Dossier

POÉTIQUES DE LA PAROLESubjectivation et incarnation[Record]

  • LUCIE BOURASSA and
  • LAURANCE OUELLET TREMBLAY

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  • LUCIE BOURASSA
    Université de Montréal

  • LAURANCE OUELLET TREMBLAY
    Université du Québec à Chicoutimi

Que fait la parole ? Voilà la question qui rassemble les collaborateurs et collaboratrices de ce dossier. Frontière entre souveraineté et assujettissement, la parole humaine fait apparaître un sujet et un corps traversé — transcendé — par cette altérité familière. D’emblée, une réflexion sur « le parler dans l’écrit » suppose une prise en compte de l’oralité et de ce qu’une telle notion convoque. Disons pour commencer que nous n’abordons pas ici le domaine des oeuvres réellement communiquées oralement (littératures de tradition ou de transmission orales, chanson, rap, slam, poésie sonore). Les poétiques de la parole désignent plutôt ce qui, dans l’écriture, donne à entendre et même à voir ce « faire » qui agit le corps de l’énonciation et suscite aussi bien la profération (voix, tonus, souffle) que l’écoute. D’après Marion Chénetier-Alev, la plupart des travaux sur l’oralité dans la littérature écrite se répartissent en trois champs : la transposition de la langue parlée, la transposition du « style oral » et le « mode d’énonciation du texte ». Elle fait remarquer que le plus largement traité est le premier, qui représente pourtant « un sens restreint » de l’oralité, faisant « la part belle à l’illusion d’un possible oral dans l’écrit », même si « le caractère d’utopie linguistique » d’une telle présence a été largement reconnu. Son constat, surtout fondé sur des travaux européens, vaut tout autant pour la critique du Québec, qui a abordé l’oralité essentiellement sous l’aspect de la langue parlée. Il faut dire que cette forme d’oralisation de l’écrit est très importante dans la littérature québécoise, ce qui tient bien sûr à la situation du français en Amérique. Lise Gauvin écrivait ainsi que « le métadiscours sur la langue, qui prend l’aspect d’une véritable surconscience linguistique, informe tout autant les positions critiques que les oeuvres de fiction ». Les publications sur les liens entre littérature et langue parlée au Québec abondent, comme le montrent les deux dossiers que Lise Gauvin a consacrés à cette question. Les actes d’un colloque franco-québécois organisé par Claude Filteau en 1986, « Le français oral : sa description linguistique et ses manifestations dans la littérature québécoise », ont fait date et illustrent diverses tendances des travaux sur le sujet. À l’exception de ceux d’Henri Meschonnic et de Claude Filteau, tous les articles sont consacrés au roman ou au théâtre, et tous assimilent l’oralité au parlé, compris comme langue populaire, voire nationale ; la réflexion sur la spécificité de la parlure québécoise et sur le joual y occupe une grande place — comme en témoigne la présence, à ce colloque, de Michel Tremblay, dont l’oeuvre représente « “l’imaginaire” de l’oralité québécoise » — même si les analyses véritables de leur transposition dans les textes demeurent marginales et limitées. Les questions abordées sont diverses, associées « aux situations de discours, à l’institution littéraire québécoise, aux rapports entre genre littéraire et transcription de l’oralité, etc. ». Plusieurs communications abordent la langue parlée en relation avec des questions d’énonciation, notamment sous l’angle de l’hybridation ou du plurilinguisme bakhtiniens ; c’est une voie qu’emprunteront aussi d’autres travaux sur l’oralité par la suite. Examinant le « parler dans l’écrit », le présent dossier vise autre chose que la transposition littéraire du ou des vernaculaire(s) québécois, ou de quelque parlure, et se rapproche davantage de ce que Chénier-Alev appelle le « mode d’énonciation du texte ». Il aborde des oeuvres et des pratiques d’écriture qui accordent une place centrale, voire fondatrice, à la parole reconnue dans son acte ou dans ses effets. Dans sa contribution au colloque organisé par Claude Filteau, comme d’ailleurs dans l’ensemble …

Appendices