Abstracts
Résumé
Au Zimbabwe, les habitants des zones communales du district de Hwange ont été expulsés de leurs terres peu après le début de la colonisation à des fins d’exploitation minière (extraction de charbon), de production agricole (fermes coloniales) et de conservation de la nature (création des espaces protégés, dont le parc national de Hwange, le plus vaste du pays). En dépit de l’instauration d’un programme innovant de gestion communautaire, les injustices associées à la conservation de la nature demeurent prégnantes. Cette contribution examine, à partir de matériaux ethnogéographiques, l’a-conflictualité apparente des faits sociaux dans le district de Hwange en tenant compte des situations autoritaires qui entourent les espaces vécus quotidiens. Elle instruit une hiérarchie du visible entre des conflits passés sous silence (occupation de terres, revendications d’accès aux espaces protégés et aux anciennes fermes coloniales) et des conflits qui ne le sont pas (interactions humain-faune). L’entrée conceptuelle proposée met au jour une grille de lecture de la conflictualité en périphérie des espaces protégés d’Afrique subsaharienne interrogeant l’expression des conflits dans des zones soumises à une conservation aux formes coercitives.
Mots-clés :
- conflictualité,
- invisibilité sociale,
- parc national de Hwange,
- Zimbabwe,
- contexte autoritaire
Abstract
In Zimbabwe, the inhabitants of the communal areas of Hwange District were evicted from their land shortly after the start of colonisation for the purposes of mining (coal extraction), agricultural production (colonial farms) and nature conservation (creation of protected areas, including Hwange National Park, the largest in the country). Despite the introduction of an innovative community management programme, the injustices associated with nature conservation remain prevalent. Based on ethno-geographic material, this paper instructs the apparent a-conflictuality of social facts in the Hwange district, taking into account the authoritarian situations that surround the daily lived spaces. It informs a hierarchy of the visible between conflicts that are silenced (land occupation, demands for access to protected areas and former colonial farms) and conflicts that are not (human-wildlife interactions). This conceptual approach reveals a framework for interpreting conflictual situations on the periphery of protected areas in sub-Saharan Africa, examining the expression of conflicts in areas subject to coercive forms of conservation.
Keywords:
- Conflictuality,
- Social invisibility,
- Hwange National Park,
- Zimbabwe,
- Authoritarian context
Article body
Introduction
En octobre 2023, des villageois du district de Hwange sont convoqués par le gouvernement zimbabwéen à une réunion de « concertation » au sujet du gigantesque projet de barrage de Gwayi-Shangani pensé pour approvisionner en eau et en électricité la deuxième plus grande ville du pays, Bulawayo[1]. Parallèlement à la production énergétique, la stratégie du gouvernement concernant ce plan d’eau d’envergure s’articule autour des opportunités économiques d’une promotion touristique du site. En 2021, le ministre de l’environnement, du tourisme et de l’hôtellerie déclarait en ce sens qu’il était prévu de le classer au titre de parc national et de planifier au plus vite des corridors de faune pour que les grands mammifères des espaces protégés attenants (la forêt de Sikumi qui jouxte le parc national de Hwange, le plus vaste du pays) puissent s’y abreuver (The Sunday News, 2021). À l’approche de la réunion, les rumeurs s’intensifient dans les villages autour du projet de consacrer des terres d’habitat et de pâturage à l’établissement d’un corridor. Au cours des échanges, un villageois se lève et exprime des inquiétudes partagées : « Nous sommes très nerveux à l’idée d’être déplacés. Les rumeurs sont-elles fondées ? » (carnet de terrain, octobre 2023). Les organisateurs éludent la question mais, à l’issue de la réunion, le villageois est approché par un membre du département des parcs nationaux qui lui confirme qu’il a de sérieuses raisons de s’inquiéter et que le gouvernement réfléchit en ce moment même à un tel projet.
La presse écrite s’empare du sujet et, en date du 20 octobre 2023, l’un des quotidiens les plus lus du pays titre que le « plan directeur du projet doit s’attaquer aux conflits humain-faune » (The Chronicle, 2023). Aucun article numérique n’évoque, à ma connaissance, la préoccupation principale des villageois, celle d’être expulsée de leurs terres. Ce traitement médiatique des dynamiques à l’œuvre dans le district de Hwange n’est pas isolé. Dans la dernière décennie, le parc national a été la cible d’esclandres concentrés autour d’enjeux de conservation locaux (braconnage de grands mammifères, empoisonnement d’éléphants au cyanure, expédition d’éléphanteaux vers la Chine). Leur retentissement international a atteint une ampleur sans précédent dans le cadre des polémiques qui ont entouré la mort du lion Cécil, utilisée pour condamner l’industrie de la chasse au trophée (Muboko, 2021). Du côté de la sphère académique, la prise en charge des questions sociales, et de leur conflictualité, se cantonne également aux interactions humain-faune[2]. L’objectif de cet article est de démêler la formulation du problème en ces termes, là où la menace d’évictions perpétrées au nom de la conservation de la nature ravive des plaies profondes. Il entend démontrer que cette lecture en occulte une autre, qui a trait à des conflits plus latents, relatifs à l’histoire du territoire et aux injustices dans l’accès aux « ressources » naturelles, symboliques et foncières.
Dans cette marge du territoire national, la question de la conflictualité est ainsi marquée par une double tension. D’une part, le district de Hwange porte l’empreinte de politiques de conservation « forteresse » (Brockington, 2004) ou coercitive (Peluso, 1993) encore à l’œuvre, et ce, en dépit de la politique nationale Communal Areas Management Programme for Indigenous Resources (CAMPFIRE) voulue comme exemplaire d’une gestion participative de la biodiversité (Rodary, 2009). De l’autre, elle est tributaire de l’essence autoritaire du parti au pouvoir depuis l’indépendance, qui a assis son autorité sur le recours à la violence et à la torture (Compagnon, 2011). Dans ce contexte, quels conflits font-ils l’objet d’une attention accrue en périphérie d’un parc national d’Afrique subsaharienne ? Au détriment de quels autres conflits ces derniers « valent-ils d’être vus » ? À partir de situations narrées par les personnes rencontrées sur le terrain ou directement consignées par observation, l’article examine en trois temps le spectre de la visibilité des conflits locaux et les manières implicites dont ils renseignent différentes « manières de voir » (Voirol, 2005). Une première section revient sur l’enjeu d’explorer la visibilité sociale des conflits dans le district de Hwange. Une deuxième vise à saisir la fabrique, au sens d’un processus empirique saisi sur le temps long, des injustices associées à la conservation de la nature. Il s’agit enfin d’étayer les conflits plus ou moins discrets qui engagent les habitants du district sur d’autres fronts.
Retranscrire une conflictualité invisible
La caractérisation du contexte de production de la recherche donne à voir l’intérêt d’une lecture dichotomique distinguant conflits vus et conflits tus.
Hwange, une sanctuarisation au nom de la conservation
Le district de Hwange dépend de la province du Matabeleland septentrional, qui compte aujourd’hui parmi les plus pauvres du pays et concentre le plus grand nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire (ZimStat, 2017). Excentré de la capitale, Harare, et des réseaux routiers les plus empruntés du pays, le district est traversé de part et d’autre par un axe bitumé reliant Bulawayo à Victoria Falls, ville renommée pour ses chutes d’eau, classées au patrimoine mondial de l’Unesco. Le district abrite une société hétérogène qui s’identifie à des groupes sociolinguistiques liés par une histoire du peuplement complexe (Hitchcock et al., 2018). Les villageois qui y occupent les zones rurales se consacrent à des activités agro-pastorales pendant la moitié de l’année, s’approvisionnent en bois de chauffe et pratiquent la cueillette de fruits. En contre-saison, d’avril à octobre, ils se salarient à temps partiel ou se tournent vers l’artisanat, la vente de chaume ou d’autres ressources pour être en mesure de troquer ou acheter les denrées alimentaires qu’ils ne parviennent pas à produire eux-mêmes.
Dans le district, les politiques de conservation de la nature ont des conséquences particulièrement prégnantes. Près des trois quarts des terres sont actuellement soumises à des statuts de protection (parcs nationaux, forêts domaniales, aires de safari), qui impliquent des restrictions d’accès et d’usage pour sa population, reléguée au début de la colonisation sur les actuelles zones communales[3]. Ces terres les moins fertiles du district ont initialement accueilli des populations expulsées à des fins d’exploitation minière (extraction de charbon), de production agricole (fermes commerciales) et de conservation de la nature (espaces protégés). Depuis, les établissements humains avoisinent le parc national de Hwange (14 651 km2), au cœur d’un tourisme cynégétique et photographique réservé à une élite économique (Brockington, 2009). Ces dynamiques interrogent les conséquences tangibles de la mise à l’agenda politique de l’approche 30x30 portée par le Cadre mondial pour la biodiversité post-2020 et défendue par la Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP 15) dans un contexte où les espaces protégés sont exposés à des critiques anciennes et virulentes (Brockington et Igoe, 2006 ; West et al., 2006).
En plus d’être représentative de la façon dont prend forme la violence aux abords des espaces protégés dans le pays, comme ailleurs en Afrique australe (Ramutsindela, 2004), la zone d’étude illustre les modalités par lesquelles s’exerce le contrôle de l’État sur ses marges territoriales. Depuis l’indépendance de 1980, les traductions concrètes de l’autoritarisme prennent des expressions variées (recours à la torture, truquage des élections, répressions létales des manifestations publiques, lois restreignant les libertés). L’association de la région à un soutien au parti de l’opposition a donné lieu à des rivalités politiques aux conséquences meurtrières, les massacres de Gukurahundi, qui se sont tenus dans les années 1980 (Alexander et al., 2000). Cet autoritarisme « situé » (Morelle et Planel, 2018) s’exprime localement par la surveillance, par les forces de l’ordre et les renseignements, de toute forme de réunion. À titre d’exemple, les rassemblements de plus de huit personnes doivent être systématiquement déclarés à la Zimbabwe Republic Police (ZRP) sous peine d’être interdits. Des lois comme la Public Order and Security Act (POSA) de 2002 jugulent la critique du président et du gouvernement, tout en conférant des pouvoirs arbitraires à la police.
Épreuves et glissements d’une recherche
La présence du parc national de Hwange a historiquement attiré l’intérêt de chercheurs français organisés, depuis 1999, autour d’une station scientifique[4]. Dans son périmètre d’intervention, le dispositif est chargé d’assurer un service français de recherche de long terme sur des questions d’environnement et d’interactions dites « hommes-milieux ». En son sein, des équipes pluridisciplinaires analysent le fonctionnement du parc national et de sa périphérie ainsi que son évolution en contexte d’aridification. Si la structure ambitionne de mobiliser un prisme interdisciplinaire, les productions en sciences humaines et sociales demeurent marginales en son sein, sa société ayant été peu documentée sur le plan empirique. Il apparaissait, au commencement de ce travail, qu’une perspective émanant du point de vue des acteurs faisait défaut pour saisir les articulations sociopolitiques et les asymétries de pouvoir à l’œuvre à toutes les échelles de la vie sociale. La recherche entendait, dans ce contexte scientifico-institutionnel dominé par les sciences naturelles, changer de focale pour tenter d’expliciter l’hétérogénéité des positionnements individuels et collectifs, les représentations souvent contradictoires et concurrentes que ces positionnements génèrent et les jeux d’acteurs qui découlent des tensions et conflits en lien avec le territoire et l’environnement.
La recherche présentée ici, issue de ma thèse de doctorat, a connu des évolutions en réponse aux contingences inhérentes au terrain. Mes séjours dans le nord-ouest du Zimbabwe ont coïncidé avec plusieurs périodes de perturbations politiques, dont celle de la préparation du gouvernement aux élections de 2017, au cours de laquelle les institutions françaises déconseillaient les espaces ruraux aux ressortissants[5]. Au cours du second terrain, le coup d’État militaire qui se produisit dans la nuit du 14 au 15 novembre 2017 mit fin à l’ère Mugabe, figure politique à la tête du gouvernement depuis 37 ans. À des complications d’ordre institutionnel et politique (accès aux autorisations de recherche, intimidations et surveillance par les services de renseignement) se conjuguèrent la réserve et la réticence des personnes rencontrées à se confier sur des sujets perçus comme sensibles[6]. Ces dynamiques ont justifié le retrait des termes de « foncier » et de « gestion » des canevas d’entretien pour laisser place à ceux d’« histoire » et de « territoire », en raison de leur consensualité apparente. Ce n’est qu’à mesure des retours dans les villages étudiés et des affinités tissées que j’ai pu décrire le terrain dans un sens attendu (celui de la conflictualité), mais non avéré à dire d’acteurs.
En définitive, ce travail de recherche a été mené sur près d’un an entre 2017 et 2019[7] et a mobilisé un dispositif d’enquête « polymorphe » et « éclectique » (Olivier de Sardan, 1995) intégrant des observations, une combinaison d’enquêtes qualitatives (récits de vie, histoires individuelles et familiales, espaces vécus, parcours commentés, cartographies collectives) et des procédés de recension systématiques (réseaux de parenté, relevés toponymiques). Le corpus de données a aussi réuni des supports édités (ouvrages, revues coloniales, cartes), de la littérature grise (registres administratifs, mémoires de personnes) et des sources archivistiques (archives nationales de Bulawayo et d’Harare, archives du journal The Chronicle, à Bulawayo). Dans les zones rurales, l’objectif était d’embrasser une diversité de situations et de contextes en fonction des relations au territoire, de leurs activités de subsistance et de leur rapport à l’environnement. L’échantillon interrogé a rassemblé un éventail de 25 scientifiques, gestionnaires et « experts » des ressources naturelles et du foncier et 49 villageois, autorités coutumières et élues aux caractéristiques socio-économiques différentes en matière de genre (17 femmes pour 32 hommes), d’âge (jeunes, intermédiaires et âgés), de niveau d’activité (actifs et retraités), d’appartenance sociolinguistiques (Nambya, Ndebele, Tonga, Dombe, Toka-Leya) et d’implantation dans le village (résidents de longue date et nouveaux arrivants).
Le travail cartographique a impliqué une triangulation des sources bibliographiques, de la littérature universitaire et des discours des personnes rencontrées. Pour aboutir aux objectifs de production graphique, il a été difficile de consulter des cartes renseignant les dynamiques foncières dans le district de Hwange. Ces complications, qui troublent la compréhension de la répartition foncière, constituent un constat en soi sur le rôle éminemment politique des terres et l’intérêt, pour certains acteurs, que des indéterminations sur les délimitations administratives ou coutumières subsistent (Compagnon, 2011). Contre toute attente, ce sont surtout les sources numérisées accessibles en ligne qui ont permis de rassembler les cartes nécessaires à la reconstitution des évolutions des catégories de terres dans le district[8]. Des données suffisamment fines sur l’évolution des catégories foncières, notamment l’expansion progressive des « réserves indigènes », y ont été trouvées dans des cartes éditées au 1/100 000.
Distinguer les conflits vus des conflits tus
La justice est ici conçue en négatif de l’injustice, c’est-à-dire comme l’absence de formes de domination et d’oppression des groupes marginalisés, qui peinent à se faire voir et entendre au sein de la société. Cette perspective sous-tend de considérer que les injustices passées et présentes découlent de processus subtils, qui impliquent une posture « d’écoute », et de porter son attention sur les expériences concrètes et les situations vécues construites « dans un dialogue politique situé » (Young, 1990, p. 5). La démarche est complétée par un intérêt porté à la visibilité sociale, en l’appréhendant comme une clef de lecture majeure de caractérisation du juste et de l’injuste (Fournier et Raoulx, 2014). En sciences humaines et sociales, l’invisibilité sociale (Honneth, 1992) est souvent mobilisée dans l’analyse relative aux exclus de la société (femmes, noirs, sans-abri). Elle dépend de contextes de formulation et d’énonciation spécifiques qu’il appartient d’informer par le travail d’enquête. Le terme d’invisibilité n’est donc pas envisagé dans sa non-perceptibilité matérielle et sensorielle, mais comme une non-existence « sociale ».
En se penchant sur l’inattention de la société à l’égard des conflits qui l’agitent, l’approche entend prendre la mesure d’un « arrière-plan normatif implicite [surligné par l’auteur] qui a un fondement politique, définissant, à un moment historique donné, ce qui peut être aperçu et ce qui passe inaperçu » (Voirol, 2005, p. 18). Le terme de « conflit » est appréhendé dans un sens large aussi bien pour traduire des oppositions interpersonnelles que des phénomènes à l’intensité et à la durée variable. Souligner d’emblée que la conflictualité dans le district est peu frontale, qu’elle subsiste davantage sous la forme de tensions latentes, permet de poser sans détour la question de sa visibilité sociale. Les conflits documentés ont ceci de commun qu’ils ne s’expriment qu’exceptionnellement dans la sphère publique, les discussions des villageois à ce sujet étant réservées aux cercles plus restreints de l’intime. Si les conflits transcrivent majoritairement des tensions, certaines situations de terrain ont aussi donné à voir des pratiques d’insubordination et de défiance non coordonnées et non planifiées (Scott, 1990). Dans le cas qui nous concerne, le contrôle de la parole en situation autoritaire interroge aussi la pratique discursive, entendue comme un ensemble de règles, de normes et de procédures qui régissent la production de discours dans une société donnée et incluent les conditions sociales, politiques et historiques qui régulent ce qui peut être dit, pensé et considéré comme vrai ou acceptable (Foucault, 1969).
Le sens figuré de la visibilité peut ainsi s’appliquer aux rivalités auxquelles se livrent les groupes dans un monde social donné, mais aussi aux phénomènes qui le traversent. En tant que processus de mise en lumière ou d’occultation de certains enjeux ou acteurs, elle revêt un rôle central dans la délimitation des priorités en matière de conservation (Milian et Rodary, 2010) et dans la gestion des conflits qui en résultent (Thung, 2024). Pour objectiver les injustices directement liées à la conservation de la nature et produire une lecture spatio-temporelle des dominations et des oppressions qui lui sont associées, le concept de « front écologique » (Guyot, 2017, p. 16) est mobilisé pour resituer « le principe que la plupart des appropriations spatiales passées et contemporaines de la nature relèvent de formes de dominations politique, sociale et économique fortement territorialisées ». Le concept entend renseigner, dans une perspective dynamique, l’appropriation matérielle ou idéelle de confins ruraux souvent faiblement peuplés par des « éco-conquérants », souvent écologistes, entrepreneurs ou touristes (Guyot, 2009). Outre l’emprise spatiale des logiques qu’il traduit à l’échelle du district de Hwange, il confirme son traitement par l’État colonial puis indépendant comme un écart à la norme.
Historiciser les injustices en matière de conservation
Cette section revient sur l’historicité des politiques de conservation de la nature dans le district et les représentations dominantes qu’elles ont véhiculées. Inscrire les interactions contemporaines entre humains et non humains dans le temps long permet d’analyser l’attention qui leur est octroyée par des acteurs essentiellement exogènes à la société locale.
Traductions spatiales de conquêtes écologisantes
Pour comprendre les politiques de conservation et les implications spatiales qu’elles ont eu sur le territoire, la délimitation d’un front écologique aide à caractériser les temporalités impériale, géopolitique et globale qui les ont marquées (Guyot, 2009). La première temporalité, dite impériale, a suivi les lignes directrices de la conférence internationale sur la protection de la faune sauvage rassemblant les puissances coloniales d’Afrique subsaharienne à Londres en 1900. À l’échelle du continent, la temporalité suivante, géopolitique, se déploie avec la Convention internationale pour la protection de la faune et de la flore d’Afrique tenue à Londres en 1933 et initie la création d’un réseau d’aires protégées sur le continent (Guyot, 2017). Cette convention ouvre la voie à des réflexions sur une restriction stricte des prélèvements et des interventions humaines (Rodary et Castellanet, 2003). Le modèle de parc national, souvent militarisé, sert alors d’instrument pour promouvoir une conservation spatiale et autoritaire. Les orientations de ce temps de la conservation sont soutenues par le développement d’institutions et d’organisations internationales pour la conservation, comme l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN, fondé en 1948). Une dernière temporalité, globale s’est enfin articulée, à partir des années 1960, autour d’un « contre-récit » (Adams et Hulme, 2001). Dans cette dynamique, des initiatives de Community-Based Natural Resource Management (CBNRM) voient le jour simultanément à l’émergence de réflexions cherchant à concilier les objectifs de conservation et de développement, comme les parcs pour la paix[9], suivant une vision qui culmine en 1992 (Belaïdi, 2008). Ses orientations s’accompagnent d’un poids fort de la part d’acteurs internationaux (Diallo, 2022).
En Afrique australe, les espaces protégés sont intimement liés à une transcription spatiale héritée du projet colonial, où la construction sociale de l’idée de « nature » a servi à légitimer des pratiques de mise en ordre et de rationalisation des territoires (Giraut et al., 2004). L’analyse diachronique restituée ici découle d’un travail de recoupement archivistique et cartographique. En Rhodésie du Sud, qui naît tardivement, en 1890, sous l’administration de la British South Africa Company (BSAC), les premières décennies ne témoignent pas d’un intérêt particulier en matière de conservation de la nature et il faut attendre 1928 pour que la première réserve de chasse de Rhodésie du Sud, celle de Wankie, soit circonscrite (carte 1). Le district de Wankie concentre une vaste portion de terres « inaliénées » (ou « terres de la couronne ») de la colonie, considérées comme infestées par la mouche tsé-tsé et, par conséquent, impropres à l’élevage du bétail (Andersson et Cumming, 2013). La création de la Wankie Game Reserve s’accompagne d’évictions violentes, les populations présentes étant contraintes de s’établir à l’extérieur (Ncube, 2004). En Rhodésie du Sud, la Game and Fish Preservation Act est modifiée en 1938 pour tenir compte des dispositions de la convention de 1933, comme l’inclusion d’espèces protégées dans les annexes de la loi ou encore les dispositions sur le commerce des trophées et des produits de la faune et de la flore sauvages) (Cumming, 1983). Les parcs nationaux ne sont intégrés dans la législation qu’en 1949 avec la promulgation du National Parks Act en dépit du mouvement national de la Wildlife Protection Society of Southern Rhodesia qui milite en faveur de la protection de la faune à partir de 1920 (Rodary, 2001).
Carte 1
Le front écologique dans l’actuel district de Hwange : de l’ouverture à l’expansion
L’identification des différentes générations de front écologique dans le district démontre la prégnance spatiale du processus de conquête mené par l’État colonial puis indépendant dans le cadre des politiques de conservation de la nature.
Le passage d’une conservation à dominante « ressourciste » (création de réserves de chasse) à une conservation d’inspiration préservationniste (création d’enclaves de nature articulées autour de considérations écologiques) marque davantage un changement sémantique qu’une véritable rupture (Rodary, 2001). La Wildlife Conservation Act de 1960 introduit ainsi de nouveaux statuts de terres parallèles à celui des parcs nationaux et des réserves de chasse : les réserves de chasse privées (private game reserves en anglais), les réserves non cynégétiques (non-hunting reserves en anglais) et les zones de chasse contrôlées (controlled hunting areas en anglais), actuelles aires de safari (Bond et Cumming, 2006). Lorsque la Wankie Game Reserve devient un parc national en 1948, d’autres terres assurent donc la conduite de la chasse au trophée par la classe aristocratique coloniale. Dans le district, plusieurs espaces sont mis en protection en tant que forêt dont celle de Sikumi, en 1968, et la zone agricole européenne au nord du parc devient l’aire de safari de Matetsi en 1975. La temporalité globale du front écologique dans le district s’exprime à partir des années 1980, en priorité sur les zones communales. CAMPFIRE est alors formulé par le gouvernement indépendant[10] dans une tentative de répondre aux problèmes sociaux, économiques et environnementaux associés à la sortie du régime d’apartheid (Cheater, 1995, p. 205). Dans ce contexte, le programme propose un dispositif légal analogue à celui dont bénéficient les propriétaires terriens blancs qui ont le droit de chasser du gibier sur leurs terres depuis la Wildlife Conservation Act de 1960 mais aussi de l’utiliser et la commercialiser depuis le Parks and Wildlife Act de 1975. Financé par l’United States Agency for International Development (USAID) de 1989 à 2003, CAMPFIRE ouvre la voie à la présence d’organisations et de bailleurs de fonds internationaux, dont la Banque mondiale et l’Union Européenne.
Représentations et imaginaires territoriaux d’une marge
Pour poursuivre la réflexion, il est proposé de caractériser les représentations et imaginaires qui ont dominé cette marge du territoire national, largement mobilisés pour assoir son contrôle par l’État, colonial puis indépendant. À l’échelle de l’Afrique, les représentations d’un « Éden terrestre romancé de la nature sauvage » (Neumann, 1998, p. 31), auxquelles l’entreprise coloniale a eu recours par l’image de terres vacantes, ont légitimé l’occupation d’une importante partie du continent par les puissances européennes (Grove, 1995). Dans le processus de création de la réserve de chasse de Wankie, en 1928, la rhétorique de l’« inconnu » portée par les chasseurs et les représentants de l’État rhodésien sert ce même projet (Southern Rhodesia, 1926, p. 11). Un député écossais soumet l’idée à l’Assemblée nationale, relevant que les chutes Victoria, les ruines du Zimbabwe et la grande faune constituent « l’un des plus grands atouts de la Rhodésie », pouvant « attirer des millions de touristes » (Bromwich, 2014, p. 8). La méconnaissance qu’ont les autorités coloniales du district tient aux récits qu’en ont rapporté les explorateurs, les chasseurs et les missionnaires européens, davantage focalisés sur la description des chutes Victoria (McGregor, 2003) et l’attention prêtée à la faune sauvage que sur les sites de pierre sèche du parc et les sociétés qui les ont construits (Haynes, s.d.). Responsable de l’incendie des maisons de la réserve, son premier garde-chasse la promeut comme « vaste, sèche, semi-désertique », « sauvage » et « inhabitée » auprès de visiteurs en provenance d’Afrique australe, puis de touristes européens et étatsuniens (Davison, 1967, p. 4).
La caractérisation d’un lieu attribut sur un territoire, définit comme son lieu le plus remarquable (Debarbieux, 1995), permet de distinguer une catégorie de lieux dont la signification est imposée par un cadre exogène, celui des imaginaires et stéréotypes (photographiques, cartographiques, publicitaires) qui la produisent. Dans le district de Hwange, la symbolique et la renommée internationale à l’égard du parc national de Hwange lui octroient ce statut sans conteste. Le parc constitue en effet l’un des espaces protégés les plus réputés d’Afrique et contribue à la popularité touristique du pays. Aux yeux de l’État, il revêt des valeurs économiques (promotion touristique) et politiques (outil symbolique au service de la construction de la nation et contrôle du territoire) majeures. Ces enjeux sont d’autant plus forts qu’ils constituent une manne économique non négligeable. De manière assez classique pour ce qui est des parcs nationaux africains, l’iconographie qui est attachée au parc de Hwange est celle des grands mammifères, et plus spécifiquement des Big Fives (Guyot et Guinard, 2015). En particulier, l’espace protégé est d’abord associé à l’éléphant, dont l’ampleur de la population est un facteur d’attractivité touristique principal. Ces stéréotypes occultent l’histoire du peuplement des villageois rencontrés, qui revendiquent avoir vécu autour de certains vlei, comme celui de Dete (aujourd’hui dans le parc) et expriment le regret de ne plus y pratiquer l’agriculture, y faire pâturer le bétail et l’abreuver aux points d’eau.
Aujourd’hui, l’humain semble, au premier abord, avoir été réintégré à l’histoire du parc national. Dans la présentation officielle du parc de Hwange par la Zimbabwe Parks and Wildlife Management Authority (ZPWMA), il est décrit, en 2018, comme « terrain de chasse royal du roi guerrier Ndebele Mzilikazi au début du XIXème siècle »[11]. Cette requalification post-apartheid dans un « espace-temps africain », comme dans le cas du parc naturel sud-africain de Hluhluwe-Umfolozi (Giraut et al., 2005, p. 695), s’opère par un rapprochement avec un usage précolonial inattendu pour les connaisseurs de la région : cette référence ne figure nulle part dans la littérature (grise et éditée) portant sur l’histoire du district de Hwange. Par cette manipulation, le passé impérial du parc (initialement créé pour maintenir la chasse cynégétique coloniale) est effacé au profit du passé précolonial nambya, d’une part, par la référence au chef « Nhanzwa » et ndebele, d’autre part, avec le renvoi à sa fonction de « terrain de chasse royal ». Pourtant, la récurrence du terme de wilderness dans le plan de gestion actuel du parc national de Hwange (2016-2026) continue à traduire, de fait, une vision « immaculée » ou « vierge » véritablement fictive de la « nature » (ZPWMA, 2015, p. 10). Comme on l’a vu, les espaces étaient anthropisés avant la délimitation de cet espace protégé et ce sont bien les politiques coloniales et post-coloniales de gestion du parc qui ont transformé les dynamiques de son écosystème. En atteste le maintien de points d’eau de surface artificialisés en vue de pérenniser les populations d’éléphants dans le parc en période sèche à partir de 1935 et le programme de régulation de la population d’éléphants du parc par abattage mis en place entre 1965 et 1986.
Les interactions humains-faune, un repositionnement critique
Dans le district de Hwange, les dynamiques contemporaines associées à la conservation confirment un tournant néolibéral (Igoe et Brockington, 2007) au sein duquel le partenariat public-privé émerge comme stratégie privilégiée pour promouvoir la conservation (Hutton et al., 2005). Comme ailleurs sur le continent (Rodary, 2011), les études sur la conservation de la nature se caractérisent par une porosité forte entre monde scientifique et ONG. Le panorama des acteurs présents sur le territoire témoigne de ces imbrications. Il inclut des équipes de recherche aux activités permanentes, comme les activités financées par le Centre Nationale pour la Recherche scientifique (CNRS) ou le Centre de coopération internationale en Recherche agronomique pour le Développement (CIRAD). Outre ces acteurs français, on compte la présence d’organisations comme le Hwange Lion Research Project du Wildlife Conservation Research Unit (WildCRU) de l’Université Oxford et le Painted Dog Research Trust. Leurs activités induisent un important afflux de chercheurs dans la région, principalement des hommes blancs formés en écologie, mais aussi d’étudiants zimbabwéens (University of Zimbabwe, National University of Science and Technology, Chinhoyi University of Technology) et de doctorants sud-africains, à la recherche de débouchés professionnels dans le département des parcs nationaux. La mobilisation à l’égard des conflits se manifeste par des projets de recherche nombreux et, par extension, d’un nombre accru d’enquêtes par questionnaire émises par l’univers académique. On trouve, par ailleurs, des organisations non gouvernementales comme la Conservation and Wildlife Fund (CWF). Depuis 2019, l’arrivée de l’International Fund for Animal Welfare (IFAW) vient remodeler la gestion du parc de Hwange, jusqu’alors aux mains d’un État interventionniste en la matière.
L’appareillage institutionnel dédié aux conflits humain-faune (Kuiper et al., 2022) est un puissant révélateur de l’attention sélective dont ils sont la cible. Cette attention est caractérisée, dans cet article, par l’examen des réunions de concertation. Des moyens importants (réunions, activités, rémunération des représentants étatiques) y sont consacrés[12]. Ma présence à plusieurs des réunions organisées par les représentants de l’État avec les « acteurs » permet de renseigner la place centrale de ces interactions, à l’ordre du jour des agendas politiques du secteur étatique et privé. Ils répondent aux cahiers des charges des bailleurs de fonds internationaux. La plupart des présentations sont dédiées aux actions entreprises par les acteurs privés et les associations de conservation en faveur des communautés locales. Il s’agit, par exemple, de montrer comment les programmes menés sur les lions et les lycaons incluent aussi un volet « développement » pour promouvoir l’éducation à l’environnement et la compensation économique dans les zones communales. Il y est également question d’insister sur les projets portés par l’État (département des parcs nationaux et de la Forestry Commission) afin de réduire les « conflits humain-faune » (installations apicoles pour éloigner les éléphants, création de bomas destinés à protéger le bétail des attaques des félins), aidé par le secteur privé (opérateurs de safari, hôtellerie de luxe).
Si l’accent est mis sur la participation conjointe des populations locales à la prise de décision et à l’action, la répartition de la parole traduit, dans les faits, une faible intervention des autorités coutumières, reléguées au rang de spectateurs. Ces réunions répondent en un sens, à l’acception de transcription « publique » formulée par l’anthropologue James Scott (1990) pour décrire des types de discours, gestes et pratiques que les subordonnés adoptent en présence des dominants. Dans ces « concertations », les représentants de la société locale entérinent des décisions conçues à d’autres échelles, ce qui contribue à dépolitiser les problèmes liés à la conservation de la nature et à les vider de leur portée protestataire. Dans le cadre de nouveaux partenariats issus d’une néolibéralisation accrue, les acteurs de la conservation et du développement, qui disposent de moyens sans commune mesure à ceux de l’État, réduisent le faisceau des conflits « vus » à un rapport antagoniste au non humain (Peterson et al., 2010), qui ne tolère aucune alternative. L’inscription de ces questions à l’ordre du jour des réunions de concertation contribuent donc à orienter les politiques publiques à l’œuvre localement.
Par exemple, l’idée de corridor évoquée en introduction de cet article résonne avec le projet de Hwange-Sanyati Biological Corridor (HSBC), débuté en 2015. Ce projet, géré par le World Wildlife Fund for Nature (WWF), s’appuie sur les travaux de recherche qui ont été menés lors du développement du KaZa TFCA (World Bank, 2014). Co-porté par le ministère de l’Environnement, de l’eau et du climat du Zimbabwe, il est financé pour une période de cinq ans par le Fonds pour l’Environnement mondial (FEM), par l’intermédiaire de la Banque mondiale à hauteur de 5,6 millions de dollars américains. Si le projet prévoit la mise en œuvre d’initiatives communautaires, les pratiques des villageois des zones communales sont décrites comme « inappropriées » et « non durables », à l’origine de la déforestation et la dégradation des sols (World Bank, 2014, p. 13). Il poursuit des objectifs d’extension spatiale en plaçant certaines portions des zones communales « sous protection renforcée de la biodiversité », processus de conquête au sein desquels prédominent des représentations écologisantes. Comme ces représentations se destinent aux donateurs, aux gouvernements et au grand public, elles vont de pair avec un afflux de financements. Les acteurs de la sphère conservationniste constituent, dès lors, l’interface entre une société rurale reculée et marginalisée, liée à la globalisation sous le prisme de la conservation, et monopolisent la production d’imaginaires géographiques sur ce territoire.
Les conflits passés sous silence dans le Zimbabwe autoritaire
Dans cette section, il s’agit de donner à voir les conflits passés sous silence et tenter de saisir ce que servent les logiques d’invisibilisation à l’œuvre.
Affects et vécus de l'expérience de l’injustice
Le propos de cette contribution n’est pas de nier la teneur des interactions humain-faune, mais de les repositionner dans leur contexte socio-politique. Pour les qualifier (espèces impliquées, fréquence des situations et intensité des dégâts causés), cette recherche s’est appuyée sur la passation d’entretien et les registres manuscrits du programme des « Problem Animal Control » (PAC) ou contrôle des animaux « problématiques ». Les autorités administratives du Hwange Rural District Council sont, en effet, tenues de consigner les cas de conflit signalés en personne ou par voie téléphonique. Entre janvier 2012 et septembre 2017, neuf espèces non humaines étaient citées comme cause des problèmes : l’éléphant (71 %), le lion (22 %), le crocodile (2 %), l’hippopotame (2 %), le babouin (1 %), le buffle (1 %), la hyène tachetée (1 %), le serpent mamba noir (<1 %) et le potamochère roux (<1 %), sur un décompte de 645 situations répertoriées[13]. La nature des problèmes rapportés se décline selon les mentions suivantes : personne tuée, personne blessée, menace à la vie humaine (ou « écoliers menacés »), bétail tué, bétail attaqué, dégâts aux champs (ou encore « cultures détruites », « champs piétinés », « greniers ciblés »). Sur la période étudiée, cinq décès humains, dont un décès infantile, sont survenus dans les zones communales.
Les politiques d’aménagement du territoire au sein des espaces protégés ont contribué à augmenter la présence des éléphants et des lions sur l’ensemble des terres du district, ce qui génère une pression importante sur les systèmes de subsistance locaux. Les comportements des espèces destructrices et prédatrices perçues comme les plus dangereuses se répercutent sur les mobilités quotidiennes des villageois, qui modifient leurs trajets à pied (évitements d’itinéraires) et l’organisation des activités de subsistance (décalage des horaires de ramassage du bois et de parcours du bétail) : « En ce moment, je ne vais même pas chercher de bois de chauffe dans la forêt. J’ai trop peur. Les éléphants, les lions : ils sont trop nombreux. »[14] (entretien informel avec une villageoise, juin 2019). La peur éprouvée circonscrit la part des mobilités considérée à risque, dans un contexte où les scènes de rencontres avec les troupeaux d’éléphants, de buffles ou d’impalas sur la voirie peuvent avoir lieu chaque jour. Les auto-stoppeurs (nombreux, faute d’une fréquence adaptée des transports en commun) attendent, souvent de longues heures et sur le qui-vive, aux intersections principales de Cross Dete, Cross Mabale et Impofu (carnet de terrain, février 2015 - décembre 2017).
La documentation empirique des pratiques spatiales démontre aussi que les évitements concernent les espaces protégés plus étroitement contrôlés par les agents de l’État, comme les forêts domaniales. Les femmes disposent d’un droit d’accès, négocié avec la Forestry Commission de Sikumi dans les années 1990, à la forêt sur les trois premiers kilomètres depuis la lisière. Elles s’y rendent, chaque jeudi, pour y ramasser du bois mort au sol, d’espèces comme l’igonde/Ndebele (Brachystegia spiciformis) ou l’itshabela/Ndebele (Brachystegia boehmii), abattu par le vent ou les éléphants. Le travail des femmes atteste de leur expertise et de la charge physique que représentent l’approvisionnement du foyer familial en bois de chauffe, indispensable à la cuisson des aliments, les villages étant dépourvus d’électricité (carnet de terrain, juin 2019). Pour elles, la forêt n’est pas un endroit où elles se sentent en sécurité aussi du fait des pratiques de « shoot-to-kill », ou de « tir à vue » en français (Duffy, 2000). Le droit qu’ont les gardes forestiers de tirer sans sommation préalable sur des personnes suspectées de braconner ne constitue pas un motif de poursuite en justice et elle a des conséquences sur les riverains, ou les personnes amenées à chasser pour leur subsistance, tués par « accident » (Mushonga, 2018).
Les exercices de cartographie collective ont servi à connecter certains espaces à des émotions comme la colère, la nostalgie ou la peur[15]. Les ateliers dans les ward 15 et 16 ont permis d’associer les espaces sacrés à des lieux suscitant de la peur, de la crainte ou encore du respect comme les collines et montagnes de Ndajila, Silewu et Ndangababi. Dans le ward 16, les couleurs symbolisant la peur et la crainte ont été utilisé pour dessiner la route bitumée pour le passage des voitures, de la ligne à haute tension, des cliniques (en référence à la mort), mais aussi des lieux de sépultures (habités des esprits des ancêtres). Les représentations à l’égard du parc national de Hwange sont assez évocatrices. Sur les quatre cartes réalisées dans le ward 16, le parc a été associé à deux reprises à un espace de la peur notamment du fait du contrôle opéré sur cet espace protégé par les autorités administrant les parcs (ZPWMA). Sur une troisième carte, les couleurs utilisées pour représenter le parc sont le rouge pour la peur et le vert pour le manque. Lors de la restitution de la carte, le conseiller municipal, présent au cours de l’atelier du ward 16, avait soulevé le paradoxe suivant. Le parc national, au lieu d’être un espace de fierté pour les villageois, s’avérait être un espace craint, interdit ou dangereux, mais aussi un espace lié au manque : « Alors que c’est du parc que nous venons, comment se fait-il que la plupart d’entre nous ici présent, n’ayons jamais eu la permission de le visiter, de voir sa faune sauvage ? » (cartographie collective à l’école de Ndangababi, mai 2019). Sur la quatrième carte, le parc en tant que tel n’a pas été désigné comme un espace de la peur, mais comme abritant des espèces à l’origine de la peur, comme les lions, les éléphants et les hyènes.
Les terres perdues, objets des conflits tus
Le jeu de données de cette recherche donne à voir des tensions latentes à l’égard de difficultés d’accès au foncier et des disputes territoriales en lien avec l’histoire des dépossessions matérielles et symboliques. Les antagonismes les plus documentés s’articulent autour de deux types d’objets principaux (carte 2). D’une part, ils concernent des ressources qui peuvent être pastorales (pâturages et points d’abreuvement), agricoles (terres arables) ou encore forestières (bois et fruits des arbres). D’autre part, ils impliquent des lieux sacrés. Si les interactions avec la faune sauvage polarisent les débats (voir section précédente), les matériaux révèlent comment ces mêmes lieux sont convoités (disputes, revendications, conflits d’usage) par différents groupes internes à la société (sociolinguistiques, claniques, lignagers, « habitants des terres communales »). La distinction entre ces deux types d’objets est souvent perméable, la revendication des sites sacrés permettant de légitimer, puis négocier, des droits sur les ressources qui les jouxtent (Dervieux, 2019). Ce premier constat est un indicateur des tensions contemporaines autour de la subsistance et du caractère symbolique des terres dans le district de Hwange.
Carte 2
Revendications hétérogènes à l’égard des terres et des sites sacrés
Parallèlement aux « conflits humain-faune » sur lesquels l’attention sociale s’organise, des revendications et des conflits (dont les formes varient de la tension latente au conflit ouvert) sont formulés à l’égard des portions du territoire desquels les villageois ont été expulsés aux périodes de création des espaces protégés et des fermes coloniales.
Abondants, les conflits qui valent le moins d’être vus ciblent les lieux de vie desquels les habitants ont été expulsés pendant la colonisation. Un autre niveau de lecture des conflits invite donc à sonder les catégories foncières impliquées. Sans surprise, les statuts de terre mis en défens sont les plus polémiques. Ils suscitent des conflits nombreux, divers en termes d’objets et aux degrés d’intensité variables. Les sites sacrés composent des espaces regrettés qui alimentent les aspirations individuelles et collectives. C’est notamment le cas des ruines de Bumbusi situées dans le parc de Hwange, revendiquées par les autorités coutumières pour la pratique de rituels d’appel à la pluie. En second lieu, des rivalités internes à la société locale et aux découpages administratifs hérités de la colonisation opposent différentes strates du pouvoir traditionnel, ce dont atteste la mainmise de l’un des clans Nambya sur l’accès au site de Shangano. Ancrés dans des considérations concernant l’histoire précoloniale et soumis à des enjeux renouvelés, ces conflits prennent l’aspect de divergences d’opinions et de disputes entre autorités coutumières et religieuses. À titre d’exemple, les recompositions sociopolitiques autour des vestiges archéologiques mettent au jour des modalités d’appropriation évolutives par des collectifs fédérés selon le groupe d’appartenance sociolinguistique (Leya, Nambya, Dombe et San) ou encore clanique (clans Nambya Hwange, Nekatambe et Chilanga). La mobilisation du registre identitaire dans la formulation des conflits a la particularité de prendre des formes non confrontantes mais qui sont toutefois récurrentes et significatives. Elles trouvent leur origine dans le partage d’un vécu de marginalisation par ces groupes qui estiment chacun, à des degrés variables, avoir subi un double impérialisme culturel, celui imposé par la colonisation puis par les Ndebele et les Shona (Dervieux, à paraître).
Des revendications se rapportent enfin aux sites sacrés du foncier étatique ou privé non communal et aux pâturages attenants, comme c’est le cas de la source de Tshongwena, située sur des terres de réinstallation[16]. Elles impliquent des entités étatiques et privées considérées comme exogènes à la société locale[17], tels que les agents du département des parcs et de la Forestry Commission qui pilotent les espaces protégés ou encore des propriétaires de terres de réinstallation, majoritairement citadins et absentéistes. Les contestations ne sont pas que discursives et prennent aussi des dimensions matérielles. Le conflit qui compte parmi les conflits les moins « vus » socialement ou, plus exactement, ceux qui sont les plus « tus », concerne une parcelle qui s’étend sur 100 hectares de propriété privée. Sa chronologie a d’ores et déjà été détaillée par ailleurs (Dervieux, 2022). Ce qui est intéressant dans ce conflit c’est que les personnes concernées par cette interpellation voyaient en l’occupation un retour légitime sur des terres habitées avant la période coloniale. Les enquêtes informent que certaines, ou leurs parents, avaient effectivement été déplacées dans les actuelles zones communales à partir des années 1920 (création des fermes coloniales et des espaces protégés). Le conflit social n’a pas initialement constitué une défiance majeure concernant la propriété de la parcelle. C’est davantage à mesure de l’évolution du conflit et de sa judiciarisation que le fait d’occuper la parcelle s’est mû en insubordination.
Des violences directes, structurelles et culturelles
Les vestiges des maisonnées sont les témoins d’une violence directe (Galtung, 1969) exercée par les forces de l’ordre, qui ont contraint les habitants à évacuer les lieux et à démolir leurs maisons de chaume de leurs propres mains pour les dissuader de revenir. Cette occupation, la plus visible des conflits documentés sur le plan perceptif, fait l’objet d’un déni d’attention paradoxal qui renvoie à la façon dont les espaces vécus sont conditionnés par les expressions quotidiennes d’un autoritarisme situé. Elle permet de considérer d’autres types de violences, celles qui relèvent de formes structurelles et culturelles. Dans le premier cas, la légitimation de l’éviction des populations par le discours de conservation environnementale et patrimoniale constitue une violence culturelle. En invisibilisant l’historicité des rapports au territoire et en imposant un récit étatique dominant, cette violence continue des inégalités foncières héritées de la colonisation. La rémanence des conflits à l’égard des espaces protégés est exacerbée par les écarts entre intentions de gestion et pratiques effectives. L’objectif qui stipule, dans le plan de gestion du parc de Hwange pour la période 2016-2026, que « les sites culturels et archéologiques seront documentés, protégés et leur accès [...] autorisé » (ZPWMA, 2015, p. v) est loin d’être honoré, ce qui durcit le dialogue entre les villageois, les pouvoirs traditionnels et les représentants de l’espace protégé, hermétiques à leur rapport aux ruines et aux anciens villages. La grammaire des rivalités associée à la protection du patrimoine archéologique dépend d’une non-reconnaissance par l’État, qui relève de la stratégie. Elle repositionne effectivement le problème foncier sur un territoire profondément marqué par le champ de la conservation de la nature dans un contexte où il a été au cœur de la guerre de libération amorcée par les mobilisations nationalistes et qu’il demeure hautement polémique dans le Zimbabwe postcolonial.
Dans le second cas, il s’agit de souligner combien l’exclusion des populations locales de la gestion des terres, notamment par l’accaparement des ressources naturelles et la non-prise en compte de leur lien aux anciens villages, renforce leur marginalisation socio-économique. L’échec de la dévolution, qui aurait pu transférer davantage de droits et de responsabilités aux usagers locaux, a induit un renforcement du contrôle des villages et des wards par l’État, niveaux où ont été mis en place les comités de gestion CAMPFIRE. Outre l’incapacité du programme à enrayer la paupérisation des habitants des zones communales du pays (Murombedzi, 1999), la participation semble s’être transformée en une injonction de l’État à ce que les villageois revêtent la posture de « sujets environnementaux » (Agrawal, 2005), en les appelant à se charger de l’intendance des ressources naturelles et de la dénonciation de pratiques jugées criminelles comme la cueillette de fruits, la coupe de bois et le braconnage de petit gibier pour l’autoconsommation. Les discours du représentant du département de l’environnement à l’échelle du district décrit d’ailleurs les comités environnementaux, destinés à remplacer les comités CAMPFIRE, comme outil de surveillance et de supervision des zones communales : « Nous n’avons personne sur le terrain. Localement, le personnel qui se trouve au niveau des wards ou des villages est celui que nous avons formé pour les comités. Ces comités sont nos yeux. »[18] (entretien avec un représentant de l’EMA, juin 2018).
Conclusion
L’analyse des degrés de visibilité sociale dont les conflits font l’objet révèle que les « conflits » humain-faune, qui imprègnent le quotidien des villageois, sont les plus « vus » socialement. Les processus sous-jacents aux interactions contemporaines entre humains et non humains ne sont pas discutés en tant que constructions socio-politiques et historiques, comme ils peuvent l’être ailleurs dans le pays (McGregor, 2005). L’analyse des situations ordinaires et des tensions latentes dans les zones communales renseigne une hiérarchie du « vu » et du « non vu » au caractère instable. L’histoire du district de Hwange et sa configuration sociale et politico-administrative actuelle favorisent la production de conflits protéiformes, plus ou moins visibilisés. Elle instruit ainsi des fragmentations renouvelées de la société autour d’enjeux contemporains. Les conflits prennent corps autour de ressources dont la fonction est plus ou moins centrale pour la subsistance ou qui relèvent d’une fonction sociale et symbolique forte, à savoir l’accès à des lieux ou à des espaces spoliés par l’État et assurant le maintien de certaines pratiques culturelles, tels que les rituels d’appel à la pluie.
Dans le district de Hwange, les espaces protégés continuent à promouvoir des mesures basées sur l’interdit et l’exclusion (paupérisation, expropriations, déni de la propriété coutumière et des droits traditionnels sur la terre). Le deuxième résultat majeur de cette analyse réside dans le constat que les situations les plus visibilisées sur le plan social sont aussi celles qu’ils sont les mieux contrôlées par les intermédiaires de l’État et ses instances. Les conflits humain-faune en sont l’exemple le plus criant. Malgré le contexte de répression des revendications, des formes de conflits plus latentes existent. Les préoccupations politiques s’expriment par d’autres biais, comme le référentiel identitaire ou les arènes d’expression non soumis au contrôle étatique. En ce sens, les injustices associées à la question foncière dans le nord-ouest du Zimbabwe ne sont pas seulement subies par les individus et les groupes sociaux, qui s’organisent collectivement pour émettre des résistances à l’échelle microlocale. Si ce cas d’étude ne porte pas sur l’Afrique francophone, il offre un cadre d’investigation aux dimensions moins caricaturales que d’autres (« succès » de la conservation, expérimentation d’un modèle de gestion communautaire inédit) et met au jour un cadre d’investigation utile pour mieux cerner les enjeux associés aux espaces protégés (néolibéralisme, autoritarisme, militarisation verte).
Appendices
Remerciements
L’auteure remercie les participants qui ont pris part à l’enquête et les relecteurs anonymes de cet article, soutenu par des financements reçus de la Fondation des Treilles, de la Maison des Sciences de l’Homme et de l’Institut de Recherche pour le Développement. Les opinions exprimées dans ce document n’engagent en aucun cas celles des organisations de financement et de rattachement.
Notes
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[1]
Le projet de barrage de Gwayi-Shangani, intégré au National Matabeleland Zambezi Water Project (NMZWP), comprend la création d’une centrale hydroélectrique de 10 mégawatts et d’un lac, d’une capacité de 650 millions de mètres cubes d’eau.
-
[2]
Leurs productions témoignent d’un intérêt prépondérant accordé à la biodiversité du parc et de sa région. Les deux thèses doctorales (Guerbois, 2012 ; Perrotton, 2015) qui tiennent compte d’enjeux sociaux ne considèrent pas le problème de la conflictualité frontalement et hors de ce cadre.
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[3]
Les zones communales ont été initialement créées au titre de Native Reserve (1894-1965) puis de Tribal Trust Land (1965-1890). Elles formaient, sous la domination rhodésienne, des isolats de populations africaines noires séparées de leurs moyens de subsistance, dont la principale source protéinique de leur alimentation, le gibier, et contraintes de se prolétariser au profit du système colonial.
-
[4]
La Zone-Atelier (ZA) Hwange, labellisée par le CNRS depuis 2010, est issue d’un programme de recherche entrepris en 1999, sous le nom de Hwange Environmental Research Development (HERD). Ce type de dispositif, avec seulement deux stations hors de France, a pour vocation à étudier les interactions dites hommes-milieux au sein de systèmes soumis à des changements globaux.
-
[5]
Comme les expériences ultérieures l’ont montré, ces périodes étaient associées à une montée des violences et le gouvernement se prémunissait de la présence d’étrangers sur le territoire pouvant témoigner de certaines dérives.
-
[6]
Dans le district, c’est le cas des politiques liées au foncier et à CAMPFIRE, certains responsables du programme de gestion ayant été emprisonnés après avoir été accusés de malversations.
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[7]
Les données présentées dans l’introduction ont été collectées lors d’un retour sur le terrain en novembre 2023, prévu pour restituer des résultats et des ressources issues de la recherche (cartes historiques et toponymiques, diagrammes de parenté, fascicules d’excursions).
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[8]
Trois sites principaux ont servi à récupérer ces cartes dont celles de l’European Soil DAta Centre (ESDAC), disponibles en ligne depuis 2015, celles des collections digitales de la bibliothèque de l’Université de Cape Town et, enfin, le site internet de Colin Weyer (www.rhodesia.me.uk), qu’il promeut comme une archive de l’histoire de la Rhodésie, a permis d’accéder à des cartes éditées par le Surveyor General’s Office (SGO) de Rhodésie (Salisbury).
-
[9]
Malgré leurs objectifs, il a été démontré que les macro-entités de conservation de type parcs pour la paix continuent des processus de marginalisation des populations locales vivant en leur sein (Spenceley et Schoon, 2007) comme dans le Great Limpopo Transfrontier Park et la Kavango-Zambezi Transfrontier Conservation Area. Cette dernière aire de conservation se limite, dans les faits, à accroître l’attractivité touristique de la région dans une optique de développement socio-économique largement tributaire de la logique capitaliste (Belaïdi, 2016).
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[10]
Les objectifs de décentralisation s’insèrent ainsi dans une « volonté politique nationale affichée de renouveau des zones rurales noires » et de la nécessité concomitante de démanteler une ségrégation raciale institutionnelle (Rodary, 2001, p. 181).
-
[11]
Citation figurant sur le site internet du ZPWMA avant sa rénovation récente.
-
[12]
À cet égard, un représentant de l’État perçoit 120 dollars pour assister à une réunion, le revenu mensuel moyen par habitant, s’élevant à 100 dollars.
-
[13]
Ces données quantitatives ont été obtenues auprès du Rural District Council (RDC) de Hwange, notamment le registre des Problem Animal Report (CAMPFIRE) dans le district, qui permettent d’identifier les wards et les villages où les interventions de CAMPFIRE sont les plus sollicitées.
-
[14]
Citation originale : « These days, I don’t even look for firewood in the forest. I’m just too scared: elephants, lions, they are too many ».
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[15]
Il a été demandé aux personnes présentes de cartographier les espaces qui étaient importants à leurs yeux, ceux qui leur évoquaient le manque et ceux qui suscitaient de la peur.
-
[16]
Les terres de réinstallation A2 ont été introduites par la « réforme accélérée » de 2000 (Compagnon, 2011). Anciennes fermes coloniales détenues par des propriétaires blancs, elles sont passées aux mains d’une bourgeoisie d’État, en particulier des proches du parti au pouvoir.
-
[17]
Cette distinction recoupe des exceptions, l’un des chefs coutumiers étant, par exemple, propriétaire d’une ferme de réinstallation A2 et les représentants des autorités administratives de l’État rencontrées (des councillors, principalement) pouvant aussi s’identifiant comme « habitants » des zones communales pour se positionner socialement.
-
[18]
Citation originale : « We have no people on the ground. Locally, personal at ward or village levels are the ones we have trained for the committees. These committees are our eyes. ».
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List of figures
Carte 1
Le front écologique dans l’actuel district de Hwange : de l’ouverture à l’expansion
L’identification des différentes générations de front écologique dans le district démontre la prégnance spatiale du processus de conquête mené par l’État colonial puis indépendant dans le cadre des politiques de conservation de la nature.
Carte 2
Revendications hétérogènes à l’égard des terres et des sites sacrés
Parallèlement aux « conflits humain-faune » sur lesquels l’attention sociale s’organise, des revendications et des conflits (dont les formes varient de la tension latente au conflit ouvert) sont formulés à l’égard des portions du territoire desquels les villageois ont été expulsés aux périodes de création des espaces protégés et des fermes coloniales.