Windsor Yearbook of Access to Justice
Recueil annuel de Windsor d'accès à la justice
Volume 39, 2023
Table of contents (16 articles)
ARTICLES
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Bound by Blame: Sentencing, Colonialism, and Fetal Alcohol Spectrum Disorder
Sarah-jane Nussbaum
pp. 1–22
AbstractEN:
Gladue and Ipeelee send important messages to judges, but messages that have tensions within them that reflect the broader tensions of using the criminal law system to acknowledge ongoing state involvement in discrimination against Indigenous Peoples. The heart of the tension is that the criminal law system is built around assigning individual blame. I look closely at examples of judges struggling with inadequate tools to follow the Supreme Court of Canada’s guidelines to acknowledge and redress the harmful impacts of colonialism within the constraints of their job of assigning individual blame. The result, unfortunately, is a consistent failure to recognize the Canadian state’s ongoing role in colonial oppression. This article explores these tensions in the context of a particular manifestation: the judicial practice of blaming Indigenous mothers for the fetal alcohol spectrum disorder affecting their accused sons. The analysis illuminates the depth of the tensions of a common law criminal justice system in a colonial state: in the process of sentencing Indigenous offenders living with FASD, judges both strongly contest, and subtly rely upon, harmful colonial logics. I propose that a standing to blame analysis could assist judges in identifying, and responding to, the state’s own role in causing, or being complicit in, an Indigenous individual’s experiences of injustice. When the state has played such a role, the state is not justified in blaming the individual through the criminal law. The benefit of this kind of approach is that it would highlight the inappropriateness of the state’s use of individual blame to respond to harms arising in the context of colonialism and inequality.
FR:
Les arrêts Gladue et Ipeelee envoient des messages importants aux juges, mais ces messages sont empreints de tensions. En effet, ils traduisent les graves problèmes liés à l’utilisation du système de justice criminelle pour faire reconnaître le rôle continus de l’État dans la discrimination à l’encontre des peuples autochtones. Étant donné que ce système est articulé autour de l’attribution d’un blâme individuel, de graves tensions sont inévitables. Dans ce contexte, j’analyse des exemples de cas où des juges jonglent avec des outils mal adaptés pour mettre en œuvre les lignes directrices formulées par la Cour suprême du Canada afin de reconnaître et de corriger les conséquences désastreuses du colonialisme alors qu’ils sont sous l’emprise de leur rôle d’attribution de blâme individuel. Malheureusement, le rôle continu de l’État canadien dans l’oppression coloniale n’est tout simplement pas reconnu. Dans cet article, j’explore ces tensions dans le contexte d’une manifestation particulière : le blâme que font porter les juges aux mères autochtones dont les fils accusés souffrent du trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF). L’analyse met en lumière la profondeur des tensions qui déchirent un système de justice pénale de common law dans un État colonial : appelés à déterminer la peine à infliger aux contrevenants autochtones souffrant du TSAF, les juges réprouvent vivement les principes coloniaux pernicieux, tout en les invoquant subtilement. J’explique qu’une analyse de ce recours au blâme pourrait aider les juges à reconnaître le rôle que joue l’État dans les expériences d’injustice que vivent les Autochtones et à corriger le tir. Lorsque l’État joue un tel rôle, il ne saurait justifier sa conduite en jetant le blâme sur l’individu au moyen du système de justice criminelle. Ce type d’analyse permettrait de faire ressortir et de corriger les failles du recours au blâme par l’État pour réparer les préjudices causés dans des situations marquées par le colonialisme et l’inégalité.
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Tracing Colonial Entrenchments in the Development of the Central Bank of Sri Lanka
Shanthi E. Senthe
pp. 23–47
AbstractEN:
Sri Lanka’s recent tumultuous economic crisis has generated grave uncertainty in the global financial ecosystem. Sri Lanka’s fiscal demise, described as the “canary in the coalmine”, has served as a glaring cautionary tale for financial regulators. The International Financial Institutions continue to warn of subsequent economic fallouts as global debt issues simmer to the surface. Sri Lanka’s economic fallout serves as a story besieged by colonial, political and current geopolitical conditions, which are further compounded by the end of the brutal civil war, foreign debt and post Covid-19 consequences. This paper, however, explores the cracks in the economic foundation using historical moments that paved the legal framework for the emergence of a centralized banking institution. This historical inquiry includes the origins of the financial inclusion discourse in Sri Lanka, which encompasses both colonial and post-colonial temporalities. As a result of Sri Lanka’s fiscal collapse, the Central Bank of Sri Lanka’s role has been under scrutiny. The economic crisis began in 2019, yet the financial regulator’s failure to engage in mitigating tactics to combat the rapid decrease in foreign reserves, rise in sovereign debt, financial mismanagement and political interference is underexplored. In order to further understand how the CBSL, the country’s first financial steward and custodian of fiscal stability, became ineffective, a closer examination of its genesis is made. This paper serves to examine the formation of centralized banking through a particular conceptual goal of ‘financial inclusion’, which catalyzed the establishment of the current central bank structure in Sri Lanka. As such, the financial policies designed and developed crafted by the financial regulator are explored through the lens of financial inclusion.
FR:
La crise économique qui a récemment dévasté le Sri Lanka a généré une grande incertitude dans l’écosystème financier mondial. La situation catastrophique du Sri Lanka, décrit comme le « canari dans la mine de charbon », a servi de mise en garde retentissante pour les organismes de réglementation du secteur financier. Les institutions financières internationales continuent à prévoir des répercussions économiques au fur et à mesure que les problèmes d’endettement mondiaux émergent à la surface. Le passé colonial et politique du Sri Lanka et les conditions géopolitiques actuelles auxquelles ce pays est soumis sont en grande partie responsables des graves problèmes financiers du pays, que n’ont fait qu’accentuer la fin d’une guerre civile brutale, la dette étrangère et les conséquences de la COVID-19. Cependant, cet article traite des fissures dans la base économique en mettant l’accent sur des événements passés qui ont façonné le cadre juridique entourant la naissance d’une institution bancaire centralisée.
Cette recherche historique retrace notamment les origines du discours sur l’inclusion financière au Sri Lanka, qui couvre des périodes tant coloniales que postcoloniales. En raison de la déroute financière du Sri Lanka, le rôle de la banque centrale du pays est surveillé de près. La crise économique a commencé en 2019; pourtant, l’inertie de l’organisme, qui n’a pris aucune mesure d’atténuation pour lutter contre la dégringolade des réserves étrangères, la hausse de la dette souveraine, la mauvaise gestion financière et l’ingérence politique, demeure encore mal comprise. Afin de permettre de mieux comprendre comment la banque centrale du Sri Lanka, la première institution financière gardienne et garante de la stabilité financière du pays, a perdu toute efficacité, l’auteure explore dans cet article les origines et l’évolution de l’organisme. Elle examine également la formation d’un système bancaire centralisé sous l’angle particulier de l’objectif d’inclusion financière, qui a favorisé la mise sur pied de la structure bancaire centralisée observée aujourd’hui au Sri Lanka. Dans ce contexte, les politiques financières conçues et élaborées par l’organisme de réglementation du secteur financier sont explorées du point de vue de l’inclusion financière
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Safety in Numbers or Lost in the Crowd? Litigation of Mass Claims and Access to Justice in Ontario
Suzanne Chiodo
pp. 48–77
AbstractEN:
Ontario’s Class Proceedings Act [CPA] is 30 years old. In the past three decades, it has inspired similar legislation across Canada and around the world, and its capacity for bringing about social change has been widely acknowledged. But, like all things that mature, some cracks are beginning to show. The certification test under section 5 of the CPA has been made more restrictive by recent legislative amendments. In addition, class action practitioners are starting to recognize that the CPA can be a blunt instrument and that some mass claims are better litigated outside of that context. While smaller claims may find safety in numbers in a class action, larger claims that require more individualized treatment may get lost in the crowd. Outside of the CPA, however, there is minimal guidance in this area, and this can lead to uncertainty and delay.
This article proposes a set of informal guidelines for the litigation of mass claims in Ontario, informed by multidistrict litigation in the US and group litigation in England & Wales, as well as the theory and history of mass claims typology. This guidance will reduce uncertainty and delay by facilitating agreement between parties on procedural steps and provide much-needed direction for a growing phenomenon.
FR:
Née voilà plus de trente ans, la Loi de 1992 sur les recours collectifs [LRC] de l’Ontario a constitué une source d’inspiration pour l’adoption, au cours des trois dernières décennies, d’une loi semblable tant ailleurs au Canada qu’à l’étranger. Cette loi est reconnue à juste titre comme un important vecteur de changement social. Cependant, l’usure se fait sentir là comme ailleurs et certaines fissures commencent à apparaître. Par suite de récentes modifications apportées à l’article 5 de la LRC, les conditions préalables à la certification sont devenues plus restrictives. De plus, certains professionnels spécialisés en recours collectifs commencent à penser que la LRC est un instrument imprécis et qu’il est préférable de ne pas se fonder sur cette loi pour faire valoir certaines réclamations collectives. Bien que le recours collectif puisse encore constituer une solution avantageuse pour les plus petites créances, les créances plus importantes qui nécessitent un traitement individuel risquent d’être diluées dans la masse. Cependant, peu d’indications sont données sur la marche à suivre à l’extérieur du cadre de la LRC, ce qui peut entraîner des incertitudes et des délais.
Dans cet article, l’auteure propose un ensemble de lignes directrices informelles à suivre pour faire valoir des réclamations collectives en Ontario, à la lumière de l’expérience relative aux litiges couvrant plusieurs districts aux États-Unis et aux litiges collectifs en Angleterre et au pays de Galles, ainsi que de la théorie et de l’évolution de la typologie de ces réclamations. Ces lignes directrices permettront de réduire les incertitudes et les délais en facilitant les accords entre les parties sur la procédure à suivre. Elles présenteront également une orientation plus que nécessaire sur un phénomène qui prend de l’ampleur.
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Bargaining Sectoral Standards: Towards Canadian Fair Pay Agreement Legislation
Sara Slinn and Mark Rowlinson
pp. 78–101
AbstractEN:
In response to the need for more inclusive collective bargaining legislation to combat inequality and improve conditions in the workplace, this paper considers the recently introduced New Zealand Fair Pay Agreement [FPA] sectoral bargaining framework and offers a preliminary series of ideas and proposals setting out how an FPA model for bargaining sectoral standards could work in Canada. It is intended as the beginning of a more detailed discussion on the development of an FPA regime culminating in model legislation that could be adapted to different Canadian jurisdictions. Guided by principles of accountability, integration, and inclusivity, this proposal is intended to apply to all workers in an employment relationship – including dependent contractors and gig and platform workers. The proposed system is to be structured as a new, stand-alone statute, drawing upon existing institutions administering collective bargaining legislation, incorporating some familiar collective bargaining concepts: good faith bargaining, dues check-off, and unfair labour practice protection. It is intended to preserve existing collective bargaining arrangements by excluding specified sectors with existing high union density or existing sectoral bargaining. However, it is also intended to offer a new, sectoral bargaining option based on industry or occupation sectors, producing FPA “sector agreements” containing minimum standards applying to all employees and employers in the sector. This proposed framework would operate in parallel and in conjunction with the existing enterprise-level collective bargaining system.
FR:
En réaction à la nécessité de se doter d’une loi plus inclusive sur la négociation collective pour lutter contre les inégalités et améliorer les conditions de travail, les auteurs examinent le cadre de négociation sectorielle récemment adopté en Nouvelle-Zélande sous le régime de la Fair Pay Agreement (FPA). Ils présentent un ensemble préliminaire d’idées et de propositions sur la façon dont un modèle fondé sur la FPA pourrait fonctionner au Canada pour l’établissement de normes de négociation sectorielle. Ils exposent également les fondements d’une analyse détaillée sur l’élaboration d’un régime d’entente menant à une loi type adaptable à différentes juridictions canadiennes.
Axée sur les principes de la responsabilité, de l’intégration et de l’inclusion, cette proposition s’appliquerait à tous les travailleurs engagés dans une relation d’emploi, y compris les entrepreneurs dépendants, les travailleurs à la demande et les travailleurs des plateformes. Le système proposé serait structuré comme une nouvelle loi distincte, s’inspirerait de l’expérience d’institutions existantes qui appliquent des lois sur la négociation collective et intégrerait certains concepts familiers en matière de négociation collective : négociation de bonne foi, précompte des cotisations et protection contre les pratiques de travail inéquitables. Il viserait à préserver les arrangements existants en matière de négociation collective en excluant certains secteurs dans lesquels le taux de syndicalisation est élevé ou la négociation sectorielle est déjà en place. Cependant, il offrirait aussi une nouvelle option de négociation sectorielle fondée sur les secteurs industriels ou professionnels, de manière à générer des « ententes sectorielles » du type de la FPA qui énonceraient des normes minimales applicables à tous les employeurs et employés du secteur concerné. Ce cadre proposé fonctionnerait en parallèle et de concert avec l’actuel système de négociation collective au niveau de l’entreprise.
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Planning Law and Accessibility: Third Party Permit Appeals by Persons with Disabilities
Stephanie Chipeur
pp. 102–122
AbstractEN:
A physical obstacle, such as a step at the entrance of a building, is the product of the interplay of regulations that govern what and we build. The human rights complaint process can provide a remedy to people with disabilities when they are excluded from public spaces. But there are limits to what can be accomplished by way of a human rights complaint. Human rights commissions and tribunals are not competent to mediate or adjudicate complaints about accessibility before construction commences, because any alleged discrimination is only hypothetical. But just because human rights law is limited in this way should not mean that people with disabilities must wait to encounter inaccessibility before they can influence what and how we build. Planning law legislation in Canada mandates public consultation and it also gives members of the public the right to contest planning decisions by way of an appeal. For people with disabilities, this would mean challenging development and building permits that have already been issued if the proposed development is not accessible.
After a municipality issues a development permit, most jurisdictions in Canada allow for an appeal by a third party. There are also some jurisdictions that also allow for this type of appeal after the municipality issues a building permit. If successful in an appeal, members of the public who are opposed to a project, or some of its aspects, may block construction altogether or require modifications. These appeal processes could offer an opportunity for people with disabilities to have a direct impact on how we construct the built environment. An appeal at the permit stage is a promising complement to a human rights complaint, because it is prospective rather than retroactive.
FR:
Les obstacles physiques, comme les marches à l’entrée d’un immeuble, découlent de l’interaction des règlements qui régissent ce que l’on construit. Le processus de plainte en matière de droits de la personne peut offrir un recours aux personnes handicapées lorsqu’elles sont exclues des espaces publics. Cependant, ce processus n’est pas une panacée à tous les problèmes. Les commissions et tribunaux des droits de la personne ne sont pas compétents pour agir comme médiateurs ou arbitres à l’égard de plaintes sur l’accessibilité déposées avant le début des travaux de construction, car toute discrimination alléguée n’est qu’hypothétique. Cependant, cela ne signifie pas pour autant que les personnes handicapées doivent attendre que le problème d’accessibilité se pose avant de pouvoir exercer une influence sur ce que nous bâtissons et sur le mode de construction que nous choisissons. Les lois canadiennes en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire imposent la consultation publique et permettent aux membres du public de contester les décisions prises dans ce domaine en interjetant appel. Dans le cas des personnes handicapées, elles pourraient contester les permis de construction et d’aménagement qui ont déjà été délivrés, si le projet proposé n’est pas accessible.
La plupart des provinces et territoires canadiens permettent à de tierces parties d’interjeter appel une fois que la municipalité a délivré un permis d’aménagement. Certains d’entre eux permettent également ce type d’appel après la délivrance d’un permis de construction. S’ils ont gain de cause en appel, les membres du public qui s’opposent à un projet ou à certains de ses aspects peuvent carrément empêcher la construction ou exiger des modifications. Ces processus d’appel pourraient permettre aux personnes handicapées d’exercer une influence directe sur la façon dont nous aménageons l’environnement bâti. En raison de sa nature prospective plutôt que rétroactive, l’appel à l’étape du permis représente un complément prometteur de la plainte en matière de droits de la personne.
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Exploring the Importance of Criminal Legal Aid: A Canadian Perspective
Marcus Pratt and Trevor CW Farrow
pp. 123–144
AbstractEN:
There is a growing global recognition that, in order to address the current access to justice crisis, more research, together with a better understanding of data, is needed. This article, through an examination of existing legal aid research primarily in the area of criminal law, explores some of what we know and do not know about the relative benefits and costs of providing different kinds of criminal legal aid services. Although not a comprehensive review of all available research, this article identifies data strengths and gaps and the need for further research and reforms.
FR:
Pour remédier à la crise actuelle qui touche l’accès à la justice, on reconnaît de plus en plus au niveau mondial la nécessité d’intensifier la recherche et de mieux comprendre les données. Cet article, à l’aide d’un examen des recherches existantes sur l’aide juridique, principalement dans le domaine du droit pénal, explore certains points connus et inconnus concernant les avantages et les coûts liés à la prestation de différents types de services d’aide juridique en matière pénale. Sans constituer un examen exhaustif de toutes les recherches disponibles, cet article relève les forces et les faiblesses des données, ainsi que le besoin d’approfondir les recherches et de poursuivre les réformes.
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The Nightingale Court Experiment: Lessons for Access to Justice in a Post-Pandemic World
Natasha Naidu
pp. 145–168
AbstractEN:
The literature is yet to consider the contribution of Nightingale Courts to access to justice in England and Wales during the COVID-19 pandemic. Nightingale Courts are courts that have been set up in repurposed buildings, such as town halls, hotels, and theatres, to facilitate socially distanced trials and hearings. I fill this gap by asking: to what extent have Nightingale Courts addressed access to justice concerns during the pandemic, and what lessons do Nightingale Courts hold for access to justice across jurisdictions and in the future? I argue that though costly and complex, Nightingale Courts have helped to prevent a further worsening of delay during the pandemic. Then, I explore the lessons of the Nightingale Court experiment for access to justice across jurisdictions and in a post-pandemic world. I consider Nightingale Courts as an experiment for legal architecture, informal justice, and adaptation and resilience. I conclude that Nightingale Courts have maintained and preserved access to the legal system during a time of crisis and thereby contributed to the resilience of the system.
FR:
La mesure dans laquelle les tribunaux Nightingale ont favorisé l’accès à la justice en Angleterre et au pays de Galles pendant la pandémie de COVID-19 n’a pas encore été analysée dans la doctrine. Les tribunaux Nightingale sont des tribunaux temporaires établis dans des immeubles convertis comme des hôtels de ville, des hôtels et des théâtres, afin de faciliter la tenue de procès et d’audiences dans le respect de la distanciation sociale. Je me penche sur ce sujet en posant la question suivante : jusqu’à quel point les tribunaux Nightingale ont-ils atténué les problèmes d’accès à la justice pendant la pandémie et quelles sont les leçons à tirer de leur expérience pour l’accès à la justice à l’avenir et dans l’ensemble des juridictions? J’explique d’abord qu’à mon avis, malgré leur coût et leur complexité, les tribunaux Nightingale ont permis de freiner l’accroissement des délais pendant la pandémie. J’explore ensuite les leçons à tirer de leur fonctionnement pour ce qui est de l’accès à la justice dans l’ensemble des juridictions et dans un monde postpandémique. Je considère les tribunaux Nightingale comme une expérience sur le plan de la structure juridique, de la justice informelle, de l’adaptation et de la résilience. J’affirme en conclusion que ces tribunaux ont maintenu et préservé l’accès au système judiciaire pendant une période de crise et ont amélioré de ce fait la solidité du système.
SPECIAL SECTION - MEMOIR
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Swimming Up Niagara Falls! The Battle to Get Disability Rights Added to the Canadian Charter of Rights and Freedoms
M. David Lepofsky
pp. 169–455
AbstractEN:
This is the personal memoir of blind lawyer and volunteer disability rights advocate David Lepofsky. It describes his involvement in and perspectives on the successful fight from 1980 to 1982 to get Canada’s proposed Charter of Rights amended to guarantee equal rights for people with disabilities. It includes a foreword by the Hon. Rosalie Abella, former Justice of the Supreme Court of Canada. This memoir recounts the little-known saga of the disability amendment to the Charter. Few know that equality for people with disabilities was the only constitutional right added to the Canadian Charter of Rights and Freedoms during the widely publicized eighteen-month battle over the patriation of Canada’s Constitution, from October 1980 to April 1982. It is aimed at anyone interested in disability rights, human rights, Canadian political or legal history, social justice advocacy, and Canadian constitutional law. It provides a mix of legal and legislative history, personal autobiography, grassroots advocacy strategy and reflective commentary on lessons learned. It compares social justice advocacy techniques in 1980 to those practiced in the disability rights arena four decades later.
FR:
L’auteur de cet article, David Lepofsky, avocat non-voyant et militant bénévole pour les droits des personnes handicapées, nous présente ses mémoires personnelles. Celles-ci illustrent son point de vue et son rôle dans la bataille victorieuse menée de 1980 à 1982 pour modifier la Charte des droits et libertés proposée par le Canada afin qu’y soit reconnue l’égalité des droits des personnes handicapées. Préfacées par madame Rosalie Abella, ancienne juge à la Cour suprême du Canada, elles racontent l’histoire méconnue des modifications qui ont été apportées à la Charte à l’égard des droits des personnes handicapées. En effet, très peu de gens savent que l’égalité des personnes handicapées est le seul droit constitutionnel qui a été ajouté à la Charte canadienne des droits et libertés pendant le bras de fer ultramédiatisé pour le rapatriement de la constitution canadienne qui s’est étiré pendant dix-huit mois, soit d’octobre 1980 à avril 1982. Ce texte s’adresse à quiconque cultive un intérêt pour les droits des personnes handicapées, les droits de la personne, l’histoire politique et législative du Canada, la défense de la justice sociale et le droit constitutionnel canadien. Il combine à la fois histoire juridique et législative, autobiographie intime et stratégies de militantisme communautaire, et contient des commentaires et des réflexions sur les leçons que nous avons pu en tirer. Les mémoires comparent également un éventail de techniques de défense de la justice sociale pour les personnes handicapées au fil de quatre décennies, soit de 1980 à aujourd’hui.
SPECIAL SECTION: HARNESSING THE UNTAPPED POTENTIAL OF THE CANADIAN CHARTER
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Harnessing the Untapped Potential of the Canadian Charter
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The Importance of Effective Access to Justice for Charter Violations and the Role of the Court Challenges Program
Marika Giles Samson
pp. 471–495
AbstractEN:
This paper argues that the Canadian Charter of Rights and Freedoms can only deliver on its promises when those who benefit from its guarantees are able to challenge government action in courts. This is true both in considering the Charter as a constitutional document and as a human rights instrument. As such, we must be concerned about whether rightsholders have effective access to the courts to bring such cases, particularly given the long-term crisis in access to justice in Canada. Finding that access is often out of reach, the paper then considers the role that the Court Challenges Program, a publicly funded not-for-profit organization that provides funding to groups and individuals seeking to bring Charter challenges, can and does play in creating pathways for accessing Charter justice.
FR:
L’autrice soutient que la Charte canadienne des droits et libertés ne saura remplir ses promesses que lorsque ceux et celles à qui elle garantit des droits sont en mesure de contester l’action gouvernementale devant les tribunaux. Cela est également vrai pour la Charte en tant que document constitutionnel et comme instrument de défense des droits de la personne. En conséquence, nous devons nous préoccuper de savoir si les titulaires de ces droits peuvent effectivement les faire valoir devant les tribunaux, d’autant plus qu’une crise de l’accès à la justice sévit depuis longtemps au Canada. Partant du constat que cet accès est souvent hors de portée, l’autrice se penche sur le rôle que le Programme de contestation judiciaire (un organisme à but non lucratif financé par des fonds publics et qui fournit un appui financier à des groupes et personnes désireuses de mener une contestation fondée sur la Charte) peut jouer et joue actuellement dans la réalisation de voies d’accès à la justice liée à la Charte.
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The Democratizing Influence of Intervention
Geoffrey D. Callaghan
pp. 496–511
AbstractEN:
Participation-based arguments in support of courts adopting a large and liberal attitude on intervention were persuasive at the outset of the Charter era. Due to the newness of the document at the time, a compelling case could be made that public participation in Charter challenges was a vital component of developing that document in a way that aligned with the core democratic commitments of the Canadian state. But the persuasiveness of such arguments has waned over time. If one accepts a common law approach to constitutional interpretation – where judicial activism is held in check by way of established precedent – arguments based on the participatory rights belonging to those potentially impacted by court decisions appear to be past their due date. This does not mean, however, that courts no longer have any democratic responsibilities concerning the practice of intervention. The positive contribution this article makes is to establish two alternative bases that can account for that responsibility — one inspired by the role intervention plays in encouraging public deliberation; and a second on the increased confidence the practice instills in judicial decision-making. In both cases, the ground of the responsibility is rather weak and can thus be easily defeated. Nevertheless, that courts have this responsibility at all offers a better explanation for why, even in times when an intervening party might not satisfy the strict criteria pertaining to the practice, there is reason to allow that intervention to proceed.
FR:
Les arguments fondés sur la participation à l’appui d’une démarche ample et libérale des tribunaux en matière d’intervention étaient convaincants à l’aube de l’avènement de la Charte. À l’époque, la nouveauté du document permettait d’affirmer qu’il était essentiel que le public prenne part aux contestations fondées sur la Charte de sorte que le texte évolue d’une manière qui soit cohérente avec les engagements démocratiques fondamentaux de l’État canadien. Mais ces arguments ont perdu de leur force persuasive au fil des années. Si l’on retient le principe d’interprétation constitutionnelle selon la démarche de la common law, dans le cadre de laquelle l’établissement de précédents doit servir de protection contre l’activisme judiciaire, les arguments fondés sur les droits de participation des personnes éventuellement touchées par les décisions judiciaires paraissent surannés. Cela ne signifie toutefois pas que les tribunaux n’exercent plus aucune responsabilité démocratique eu égard aux processus d’intervention. Au moyen de cet article, l’auteur fait avancer le débat en établissant deux autres fondements de nature à faire état de cette responsabilité : l’une qui prend sa source dans le rôle que l’intervention joue pour favoriser les délibérations publiques et l’autre qui se rapporte à la confiance accrue dans le processus décisionnel judiciaire qu’inspirent les interventions. Dans les deux cas, le fondement de la responsabilité est plutôt fragile et facile à balayer. Reste que le fait même que les tribunaux aient cette responsabilité explique fort bien que, y compris dans les situations où un tiers intervenant pourrait ne pas satisfaire au critère strict d’ordinaire applicable, il y a lieu de permettre l’intervention.
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Freedom of Religion in Canada – The Principled and the Pragmatic
Richard Moon
pp. 512–524
AbstractEN:
While much of Canada’s early commitment to religious freedom was simply a pragmatic compromise to ensure social peace and political stability, the Supreme Court of Canada in a series of judgments that pre-dated the Charter sought to articulate a principled account of religious freedom as an “original freedom” that is an important “mode[] of self-expression” and “the primary condition[] of the community life”. This understanding of religious freedom shaped the Supreme Court of Canada’s initial reading of freedom of conscience and religion protected by s. 2 (a) of the Canadian Charter of Rights and Freedoms. However, the story of religious freedom in Canada is not simply that of a linear progression from the pragmatic tolerance of religious minorities to the principled protection of the individual’s religious freedom. In its subsequent s 2 (a) decisions, the Court began to read freedom of religion as a form of equality right that requires the state to remain neutral in religious matters. The state must not prefer the practices of one religious group over those of another and it must not restrict the religious practices of a group unless it has a substantial public reason to do so. Underlying the Court’s commitment to religious freedom is a recognition of the deep connection between the individual and her/his spiritual commitments and religious community and a desire to avoid the marginalization of minority religious groups. Concerns about inclusion and social peace that lay behind the extension of religious tolerance in Canada’s early history continue to be important in the contemporary justification and interpretation of religious freedom. The Court’s commitment to state neutrality in religious matters requires it to distinguish between the private sphere of individual or group spiritual life and the sphere of public secular life. However, the line between these two spheres is contestable, moveable, and porous.
FR:
Les premiers engagements du Canada en faveur de la liberté de religion résultaient majoritairement d’un compromis pragmatique visant à assurer la paix sociale et la stabilité politique, mais, dans une série de jugements antérieurs à la Charte, la Cour suprême du Canada a tenté de formuler une définition juste de la liberté de religion en tant que « liberté primordiale » qui constitue un important « mode […] d’expression » et la « condition fondamentale de [l’]existence au sein d’une collectivité ». Cette conception de la liberté de religion a façonné l’interprétation que la Cour suprême du Canada a initialement adoptée quant à la liberté de conscience et de religion protégée par l’alinéa 2a) de la Charte canadienne des droits et libertés. Cependant, l’évolution de la liberté de religion au Canada — de la tolérance pragmatique de minorités religieuses à la protection raisonnée de la liberté de religion individuelle — n’a pas suivi une courbe linéaire. Dans ses décisions postérieures portant sur l’alinéa 2a), la Cour a commencé à assimiler la religion à une forme de droit à l’égalité qui exige que l’État demeure neutre en ce qui a trait aux questions de religion. L’État ne doit pas privilégier les pratiques d’un groupe religieux par rapport à celles d’un autre et ne doit pas restreindre les pratiques religieuses d’un groupe à moins d’avoir un motif majeur d’intérêt public de ce faire. La mission de la Cour en matière de liberté de religion tire sa source de la reconnaissance de l’attachement profond qui unit une personne à ses engagements spirituels et à sa communauté religieuse, ainsi que du désir d’éviter la marginalisation de groupes religieux minoritaires. Les préoccupations liées à l’inclusion et à la paix sociale à l’origine de l’élargissement de la tolérance religieuse dans les débuts de l’histoire du Canada occupent encore de l’importance dans la justification et l’interprétation contemporaines des libertés religieuses. Le mandat de la Cour concernant la neutralité étatique dans les questions religieuses exige qu’elle fasse la distinction entre la sphère privée de la vie spirituelle d’un individu ou d’un groupe et la sphère de la vie séculière publique. La frontière entre ces deux sphères est toutefois contestable, fluctuante et perméable.
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Section 15: How Indigenous Use of the Charter Tool is About Returning to Respect Not Creating Equity
Rebecca Major
pp. 525–543
AbstractEN:
Some Canadians view the concept of freedom in relation to government involvement differently, particularly when government presence is seen as oppressive or colonizing. While Indigenous communities in Canada may not always view the current governance structure as reflective of their own traditions, they recognize the necessity of using it to navigate challenges. Indigenous groups utilize section 15 to address inequalities that stem from historical colonialism, seeking to restore balance in a manner consistent with pre-colonial ideals. Prior to the repatriation of the constitution, attempts to address equity issues through the legal system were often met with limited success, prompting Indigenous women in Canada to take their gender equity concerns to the United Nations with respect to the Indian Act. Following the repatriation, section 15 has provided a platform for Indigenous peoples to address policies and laws that unfairly disadvantage certain groups in comparison to others, thereby promoting fair treatment from the government. This discussion aims to explore how Indigenous communities utilize Section 15 as a tool to address issues of unequal treatment and advocate for equity that aligns with traditional pre-colonial values.
FR:
Une certaine conception de la notion de liberté dans son rapport avec le rôle de l’État, surtout lorsque ce dernier est perçu comme l’oppresseur ou le colonisateur a gagné la faveur d’une partie de la population canadienne. Bien que les communautés autochtones du Canada ne jugent pas forcément la structure de gouvernance actuelle représentative de leurs traditions, elles reconnaissent la nécessité d’y avoir recours pour faire valoir leurs contestations. Les groupes autochtones s’appuient sur l’article 15 pour remédier aux inégalités qui découlent du passé colonial, en vue de rétablir l’équilibre d’une manière compatible avec leurs idéaux précoloniaux. Avant le rapatriement de la Constitution, ces tentatives de s’attaquer aux inégalités par la voie judiciaire l’ont bien souvent emporté dans une mesure restreinte, de sorte que les femmes autochtones se sont tournées vers les Nations Unies pour obtenir réponse aux problèmes d’équité entre les genres que pose la Loi sur les Indiens. Depuis le rapatriement, l’article 15 a servi de fondement aux contestations des peuples autochtones à l’encontre de politiques et de lois qui désavantagent injustement certains groupes par rapport à d’autres. Ces démarches s’inscrivent ainsi dans la poursuite d’un traitement équitable de la part du gouvernement. Nous souhaitons explorer, dans cet exposé, la façon dont les communautés autochtones recourent à l’article 15 comme outil pour contester les inégalités de traitement et pour défendre un droit à l’égalité qui concorde avec leurs valeurs traditionnelles précoloniales.
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The Charter of Whites: Systemic Racism and Critical Race Equality in Canada
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Le droit constitutionnel aux communications et aux services publics fédéraux dans la langue officielle de son choix
Serge Rouselle
pp. 561–575
AbstractFR:
Selon les enseignements de la Cour suprême du Canada, le droit d’employer le français ou l’anglais prévu au paragraphe 20(1) de la Charte pour communiquer avec les institutions fédérales et pour en recevoir les services doit s’interpréter de façon large et libérale en fonction de son objet culturel et réparateur afin de modifier le statu quo et de favoriser l’égalité réelle en la matière. Dans cette optique, une analyse de la jurisprudence pertinente permet de mieux définir le contenu de ce droit, mais également d’en apprécier la portée et le plein potentiel. À cette fin, cette analyse nous révèle que ce droit constitutionnel s’étend le long d’un spectre allant de services identiques à des services différents pour chacune des communautés de langue officielle, et ce, afin de réaliser pleinement l’égalité linguistique réelle.
EN:
According to the Supreme Court of Canada, the right set out in subsection 20(1) of the Charter to communicate with and to receive services from a federal institution in English or French must be interpreted broadly and liberally in light of its cultural and remedial purpose in order to change the status quo and foster substantive equality on this subject. With this in mind, an analysis of the relevant case law makes it possible to better define the content of this right, but also to appreciate its scope and full potential. To this end, this analysis reveals that this constitutional right extends along a spectrum ranging from identical services to different services for each of the official language communities, in order to fully achieve substantive linguistic equality.
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L’évolution de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles : un objectif ambitieux à la recherche de moyens efficaces
Érik Labelle Eastaugh
pp. 576–591
AbstractFR:
Depuis son adoption en 1988, la Partie VII de la Loi sur les langues officielles suscite autant d’espoirs que de déceptions. Formulée de façon trop générale, la première version sera déclarée non justiciable par les tribunaux. La deuxième, pourtant formulée de façon plus précise, sera elle aussi privée d’effet concret, avant que la Cour d’appel fédérale n’intervienne en 2022 dans l’arrêt FFCB pour remettre les pendules à l’heure. Le présent article propose un bilan des progrès réalisés jusqu’à aujourd’hui et cherche à cerner plus en détail les questions qui attendent toujours une réponse claire en droit positif. Dans un premier temps, l’auteur aborde la question de la justiciabilité de la Partie VII, qui a fait l’objet d’un long débat et qui a donné lieu à un certain va-et-vient entre les tribunaux et le législateur, afin de résumer l’état du droit actuel. Ensuite, l’auteur analyse l’obligation de consulter reconnue par l’arrêt FFCB, ainsi que la condition préalable qui en déclenche l’application, soit le fait d’envisager la prise d’une décision susceptible d’avoir un effet sur l’« épanouissement » ou le « développement » d’une « minorité francophone ou anglophone », critère dont la portée demeure nébuleuse vu que les termes en question n’ont toujours pas été définis de façon claire par la jurisprudence. En s’appuyant sur des arrêts traitant de questions connexes, sur les travaux parlementaires précédant les modifications apportées à la Partie VII et sur les recherches en sociolinguistique, l’auteur esquisse une hypothèse quant à la nature et la portée des intérêts protégés.
EN:
Since its adoption in 1988, Part VII of the Official Languages Act has given rise to both hope and disappointment. Too broadly worded, the first version was declared non-justiciable by the courts. The second, though more precisely drafted, was also deprived of concrete effect, before the Federal Court of Appeal intervened in 2022 in the FFCB matter to set the record straight. This article takes stock of the progress made to date and seeks to identify in greater detail the questions still awaiting a clear answer in positive law. First, the author addresses the question of the justiciability of Part VII, which has been the subject of a lengthy debate and back-and-forth between the courts and the legislature, in order to summarize the current state of the law. Next, the author analyzes the duty to consult recognized in FFCB, as well as the precondition that triggers its application, namely the fact of contemplating a decision likely to have an effect on the “vitality” or “development” of a “French or English linguistic minority,” a criterion whose scope remains nebulous given that the terms in question have still not been clearly defined by case law. Drawing on cases dealing with related issues, on the parliamentary work preceding the amendments to Part VII, and on sociolinguistic research, the author makes assumptions about the nature and scope of the protected interests.