L’oeuvre de Germaine Guèvremont suscite depuis quelques années un nouvel intérêt ; le film Le Survenant d’Éric Canuel sorti en 2005 propose au public un autre « Grand-dieu-des-routes » en la personne du comédien Jean-Nicolas Verreault — qui se substitue ainsi dans l’imaginaire québécois au mythique Jean Coutu sans toutefois le remplacer — et déclenche, par la bande, une discussion sur la lecture du célèbre roman du terroir ; un projet de recherche en cours sur le cycle du Survenant s’emploie à publier les inédits de l’auteure , pour offrir aux chercheurs, entre autres, des éditions du radioroman et du téléroman, avatars de l’oeuvre romanesque, et pour remettre en question plusieurs mythes tenaces, à commencer par celui qui veut que Guèvremont — forçat de l’écriture — ait peu écrit ou n’ait écrit qu’une seule oeuvre. Le roman Le Survenant (1945), qui valut à Germaine Guèvremont une reconnaissance nationale et internationale, constitue la partie centrale du cycle du Survenant , qui s’ouvre sur un recueil de contes et de nouvelles paysans, En pleine terre (1942), et se poursuit avec le roman Marie-Didace (1947). Au sommet de son art et de sa réputation, après la publication de ces oeuvres, Guèvremont se consacre alors à l’approfondissement et à la continuation de son cycle à la radio et à la télévision. Son radioroman et ses téléromans obtiennent un immense succès et deviennent des classiques québécois de ces médias. C’est en 1951 que Guèvremont adapte pour la première fois ses romans dans le cadre de la série « Les grands romans canadiens » à la radio de Radio-Canada. À l’invitation du réalisateur Paul Leduc, à partir du 10 novembre 1952, elle transforme Le Survenant en radioroman (à CKVL d’abord, puis, de 1953 à 1955, à Radio-Canada, et de nouveau à CKVL de 1962 à 1965 ). Elle n’est du reste pas une novice dans ce médium, puisqu’elle avait écrit, en 1938, en collaboration avec son cousin Claude-Henri Grignon, une adaptation radiophonique du recueil de nouvelles Le déserteur. Ses textes radiophoniques proposent de nombreuses intrigues inédites et donnent lieu à un approfondissement de la perspective : des personnages secondaires qui n’étaient qu’esquissés dans les romans (la famille Salvail, par exemple) sont plus développés. Aussi, le lien qui existe entre les univers d’En pleine terre et du Survenant est davantage travaillé puisque des personnages et des éléments abandonnés dans les romans y sont repris. En 1954, tout en poursuivant l’écriture du feuilleton radiophonique, Guèvremont, avec l’appui du réalisateur Maurice Leroux, amorce l’écriture du téléroman Le Survenant (1954-1957) pour la télévision de Radio-Canada qui se révélera bien davantage qu’une simple adaptation. En effet, la popularité de Jean Coutu en Survenant oblige Guèvremont à modifier radicalement la temporalité de son roman : l’homme engagé demeurera trois bonnes années chez les Beauchemin avant que l’auteure, pour ne pas trahir son personnage, lui fasse enfin quitter le Chenal du Moine. La matière narrative du premier roman épuisée, Guèvremont entreprend d’adapter Marie-Didace et donne à sa série le nom, désormais familier, du lieu où se situe l’action : Au chenal du Moine (1957-1958 ). Le cycle du Survenant aurait pu s’arrêter là. L’auteure, toutefois, après la publication de Marie-Didace, avait déclaré à de nombreuses reprises qu’elle préparait une suite romanesque qui devait être consacrée à une autre génération de personnages et il semble bien qu’elle y travailla assez longuement ; elle publia même, en 1959, un extrait de ce texte, « Le plomb dans l’aile ». La matière de ce roman a finalement donné lieu aux deux derniers téléromans, Marie-Didace (1958-1959) et (de nouveau) Le Survenant (1959-1960) qui présente, …
Germaine GuèvremontNouvelles survenances[Record]
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Lucie Joubert
Université d’OttawaDavid Décarie
Université de Moncton