Abstracts
Résumé
Saisir Belleau dans sa dispersion même, sa résistance à la totalisation et aux conclusions : tel est l’objectif de cet article, qui examine entre autres son rapport à l’administration, à la bourgeoisie, au code et à l’espace de la rue. Pour ce faire, ses textes publiés et inédits, essais, cahiers et poèmes sont examinés. On y découvre un Belleau lecteur, constamment prêt à faire « le saut herméneutique », à relancer l’interprétation, conçue comme aventure, ébranlement, indéfiniment.
Abstract
The purpose of this article is to grasp Belleau in his scatteredness and resistance to totalization and conclusions. It explores his relation to administration, the bourgeoisie, and street spaces and codes through an examination of published and unpublished texts, essays, notebooks and poems. We encounter Belleau as a reader constantly willing to take the “hermeneutic leap”, to reopen interpretation—viewed as adventure and process of unsettlement—over and over again.
Resumen
Captar a Belleau en su dispersión misma, su resistencia a la totalización y a las conclusiones: he aquí el objetivo de este artículo, que estudia, entre otros temas, su relación con la administración, la burguesía, el código y el espacio de la calle. Para ello, se estudian sus textos publicados e inéditos, ensayos, cuadernos y poemas. En ellos se descubre a un Belleau lector, constantemente dispuesto a dar ‘el salto hermenéutico’, a reactivar la interpretación, concebida como aventura, estremecimiento, indefinidamente.
Article body
À ma connaissance, Belleau n’a pas commenté, et probablement pas lu, l’oeuvre d’Auden. Il n’a d’ailleurs guère écrit sur les littératures britannique ou américaine[1] (préférant, de loin, l’idée d’américanité et la nécessité de « dire l’Amérique en français[2] »). Il y eut cependant de nettes affinités entre leurs pratiques de la prose : « Auden loved aphorisms, extracts, notes, lists. […] He liked their refusal of systems […], he placed little value on continuities[3]. » L’écriture de Belleau manifeste une semblable propension à la discontinuité, à la fragmentation, une même prédilection pour les notations brèves et fulgurantes. Dans la critique comme dans la fiction, ses textes tournaient court, et transformaient le sens même de cette expression en réussite. Belleau écrivait des articles, plutôt que des livres ; des nouvelles, plutôt que des romans. Dans une note révélatrice de son carnet de lectures, étrangement affublée du titre de « Déclaration » alors qu’elle se moule dans la forme de la confession diaristique, il signalait un moment d’épiphanie, à ce sujet :
Aujourd’hui [10 janvier 1980], […] une pensée m’est venue avec la clarté, la force de l’évidence : je ne suis pas fait pour le roman. Tous mes projets de roman se sont transformés en nouvelles. […] Je me rends compte que mes fantasmes, mes hantises, mes moments, mes configurations, peuvent trouver place dans le fragment. […] Je me rends compte au surplus que l’essai-fragment […] permet d’insérer des éléments théoriques. […] Le fragment-essai partiellement fictif permet d’unifier le plus grand nombre de tendances en moi[4].
Cette unification par la fragmentation, qui constitue une dynamique sous-jacente de l’écriture de Belleau, guidera mes propres analyses, précisément afin de reconstituer, par la juxtaposition de multiples facettes, les traits marquants de son oeuvre. Il ne s’agit pas, par mimétisme, d’esquisser une écriture « à la Belleau » sur l’écriture de Belleau, mais de recourir à une forme, celle du fragment, qui permet, en procédant par bonds et ruptures, de « rapailler » Belleau tout en demeurant au plus près de la disjonction, du disparate et de la présence constante du doute, caractéristiques de sa pensée.
Creuset formel donnant cohérence, malgré l’hybridité générique, à l’ensemble de sa prose, l’essai-fragment trouve son équivalent stylistique dans le caractère parfois perpendiculaire de l’agencement de ses phrases, le passage brutal de l’analyse d’un détail à des reformulations synthétiques étonnantes. Sa description de Wiener comme « prince du coq-à-l’âne, de la fantaisie, de l’humour » se promenant « avec une liberté royale dans le jardin de la connaissance » et « sautant les haies[5] » pourrait ainsi lui être retournée. Philosophiquement, cette tendance fait de lui, comme Auden, un réfractaire aux systèmes totalisants. Cela explique possiblement pourquoi, des figures tutélaires de la sociologie de la littérature et de la sociocritique, il fut un des moins hégéliens, des moins marxistes, malgré son admiration pour Lukács et Bakhtine, et cela explique sans doute aussi pourquoi il demeura étranger aux groupes et revues inspirés du marxisme, à l’exception d’un article dans Stratégie en 1974[6]. Peut-être pourrait-on voir, dans ce trait, un révélateur, au sens chimique du terme, de la tension profonde, voire de l’antinomie entre totalité et multiplicité, qui travaille de l’intérieur l’oeuvre de Bakhtine aussi bien que la théorie du discours social. Quoi qu’il en soit, une image entre toutes cristallise ce tropisme, celle de la villa aux multiples portes (quatorze ou neuf selon les versions), lesquelles ouvrent toutes sur l’extérieur, que Belleau emprunte à deux reprises à William James, à seize ans de distance, une fois en incipit[7], une fois en guise de conclusion[8].
CONFLIT DES CODES/DISCOURS SOCIAL
La notion de code est sans doute celle qui manifeste le plus fortement, chez Belleau, l’intertexte structuraliste et ses fondements linguistiques, celle qui date aussi son discours, tant elle fleure bon les années 1970[9]. On pourrait croire que Belleau cédait à l’esprit de système, à la volonté de quadrillage systématique, exhaustif, du fait littéraire, qui animait plusieurs des structuralistes, Barthes y compris[10]. Et pourtant, non. Elle fut surtout, il me semble, un moyen pour Belleau de plonger le texte dans des ensembles plus vastes, et d’examiner l’idéologie, la doxa, dans la « structure du contenu » plutôt que dans le contenu lui-même. Ce glissement vers le social le conduisit du code vers le code social, puis vers le discours social : cette notion fait son apparition dans ses textes et manuscrits entre 1975 et 1978. Ses notes de cours présentent alors les codes comme produits par le discours social[11].
Il revint à un autre chercheur, comme on le sait, d’échafauder une théorisation poussée de cette notion[12]. Toutefois, le rôle de Belleau comme interlocuteur théorique, dans la période de coalescence du projet de recherche sur le discours social, est négligé et pourtant important[13] ; les trajectoires d’Angenot et de Belleau semblent se croiser, à la fin des années 1970, à la faveur de leur intérêt commun pour l’essai, le croisement de l’idéologique et du narratif, ainsi que pour Bakhtine. Le Cercle Bakhtine, fondé et animé par Belleau, de 1982 à 1986, fut un des lieux où la notion de discours social se transforma en théorie spécifique[14]. Alors qu’en 1982, dans une conférence au Cercle Bakhtine intitulée « Discours social et discours du récit », Belleau juge que le discours social équivaut au plurilinguisme social de Bakhtine, Angenot expose au même moment, dans le premier numéro du Bulletin CQFD, son projet de recherche sur le discours social de 1889. Puis, le 9 avril 1984, ce dernier présente au Cercle Bakhtine une conférence correspondant pour l’essentiel au chapitre liminaire de 1889[15]. Cela signale à la fois la proximité des intérêts et le très grand décalage entre les méthodes : Belleau lance des hypothèses, accomplit des microlectures et cristallise celles-ci en formules frappantes ; pas d’exposés de « problématiques d’ensemble », de larges corpus, de typologies, chez lui.
DU DÉSIR DANS LA POÉSIE ADMINISTRATIVE
« L’administrateur, à mon avis, est un poète[16]. » Cette forte déclaration, dans l’entretien avec Wilfrid Lemoine, fait du gestionnaire, du véritable gestionnaire, un maître des discours, un réinventeur de situation, et résume en quelque sorte sa propre expérience dans la bureaucratie fédérale, de 1954 à 1967 : « J’écrivais des rapports. J’adorais ça[17]. » Quelques années plus tard, devenu professeur à l’UQAM, le poète en prose administrative reprend du service dans une « autocritique » aussi forte dans l’analyse qu’étonnante dans son jeu avec les codes. Ce bilan s’ouvre avec la remarque suivante : « La première (et plus difficile question) est celle-ci : quel est mon langage sur la littérature[18] ? » J’imagine l’étonnement du doyen d’alors, et le secret plaisir de certains, à recevoir un tel rapport. Belleau esquisse ensuite la réponse suivante :
Si je me reporte aux divers cours que j’ai donnés […] depuis septembre 1969, je remarque certaines constantes. D’abord, l’essentiel de mon discours a porté et porte sur des textes. Je parle sur des textes. Je commente des textes. Le texte est mon espace de travail, de confrontation, de risque, de succès ou d’échec […]. [J]e me suis presque toujours senti obligé de faire ce que j’appelle “le saut herméneutique”.
Et Belleau d’ajouter une parenthèse pour désamorcer le danger d’autocélébration : « pas le “sot” »…
Résumant l’évolution de sa pratique, de ses conceptions et de ses références, via Wiener, Lukács, Marx (« que je lus bien tard et bien partiellement ») puis Barthes, il en vient à exprimer l’aboutissement de ce parcours : « Maintenant, sans renoncer à l’exigence interprétative (qui est pour moi d’ordre existentiel et non théorique), je sais beaucoup mieux ce qu’est un texte, je suis davantage conscient des conditions réelles de sa spécificité et de son autonomie relative, il me semble que je puis pénétrer de façon plus incisive dans l’opacité textuelle », ce à quoi il ajoute à nouveau une parenthèse humoristique : « ma foi, c’est un viol ! » Deux pages plus loin, dans ce même rapport, Belleau opère un autre décalage ironique : « [J]e ne réussis pas toujours à tenir sur un texte un discours que je juge satisfaisant. Chaque fois, c’est à recommencer, et ça ne marche pas à coup sûr (encore un certain langage de la “conquête” amoureuse. Serais-je un boss vis-à-vis le texte ?). »
Ces ruptures de ton sont à mes yeux hautement significatives. Elles font entendre un langage ludique et interrogatif, dans un des lieux où la sclérose, l’ossification discursive tend le plus à réduire le discours universitaire à la logique du pouvoir, au néfaste trio rationalité, efficacité, productivité. Elles manifestent une autre relation à l’énonciation, par le retournement des affirmations les précédant. La voix sérieuse et affirmative du « commentateur de textes » fait surgir celle, moqueuse, du lecteur de la première, lecteur de soi, analysant son propre discours, dans un jeu qui accomplit textuellement l’acte de lecture en même temps qu’il introduit le soupçon quant à toute véritable « maîtrise » du langage. Enfin, et peut-être surtout, elles font apparaître, sur la scène des études littéraires, le topos du désir. On pourra, avec raison, trouver un peu trop fortement « genrées » les métaphores utilisées, cependant, elles signalent que la lecture est d’abord, pour Belleau, une entreprise subjective, et que le désir habite la théorie, l’écriture : « [J]e n’ai jamais parlé que de textes qui m’attiraient. Le discours que j’ai pu tenir sur eux était habité par des fantasmes et donnait forme au désir. » Dans cette perspective, le discours sur la littérature ne met pas en branle un appareillage objectif ou un savoir « neutralisé ». C’est le désir, en somme, qui fait de l’essayiste un écrivain : le désir du texte.
DANS LE TEMPLE : LES COUILLES
Je dois à Belleau une lecture du Deutéronome. J’avais en effet été perplexe devant l’extrait placé en exergue de « Si l’essentiel m’était conté… », qui va comme suit : « Celui qui a les testicules écrasés… n’entrera pas dans l’assemblée de Iahvé[19]. » J’ai d’abord cru à une mystification, avant de découvrir que la loi judaïque se préoccupait bel et bien de ces questions. J’ai alors pu apprécier à sa juste mesure le coup opéré par Belleau (comme on peut admirer les coups des joueurs de cartes), la Bible « autorisant » l’emploi du terme « testicules » dans la sérieusement littéraire Liberté, afin d’introduire une chronique consacrée aux Convergences de Jean Le Moyne (lequel a dû apprécier, mais en grinçant un peu, cette forte valorisation du corps, tout autant que la source de la citation). Introduire les testicules dans le temple, celui de Iahvé ou celui de la critique littéraire, est volontairement déstabilisant. Antérieur de plusieurs années à sa découverte de Bakhtine, cet article permet d’entrevoir la disposition favorable à la lecture du théoricien russe, à la collision du haut et du bas, à la contamination du discours savant par l’irrévérencieuse vulgarité[20]. En même temps, on découvre a posteriori que la critique du dualisme développée par Le Moyne[21] a pu faire de ce dernier, pour Belleau, un médiateur entre le néothomisme de sa formation et le théoricien du carnavalesque (notons que Belleau a fait de Le Moyne le représentant de la « sociocritique québécoise traditionnelle[22] »). Cependant, la célébration de « l’emportement viril » de Le Moyne tend à reconduire une conception de la scène intellectuelle qui associe audace et combativité à la virilité, comme pouvait le faire Parti pris à la même époque[23].
LE MARCHEUR DES RUES
En mars 1954, employé de la Royal Bank of Canada et fréquentant, avec quelques réserves, le « cercle de nos jeunes poètes[24] », selon son expression, André Belleau écrit un poème intitulé « Le marcheur des rues ». Bien qu’engoncé dans une gangue allégorique — « C’est le marcheur des rues qui n’ont point de maisons/Il vient de nulle part pour remplir sa mission/[…]/Sa mission de malheur sa mission de néant[25] » —, le personnage du titre allait devenir une des principales figures de ses nouvelles ultérieures (avec sa compagne, la prostituée). Belleau reprend d’ailleurs en 1959 dans « Suite urbaine[26] », son premier texte de création publié dans Liberté, des extraits du « Marcheur des rues », présentés comme d’« absurdes poèmes à demi-oubliés » de l’écrivain fictif-narrateur : « Toi tu marches sur la rue Saint-Denis/la rue de ta jeunesse/T’as comme Apollinaire un livre sous le bras[27]. » On croirait entendre un plagiat par anticipation de « Rue Saint-Denis » de Jacques Brault[28]. Belleau célébrera d’ailleurs dans « Quelques remarques sur la poésie de Jacques Brault » l’importance de cet « espace premier », qualifiant au passage le poète de « marcheur des rues[29] », lui appliquant ainsi le titre de son propre poème. Cette figure, en fait, hante la littérature québécoise du début des années soixante, des poèmes de Miron, Brault et Chamberland à la prose de Major, Renaud et Straram. Cependant, l’espace de la rue, chez Belleau, n’est pas tendu par une critique de l’aliénation, une poétique du quotidien morose, misérable et dominé, comme chez ces derniers. Il est au contraire celui de l’ouverture sur le monde concret, matériel, du contact avec la multiplicité grouillante, où s’exprime le désir. D’étranges vers de jeunesse, repris et réécrits dans « Suite urbaine », donnent une image frappante de ce dernier trait : « Bien loin les coins de rue aux brouillards jaunissants/[…]/Le grand parc au vagin humide et frémissant[30]. » Cette image signale au surplus que le sexe féminin, chez Belleau, n’est pas menaçante clôture ou vagina dentata mais, comme la rue, espace du sentiment océanique, signe du désir d’ouverture fusionnelle sur le cosmos.
DOMICILES
Le tout premier document dans les archives de Belleau, rangé sous la désignation « Chronologie 1928-1980[31] », s’avère, à la grande déception du chercheur, une liste de domiciles classés par date et commençant avec le 4851 Brébeuf, où la famille Belleau a habité de 1928 à 1931. Le document porte à cet endroit les mentions « Gilbert né en 1929, André en 1930 ». Suivent onze autres adresses, qui montrent les déplacements successifs de la famille dans le Plateau et La Petite-Patrie, puis l’ascension sociale d’André, qui habita Notre-Dame-de-Grâce, Ahuntsic puis Outremont.
Bien qu’il ait probablement été placé dans cette position liminaire par les archivistes, je ne peux m’empêcher de voir là le signe de l’attention portée par Belleau à l’espace comme catégorie sociale et symbolique travaillée par la littérature. Celle-ci le conduira par exemple à voir dans Poussière sur la ville un univers structuré comme un western. Cette lecture, d’abord formulée dans un cours, il la présente en 1975 comme une « hypothèse constative » qu’il ne peut « rapporte[r] à rien » mais dont il souhaite qu’elle « prépar[e] le terrain pour des lectures plus systématiques[32] ». Or, cette idée le mènera, entre autres, à celle du conflit des codes, élaborée entre 1975 et 1978 dans sa thèse de doctorat, où, pourtant, Langevin, le western et les structures spatiales ne jouent aucun rôle. Cette attention, comme la pente herméneutique de son esprit, est d’ordre « existentiel », pour reprendre son propre terme ; du moins est-ce la conclusion qu’on peut tirer de deux fragments de texte. Le premier est issu des notes et ébauches de ses carnets, dans lesquelles il esquisse un roman à écrire (probablement Marcel Duchamp attendait la mort, pour lequel il a signé un contrat en décembre 1970 aux Éditions de l’Actuelle[33]) : « J’ai besoin de Montréal. Absolument essentiel[34]. » Le second est tiré de l’émouvante finale d’« On ne meurt pas de mourir », texte publié comme on le sait dans le numéro de Liberté accusant le coup de l’échec du référendum :
En attendant, écrit-il, il n’y a que deux appartenances qui m’apparaissent, présentement, à peu près certaines : je suis Montréalais, je suis né et j’ai grandi en plein centre de Montréal, j’ai joué dans ses ruelles, je reconnais en lui le lieu de tous mes signes[35].
L’espace comme lieu de croisements et de confrontations des signes constitutifs des identités. Avec son fondement « urbain », cette définition qui spatialise Bakhtine semble annoncer les recherches de « Montréal imaginaire » aussi bien que les conflits exposés dans La Québécoite.
ENCORE L’ADMINISTRATION
Parmi les textes plus rarement lus et presque jamais cités de Belleau, deux sont franchement mauvais, au point où l’absence à soi-même de l’énonciateur, le caractère plat des formules suscite des interrogations. Qu’est-ce qui a pu l’amener à aussi peu écrire les articles en question ? L’un d’eux est sa contribution au tout premier numéro de Liberté, intitulée « Le nouveau Statut de la radiodiffusion au Canada[36] », texte quasi parfait dans son échec, je veux dire dans l’abstraite analyse du projet de loi du gouvernement Diefenbaker, à mille lieues de « Début d’inventaire[37] », publié dans le même numéro, où on défend avec force les grévistes de Radio-Canada, estimant que la situation oblige à accomplir « l’inventaire de nos libertés démocratiques[38] ». Étrangement, dans ce premier numéro de Liberté, le moins essayiste de tous, c’est Belleau.
Le second a été écrit avec Jean-Guy Pilon (dont il faut dire que les « éditoriaux » manquaient particulièrement de tonus). Belleau et Pilon s’attaquent à l’antiadministrationnisme des Québécois, « attitud[e] propr[e] aux pays sous-développés qui se méfient aussi bien de la culture que de l’administration, et qui les regardent comme des activités marginales réservées à un petit groupe coupé du peuple[39] ». On voit malgré tout poindre, ici, le Belleau pourfendant l’anti-intellectualisme. Refusant de reprendre l’opposition catégorique entre administrateurs et créateurs, Belleau et Pilon présentent au contraire comme une exigence « quasi primordiale », pour les administrateurs des domaines culturels, d’être eux-mêmes des créateurs : « Nous croyons qu’un administrateur qui poursuit parallèlement une oeuvre de création peut faire preuve de plus de sensibilité, d’imagination et, il faut bien le dire, d’ouverture d’esprit dans ses relations avec les créateurs[40]. » On ne peut s’empêcher de voir, dans cet article, un autoportrait de leur propre situation. Il y a, dans ce court texte, une intuition sociologique nette (tout autobiographiquement fondée qu’elle soit), mais un embarras de langage, une hésitation entre une prose, disons, humaniste (l’administrateur doit être un créateur, un animateur, un éveilleur, un pionnier) et une prose neutre, descriptive, redoublant le langage de l’administration. Ce qui manque, en somme, c’est un langage critique, apte à dire, en les distinguant, les fonctions sociales, les formes de pouvoir et les marges de liberté. Bakhtine viendra bientôt donner ce langage à Belleau (mais peut-être aussi la lecture de Jean-Charles Falardeau).
Belleau et Pilon, administrateurs et créateurs. Ce double parcours, et le double habitus qu’il suscita, contribua fortement à la longévité de Liberté, revue qu’en six mois de direction, Aquin avait presque menée à sa perte. Cependant, là où Belleau, venu de l’administration, allait très bientôt la quitter et revendiquer de plus en plus fortement la liberté créatrice propre à l’essayiste, Pilon, de son côté, connut un parcours inverse, le poète étant de plus en plus nettement happé par l’administration.
L’ATHÉORIE
En 1995, Liberté publia un numéro sur la littérature et la théorie, ou plutôt, un numéro de littéraires violemment antithéoriques[41]. À ces positions, Belleau avait répondu, à l’avance : « La mollesse théorique n’est pas le contraire de la raideur oppressive : elle en est plutôt la figure[42]. » Il fut sans doute un des rares, à Liberté, à défendre la nécessité de la réflexion théorique, comme il fut le seul des collaborateurs pressentis pour le numéro d’Études françaises sur la mode[43] à juger que ni le structuralisme ni le poststructuralisme n’étaient de purs effets de mode[44] ; c’est qu’il avait la passion de la théorie. Il avait à cet égard un « pli » intellectuel, certains diraient un habitus, lui venant de ses études de psychologie et de philosophie. Dans son journal, en 1954, il déplorait le « manque de rigueur », l’« imprécision maladive des concepts[45] » chez les jeunes poètes, contrastant avec sa propre « passion pour les problèmes idéologiques ([…] les considérations abstraites sur les techniques ou les questions de philosophie impliquant des techniques[46]) ». Le recours à des précisions conceptuelles constitue d’ailleurs un tournant dans plusieurs de ses essais, dont celui sur l’usage de l’anglais par Bernard Derome. La désignation théorique, chez Belleau, est la figure rhétorique du réaménagement du dicible, annonçant l’envol de l’essayiste.
BIOGRAPHÈMES
Notre Barthes. Cette formule me séduit, malgré le caractère hautement réducteur de telles associations, surtout quand elles ont une visée légitimatrice et menacent de reconduire la « confirmation par Paris » de la valeur des écrivains québécois. Importance de l’écriture fragmentaire, jeu entre essayisme et théorie, rôle fondateur de la linguistique puis de la pensée bakhtinienne (plus proche de Kristeva, cependant, chez Barthes, et plus portée sur l’intertexte que le carnaval), relative imperméabilité, dans l’écriture, face à la doxa révolutionnaire, accès tardif à un poste universitaire : bien des traits rapprochent Belleau de Barthes, sans compter l’exploration de l’autobiographie par le biais de biographèmes notés sur des fiches de lecture. On trouve en effet, dans les archives, l’esquisse d’un André Belleau par André Belleau, rédigée en avril et mai 1980, sur seize petites fiches. Pour l’essentiel, c’est l’autobiographie en miettes d’un lecteur, d’un marcheur, mais aussi d’un amoureux de l’école, de l’apprentissage. Fiche no 2 : « Lecture de L’île mystérieuse de Jules Verne à 12 ou 13 ans. Éblouissement. Bonheur. Peut-être les moments les plus heureux de ma vie. » Fiche no 3 : « La veille de la rentrée des classes, une joie, une hâte, un espoir si intenses que, gonflé, radieux, je ne réussis pas à dormir. […] Aura entourant ce que l’on nommait “fournitures scolaires”. […] À quatorze ou quinze ans, les ai-je assez aimés, ces calepins dans lesquels j’écrivais quoi ? Les titres des livres lus ? Je les palpais, je les aimais. » Fiche no 10 : « Lecture de romans policiers en vacances. […] Le sentiment d’un temps infini devant moi, sans pression. […] Profond apaisement, profonde et pure joie. » Fiche no 11 : « Hiver 1968. Je suis étudiant à l’Université de Montréal. Je travaille dans ma chambre. […] Joie intense, profonde, opérante, du travail intellectuel. Sentiment de coïncider parfaitement avec ce que je faisais[47]. » Les moments de joie unifiant la figure du moi sont ceux de la (quasi-)dissolution dans le savoir, la lecture.
SOLIDAIRE À DISTANCE
« La morale commence avec la grammaire. » Cette formule qui claque sert de clausule à l’article sur Amos Oz[48], où Belleau développe une de ses premières envolées théoriques basées sur la microlecture d’un texte, d’un seul. De la lecture comme exemplum théorique : chaque texte lu semble offrir à Belleau l’occasion de relancer le questionnement théorique, de faire de la théorie un incessant questionnement, voire un jeu second avec le langage, alors que nombre de ses contemporains s’en servaient comme mise en ordre sinon comme mise au pas de la littérature. C’est le corpus, comme problème méthodologique, opération fondamentale dans l’analyse, qui n’est étrangement pas interrogé par Belleau, et cela constitue sans doute une des difficultés, pour lui, de construire une analyse ayant la dimension d’un livre. Le seul « corpus » interrogé comme tel est celui de sa thèse.
Mais revenons à Amos Oz, dont le roman Ailleurs peut-être permet à Belleau de s’interroger sur la possibilité, pour l’écrivain, de manifester sa solidarité avec le peuple. Plus précisément, l’interrogation se formule comme suit : « Comment être manifestement solidaire du groupe dans la distance, et qui plus est dans une distance ironique, parfois cruelle[49] ? » On comprend aisément, à relire cette phrase quarante ans plus tard, qu’il s’agissait là d’une question éminemment personnelle pour Belleau, d’une exigence éthique fondamentale, liée à sa double position de professeur et de bourgeois. Être solidaire dans la distance, avec cette ironie de la participation découverte chez Bakhtine, cela excluait aussi bien le populisme de l’identification que l’ironie de la distanciation, de surplomb, qui constitue, sans doute, le démon familier de l’intellectuel et du littéraire.
BELLEAU BOURGEOIS
Le Montréalais et le bourgeois : ce sont là, comme on l’a vu, les deux seules identités demeurant « à peu près » certaines, pour Belleau, au lendemain du référendum de 1980. La première d’entre elles a accompagné l’interprétation de son oeuvre essayistique et fictionnelle, mais la seconde, bien qu’assumée sans équivoque, constitue probablement un des importants impensés des études sur Belleau. Il faut concéder, d’ailleurs, que la bourgeoisie ne s’avère pas une notion centrale, opératoire, dans l’appareillage analytique de Belleau. Autour de lui, aussi bien à Liberté (au début des années soixante) qu’à l’UQAM, d’innombrables articles associaient la littérature et la bourgeoisie (et plus largement les classes sociales), de façon évidemment négative.
C’est bien plutôt le peuple qui fut chez Belleau la catégorie sociologique cruciale (et non pas le prolétariat, terme d’emploi très rare chez lui). Heureusement, l’apport de Bakhtine lui permit de cadrer, historiquement et linguistiquement, les rapports entre la littérature et « le peuple », dépassant ainsi le caractère flou et l’héritage romantique du terme. Cependant, l’attention accordée au point de vue « d’en bas » et aux manifestations textuelles de la culture du carnaval a conduit Belleau à surestimer la part du populaire dans la littérature québécoise, négligeant de ce fait même le caractère « bourgeois » des multiples langages ayant structuré ce corpus. Ainsi quand il évacue, au détour d’une phrase, la possibilité même de bourgeoisie « nationale » québécoise, et, partant, les effets qu’aurait pu avoir une culture « bourgeoise/sérieuse » sur la construction des personnages de romancier fictif dans le roman québécois[50]. Était-ce là un effet indirect de la thèse de la « classe ethnique » formulée par Marcel Rioux, laquelle prenait le relais de celle, antérieure mais tout aussi « anthropologiquement englobante », de la « folk society » pour en donner une reformulation « prolétarienne » ? Belleau bourgeois, Belleau administrateur (donc cadre) : ces positions sociales — et leurs points de vue sur la langue, la culture, le savoir —, Belleau ne les a pas directement et ouvertement retournées contre elles-mêmes. Ce n’est un problème, pour l’interprétation de la littérature québécoise, que dans la mesure où il a en quelque sorte contribué à en délégitimer l’étude.
SURTOUT, NE PAS CONCLURE
« [M]on texte tend à se défaire lui-même au lieu de conclure, ce qui est bien, après tout, la meilleure façon de conclure[51] » ; « Je ne désire pas conclure. […] Je laisse donc à mes auditeurs (ou lecteurs) les quelques questions que j’ai pu soulever[52]. » Combien de textes, chez Belleau, auraient pu se terminer sur cette confession : « je n’aime pas les conclusions[53] » ?
Ironie de l’histoire, due à la force du style : ce même Belleau qui présentait ses lectures comme « essentiellement provisoire[s][54] » les a si bien écrites qu’elles ont pour plusieurs été canonisées, traitées comme définitives, indépassables. Ce fut le cas, entre autres, de sa thèse sur l’écrivain fictif dans le roman québécois, qui n’a guère suscité de relectures critiques[55] ; et pourtant, cette étude passe sous silence le très significatif corpus de romans-essais des années 1940 (Hertel, Baillargeon et cie), peuplé d’écrivains fictifs, romans où l’opposition roman du code/roman de la parole perd de son caractère opératoire ; de même, l’analyse séminale du roman de Lemelin réduit l’imaginaire de l’écrivain à la figure héritée du romantisme, négligeant ainsi près d’un siècle de mutations, en plus d’occulter le rôle joué par Lise dans la configuration des signes du littéraire élaborée par le roman. Il était difficile, en effet, d’échapper à la séduction de son écriture, bien que cette lecture menace de transformer en dogme une écriture profondément hostile au dogme, à la pensée monologique. Peu à peu, cependant, l’examen critique des propositions de Belleau permet de relancer ses idées, et non plus simplement de les réaffirmer.
Le désamour envers les conclusions dynamise l’écriture de Belleau, faite de « fusées », au sens baudelairien, d’idées lancées, non de thèses affirmées et arrimées à une démonstration implacable (sur ce plan, Angenot et lui n’ont pas du tout le même discours). Les essais de Belleau se fondent sur le désir des départs, et l’inverse hantise de la maîtrise, du discours du savoir se transformant en autorité, de la pensée s’arrêtant de chercher, s’immobilisant, se fossilisant. Conclure, chez Belleau, paraît mortifère. Sous l’apparente pirouette rhétorique, le déni de la conclusion manifeste la rencontre entre une éthique bakhtinienne, un vitalisme bergsonien et un tragique romantique. Il lui faut donc, plutôt que de conclure, relancer le questionnement. Aux étudiants qui peinent tant à écrire les phrases « d’ouverture » réclamées par le modèle classique de la dissertation, on devrait faire lire Belleau, un des essayistes par excellence des fins ouvertes : il concède ainsi « [c]e ne sont là que quelques remarques sur une question complexe[56] » ou encore « on excusera la brièveté de ces quelques indications[57] », pour faire surgir immédiatement de nouvelles recherches, présentées au conditionnel : « il faudrait voir de plus près […] [m]ais il importerait surtout d’examiner […][58] » ; « une recherche plus étendue montrerait [… ][59] ». Au revers de ce désir de perpétuel mouvement intellectuel se profile la confrontation au silence, à la mort, cruciale dans les essais d’Aquin, de Ouellette ou de Rivard, mais rarement abordée de front par Belleau avant « Lorsqu’il m’arrive de surprendre les voix », le dernier essai qu’il a écrit : « Ce “vide au coeur du monde”, ce trou d’indétermination au creux de tout texte […], engagent-ils le silence comme terme ou comme commencement[60] ? » Écouter les voix de Belleau, ne serait-ce aussi entendre et faire entendre ce silence, qui hante ses textes, avec les questions qu’il engouffre ou recèle ? Et, pour ce faire, surtout ne pas conclure.
Appendices
Note biographique
MICHEL LACROIX est professeur au Département d’études littéraires à l’Université du Québec à Montréal et membre du collectif de rédaction de La Vie littéraire au Québec et du GREMLIN. Ses recherches portent sur les transferts culturels franco-québécois, les revues littéraires et la sociologie des médiations.
Notes
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[1]
W. H. Auden (1909-1973), bien que né en Angleterre, choisit de s’installer aux États-Unis et de devenir citoyen américain en 1939 (il fut d’ailleurs élu chancelier de l’Academy of American Poets).
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[2]
André Belleau, « La problématique présente de la littérature québécoise », Liberté, vol. XIV, no 3, 1972, p. 17.
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[3]
Stefan Collini, « Uncle Wiz », London Review of Books, vol. XXXVII, no 14, 16 juillet 2015, p. 3.
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[4]
André Belleau, « Plans, notes, ébauches », Fonds André-Belleau, Service des archives et de gestion des documents de l’Université du Québec à Montréal, 119P 202d/6.
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[5]
André Belleau, « Wiener, McLuhan et la montée des automates », Liberté, vol. IX, no 5, septembre-octobre 1967, p. 42.
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[6]
André Belleau, « Littérature et politique », Stratégie, no 8, printemps 1974, p. 65-68 ; repris dans Surprendre les voix, Montréal, Boréal, coll. « Papiers collés », 1986, p. 73-78. Ce texte répondait à un questionnaire envoyé par l’équipe de la revue, qui précise dans sa « Note préliminaire » qu’elle est « parfois en désaccord avec certaines thèses avancées dans ces textes » (p. 43). Belleau répond à chacune des questions (sauf celle sur les « pratiques culturelles » à « efficace politique »). À celle sur les « concepts (marxistes) susceptibles de faire progresser l’analyse politique des textes », il indique que c’est par Lukács, Goldmann (« à un moindre degré »), Auerbach et Bakhtine que lui est « parvenue la conception marxiste de la littérature » (p. 66). Loin de fixer cette approche dans une perspective orthodoxe, comme cherche à le faire Stratégie, il juge qu’elle « transporte certaines notions très larges, très fécondes […] comme par exemple celle de totalité, multiplicité, devenir, etc. […] Ce sont des concepts critiques. Ils privilégient le multivoque par rapport à l’univoque » (p. 66). La « totalité » est ainsi « englobante » et « multiple », chez Belleau, et non pas unification par le relèvement dialectique des contradictions.
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[7]
André Belleau, « Wiener, McLuhan et la montée des automates », p. 38.
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[8]
André Belleau, « Code social et code littéraire dans le roman québécois » [1983], Surprendre les voix, p. 192.
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[9]
Elle apparaît chez Belleau en 1970, au détour du texte sur les automates : « C’est un premier temps : la poupée mécanique occultée exerce de ce fait même une fascination érotique. Mais à l’occultation succède le dévoilement. Spalanzani dévoile l’automate à la manière d’une statue lors d’une grande fête. Nous changeons ici de code. » André Belleau, « L’automate comme personnage de roman », Études françaises, vol. VIII, no 2, mai 1972, p. 127. Deux ans plus tard, elle permet d’opposer deux niveaux énonciatifs distincts (opération majeure de l’herméneutique belleausienne) : « On est en droit de parler d’interventions ou plutôt d’intrusions dans la mesure où, dédaignant alors le langage du peuple qu’il prétend exalter, l’auteur affiche un autre code, celui de sa classe. » André Belleau, « La littérature israélienne contemporaine. Petite grammaire de la solidarité avec le peuple », Liberté, vol. XIV, nos 4-5, 1972, p. 124. Elle ne réapparaît pourtant que cinq ans plus tard, dans un des articles issus de la thèse en cours, pour esquisser ce qui deviendra sa thèse du « conflit des codes » : « Culture populaire et culture “sérieuse” dans le roman québécois », Liberté, vol. XIX, no 3, mai-juin 1977, p. 31-36. À partir de ce moment, la notion structure le travail de Belleau, mais à aucune reprise elle n’a été théorisée : elle est ainsi présentée comme faisant partie de la culture théorique élémentaire. Belleau reconnaîtra cependant que le sens qu’il confère à ce terme jure quelque peu avec le cadre bakhtinien qui est le sien : « Évidemment, nous constatons l’inscription de la culture populaire dans la littérature alors que cette inscription est elle-même le résultat d’un processus de transposition, de textualisation si l’on préfère, disons même de transcodage (de divers langages sociaux au langage littéraire), conscient toutefois du caractère non bakhtinien du terme “code”. » André Belleau, « Carnavalisation et roman québécois. Mise au point sur l’usage d’un concept de Bakhtine », Études françaises, vol. XIX, no 3, hiver 1983, p. 52.
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[10]
Roland Barthes ne semble guère avoir eu recours à la notion de code, dans ses premiers textes ouvertement sémiotiques, du « Mythe aujourd’hui » (1957) aux Éléments de sémiologie (1965). Le terme joue un rôle plus important dans le Système de la mode (1967) puis devient un outil méthodologique crucial de l’analyse littéraire avec S/Z (1970) et la description des lexies de Sarrasine en fonction de cinq grands codes. Ni Barthes ni Belleau ne semblent avoir eu à l’esprit les distinctions entre code, système de signes et langage, telles que synthétisées dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage (cette distinction est effectuée dans une des sections de la notion de « Signe » ; voir Oswald Ducrot et Tzvetan Todorov [dir.], Paris, Éditions du Seuil, 1972, p. 131-138). Notons en passant que Fernand Ouellette, dans sa contribution au numéro de Liberté sur le conflit des langues, utilisait déjà la notion de code dans une perspective linguistique : « La lutte des langues et la dualité du langage », Liberté, vol. VI, no 2, mars-avril 1964, p. 87-113. Bien que, sous l’influence de Barthes et du structuralisme, la notion de code ait largement circulé dans les années 1970, on peut lancer l’hypothèse que le numéro de Littérature intitulé « Codes littéraires et codes sociaux » a contribué à en répandre l’usage dans les cercles naissants de la sociocritique.
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[11]
Dans les notes du cours « Idéologies dans la littérature québécoise » de l’automne 1978, on peut lire : « Chercher l’idéologie dans le roman, ce n’est pas chercher des phénomènes idéologiques, c’est chercher des phénomènes textuels dont la position et le rapport à d’autres phénomènes textuels sont tributaires de l’idéologie, des contraintes exercées par le discours social et ses codes » ; « Code : on parlera de code lorsque le discours social se manifeste par des opérations de choix, impose des contraintes, lorsqu’il commande une sélection. » Fonds André-Belleau, 119P 201b/8.
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[12]
D’ailleurs utilisée, comme titre de revue, dès 1970, par l’Institut de littérature et de techniques artistiques de masse de Bordeaux.
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[13]
La correspondance reçue par Belleau, de la part de Marc Angenot et de Nadia Khoury, en témoigne abondamment. Elle s’échelonne de 1977 à 1985 et comprend plusieurs longues lettres, de même que les annotations effectuées par Belleau, qu’on surprend ainsi en train de préparer une réponse argumentée au réquisitoire contre le nationalisme québécois. Fonds André-Belleau, 119P 102/130.
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[14]
Dans Bakhtin Between East and West. Cross-Cultural Transmission (Oxford, Legenda, 2006, 198 p.), Karine Zbinden met en évidence le rôle crucial mais largement négligé qu’a joué la sociocritique montréalaise dans la « resocialisation » de Bakhtine et dans l’internationalisation des études qui traitent ou s’inspirent de lui, au fil des années quatre-vingt. Grâce à ces chercheurs, dit-elle, Bakhtine a échappé au cadre interprétatif de Kristeva et de Todorov.
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[15]
Marc Angenot, 1889. Un état du discours social, Longueuil, Le Préambule, coll. « L’Univers des discours », 1989, 1167 p.
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[16]
André Belleau, « Entretien autobiographique avec Wilfrid Lemoine », Liberté, vol. XXIX, no 1, 1987, p. 19.
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[17]
Ibid., p. 18.
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[18]
André Belleau, « Analyse critique », Madeleine Gagnon, André Belleau et Maurice Poteet, Rapport du comité d’orientation du Département d’études littéraires, Montréal, UQAM, 1975, [s. p.].
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[19]
Dt 23, 2, cité dans André Belleau, « Si l’essentiel m’était conté… », Liberté, vol. IV, no 21, mars 1962, p. 186.
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[20]
On trouve, dans l’introduction de Belleau au très important numéro de Liberté sur « Le Québec et la lutte des langues », l’expression fantasmatique d’un semblable geste, annonçant lui aussi la tentation carnavalesque : « Pour la bourgeoisie régnante, si on franchit une certaine limite dans l’affirmation linguistique et culturelle, si, par exemple, tout en précisant qu’il s’agit bien de la langue et de la culture françaises, on exige une action énergique de l’État québécois, c’est comme si on montrait ses parties en pleine séance de l’Institut canadien des Affaires publiques pendant une intervention de Pierre-Elliott Trudeau. Les gens ont des regards gênés. » André Belleau, « Notre langue comme une blessure », Liberté, vol. VI, no 2, mars-avril 1964, p. 82.
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[21]
Quelques années avant de célébrer Le Moyne dans « Si l’essentiel m’était conté… », Belleau consacre un article à la conférence de celui-ci sur Saint-Denys Garneau, jugeant que, dans ses « pages admirables », Le Moyne « faisait éclater le noeud, […] cernait et dénonçait le mal — et le système qui l’engendre — avec une logique impitoyable ». Ce noeud était celui de « l’hérésie dualiste », de la condamnation « de l’amour, de la femme, du corps, du monde » au nom de l’esprit. André Belleau, « Le noeud éclaté. À propos d’une conférence de Jean Le Moyne », Liberté, vol. II, no 2, mars-avril 1960, p. 74 et 75.
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[22]
André Belleau, « La démarche sociocritique au Québec », Voix et Images, vol. VIII, no 2, hiver 1983, p. 300.
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[23]
Voir, sur les rapports de Belleau aux stéréotypes des genres, la contribution de Marie Parent dans le présent dossier, p. 25-34.
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[24]
Il précise dans une parenthèse qu’il s’agit de Gaston Miron, Olivier Marchand, Gatien Lapointe, Luc Perrier et Fernand Ouellette ; André Belleau, « Journal » [entrée du 16 décembre 1953], Fonds André-Belleau, 119 P/101/4. Il ne mentionne pas le nom de Jean-Guy Pilon, avec lequel il est en contact depuis le début de l’année universitaire 1953-1954, tous deux collaborant régulièrement au Quartier latin, où écrit occasionnellement Jacques Godbout. Belleau y publie une entrevue avec Pilon, au sujet de La fiancée du matin (Montréal, Éditions Amicitia, 1953, 60 p.) : André Belleau, « Jean-Guy Pilon », Le Quartier latin, 15 octobre 1953, p. 4.
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[25]
André Belleau, « Le marcheur des rues », dans un recueil manuscrit intitulé « Poèmes », Fonds André-Belleau, 119 P/202d/1. Le titre de ce poème est attribué à une « section » de ce recueil datée « 1952-1954 ».
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[26]
André Belleau, « Suite urbaine », Liberté, vol. I, no 6, novembre-décembre 1959, p. 402-410. Ce récit sera un des textes les plus souvent republiés de Belleau : il est repris sous le titre « Mon coeur est une ville » dans le numéro sur Montréal de Liberté (vol. V, no 4, juillet-août 1963, p. 330-338), dans chacun des recueils d’essais de Belleau, ainsi que dans Montréal en prose. 1892-1992, Nathalie Fredette (dir.), Montréal, l’Hexagone, coll. « Anthologies », 1992, p. 251-259.
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[27]
André Belleau, « Suite urbaine », p. 403.
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[28]
Originellement publié en 1965 ; voir Jacques Brault, Mémoire, Montréal, Librairie Déom, coll. « Poésie canadienne », p. 17-28.
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[29]
André Belleau, « Quelques remarques sur la poésie de Jacques Brault », Liberté, vol. XII, no 2, mars-avril 1970, p. 86.
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[30]
André Belleau, Poème « XVIII » dans la suite « Le marcheur des rues » du carnet « Poèmes ». Le dernier vers est réécrit et inséré dans la prose narrative de « Suite urbaine » : « Je ne vois plus le feuillage argenté et tendre de l’avenue où dorment les jeunes filles pâles et dévotes, ni la lune agile et souple, ni l’air comme un bruit doux de robe amoureuse, ni l’eau nocturne comme une moire tendue, ni le parc comme une bouche humide et frémissante. » André Belleau, « Suite urbaine », p. 408.
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[31]
Fonds André-Belleau, 119 P/101/1.
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[32]
André Belleau, « Analyse critique ».
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[33]
Voir « Correspondance avec les Éditions de l’Actuelle » [représentées par Jean-Guy Pilon], Fonds André-Belleau, 199 P/102/68.
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[34]
Voir « Plans, notes, ébauches ». Belleau ajoute à cette mention une deuxième nécessité : « Aussi l’essai. Mélange des genres. Des considérations sérieuses, de l’éloquence mêlées à la vulgarité, à la bêtise québécoise », le tout devant être « [u]ne fête, multiple et baroque ! » Fonds André-Belleau, 119 P/202d/6.
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[35]
André Belleau, « On ne meurt pas de mourir », Liberté, vol. XXII, no 5, septembre-octobre 1980, p. 5. Notons le syntagme « à peu près », désessentialisant à l’avance ces appartenances.
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[36]
André Belleau, « Le nouveau Statut de la radiodiffusion au Canada », Liberté, vol. I, no 1, janvier-février 1959, p. 3-10.
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[37]
Gilles Hénault, Gilles Carle, Jacques Godbout, Paul-Marie Lapointe, Fernand Ouellette et Michel van Schendel, « Début d’inventaire », Liberté, vol. I, no 1, janvier-février 1959, p. 23-25. Ni Belleau ni Pilon ne signent ce quasi-manifeste ; ce fut d’ailleurs une des causes du départ de la plupart de ses signataires du comité de rédaction de la revue (Godbout et Ouellette étant les seuls qui ne partent pas).
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[38]
Ibid., p. 25.
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[39]
André Belleau et Jean-Guy Pilon, « L’administrateur de la culture », Liberté, vol. IX, no 2, mars 1967, p. 26.
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[40]
Ibid., p. 27.
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[41]
Dossier intitulé « Littérature et théorie », Liberté, vol. XXXVII, no 4, août 1995, p. 4-83.
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[42]
André Belleau, « Portrait du prof en jeune littératurologue (circa 1979, détails) », Liberté, vol. XXII, no 1, janvier-février 1980, p. 30.
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[43]
« Parisianismes : les modes intellectuelles parisiennes », Études françaises, vol. XX, no 2, automne 1984.
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[44]
Dans les pages de notes intitulées « Article sur la mode pour Études françaises », qui portent la double mention « hiver 1984 » et « Pas complété », il écrivait : « À mon avis, le structuralisme ne fut pas une mode (contrairement à ce que pense Angenot). Nécessité historique et idéologique plus profonde, concrète et réelle… Mais peut avoir été vécu comme effet de mode… » ; « Derrida, le structuralisme, Lacan : en soi pas question de mode. C’est l’usage qu’on en fait. Ou l’usage qu’ils permettent qu’on en fait [sic]. » Fonds André-Belleau, 119 P/202b/35.
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[45]
André Belleau, « Journal » [entrée du 16 décembre 1953], p. 24-25.
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[46]
Ibid. Il avance alors que la philosophie constitue un « échelon supérieur », avec les sciences positives, par rapport à « la littérature, la peinture et la musique », lesquelles « n’occupent que l’échelon médian ». Le Belleau de Liberté, dès 1959, aurait sans doute férocement déconstruit cette affirmation.
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[47]
André Belleau, « Cahier de lecture II », Fonds André-Belleau, p. 164-168. 119P 101/6. Ces notes correspondent probablement à une tentative de concrétiser le projet intitulé « Lire ici », esquissé en 1979, aux pages 23 et 41 du même carnet : « Raconter mon adolescence et ma jeunesse du point de vue intellectuel. L’abbé Bethléem, etc. Bibliothèque municipale. Verlaine. Etc. »
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[48]
André Belleau, « La littérature israélienne contemporaine. Petite grammaire de solidarité avec le peuple », p. 121-125.
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[49]
Ibid., p. 121.
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[50]
André Belleau, Le romancier fictif. Essai sur la représentation de l’écrivain dans le roman québécois, Québec, Nota bene, coll. « Visées critiques », 1999 [1980], p. 53-54. Plus loin, dans le même ouvrage, il laisse cependant entrevoir, mais comme « ouverture », la nécessité d’explorer « la situation et la fonction réelle de la “bourgeoisie” » ainsi que « le rapport entre la “bourgeoisie” et la culture » (p. 127). Belleau n’a cependant pas exploré lui-même cette piste, qui entrait en contradiction avec la perception d’une imprégnation essentiellement populaire de la culture québécoise.
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[51]
André Belleau, « Approches et situation de l’essai québécois », Voix et Images, vol. V, no 3, printemps 1980, p. 543.
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[52]
André Belleau, « Le décrochage des signes. Rabelais comme lieu linguistique pluriel », Liberté, vol. XX, no 1, janvier-février 1978, p. 82.
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[53]
André Belleau, « Code social et code littéraire dans le roman québécois », p. 192.
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[54]
André Belleau, « Homo etiam mundus est », Liberté, vol. XXIV, no 4, juillet-août 1982, p. 36.
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[55]
Une de ces rares critiques a été formulée par Louise Milot et Fernand Roy, dans leur « Introduction méthodologique » au collectif qu’ils dirigèrent, Les figures de l’écrit. Relecture de romans québécois, des Habits rouges aux Filles de Caleb, Québec, Nuit blanche, coll. « Cahiers du Centre de recherche en littérature québécoise de l’Université Laval. Série “Recherche” », 1993, p. 7-26.
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[56]
André Belleau, « Culture de masse et institution littéraire », Liberté, vol. XX, no 6, novembre-décembre 1978, p. 6.
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[57]
André Belleau, « L’ordinateur saisi par le mythe » [1984], Surprendre les voix, p. 209.
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[58]
André Belleau, « Culture de masse et institution littéraire », p. 6.
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[59]
André Belleau, « L’ordinateur saisi par le mythe », p. 209.
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[60]
André Belleau, « Lorsqu’il m’arrive de surprendre les voix » [1985], Surprendre les voix, p. 233.