Abstracts
Résumé
En engageant une discussion entre la littérature et des cas concrets, cet article a pour objet de s’interroger sur la manière dont la sociologie s’approprie la problématique de l’environnement dans une période où les demandes sociales en matière d’expertise, de formulation de normes et d’interdisciplinarité n’ont jamais été aussi fortes. De telles attentes se précisent dans le contexte des controverses environnementales. En prenant ainsi part à la constitution des « sciences de l’environnement », la sociologie est prise dans un spectre entre expertise et engagement. Les différentes expériences professionnelles des deux auteurs sont au coeur de cette réflexion. Tant dans l’enseignement de la sociologie que dans la participation à des projets de recherche impliquant d’autres disciplines scientifiques, l’accès aux connaissances peut être limité par l’impossibilité partielle de mener un protocole scientifique. Faut-il pour autant renoncer au projet de l’interdisciplinarité entre les différents champs scientifiques ? Faut-il mettre de côté l’implication du sociologue dans le projet de la cité, à partir d’une expertise reposant sur la recherche fondamentale ? Dans la troisième partie de cet article, la posture du sociologue engagé – scholarship with commitment (Bourdieu, 2002) sera revisitée à partir de plusieurs terrains de recherche, mais aussi sur la base d’expériences dans des structures professionnelles où le sociologue était invité à proposer des mesures servant de base pour l’action.
Mots-clés :
- sociologie,
- controverses environnementales,
- expertise, interdisciplinarité,
- engagement,
- distanciation
Abstract
Engaging a discussion between literature and case studies, this article aims to wonder how sociology can take ownership of environmental issues, while social demands for expertise, formulation of standards and inter-disciplinarity have never been stronger. Such expectations are even more specific in the context of environmental controversies. Sociology takes part in the constitution of the field of “environmental sciences” and is therefore, anchored between the two postures of expertise and commitment. The professional experiences of the two authors are at the heart of this reflection. Both in the teaching of sociology and in the participation in research projects, involving other scientific disciplines, knowledge production and sharing can be limited by the partial impossibility to lead a scientific protocol. Is it necessary to give up for all that the idea of inter-disciplinarity between various scientific fields? Is it necessary to put aside the implication of the sociologist in concrete projects, based on an expertise founded on a fundamental research? In the third part of this article, the posture of the committed sociologist - scholarship with commitment (Bourdieu, 2002) – will be revisited not only from the analysis of several situations of research, but also from various experiences in professional structures, in which the sociologist was invited to propose measures serving as basis for action.
Keywords:
- sociology,
- environnemental controversies,
- expertise,
- inter-disciplinarity,
- commitment,
- distancing
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Notes biographiques
Anahita Grisoni est chercheur contractuel à l’UMR5600 Environnement, Ville, Société et coordonne l’axe deux « développement durable » du réseau franco-allemand de recherche « Saisir l’Europe – Europa als Herausforderung ».
Sophie Némoz est docteur en sociologie, maître de conférences contractuel au sein de la Chaire internationale sur les éco-innovations et co-responsable du Master 2 international et professionnel en management de l’éco-innovation à l’Université de Versailles Saint-Quentin.
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