Abstracts
Résumé
La conception de la nature au coeur du mouvement de justice environnementale et des courants théoriques se réclamant de celle-ci a été très peu étudiée et mise en lumière dans la littérature académique sur la justice environnementale. Pourtant, les théoricien.nes critiques de la pensée décoloniale, de l’écoféminisme et du poststructuralisme ont largement démontré que la représentation ou la façon de définir la nature n’est pas anodine et innocente, mais participe le plus souvent à renforcer des rapports de pouvoir déjà à l’oeuvre. Dans cet article, je propose d’abord de resituer le mouvement pour la justice environnementale dans son histoire militante. Ensuite, je propose d’examiner deux formulations de justice environnementale, l’une provenant de l’économie écologique (Hornborg, 2001; Martinez-Alier, 2014) et l’autre de la socioécologie (Larrère, 2017; Scholsberg, 2004, 2013) afin de ressortir la définition qu’elles proposent de la nature. La confrontation du corpus de littérature étudié au cadre théorique expose que les théoriciens (Hornborg et Martinez-Alier) de l’approche de l’économie écologique, qui nécessite une uniformisation du langage des luttes, mobilisent une conception occidentalocentrée et moderne de la nature et ce faisant, échoue à se soustraire de la logique coloniale qu’ils critiquent.
Mots-clés :
- Nature,
- conceptualisation,
- justice environnementale,
- pensée décoloniale,
- écoféminisme
Abstract
Despite the abundance of environmental justice literature, there are few articles examining the conceptualization of nature within it. Yet critical theorists of decolonial thought, ecofeminism and poststructuralism have shown that the representation of nature is not innocent and often participates in reinforcing power relations already at work. In this article, I propose to question the conceptualization of nature as a place of power relation and as a historically and socially constructed notion. As a first step, this article presents an historical reminder of the emergence of the notion of environmental justice alongside the civil rights movement in the United States. Next, I propose to examine the conceptualization of nature within the two major approaches of the environmental justice literature (ecological economics and socioecology) to see if they participate in the imposition of a Western-centered definition. With regard to the theoretical framework, the results of the analysis show that the theoreticians (Hornborg and Martinez-Alier) of the ecological economics approach, which requires a standardization of the language of the struggles, mobilize a western-centered and modern conception of nature and by doing so, fails to escape the colonial logic they criticize.
Keywords:
- Nature,
- conceptualization,
- environmental justice,
- decolonial thinking,
- ecofeminism
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Appendices
Remerciements
Je tiens à remercier mes deux directrices Leila Celis et Naïma Hamrouni pour leur soutien. Je souhaite aussi remercier Camille Ranger, collègue et amie, qui m’a fait voir la pertinence du courant de la pensée décoloniale. Enfin, je souhaite remercier la Fondation de la faculté des Sciences humaines de l’Université du Québec à Montréal ainsi que la Fondation J-A De Sève pour le soutien financier qui m’a permis de mener à bien ce travail de recherche.
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