Chroniques : Essais/Études

Imbrications du récit contemporain[Record]

  • François Paré

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  • François Paré
    Université de Waterloo

Deux ouvrages collectifs, élaborés à partir des travaux d’une équipe interuniversitaire de recherche sur la dynamique des genres en littérature québécoise contemporaine, feront l’objet de cette chronique. Réunissant les textes d’une trentaine d’universitaires, ces deux parutions d’envergure s’intéressent aux éléments narratifs qui pénètrent assez régulièrement aujourd’hui la poésie, l’essai, le roman et le théâtre, contribuant au décloisonnement de ces genres littéraires. L’entreprise présentée sur plus de 600 pages recoupe l’ensemble de la production romanesque et théâtrale des vingt-cinq dernières années au Québec et offre l’impressionnant panorama d’une littérature étonnamment vivante et d’une grande diversité thématique et formelle. Avatars de programmes subventionnaires favorisant les projets facilement comptabilisables, les deux ouvrages recensent pas moins de 150 récits et pièces de théâtre d’importance très variable. Il en résulte un inévitable effet de survol et surtout une recherche assidue des points de convergence entre ces textes fort inégaux. Il est rare d’y voir une oeuvre analysée pour sa dynamique intrinsèque (surtout dans le premier volume), les auteurs cherchant plutôt à y repérer les signes — parfois superficiels — de la problématique à l’étude. Crédit est donné heureusement aux auxiliaires de recherche qui ont dû passer des heures à dépouiller ce corpus quelque peu excessif ! Le premier  de ces deux ouvrages porte sur la coexistence et l’imbrication des éléments narratifs dans la poésie, le roman et l’essai québécois depuis 1980 environ. Constatant que la littérature contemporaine exige une traversée des genres et un réexamen du discours narratif, René Audet et Andrée Mercier expliquent dans leur introduction les objectifs généraux du recueil qu’ils dirigent : « [V]oir comment le geste du raconter investit (à divers niveaux, sous diverses formes) l’ensemble des pratiques littéraires. » (7) La narrativité est définie, un peu à la manière de Paul Ricoeur, comme « l’inscription d’événements dans le temps, selon un ordre ou une configuration particulière » (9). Cette définition permet de mieux saisir la prise en charge de la fiction par un sujet écrivant. La narrativité n’est donc pas tant un produit de la lecture que nous en faisons qu’une intention scripturale qui mobilise l’oeuvre dès sa conception. Malgré la diversité des auteurs et des corpus étudiés, cette définition claire et très utile assure la cohérence exceptionnelle de l’ouvrage. Plusieurs auteurs notent l’éclatement du tissu fictionnel dans le roman québécois contemporain. Si narrativité il y a, c’est sous l’angle du fragment et de la mise en recueil qu’il convient de l’aborder. Dans un article qui sert à la fois d’introduction théorique et de mise en contexte, René Audet et Thierry Bissonnette évaluent l’impact de l’imbrication du narratif chez certains poètes, essayistes et romanciers, tels Jacques Brault, Élisabeth Vonarburg et Suzanne Jacob. S’il se déploie le plus souvent selon le mode d’une « narrativité séquentielle », le recueil de poèmes suspend la logique habituelle du récit, notamment la relation causale. Quant à l’essai, Audet et Bissonnette estiment qu’il est souvent accompagné d’exemples et de faits divers dont les éléments narratifs sont évidents. Ils taisent cependant la composante autobiographique, éminemment présente dans la pratique de l’essai au Québec. Dans une autre étude, Anne-Marie Clément se concentre sur l’expression de la discontinuité dans le récit contemporain, notamment chez Paul Chanel Malenfant, Jacques Poulin et Élise Turcotte, une perspective qu’adopte également Michel Lord dans son étude des nouvelles de Diane-Monique Daviau. Dans cette dernière analyse, Lord explore la notion très intéressante du « descriptif narrativisé » ; ces formes circulaires, si souvent à l’oeuvre chez Daviau, interviennent « lorsque le discours présente des complications très fortes, qu’il se perd alors dans les tourbillons, les volutes, les méandres, les dédales d’un onirisme des plus …

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