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La fabrique de l’épistolaire[Record]

  • Frédéric Rondeau

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  • Frédéric Rondeau
    Université du Maine

C’est dans un contexte éditorial marqué par la publication d’échanges épistolaires que Stéphanie Bernier et Pierre Hébert font paraître Nouveaux regards sur nos lettres. La correspondance d’écrivain et d’artiste au Québec aux Presses de l’Université Laval. Cet excellent ouvrage — qui regroupe les actes d’un colloque tenu à l’Université de Sherbrooke en 2017 — se compose de dix-huit textes divisés en deux sections principales dans lesquelles les auteurs examinent soigneusement l’échange de lettres sous ses différents aspects : « Pratiques épistolaires/Pratiques éditoriales » et « Les nouveaux regards sur l’épistolaire québécois ». Afin de rendre compte de ce collectif, il semble utile de le mettre en rapport avec les préfaces de correspondances récemment publiées au Québec : celle de Michel Biron aux Lettres de Saint-Denys Garneau parues dans la collection « Bibliothèque du Nouveau Monde » des Presses de l’Université de Montréal  ; celle de Marcel Olscamp et Lucie Joubert dans Le monde a-t-il fait la culbute ? de Jacques Ferron, Madeleine Ferron et Robert Cliche ; l’« Avant-propos » de François-Marc Gagnon et Gilles Lapointe, dans Aller jusqu’au bout des mots de Paul-Émile Borduas et Rachel Laforest ; la brève présentation rédigée par Emmanuelle Germain et Jonathan Livernois de Ton métier, le mien, le Québec de Pauline Julien et Gérald Godin. L’on peut noter que ces trois dernières correspondances ont été publiées chez Leméac. Dans leur introduction, Bernier et Hébert reviennent sur les recherches effectuées sur l’épistolaire au Québec. Ils rappellent que la prudence s’est longtemps imposée dans l’interprétation, voire dans le fait même de recourir à la lettre dans les études littéraires. Le numéro de Voix et Images intitulé « Les correspondants littéraires d’Alfred Desrochers », dirigé par Richard Giguère en 1990, constitue la première étude d’importance sur l’épistolaire québécois. Rassemblés autour du Centre universitaire de lecture sociopoétique de l’épistolaire et des correspondances (C.U.L.S.E.C.), Benoît Melançon, Pierre Popovic, Jane Everett et Michel Biron chercheront ensuite à proposer une « sociopoétique de l’épistolaire qui sache à la fois prendre en compte les socialités de la lettre et les spécificités de son écriture ». Dans les études critiques portant sur ce type d’écrits, c’est toutefois le plus souvent cette première caractéristique qui est privilégiée. Parallèlement à ces travaux, en 1996, Gilles Lapointe publiera L’envol des signes. Borduas et ses lettres. Bernier et Hébert observent que le début des années 2000 témoigne d’un intérêt renouvelé pour le genre : c’est alors que paraissent la correspondance entre Paul-Émile Borduas et Claude Gauvreau de même que des études sur les lettres de Gaston Miron et celles d’Alain Grandbois. Parmi les initiatives de la dernière décennie, Marie-Andrée Beaudet et Mylène Bédard ont codirigé le collectif Relire le xixe siècle québécois à travers ses discours épistolaires et les Lettres de Gaston Miron, dont Mariloue Sainte-Marie signe l’introduction, ont été publiées. Il eût en ce sens été pertinent d’inclure une bibliographie critique de la correspondance d’écrivains au Québec dans le livre de Bernier et Hébert, celui-ci constituant désormais une référence incontournable pour les chercheurs s’intéressant à la question. À la lecture des correspondances d’auteurs récemment parues et des études portant sur l’épistolarité, il semble que les lettres puissent — de façon certes un peu schématique — être regroupées en trois catégories. La correspondance pouvant être considérée comme une oeuvre en raison de ses qualités intrinsèques appartiendrait à la première ; les lettres éclairant le lecteur sur le processus de création du signataire seraient classées dans la seconde ; enfin, celles nous renseignant sur le réseau de l’écrivain ou de l’artiste, sur sa sociabilité et, plus largement, sur l’époque à laquelle il appartient, seraient rangées …

Appendices