Abstracts
Résumé
L’objectif est ici de montrer par une approche philosophique en quoi l’art écologique contribue à requalifier les temporalités environnementales. L’argument de base est qu’on ne peut séparer le fondement philosophique des problèmes de ce qui fait la véritable nature du temps, la « Durée » définie par Bergson comme une pure intensité à l’origine de toutes les différences de nature. L’urgence environnementale rend possible une critique du temps conçu comme dimension spatiale, un temps qui est intrinsèquement non durable. En favorisant une nouvelle proximité entre l’art et la science, les pratiques d’art écologique créent une mise en tension sensible de cette critique sous forme d’hétérochronies – des temps « autres ». L’analyse d’un ensemble d’exemples conduit à identifier trois registres d’expression esthétique : i) esthétique de l’éphémère, du cyclique et de l’archaïque ; ii) esthétique de l’inachevé, de l’évolutif et de l’enchevêtré ; iii) esthétique de l’immobile, du dématérialisé et du futur à venir. Les énoncés reliés à ces différents registres esthétiques sont inventoriés dans un cas d’école, l’exposition-laboratoire « Le vivant et son énergie » mise en oeuvre à l’Inra de Versailles en 2013. Cette expérimentation montre l’intérêt de créer de nouvelles situations de recherche par rapprochement de l’induction artistique, de la réflexion scientifique et d’une philosophie engagée dans l’action. L’enjeu de telles pratiques est d’évaluer les mutations du rapport au temps en train de s’opérer, leur expression dans une nouvelle esthétique de la Durée, et leur capacité à soutenir une éthique du soin par des rapports d’intensité.
Mots-clés :
- art ecologique,
- difference positive,
- duree,
- esthetique temporelle,
- experimentation art-scientifique,
- éthique environnementale,
- heterochronie,
- problematisation philosophique,
- vivant
Abstract
The objective here is to show by a philosophical approach how ecological art contributes to re-qualify environmental times. The basic argument is that one cannot separate the philosophical foundation of problems and the true nature of time, the “Duration” defined by Bergson as a pure intensity underlying all differences in nature. Environmental emergency allows the criticism of time conceived as a spatial dimension, a time that is intrinsically non sustainable. By encouraging a new proximity between art and science, ecological art practices create sensitive tensioning of this criticism in the form of heterochronies – « other » times. The analysis of a number of examples leads to identify three modes of aesthetic expression : i) aesthetics of the ephemeral, cyclic and archaic ; ii) aesthetics of the ongoing, evolving and entangled ; iii) aesthetics of the still, dematerialized and upcoming. The wordings of these different aesthetic modes are identified in a case study, the exhibition-laboratory « The living and its energy » conducted at Inra in Versailles in 2013. This experiment shows the relevance of creating new research situations by forging closer ties between artistic induction, scientific reflection and a philosophy engaged in action. The aim of such practices is to address current mutations of relation to time, their expression in a new aesthetics of Duration and their capacity to sustain an ethics of care by intensity relations.
Keywords:
- ecological art,
- positive difference,
- duration,
- time aesthetics,
- art-scientific experimentation,
- environmental ethics,
- heterochrony,
- philosophical problematization,
- living things
Appendices
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