FR:
La vie provisoire et À quoi ça rime ? ont en commun un parcours diégétique qui s’ouvre sur une scène extraterritoriale (respectivement la République dominicaine et le Portugal), retourne à Montréal et se déplace dans les Laurentides, lieu de retraite et d’ermitage littéraire. Dans chacun des deux romans, le personnage central fait une multitude de deuils (oncle, épouse, ami, relations amoureuses, vie antérieure) et aspire au détachement, à devenir autre. Cette découverte de l’autre en soi prend une dimension hautement intertextuelle : le protagoniste de La vie provisoire lit et relit les auteurs russes dans son refuge et invente un conte sur le modèle des Mille et une nuits, tandis que le narrateur d’À quoi ça rime ? suit les traces de Fernando Pessoa (lui-même connu pour ses hétéronymes) dans Lisbonne et cherche des vecteurs identitaires dans la littérature. Cet article se propose d’étudier la représentation de la lecture dans les deux derniers romans d’André Major : ses modalités et ses dispositifs intertextuels, ses incidences diégétiques et son potentiel d’altérité. Comme le montre l’auteur, l’acte de lire prolonge l’axe thématique des oeuvres antérieures de l’écrivain, ainsi l’idée de désertion, et reprend certaines questions récurrentes de la littérature québécoise, notamment les oppositions vie-écriture (Réjean Ducharme, Jacques Godbout) et nature-culture (Louis Hamelin).
EN:
La vie provisoire and À quoi ça rime? share a diegetic movement that opens with an extraterritorial scene (set respectively in the Dominican Republic and in Portugal), comes back to Montreal, then shifts to the Laurentians as a place of literary retreat and hermitage. In each of these two novels, the main character goes through a series of bereavements (uncle, wife, friend, love relations, previous life) and aspires to detachment and to becoming someone else. The discovery of the other within oneself takes on a highly intertextual dimension: in his refuge, the protagonist of La vie provisoire reads and rereads Russian writers and invents a tale based on the model of the Thousand and One Nights, while the narrator of À quoi ça rime? follows in the footsteps of Fernando Pessoa (known himself for his heteronyms) in Lisbon and searches through literature for vectors of identity. This article proposes to study the representation of reading in André Major’s two last novels, in terms of its intertextual modalities and mechanisms, its diegetic effects and its potential for alterity. The author shows that the act of reading extends the thematic thrust of Major’s previous works—the idea of desertion, for instance—and takes up recurring issues in Québec literature such as the oppositions between life and writing (Réjean Ducharme, Jacques Godbout) and nature and culture (Louis Hamelin).
ES:
La vie provisoire (La vida provisional) y À quoi ça rime? (¿A qué viene eso?) tienen en común una trayectoria diegética que se abre sobre un escenario extraterritorial (República Dominicana y Portugal, respectivamente), regresa a Montreal y se desplaza a los montes Laurentides, lugar de retiro y refugio literario. En cada una de estas dos novelas, el personaje central vive numerosos lutos (tío, esposa, amigo, relaciones amorosas, vida anterior) y aspira al desapego, a llegar a ser otro. Este descubrimiento de otro en sí adquiere una dimensión altamente intertextual: en su refugio, el protagonista de La vie provisoire lee y relee a los autores rusos e inventa un cuento sobre el modelo de las Mil y una noches, mientras que el narrador de À quoi ça rime? sigue los pasos de Fernando Pessoa (conocido por sus heterónimos) por Lisboa y busca vectores identitarios en la literatura. En este artículo se propone estudiar la representación de la lectura en las dos últimas novelas de André Major: sus modalidades y sus dispositivos intertextuales, sus incidencias diegéticas y su potencial de otredad. Como lo muestra el autor, el acto de leer prolonga el eje temático de las obras anteriores del escritor, así como la idea de deserción, y recupera algunas cuestiones recurrentes de la literatura quebequense, en particular la oposición entre vida y escritura (Réjean Ducharme, Jacques Godbout) y naturaleza y cultura (Louis Hamelin).