L’oeuvre de Gilles Archambault a été pratiquement laissée pour compte par la critique universitaire. En effet, très peu d’études de fond lui ont été consacrées, comme en témoigne la bibliographie qui accompagne ce dossier . Pourtant, on ne pourrait affirmer qu’elle se situe tout à fait en marge des courants dominants, qu’elle s’inscrit complètement à contre-courant des idées reçues, même si Archambault « n’a jamais fait de clin d’oeil à l’institution littéraire québécoise », comme le notait de façon très juste Jean Royer lorsque l’auteur s’est vu attribuer, en 1981, le prix David. Son oeuvre est, tout simplement, sans prétention aucune, sans coup d’éclat. Cette simplicité lui procure quelque chose de rassurant. C’est d’ailleurs ce que fait remarquer la romancière et poète Geneviève Letarte dans un entretien accordé à La Presse le 21 août 2005, dans lequel elle rend hommage à l’auteur : « On sait ce qu’on va trouver dans ses histoires, et on les lit parce qu’on en a besoin. Il y a quelque chose de rassurant dans cette présence, dans cette constance, en dehors des modes et des écoles . » Letarte ajoute dans la même ligne d’idées qu’« il n’y a pas de grands effets dans son écriture, mais une justesse de ton, une sobriété [qu’elle] trouve admirables, qui n’a l’air de rien comme ça, mais qui est très difficile à créer ». De son côté, Réginald Martel estime que « la forme très classique de l’oeuvre » explique peut-être « ce besoin et ce plaisir [que ses lecteurs] […] ont de se retrouver en terrain connu, loin des modes et des procédés qui relèvent du divertissement à l’exclusion de l’art ». J’ai pour ma part découvert l’oeuvre de Gilles Archambault il y a quelques années, en parcourant Un après-midi de septembre, un récit à tendance autobiographique qui raconte la relation trouble que le narrateur (Gilles) a entretenue avec sa mère décédée depuis peu — avec qui est du même coup disparue sa « mémoire ». Un récit touchant, qui révèle à la fois la sensibilité littéraire du romancier, nouvellier et chroniqueur, et l’attachement qu’il éprouve à l’égard de celle à qui il doit la vie. Un récit qui ne lui permet pas pour autant de réparer les erreurs du passé, puisque « la mort est venue qui scelle tout ». Un récit qui incite enfin à (re)lire les autres oeuvres, en prenant toutefois garde d’enfermer sa lecture, puisque ce serait alors la voie facile, dans le piège autobiographique, comme le souligne d’ailleurs ici-même Jacques Brault lorsqu’il rappelle que « la question de l’autobiographie se pose, […] mais [qu’]elle restera toujours, à [ses] yeux, une question piégée ». Car l’oeuvre d’Archambault, dont le ton est le plus souvent marqué par l’ironie, bat au rythme des sous-entendus, qui ne se laissent pas toujours aisément saisir. Si bien que de ses romans, récits, nouvelles, chroniques, essais et texte dramatique, dont la publication s’échelonne sur une quarantaine d’années, on ne retiendra spontanément, dans un premier temps, que ce que propose la lecture au premier degré. Voilà sans doute l’une des raisons pour lesquelles les textes d’Archambault ont été négligés par la critique universitaire : au sortir de cette oeuvre traversée de variations sur les mêmes thèmes qu’on retrouve à peine modulés d’un texte à l’autre — la mélancolie, l’amour, l’enfance et la vieillesse, parmi d’autres —, on a effectivement tendance à ressentir une certaine impression de neutralité et de déjà vu. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait remarquer à plusieurs reprises les articles qui témoignent de la réception immédiate de l’oeuvre. Si on y vante la finesse de …
Une oeuvre sous-entendue[Record]
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Sophie Marcotte
Université Concordia