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Il peut être étonnant qu’un dossier dédié à la scénarisation soit publié dans une revue de recherche consacrée à la littérature québécoise telle que Voix et Images. C’est que pour plusieurs, et ce, tant du côté des théoricien·nes que des professionnel·les et du public de différents horizons, le scénario est affaire de cinéma et du monde de l’audiovisuel et, surtout, il « ne s’agit pas vraiment d’un texte ». L’importance du scénario peut ainsi être valorisée au moment de l’écriture et du développement d’un projet de film, de série télé, voire de contenu Web ou vidéoludique, tandis qu’on n’accordera que peu de crédit artistique et littéraire au texte scénaristique, notamment parce qu’en contexte de production audiovisuelle, le scénario ne paraît jamais « achevé », « fixé », ni « abouti », puisqu’il existe habituellement à travers plusieurs versions dont l’ampleur des réécritures peut varier grandement. En bref, pour le dire autrement, envisager le scénario et la scénarisation en tant que forme textuelle et pratique d’écriture légitimes ne va pas de soi. Aussi, encore aujourd’hui, le scénario (tous domaines médiatiques confondus) est un objet méconnu. Il ne circule que peu à l’extérieur des sphères d’initié·es et, malgré le travail de création considérable qu’il suppose de la part du ou de la scénariste, il est, le plus souvent, pensé « seulement » comme une étape (stimulante pour certain·es, contraignante pour d’autres) en vue de la fabrication d’un film, sinon d’une production audiovisuelle.
J’ai d’abord exploré ces questions dans mon livre Scénario et scénariste, paru en 2015[1]. Les enjeux en présence m’ont interpellée en premier lieu non pas en tant que situations à cautionner ou à déplorer, mais en tant que cadres discursifs à analyser afin d’en exposer les tenants et les aboutissants. À l’époque, je m’intéressais principalement à la reconnaissance socio-esthétique du scénario de cinéma en France – tout en effectuant quelques parallèles avec le contexte cinématographique québécois. Dans mon ouvrage, le scénario est appréhendé précisément en tant que « système esthétique », un concept emprunté au sociologue Howard S. Becker. Ce dernier explique qu’un « système esthétique clairement formulé sert à divers usages dans un monde de l’art[2] » donné. Ainsi, un tel système « rattache les activités des participants à la tradition de l’art [en question], et les autorise à réclamer les ressources et les avantages dont disposent normalement les personnes qui produisent cette sorte d’art[3] ». En résumé, une « esthétique démontre, à l’aide d’arguments suffisamment généraux et convaincants, que les activités de certains membres d’un monde de l’art sont du même ordre que d’autres activités déjà bénéficiaires des privilèges attachés à l’“art”[4] ». Dans Scénario et scénariste, je concluais que plus d’un siècle après l’avènement du cinéma, le scénario en tant que forme textuelle de fiction[5] ne semblait pas avoir trouvé les « arguments suffisants » pour se constituer en tant que « système esthétique clairement formulé ». Ma thèse de doctorat, en 2019, a été l’occasion de me consacrer à l’étude du contexte québécois en matière scénaristique, et j’ai développé comme projet théorique une conception de la lecture de scénarios en tant que geste interprétatif et geste de médiation, voire en tant que geste d’appropriation, de transposition, d’adaptation, de projection et de création. Dans ma thèse, une réflexion critique s’articule principalement autour du scénario de cinéma, tout en s’ouvrant, par endroits, à ce qui concerne les différents ancrages médiatiques de la forme scénaristique (télévision, Web, littérature, etc.). Une telle démarche m’a permis de prolonger et de préciser ma pensée en ce qui a trait aux enjeux que soulève la question de la littérarité du scénario en prenant appui sur les avancées et les travaux de théoricien·nes dont j’ai croisé (sinon recroisé) la route, ainsi que sur le témoignage de dizaines de professionnel·les et sur des observations empiriques. Cela m’a notamment permis de faire le point sur certaines tendances discursives tenaces à l’égard du scénario et qui caractérisent, de fait, l’orientation et le développement des études scénaristiques au Québec – non pas sans écho avec ce qui peut s’observer à l’intérieur de cette filière ailleurs dans le monde.
À bien des égards, tant chez les professionnel·les que chez les théoricien·nes, la divergence des opinions quant à la « qualité », la « valeur » et le « mérite » des pratiques scénaristiques, ainsi que cette forte impression de « réticence littéraire » autour du scénario, semblent baliser quelque chose comme une « grande querelle » épistémologique au sein de laquelle, cependant, la majorité des arguments se rangent d’un seul côté, comme si le fait d’appréhender l’objet scénaristique à partir de préoccupations littéraires (écriture, lecture, textualité, style, etc.) mettait à mal sa « spécificité » inhérente aux domaines cinématographique et audiovisuel. Ainsi, la grande majorité des discours à l’égard de la potentielle littérarité du texte scénaristique au Québec ont en commun de la remettre systématiquement en question et, du même souffle, d’insister sur la nécessité de considérer surtout la fonction et les aspects techniques attribués, dans la sphère professionnelle, au scénario. De manière négative, on commente le style scénaristique pour consolider son discrédit institutionnel (un scénario, après tout, « n’est qu’un plan », un « outil de travail », il n’est motivé que par sa « fonction technique », il n’est pas « agréable à lire » et, dès lors, ne saurait « prétendre à » une pleine reconnaissance institutionnelle littéraire[6]). De manière positive, on fait appel à la reconnaissance institutionnelle acquise par un·e auteur·rice pour légitimer l’intérêt porté à un scénario qu’iel signe (par exemple, lorsque des textes scénaristiques signés par des auteurs dont la réputation n’est plus à faire sont publiés par de grands éditeurs[7]). Ainsi, tantôt on reproche au scénario d’être « incomplet », « en chantier », « instable », « brouillon », tantôt on le publie sous la « noble forme » de livre[8].
Or, depuis les balbutiements cinématographiques jusqu’aux plus récentes technologies de l’audiovisuel, en passant par des propositions littéraires ponctuelles[9], l’écriture de scénarios advient, s’affirme et se déploie, de fait, dans différents contextes et à travers de multiples formes et pratiques. Cela dit, même si concrètement, la scénarisation s’avère un secteur d’activités bien établi[10] au Québec, les études scénaristiques représentent un domaine de formation et de recherche encore relativement modeste. D’ailleurs, dans le paysage des revues savantes du Québec, avant celui qui nous occupe aujourd’hui, seulement deux dossiers ont été consacrés aux questions scénaristiques et tous deux ont été publiés dans les pages de la revue CiNéMAS : le premier, en 1991, intitulé « Le scénario », sous la direction d’Isabelle Raynauld, et le second, en 1999, intitulé « Les scénarios fictifs », sous la direction de Lise Gauvin. Le projet de ces contributions n’était cependant pas spécifiquement tourné vers le contexte québécois. Autrement, parmi les publications « fondatrices » pour les études scénaristiques au Québec, signalons une partie des travaux menés, dans les années 1990, par Isabelle Raynauld, ainsi que par Germain Lacasse et Esther Pelletier, lesquels s’appliquent respectivement à faire l’histoire et l’analyse des pratiques scénaristiques locales[11]. Leur démarche est alors centrée autour du scénario et de la scénarisation cinématographiques. Quelques travaux ont aussi cherché, au fil des dernières décennies, à sonder les allers-retours possibles entre les domaines littéraire et cinématographique que permet plus particulièrement l’étude du scénario, notamment en abordant la question de l’adaptation cinématographique de romans ou de pièces de théâtre. Le dossier spécial « Les scénarios fictifs », évoqué à l’instant, et l’ouvrage collectif Cinéma et littérature au Québec : rencontres médiatiques, publié en 2003 sous la direction de Michel Larouche, regroupent à eux deux l’essentiel des propositions allant dans ce sens[12]. Cela étant dit, les tendances dominantes à l’intérieur des études scénaristiques demeurent néanmoins marquées par un penchant pour tout ce qui concerne les aspects technico-pratiques de la scénarisation (tous domaines médiatiques confondus) et une mise à distance du littéraire. Pour le dire de manière un peu abrupte, ce qui semble importer par-dessus tout serait de cerner la « meilleure manière » d’écrire un « bon scénario » pour qu’il ne soit pas « trop littéraire[13] ».
À travers mes recherches (et mes enseignements), ma posture critique s’applique certes à dénoncer les tendances qui dévalorisent systématiquement le scénario (tant du côté littéraire que cinématographique et audiovisuel), mais vise surtout à prendre un pas de côté face à des débats stériles où, de manière peu nuancée, les un·es et les autres cherchent à répondre par un « oui » ou par un « non » des plus catégoriques lorsque l’on pose la question de la littérarité du texte scénaristique. Il m’apparaît plus profitable et intéressant de simplement s’en tenir à cette double évidence : d’une part, la scénarisation relève d’un travail de création et, d’autre part, le scénario est un texte forcément écrit et lu dans un contexte donné. Ce pas de côté pragmatique, radical par son minimalisme, détonne quelque peu dans les études scénaristiques au Québec et me permet de rejoindre la pensée de certain·es théoricien·nes qui, dans leurs travaux, embrassent pleinement le caractère instable des formes et pratiques en présence et s’intéressent davantage à la complexité des enjeux scénaristiques qu’à la supposée « nécessité » de trancher de catégorique manière sur la « nature » du scénario[14].
En 2011, Steven Maras publie un article intitulé « Some Attitudes and Trajectories in Screenwriting Research[15] » où il s’applique à dépeindre « the “object problem” in screenwriting research[16] » et rappelle que la scénarisation ne saurait être de prime abord envisagée tel un « objet », puisqu’il s’agit d’une pratique liée à différentes techniques. Pour Maras, ce serait plutôt le scénario qui s’apparenterait davantage à un « objet ». Or, on se rappellera que la nature changeante et évolutive du scénario dans un contexte de production précarise aux yeux de plusieurs une telle conception (soit celle du scénario comme « objet »). Dans son article, Maras propose d’aborder frontalement le « problème de l’objet » à l’intérieur du cadre des études scénaristiques. Plusieurs domaines de recherches doivent d’ailleurs composer avec la nature instable de certains objets d’étude, insiste Maras[17]. Aussi il importe, me semble-t-il, à la suite de Maras, d’embrasser pleinement l’« instabilité » du texte scénaristique afin de pouvoir, à terme, reconnaître, aborder et comprendre de façon nuancée la manière dont se pose le « problème de l’objet-scénario » (en général et) au Québec (en particulier) afin de diversifier et de densifier nos façons d’en concevoir autant la création que l’étude.
La pensée dogmatique en matière de scénario (cette fameuse « bonne manière » de « bien écrire » un « bon scénario ») invite au sens unique, instaure une pensée uniforme et pérennise quelque chose comme un statu quo hégémonique et systémique en ce qui concerne les discours, les pratiques et les histoires racontées. Aussi, par conséquent, et c’est là quelque chose de très peu considéré jusqu’à présent, l’instabilité me paraît décrire non seulement ce qui concerne la réalité textuelle de la forme scénaristique, mais la réalité socioprofessionnelle de quantité de scénaristes tout autant. À bien des égards et selon de nombreux facteurs, la réalité socioprofessionnelle de plusieurs scénaristes (une réalité marquée par un accès au financement étatique compétitif, du travail à la pige et différents critères d’exclusion rencontrés dans le monde du travail, comme dans la société – misogynie, racisme, homophobie, transphobie, capacitisme, classisme) s’avère instable, précaire, minorée. L’instabilité est donc ici à comprendre au sens de ce qui traduit un manque d’assises, de permanence et de sécurité.
Pour repenser les contextes sociaux et esthétiques entourant traditionnellement les pratiques scénaristiques, l’idée d’instabilité me paraît également porteuse pour le mouvement de renversement qu’elle peut impliquer. Sera « instable », en effet, ce qui aura été enfin bousculé, questionné, déboulonné : a priori esthétiques, façons de faire, discours problématiques, etc. Dans cette perspective, à travers les textes réunis couvrant différents ancrages médiatiques et socioculturels (et ce, dans le monde professionnel, à l’intérieur de démarches exploratoires, comme dans le cadre de projets de recherche dédiés), le présent dossier se veut une contribution collective au renouveau espéré des études scénaristiques québécoises. L’objectif ici n’est pas de refaire au singulier « l’histoire du scénario québécois », ni de penser (et encore moins d’essentialiser) « la spécificité nationale » d’une scénarisation géolocalisée, mais bien de sonder de quel pluriel l’écriture de scénarios au Québec est à présent faite. J’ai voulu rassembler des articles et des réflexions sachant 1) distinguer la forme scénaristique de la forme audiovisuelle ; 2) tenir compte des enjeux intermédiaux que soulève l’écriture scénaristique ; et 3) aborder l’expérience pragmatique de la scénarisation en lien avec l’expérience du monde réel des scénaristes et de leurs lecteur·rices, peu importe le type d’univers fictionnel déployé. Au total, le dossier regroupe cinq contributions : un entretien, trois articles et un texte à mi-chemin entre article et entretien.
Joëlle Rouleau, dans le cadre d’un entretien qu’elle m’a accordé, développe, à partir de ce qui se joue sur les écrans québécois en matière de représentations LGBTQ+[18], une réflexion exploratoire autour des pratiques scénaristiques et des liens entre fiction et réalités queer[19] au Québec. Au fil de la conversation, Rouleau propose un état des lieux mêlant à la fois les enjeux culturels, sociaux et politiques qui se trament autour des représentations LGBTQ+. La forme de l’entretien permet ici de répondre à l’absence d’analyses queer de scénarios au Québec, qui se présente ainsi comme un champ d’études à défricher. Dans le premier article du dossier, Karine Bertrand rend compte de démarches scénaristiques et cinématographiques collaboratives entre des autochtones du Nunavut et des allochtones québécois·es. En mobilisant les concepts porteurs de résurgence et de survivance, Karine Bertrand « s’intéresse à l’importance d’une écriture scénaristique qui redonne à la femme autochtone la place qui lui revient en tant que pédagogue, conseillère, guérisseuse, entrepreneure, mère et guerrière » (28). Les deux articles qui suivent investissent respectivement le monde de la scénarisation vidéoludique. D’abord, Dominic Arsenault et Pascale Thériault brossent un portrait détaillé du monde de la scénarisation de jeux vidéo au Québec. Dans leur article, iels explicitent la situation de l’industrie québécoise dans l’écosystème global du jeu vidéo et décrivent les rouages créatifs et socioprofessionnels de la scénarisation vidéoludique tels que vécus par des praticiennes travaillant à la scénarisation de jeux vidéo dans des studios montréalais. Puis, le Collectif Obèle témoigne, dans sa contribution, d’une démarche de recherche-création scénaristique performative au croisement des domaines littéraire et vidéoludique. Dans cet article, les membres du Collectif interrogent les contraintes formelles et les concepts méthodologiques que conjugue leur démarche d’hybridation. Enfin, je cosigne, pour ma part, aux côtés de neuf auteur·rices anonymisé·es, un texte qui, par sa méthodologie et sa forme, s’inscrit quelque peu en marge de ce qui est attendu tant du côté d’un article scientifique que d’un entretien plus traditionnel. Dans ce texte à dix têtes qui s’échafaude par fragments, la parole cumulative de scénaristes et de scénaristes-réalisateur·rices (dont la majorité sont des personnes de couleur) témoigne de manière située d’une grande diversité de parcours et d’expériences vécues dans les milieux de la télévision, de la websérie et du cinéma au Québec.
Le dossier constitué offre un panorama à géométrie variable et forcément incomplet sur l’écriture de scénarios dans le contexte québécois contemporain. En raison de différents aléas (pandémiques, mais pas seulement) qui auront marqué l’élaboration et la réalisation de ce projet de publication, des pistes de réflexion et des terrains d’investigation prometteurs demeurent en friche[20]. Aussi, il importe de souligner qu’au sein des études scénaristiques au Québec, tant de choses restent à faire, de sujets inédits à explorer, d’angles d’analyse et de création à déplier, et de corpus à sonder (je pense notamment aux centaines de scénarios que la Cinémathèque québécoise héberge dans ses collections). Enfin, en réfléchissant le prolongement des textes qu’il réunit, le présent dossier se veut également une invitation, pour les chercheur·euses de tous les horizons (en recherche comme en recherche-création), à s’intéresser à la scénarisation dans toutes ses formes et à investir à leur mesure les études scénaristiques – un domaine souvent méconnu et pourtant fertile, dont la porosité disciplinaire, lorsque l’on prend le temps de la considérer pleinement, s’avère l’un de ses fondements structurants caractéristiques les plus importants. De manière originale et significative, les contributions aujourd’hui regroupées permettent de poser un regard renouvelé, multiple et actuel sur la scénarisation en tant que pratique créative et culturelle au Québec.
Appendices
Note biographique
GABRIELLE TREMBLAY est professeure au Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal. Ses travaux récents portent sur les liens entre littérature, cinéma et pratiques scénaristiques au Québec. En 2015, elle a publié Scénario et scénariste, un ouvrage dédié à la reconnaissance institutionnelle de l’objet scénaristique dans le monde de l’art cinématographique en France.
Notes
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[1]
Gabrielle Tremblay, Scénario et scénariste. De la reconnaissance institutionnelle de l’objet scénaristique dans le monde de l’art cinématographique français, La Madeleine, LettMotif, 2015, 196 p.
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[2]
Howard S. Becker, Les mondes de l’art, nouvelle édition, présentation de Pierre-Michel Menger, traduit de l’anglais par Jeanne Bouniort, Paris, Flammarion, coll. « Champs arts », 2010, p. 148.
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[3]
Ibid.
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[4]
Ibid., p. 148-149.
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[5]
Jusqu’à présent, mes travaux se concentrent autour de la scénarisation de fiction. Encore peu de choses ont été publiées au sujet de l’écriture de scénarios de documentaires, une pratique qui pourtant gagne en importance (notamment en raison des modes de financement de ce secteur d’activités en France comme au Québec). Il importe de signaler qu’en 2019, Isabelle Raynauld consacre tout un chapitre à cette forme d’écriture dans la réédition de son ouvrage Lire et écrire un scénario, paru à l’origine en 2012. Voir Isabelle Raynauld, Lire et écrire un scénario. Fiction, documentaire et nouveaux médias, 2e édition augmentée, préface de Michel Marie, Malakoff, Armand Colin, 2019 [2012], p. 196-213.
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[6]
Ce qui revient à dire implicitement, par exemple, que tous les romans seraient invariablement « faciles » et « agréables » à lire… ce qui est loin d’être une évidence, comme on le sait.
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[7]
Par exemple, en France, les textes scénaristiques de René Clair, Marguerite Duras, Louis Malle et Jacques Prévert publiés chez Gallimard, ou encore ceux de Patrice Chéreau, Bernard-Marie Koltès et Alain Robbe-Grillet publiés aux Éditions de Minuit. Au Québec, pensons aux scénarios de Denys Arcand et Gilles Carle publiés chez Boréal, et plus récemment, ceux de Robert Morin et André Forcier publiés chez Somme toute.
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[8]
Au sujet du phénomène de l’édition scénaristique au Québec, on peut consulter le mémoire en études cinématographiques de Bruno Maltais, Le phénomène de l’édition de scénarios cinématographiques dans l’espace éditorial québécois, Montréal, Université de Montréal, 2010, 162 f. Pour une analyse sommaire du phénomène de l’édition scénaristique en France, voir Gabrielle Tremblay, Scénario et scénariste, p. 38-48. Sur la question de la publication de scénarios sous la forme de livres, l’ouvrage que dirigent Mireille Brangé et Jean-Louis Jeannelle en 2019 peut également être consulté : Mireille Brangé et Jean-Louis Jeannelle (dir.), Films à lire. Des scénarios et des livres, Bruxelles, Les impressions nouvelles, 2019, 384 p. Signalons au passage une réalité dont m’ont fait part quelques éditeur·rices en France et au Québec : la publication de scénarios se fait le plus souvent à l’initiative d’éditeur·rices cinéphiles et non à celle de scénaristes ou de cinéastes désireux·ses de voir leur texte scénaristique prendre la forme d’un livre. Il est également intéressant de noter que, dans la préface de nombreux scénarios publiés, il est possible de relever un certain discrédit (plus souvent explicite qu’implicite) de la forme scénaristique. À cet égard, les préfaces que signent Denys Arcand et Pierre Falardeau au moment de la publication de leurs scénarios respectifs sont exemplaires.
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[9]
Pensons à la publication en 1974 du « roman scénaristique » Neige noire d’Hubert Aquin, aujourd’hui disponible dans une édition critique établie dans les années 1990 par Pierre-Yves Mocquais : Hubert Aquin, Neige noire, Montréal, BQ, 1997, 619 p. Le contexte des études de deuxième et de troisième cycles s’avère également propice pour des explorations scénaristiques littéraires. La thèse de doctorat en études et pratiques des arts d’Ali Saeed Zanjani, Screenplay : Movie Script or Litterature ?, déposée et soutenue à l’UQAM en 2006 sous la direction de Jean-Philippe Uzel, peut être ici citée en exemple, puisque le projet de création du doctorant (intitulé Between Borders) s’apparente à l’écriture d’un « screenplay-novel » – ce qui n’est pas sans faire écho formellement au roman d’Aquin. Gaëlle Baumans, une étudiante à la maîtrise en études littéraires à l’UQAM (profil création) dont je dirige actuellement les travaux, s’intéresse, elle aussi, aux tressages possibles entre les formes et pratiques scénaristiques et romanesques.
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[10]
Ce qui ne veut pas dire que tout y tourne rondement, comme nous le verrons dans certains textes du présent dossier.
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[11]
Voir Germain Lacasse, « Vestiges narratifs. Les premiers temps du scénario québécois », Études littéraires, vol. XXVI, no 2, automne 1993, p. 57-65 ; Esther Pelletier, Écrire pour le cinéma. Le scénario et l’industrie du cinéma québécois, Québec, Nuit blanche éditeur, coll. « Les cahiers du Centre de recherche en littérature québécoise de l’Université Laval. Études », 1992, 245 p. ; Isabelle Raynauld, « Importance du scénario dans le cinéma québécois : développement d’une pratique d’écriture de 1896 à 1996 », André Gaudreault, Germain Lacasse, Isabelle Raynauld (dir.), Le cinéma en histoire : institutions cinématographiques, réception filmique et reconstitution historique, Québec/Paris, Nota bene/Méridiens Klincksieck, coll. « Sciences humaines. Cinéma », 1999, p. 193-210.
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[12]
Il est à noter qu’autre part, des travaux sont dédiés, en tout ou en partie, à l’adaptation cinématographique d’oeuvres littéraires (sinon au mouvement inverse, celui de la novellisation), sans pour autant, cependant, aborder de front la question du scénario dans leurs analyses et démonstrations. Ce qui distingue ces publications de 1999 et de 2003 est qu’elles contiennent des travaux qui ont précisément en commun le fait de traiter du texte scénaristique non pas comme « forme indicative », « plan » ou « partition », mais bel et bien comme partie prenante du processus créatif d’adaptation. Dans cette même veine, on peut signaler les articles suivants : Michel Larouche, « Le vieillard et l’enfant : le scénario de Gabrielle Roy », Cahiers franco-canadiens de l’Ouest, vol. IX, nos 1-2, 1997, p. 3-17 ; Michel Marc Bouchard, « Le théâtre au cinéma ou le dramaturge devient scénariste ! », Carla Fratta (dir.), Littérature et cinéma au Québec, 1995-2005, avec la collaboration de Jean-François Plamondon, Bologne, Edizioni Pendragon/Centro Interuniversitario di Studi Quebecchesi (CISQ) de l’Université de Bologne, p. 43-52; et, en 2015, l’un de mes textes, « Entre la pièce et le film : le scénario d’adaptation d’Incendies », Sébastien Fevry, Serge Goriely et Arnaud Join-Lambert (dir.), Regards croisés sur Incendies : du théâtre de Mouawad au cinéma de Villeneuve, Louvain-la-Neuve, Academia l’Harmattan, coll. « Imaginaires », p. 25-34.
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[13]
Dans le manuscrit tiré de ma thèse et dont la publication est à venir prochainement, de nombreux chapitres s’appliquent à déconstruire ce type de posture discursive problématique à bien des égards. On peut également consulter l’article « Une écriture cinématographique ? » de Jacqueline Viswanathan paru en 1993 et dans lequel elle traite de la « méfiance » littéraire largement rencontrée dans le monde théorique et pratique de la scénarisation. Malgré ses trente ans, cet article n’a pas pris une ride : Jacqueline Viswanathan, « Une écriture cinématographique ? », Études littéraires, vol. XXVI, no 2, automne 1993, p. 9-18.
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[14]
Je pense ici, entre autres, en France, aux travaux de Jean-Louis Jeannelle et Francis Vanoye : Jean-Louis Jeannelle, « Pour une étude des “inadaptations” », Poétique, no 173, juin 2013, p. 47-61 ; Francis Vanoye, Scénarios modèles, modèles de scénarios, 2e édition, Paris, Armand Colin, 2008 [1991], coll. « Armand Colin cinéma », 239 p.
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[15]
Steven Maras, « Some Attitudes and Trajectories in Screenwriting Research », Journal of Screenwriting, vol. II, no 2, mars 2011, p. 275-286. Cet article est une version remaniée du discours d’ouverture que Maras a prononcé en 2010 à Copenhague, lors de la troisième édition du Congrès annuel et international du Screenwriting Research Network (SRN). Le SRN voit le jour en 2006 à l’initiative du professeur Ian W. MacDonald, aujourd’hui retraité, à une époque où il était de plus en plus manifeste qu’un nombre croissant de chercheur·euses investissaient le champ des études scénaristiques, bien qu’isolé·es les un·es des autres dans différentes universités et dans différents pays. Aussi, les études scénaristiques se sont-elles consolidées de manière significative d’abord lors de la fondation du SRN, puis lors de la parution du premier numéro du Journal of Screenwriting en 2010 – une autre initiative d’Ian W. MacDonald, véritable pilier des études scénaristiques dans le monde anglophone.
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[16]
Ibid., p. 275.
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[17]
Sur la question des « objets instables », il faut lire notamment, dans les pages de Voix et Images, les chroniques de Lucie Robert sur l’écriture dramatique depuis 1985 (en commençant, peut-être, par sa dernière parue en 2021), ainsi que les travaux de Luc Bonenfant et Nicolas Rochette sur le conte : Lucie Robert, « Le théâtre de l’esprit », Voix et Images, vol. XLVI, no 3, printemps-été 2021, p. 139-146 ; Luc Bonenfant et Nicolas Rochette, « L’art du conte dans la culture contemporaine au Québec », Voix et Images, vol. XLVI, no 2, hiver 2021, p. 7-19.
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[18]
Nous préconisons ici l’usage de l’acronyme LGBTQ+ (Lesbienne, Gai, Bisexuel·le, Trans, Queer et autres diversités sexuelles), mais reconnaissons la valeur et l’importance de sa « version longue » : LGBTQQIP2SAA (Lesbienne, Gai, Bisexuel·le, Trans, Queer, Questioning, Intersexe, Pansexuel·le, Two Spirited, Asexuel·le, Allié·e).
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[19]
Dans cette publication, « queer » prend la forme d’un mot invariable et est écrit en italique afin de respecter son origine sociolexicale : une insulte homophobe réappropriée par les mouvements queer à des fins politiques, théoriques et culturelles.
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[20]
Je tiens d’ailleurs à exprimer mes plus sincères condoléances aux proches de Louise Surprenant, dont on a appris le décès au début de 2022. Louise Surprenant était une monteuse professionnelle d’expérience, détentrice d’un doctorat en sémiologie (UQAM) et chargée de cours depuis de nombreuses années au sein de l’École des médias de l’UQAM. En mettant à profit sa riche expertise professionnelle et enseignante, elle devait signer dans ce dossier un article portant sur les liens à tendre et à tisser entre l’écriture de scénarios et le montage cinématographique.