Abstracts
Résumé
Nicole Brossard est passée d’une conception d’abord fortement intellectuelle de la poésie à un retour au lyrisme. Si l’auteure reste fidèle à ses visées et conserve cette voix inimitable qui la caractérise, au fil des oeuvres, le point de vue s’est sensiblement déplacé. Sa poésie récente, beaucoup plus incarnée, présente un souci de renouer avec les gestes simples de l’existence, exprimant parfois le désir de laisser l’intellect au repos. Cet article propose une lecture du Centre blanc, rétrospective réunissant des textes publiés entre 1965 et 1975 et fortement inspirés du formalisme, en vue d’y déceler le travail en sous-texte d’un appel du lyrisme alors déjà à l’oeuvre. Cette lecture s’appuie sur la filiation de Brossard avec Mallarmé et Rilke, ces maîtres qui ont polarisé ses jeunes années et lui ont enseigné respectivement « le temps court de la sensation sémantique » et « le temps long de l’émotion », mais aussi et surtout avec Blanchot, qui a servi en quelque sorte de médiateur en ouvrant entre les deux avenues opposées un « espace littéraire » au sein duquel la subjectivité féminine, d’abord empêchée par une fascination pour le vide, le silence et la mort, trouvera peu à peu à s’exprimer et à s’affirmer, pour finir par échapper au dualisme. Parcourant l’oeuvre poétique depuis Le centre blanc, puis Double impression, jusqu’à la publication de L’amèr ou Le chapitre effrité, on suit ainsi la trajectoire d’un sujet d’abord aux prises avec un sentiment d’enfermement, dont il va peu à peu s’affranchir à la faveur d’une transgression qui prendra finalement la forme d’une relecture de ses modèles et d’une redéfinition des lieux du livre.
Abstract
Nicole Brossard has moved from a conception of poetry that was highly intellectual to lyricism. While the author remains faithful to her intentions and retains her characteristic and inimitable voice, the sequence of her works shows that her point of view has gone through a significant shift. Her recent poetry, more clearly embodied, shows a concern to reconnect with the simple gestures of existence, sometimes expressing a desire to let the intellect rest. The article proposes a reading of Le centre blanc, a collection bringing together texts published between 1965 and 1975 that were strongly inspired by formalism ; it shows that a call to lyricism was already present in the subtext of this collection. While the reading is based on Brossard’s filiation with Mallarmé and Rilke, masters who polarised her youth and taught her, respectively, “the short time of semantic sensation” and “the long time of emotion”, it is also, and especially, based on her filiation with Blanchot, who served as a kind of mediator by opening a “literary space” between the two opposite avenues in which feminine subjectivity, initially blocked by a fascination with the void, silence and death, slowly found a way to express and assert itself and ultimately to escape dualism. Examining Brossard’s poetic work from Le centre blanc to Double impression and to the publication of L’amèr ou Le chapitre effrité, the article follows the trajectory of a subject that starts by grappling with a sense of confinement, from which she will gradually be released through a transgression that will ultimately take the form of a rereading of her models and a redefinition of the places of the book.
Resumen
Nicole Brossard ha pasado de ser una concepción altamente intelectual de la poesía a un retorno al lirismo. Si bien la autora permanece fiel a sus objetivos y conserva esa voz inimitable que la caracteriza, el punto de vista se ha desplazado sensiblemente a lo largo de las obras. Su poesía reciente, mucho más encarnada, presenta un afán de reanudar con los gestos sencillos de la existencia, expresando a veces el deseo de dejar descansar el intelecto. Este artículo propone una lectura de Le centre blanc (El centro blanco), retrospectiva que reúne textos publicados entre 1965 y 1975 y fuertemente inspirados en el formalismo, con miras a descubrir en ello el trabajo en subtexto de un llamamiento del lirismo que ya estaba presente. Esta lectura se apoya en la filiación de Brossard con Mallarmé y Rilke, esos maestros que polarizaron sus años juveniles y le enseñaron respectivamente ‘el tiempo corto de la sensación semántica’ y ‘el tiempo largo de la emoción’, pero también y sobre todo con Blanchot, que sirvió en alguna forma de mediador al abrir entre ambas avenidas opuestas un ‘espacio literario’ en el seno del cual la subjetividad femenina, inicialmente frenada por una fascinación por el vacío, el silencio y la muerte, lograría poco a poco expresarse y afirmarse, para terminar escapando al dualismo. Al recorrer la obra poética desde Le centre blanc, y luego Double impression (Doble impresión), hasta la publicación de L’amèr ou Le chapitre effrité (El amargo o El capítulo desmenuzado), se sigue así la trayectoria de un sujeto inicialmente en conflicto con un sentimiento de encierro, del cual se libraría gracias a una transgresión que adoptaría finalmente la forma de una relectura de sus modelos y una redefinición de los lugares del libro.