l’examen la proposition de la CEFQ de financer diverses baisses d’impôt par une augmentation du taux de TVQ. La pertinence d’un taux uniforme pour la plupart des biens et de la différentiation des taux pour d’autres est abordée, de même que la taxation environnementale.
De leur côté, Boadway et Tremblay observent que les grandes propositions de réformes tentent généralement d’améliorer l’efficience de la fiscalité sans affecter les revenus totaux collectés par les gouvernements. De plus, elles tentent d’en minimiser l’impact sur la distribution des revenus nets. Les auteurs critiquent cette approche en documentant l’augmentation des inégalités de richesse à laquelle les systèmes fiscaux de plusieurs pays ont du mal à s’adapter. Ils suggèrent des avenues de réforme fiscales susceptibles d’améliorer en même temps l’équité et l’efficacité de l’économie canadienne et québécoise. Ils rappellent la présence d’importantes rentes dans l’économie canadienne, affirmant qu’il serait souhaitable de les taxer à la source. L’impôt sur les profits des sociétés ou encore une taxe sur les flux de trésorerie pourraient remplir ce rôle. Ils proposent aussi d’éliminer le crédit d’impôt pour dividende et de rendre l’impôt sur le revenu des particuliers plus progressif.
Lemelin et Savard proposent ensuite une réflexion nécessaire sur la nature, le rôle et les limites d’outils quantitatifs servant à prévoir les effets de réformes fiscales. Ils s’attardent sur la notion du coût des fonds publics et sur les méthodes utilisées pour l’estimer dans divers contextes. S’ensuit une discussion critique des modèles d’équilibre général calculable. Les auteurs les présentent comme des outils nécessaires dans le débat public et souligne les impératifs de transparence qui doivent accompagner les conclusions numériques de tels modèles.
L’évasion fiscale est un problème important. Ce phénomène contraint la capacité des gouvernements à collecter des recettes fiscales avec les taxes et impôts s’appliquant aux entreprises. Martin et Stratica dressent le portrait d’une littérature florissante sur l’évasion fiscale, l’évitement fiscal et le recours des entreprises aux paradis fiscaux. Ils procèdent à une analyse descriptive des taux d’imposition effectifs et statutaires des entreprises canadiennes. Ils montrent que les paradis fiscaux abritent environ le quart des investissements canadiens, et que le taux d’imposition effectif des entreprises canadiennes n’a cessé de décroître depuis une trentaine d’années.
Finalement, Finnie et Mueller conduisent une analyse empirique sur l’accès à l’éducation postsecondaire au Québec, qu’ils comparent aux autres provinces canadiennes. Il s’agit d’un thème d’importance puisque les frais de scolarité québécois sont faibles et qu’il est périodiquement question de les augmenter ou de les réformer. L’analyse révèle que l’historique familial d’éducation est une variable d’importance pour expliquer l’accès à l’éducation postsecondaire, et ce, pour l’ensemble du pays. Elle montre aussi que le taux d’accès à l’éducation universitaire est relativement bas, fait dû en partie à la nature particulière de notre système collégial. Finalement, un nombre important de jeunes Canadiens qui n’atteignent pas le niveau postsecondaire prennent cette décision pour des raisons autres que financières.
En tant que rédacteurs invités, nous tenons à remercier sincèrement les collègues économistes qui ont participé à ce symposium, de même que tous les arbitres qui ont bien voulu évaluer les textes soumis. Nous tenons enfin à exprimer aussi notre gratitude à Bruce Shearer, rédacteur de la revue, pour son appui tout au long de la réalisation de ce projet.